Le glas sonne-t-il pour les enquêtes de police sur la police ?
La protectrice du citoyen recommande la création d'un bureau d'enquête indépendant des forces de l'ordre
![Des proches de Fredy Villanueva en deuil en août 2008. La protectrice du citoyen a cité dans son rapport l’exemple de l’enquête policière menée sur le cas de ce jeune homme, abattu par un policier. Des proches de Fredy Villanueva en deuil en août 2008. La protectrice du citoyen a cité dans son rapport l’exemple de l’enquête policière menée sur le cas de ce jeune homme, abattu par un policier.](https://bac-lac.wayback.archive-it.org/web/20100217213517im_/http://www.ledevoir.com/images_galerie/d_45907_59762/des-proches-de-fredy-villanueva-en-deuil.jpg)
Photo : Pedro Ruiz - Le Devoir
Des proches de Fredy Villanueva en deuil en août 2008. La protectrice du citoyen a cité dans son rapport l’exemple de l’enquête policière menée sur le cas de ce jeune homme, abattu par un policier.
La protectrice du citoyen a attaqué hier le peu de crédibilité qu'il restait aux enquêtes de la police sur la police, déjà mises à mal par l'affaire Villanueva, en recommandant la création d'un bureau d'enquête indépendant des forces de l'ordre.
Reprenant à son compte les travaux des commissions Bellemare, Poitras et Corbo, la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, a fait l'inéluctable constat de la faillite du système en place. Les enquêtes des policiers sur leurs pairs manquent à la fois d'encadrement, de transparence et d'indépendance, avec le résultat qu'elles inspirent la méfiance de la population. «Le système actuel ne permet pas de s'assurer de l'impartialité des enquêtes menées sur les policiers impliqués dans des incidents graves», dit Mme Saint-Germain.
«Le statu quo n'est pas acceptable et il n'est ni dans l'intérêt des citoyens, ni dans celui des policiers ou de la saine gouvernance», ajoute-t-elle.
La protectrice du citoyen suggère la création d'un Bureau des enquêtes spéciales, relevant du ministère de la Sécurité publique, pour la police. Ce bureau se chargerait de la totalité des enquêtes dans les situations où un policier tue ou inflige des blessures graves à un citoyen.
Les policiers seraient dépouillés de leur pouvoir dans ce nouvel organisme provincial. Le président et les deux commissaires seraient des civils n'ayant jamais exercé le métier de policier, ni même travaillé pour un service de police. L'équipe d'enquêteurs serait composée d'un mélange de policiers à la retraite et de civils qualifiés. À terme, les civils y seraient majoritaires.
Le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, n'est pas gagné à l'idée de ce «changement de culture et de pratiques», pour reprendre l'expression de la protectrice du citoyen. En point de presse, M. Dupuis a laissé entendre que son ministère réfléchissait à l'opportunité de revoir la politique en place. M. Dupuis, dont la garde rapprochée est composée de retraités de la SQ, a cependant exprimé des réserves sur la formule avancée hier. «Si on devait créer un bureau indépendant pour faire des enquêtes de police, il faudrait engager des ex-policiers pour faire les enquêtes. Donc, on tourne peut-être en rond. Mais on verra», a-t-il dit.
De son côté, le Parti québécois a exhorté le ministre Dupuis à régler le problème de fond des enquêtes des policiers sur leurs pairs une fois pour toutes. «La protectrice du citoyen est très sévère à l'égard de cette politique ministérielle. [...] Pour nous, il est clair qu'elle doit être modifiée», a déclaré Bertrand Saint-Arnaud, critique du PQ en matière de sécurité publique.
Le cas Villanueva
La protectrice du citoyen cite en exemple l'affaire Villanueva dans son rapport. À l'issue de l'enquête de la Sûreté du Québec (SQ), aucune accusation n'a été portée contre le policier montréalais Jean-Loup Lapointe, qui a tué Fredy Villanueva.
Jean-Loup Lapointe et sa partenaire n'ont pas été isolés pendant les premières heures suivant la tragédie. Le premier a mis un mois à rédiger son rapport d'événement et la seconde, une semaine. À l'inverse, les principaux témoins ont été séparés et interrogés le soir même ou le lendemain. Les blessés ont même été rencontrés par les enquêteurs sur leur lit d'hôpital.
«L'affaire Villanueva nous offre une illustration assez significative du problème résultant de la différence de traitement entre les témoins civils et les policiers», affirme le rapport de la protectrice du citoyen.
«Ce traitement différent, qui ne semble pas avoir de justification évidente quant à la bonne conduite de l'enquête, nuit sans raison à la crédibilité des enquêteurs, qui ont pu par ailleurs mener leur enquête en toute bonne foi», ajoute le rapport.
En conférence de presse, Mme Saint-Germain a même affirmé qu'une enquête du coroner aurait pu être évitée, dans l'affaire Villanueva, si le Bureau des enquêtes spéciales avait pris le travail en charge.
Dans le modèle esquissé par la protectrice du citoyen, la création du Bureau vient avec une modification de la Loi sur la police. Dans les incidents avec mort d'homme ou blessures graves, les policiers mis en cause ne pourraient communiquer entre eux, seraient isolés jusqu'à ce qu'ils rencontrent un enquêteur et seraient interrogés en moins de 24 heures.
Dans le système actuel, il n'existe aucune garantie de rigueur ou d'indépendance. À partir du moment où un corps de police doit enquêter sur un autre, il est libre d'adopter la méthode d'enquête qu'il juge appropriée.
Le ministère de la Sécurité publique ne se soucie guère du résultat de ces enquêtes. Il n'en fait pas d'analyse ou de traitement particulier. «Il n'y a pas de mécanisme particulier de surveillance de la qualité de ces enquêtes ou de leur efficience», constate la protectrice du citoyen.
La dernière mise à jour officielle de la politique ministérielle remonte à mars 2003. Des modifications mineures ont été envoyées par communiqué, au fil des ans, à l'exclusivité des chefs de police et des organisations partenaires. En janvier 2009, la politique ministérielle a été rebaptisée «enquête indépendante», tout simplement.
***
Avec La Presse canadienne
Reprenant à son compte les travaux des commissions Bellemare, Poitras et Corbo, la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, a fait l'inéluctable constat de la faillite du système en place. Les enquêtes des policiers sur leurs pairs manquent à la fois d'encadrement, de transparence et d'indépendance, avec le résultat qu'elles inspirent la méfiance de la population. «Le système actuel ne permet pas de s'assurer de l'impartialité des enquêtes menées sur les policiers impliqués dans des incidents graves», dit Mme Saint-Germain.
«Le statu quo n'est pas acceptable et il n'est ni dans l'intérêt des citoyens, ni dans celui des policiers ou de la saine gouvernance», ajoute-t-elle.
La protectrice du citoyen suggère la création d'un Bureau des enquêtes spéciales, relevant du ministère de la Sécurité publique, pour la police. Ce bureau se chargerait de la totalité des enquêtes dans les situations où un policier tue ou inflige des blessures graves à un citoyen.
Les policiers seraient dépouillés de leur pouvoir dans ce nouvel organisme provincial. Le président et les deux commissaires seraient des civils n'ayant jamais exercé le métier de policier, ni même travaillé pour un service de police. L'équipe d'enquêteurs serait composée d'un mélange de policiers à la retraite et de civils qualifiés. À terme, les civils y seraient majoritaires.
Le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, n'est pas gagné à l'idée de ce «changement de culture et de pratiques», pour reprendre l'expression de la protectrice du citoyen. En point de presse, M. Dupuis a laissé entendre que son ministère réfléchissait à l'opportunité de revoir la politique en place. M. Dupuis, dont la garde rapprochée est composée de retraités de la SQ, a cependant exprimé des réserves sur la formule avancée hier. «Si on devait créer un bureau indépendant pour faire des enquêtes de police, il faudrait engager des ex-policiers pour faire les enquêtes. Donc, on tourne peut-être en rond. Mais on verra», a-t-il dit.
De son côté, le Parti québécois a exhorté le ministre Dupuis à régler le problème de fond des enquêtes des policiers sur leurs pairs une fois pour toutes. «La protectrice du citoyen est très sévère à l'égard de cette politique ministérielle. [...] Pour nous, il est clair qu'elle doit être modifiée», a déclaré Bertrand Saint-Arnaud, critique du PQ en matière de sécurité publique.
Le cas Villanueva
La protectrice du citoyen cite en exemple l'affaire Villanueva dans son rapport. À l'issue de l'enquête de la Sûreté du Québec (SQ), aucune accusation n'a été portée contre le policier montréalais Jean-Loup Lapointe, qui a tué Fredy Villanueva.
Jean-Loup Lapointe et sa partenaire n'ont pas été isolés pendant les premières heures suivant la tragédie. Le premier a mis un mois à rédiger son rapport d'événement et la seconde, une semaine. À l'inverse, les principaux témoins ont été séparés et interrogés le soir même ou le lendemain. Les blessés ont même été rencontrés par les enquêteurs sur leur lit d'hôpital.
«L'affaire Villanueva nous offre une illustration assez significative du problème résultant de la différence de traitement entre les témoins civils et les policiers», affirme le rapport de la protectrice du citoyen.
«Ce traitement différent, qui ne semble pas avoir de justification évidente quant à la bonne conduite de l'enquête, nuit sans raison à la crédibilité des enquêteurs, qui ont pu par ailleurs mener leur enquête en toute bonne foi», ajoute le rapport.
En conférence de presse, Mme Saint-Germain a même affirmé qu'une enquête du coroner aurait pu être évitée, dans l'affaire Villanueva, si le Bureau des enquêtes spéciales avait pris le travail en charge.
Dans le modèle esquissé par la protectrice du citoyen, la création du Bureau vient avec une modification de la Loi sur la police. Dans les incidents avec mort d'homme ou blessures graves, les policiers mis en cause ne pourraient communiquer entre eux, seraient isolés jusqu'à ce qu'ils rencontrent un enquêteur et seraient interrogés en moins de 24 heures.
Dans le système actuel, il n'existe aucune garantie de rigueur ou d'indépendance. À partir du moment où un corps de police doit enquêter sur un autre, il est libre d'adopter la méthode d'enquête qu'il juge appropriée.
Le ministère de la Sécurité publique ne se soucie guère du résultat de ces enquêtes. Il n'en fait pas d'analyse ou de traitement particulier. «Il n'y a pas de mécanisme particulier de surveillance de la qualité de ces enquêtes ou de leur efficience», constate la protectrice du citoyen.
La dernière mise à jour officielle de la politique ministérielle remonte à mars 2003. Des modifications mineures ont été envoyées par communiqué, au fil des ans, à l'exclusivité des chefs de police et des organisations partenaires. En janvier 2009, la politique ministérielle a été rebaptisée «enquête indépendante», tout simplement.
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Avec La Presse canadienne
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