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Sérieux comme un jeu d'enfant

Leonard Cohen présente 55 oeuvres d'art à Montréal

It Was the Hat, autoportrait à l’encre sur papier d’arches, l’une des œuvres que Leonard Cohen expose à Montréal.
Photo : Leonard Cohen
It Was the Hat, autoportrait à l’encre sur papier d’arches, l’une des œuvres que Leonard Cohen expose à Montréal.
Il griffonne depuis toujours, chaque matin, en marge du calepin où il écrit ses poèmes. Il le fait, dit-il, aussi sérieusement qu'un enfant qui joue. Le grand poète et chanteur Leonard Cohen présente pour la première fois à Montréal l'exposition de ses croquis, dessins et peintures, à la galerie Lounge TD, dans le cadre du festival Montréal en lumière, à partir du 18 février.

Natures mortes, nus, autoportraits, les 55 oeuvres présentées sont imprégnées de l'oeuvre de Cohen, contemplatives comme elle, jouant avec l'auto-dérision, dépouillées, humoristiques, lascives. «L'oeuvre de mon père lui ressemble», dit Adam Cohen. La plupart des croquis ont été amorcés en pleine rédaction d'un poème, pour aider l'artiste à demeurer assis et à continuer de noircir du papier.

Il dessine et peint depuis toujours donc, mais ce n'est qu'en 2007 que Leonard Cohen, notamment à l'invitation de la veuve de John Lennon, Yoko Ono, a accepté de présenter ses oeuvres publiquement.

«Depuis 50 ans, mon père est régulièrement invité à présenter publiquement ses oeuvres d'art visuel, dit Adam Cohen, fils du poète, qui représente son père dans le cadre de la présentation de cette exposition. Peut-être que c'est dans un moment de faiblesse, à l'occasion de sa tournée mondiale» qu'il a accepté.

Reste que les 55 oeuvres qui seront présentées à Montréal ont été créées entre 1961 et aujourd'hui. Certaines ont déjà été utilisées sur des pochettes de disques, d'autres avaient été reproduites dans son dernier livre, Book of Longing.

Le conservateur a nommé cette exposition Leonard Cohen Artworks. Cohen écrit pour sa part, avec son habituelle modestie, qu'«un bon titre pour cette exposition serait peut-être Décorations acceptables». «Hâtons-nous de nous mettre en lice, avec ceux des derniers rangs», écrit-il aussi en amorce du catalogue de l'exposition. «Comme le jeu est on ne peut plus sérieux pour les enfants, dessiner est on ne peut plus sérieux pour moi», dit-il encore au sujet de son art. En plus de remercier les personnes qui lui ont servi de modèles, Cohen souligne son amour pour les objets, les bougeoirs, les cendriers, la table elle-même, qui ont inspiré ses natures mortes.

Ordonné moine zen, et recherchant une simplicité monacale, Leonard Cohen voue une affection particulière aux tables et aux chaises. Il dit que c'est le poète québécois Michel Garneau qui lui a transmis cette affection. «Il possède des tables semblables à Hydra, en Grèce, à Los Angeles et à Montréal. Elles sont toutes merveilleusement confortables», raconte Adam Cohen au sujet de son père.

Dans son introduction du catalogue de l'exposition, Robert Enright raconte comment Cohen et son ami Morton Rosengarten s'étaient rendus à l'Armée du Salut, à Montréal, pour meubler leur appartement. «Nous avions trouvé une bonne table et des chaises et les avions ramenées à la maison. Cela emplissait la pièce, c'était magnifique», se souvient Cohen. Enright poursuit en citant la chanson Tonight Will Be Fine, l'une des plus anciennes de Cohen: «I choose the rooms I live in with care / The windows are small and the walls almost bare /There is only one table and only one prayer.»

Montréal qui revient comme une ancre

Des natures mortes, donc, et des nus, plutôt des nues en fait, dans un bain, un lit, à la plage... Et puis Montréal, qui revient toujours, comme un leitmotiv, comme une ancre, dans ses toiles comme dans leurs titres: Femme à Montréal, Visiteuse à Montréal, Parc du Portugal, Première neige, De retour à Montréal. «C'est sa ville natale, c'est la ville qui l'a vu naître», dit son fils Adam, né ici lui aussi. «Il passe énormément de temps à Montréal, où il récupère des rigueurs d'une tournée ou d'un enregistrement. En fait, il est pratiquement retourné vivre là avant sa dernière tournée. Et nous discutons régulièrement de la possibilité de retourner s'installer là-bas», ajoute Adam Cohen. Récemment, Leonard Cohen, qui a 75 ans, a remis une tournée de spectacles qui devait avoir lieu ce printemps en Europe à cause d'une blessure, explique-t-il. Il travaillerait par ailleurs, selon Adam Cohen, à un nouveau disque.

Plusieurs oeuvres exposées évoquent le parc du Portugal, où Cohen habite lorsqu'il est ici, et le rôle que l'artiste lui prête dans la configuration de la ville. L'une d'elles, intitulée Parc du Portugal With Verse, est ainsi annotée: «Between the city of Montreal and la ville de Montréal, there is a little park they call the parc du Portugal».

La sélection de toiles présentées à Montréal compte un bon lot d'autoportraits, une pratique que Leonard Cohen a particulièrement développée récemment, au hasard d'un voyage en Inde, dans un hôtel de Bombay. «Avec un miroir sur mon bureau, j'ai recopié des centaines d'autoportraits», écrit Cohen. Le poète prend d'ailleurs rapidement le dessus sur l'artiste-peintre, et plusieurs autoportraits de Cohen sont accompagnés de petites notes souvent humoristiques. «One of those days when the hat doesn't help», écrit-il sur l'un d'eux, le représentant avec un chapeau sur la tête. Certaines phrases, toutes simples et typiques de Cohen, sont saisissantes de sagesse: «Only one thing made me happy and now it was gone everything made me happy». D'autres commentaires sont plus moroses: «Just one little guy, with a old tweed cap, against the whole stinking universe». Enfin, une toile, intitulée He Was Kind, montre Cohen lisant un poème de Death of a Ladies' Man à l'ancien premier ministre du Canada Pierre Elliot Trudeau...

Plusieurs des dessins et toiles de Cohen sont signés de son sceau personnel. Selon Ryan Nadel, le fils d'Iran Nadel, biographe de Cohen, ce sceau en deux parties représente une étoile de David, où des coeurs auraient remplacé les deux triangles, et une phrase chinoise qui donnerait le nom monastique zen de Cohen: «Silence ordinaire».

«Silence ordinaire... La traduction est un peu boiteuse», commente pour sa part Adam Cohen, avant d'ajouter, avec une dérision digne de son père: «Je crois que mon père préfère qu'on l'appelle Leonard Cohen.»






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  • France Marcotte
    Abonnée
    mercredi 17 février 2010 13h19
    Génie tout simple
    Qui n'a pas autour de lui et dans sa vie des objets qu'il affectionne mais sans trop savoir pourquoi; qui n'a pas griffonné sérieusement en marge d'un cahier? L'artiste est aussi celui qui est assez libre pour donner à ces choses de l'importance sans que cela lui soit dicté par l'air du temps. Il ouvre la possibilité pour d'autres de se percevoir librement.

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