7 janvier 2008
Un enterrement de première classe
En politique, le moment où l'on fait une annonce est souvent aussi important que le contenu de l'annonce elle-même. Ainsi, quand le gouvernement Charest a décidé de rendre public un rapport du directeur général des élections sur la réforme du mode de scrutin le vendredi avant Noël, on a su qu'il lui préparait un enterrement de première classe.
Pour tout vous dire, le rapport a été rendu public le vendredi à 15 h, au moment où il ne restait plus un député en ville pour le commenter. Ce n'était pas très subtil, mais ce n'était pas conçu pour l'être.
La réalité: c'est qu'après être arrivé au pouvoir avec le ferme propos de procéder à cette réforme dont on parle depuis plus d'un demi-siècle, le gouvernement Charest vient de succomber aux arguments qui ont toujours fini par triompher des bonnes intentions.
Pas de volonté populaire
Le premier facteur, c'est le manque de pression populaire en faveur d'une réforme. Même s'il y a des militants très motivés en faveur d'un nouveau mode de scrutin, le moins qu'on peut dire, c'est qu'on ne se bat pas dans les autobus pour l'obtenir.
Déjà, quand les députés ont discuté d'un projet de mode de scrutin mixte compensatoire, ils n'ont pu faire consensus sur les modalités. Les trois partis représentés à l'Assemblée nationale ont beau être favorables à une réforme du mode de scrutin, il y a loin des principes à la pratique.
Mais, surtout, à Québec, on a pris bonne note des tentatives – bien plus avancées que la nôtre – d'établir une forme de scrutin proportionnel en Colombie-Britannique et en Ontario. Dans les deux provinces, les citoyens ont rejeté la réforme par référendum, montrant bien qu'il n'y a pas de véritable volonté populaire de changer le système.
Si les citoyens ne demandent pas de réforme de leurs institutions politiques et s'ils semblent plutôt contents de la situation actuelle, pourquoi leur forcer la main, semble-t-on penser à Québec?
L'iceberg de la partisanerie
Par ailleurs, toutes les bonnes intentions de réforme du mode de scrutin se sont toujours fracassées sur l'iceberg de la partisanerie. Les députés du parti au pouvoir ont toujours refusé de changer un système qui leur a donné la victoire.
Dans la situation actuelle, avec trois partis reconnus à l'Assemblée nationale, notre système électoral est nettement à l'avantage des libéraux.
À cause de la concentration de leur vote dans certaines régions (Montréal et l'Outaouais, notamment), les libéraux sont pratiquement assurés d'une trentaine de sièges à l'Assemblée nationale, avant même le début de la campagne électorale.
Dans les circonstances, il n'est pas trop difficile d'obtenir au moins une pluralité de sièges, à défaut d'un gouvernement majoritaire.
Autre raison de donner un enterrement de première classe au rapport du DGEQ: les élections à date fixe. Voici une réforme modeste, mais qu'il serait possible de réaliser rapidement, tous les partis étant, en théorie, d'accord avec l'idée.
Mais le gouvernement libéral voit bien les inconvénients que cette réforme démocratique cause à Stephen Harper à Ottawa. Cet automne, quand il voulait tenir des élections pour profiter de la faiblesse des partis d'opposition, le gouvernement Harper avait les mains liées par une loi sur les élections à date fixe.
Pour un premier ministre, c'est un pouvoir énorme qui lui donne un avantage partisan indéniable. Alors, dans un contexte politique où tous les petits avantages peuvent compter, pourquoi se lier les mains avec des élections à date fixe?
Bref, la réforme du mode de scrutin au Québec n'est pas pour demain. Encore une fois.