De 1933 à 1939, Charlotte Beradt recueille autour d'elle trois cents rêves d'Allemands. Ce sont, dit-elle, les journaux de nuit, l'atelier psychique du régime nazi, les fictions qu'inventent les petites roues pour se représenter, refuser ou (surtout) accepter leur engrenage dans le grand rouage totalitaire. Rites d'initiation, où les sujets se dégradent eux-mêmes en non-personnes. Pour célébrer le réveil allemand, un chef nazi a proclamé: «La seule personne qui soit encore un individu privé en Allemagne, c'est celui qui dort. Dès son réveil, chacun est un soldat d'Adolf Hitler.» Mais les rêveurs ne s'y trompent pas: plusieurs rêvent qu'il est interdit de rêver, qu'ils sont donc en train de commettre un crime.