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Leçons apprises : Les rappels de l'Agence canadienne d'inspection des aliments lors de l'éclosion de listériose en 2008

Le 17 avril 2009


Avertissement : L'information contenue dans le présent rapport est fournie à titre de conseil et/ou de recommandations et est destinée à l'usage interne de la direction de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). L'information a été recueillie par la Direction générale de la vérification, de l'évaluation et de la surveillance du risque par la voie d'entrevues et d'une analyse documentaire. Les auteurs du présent rapport ne tirent pas de conclusions de fait exhaustives ou définitives sur toutes les activités qui ont conduit à l'éclosion de listériose ni qui ont été prises par divers particuliers ou diverses entités durant cette éclosion. De préférence, les observations qui y sont présentées visent à donner un aperçu général à la haute direction de l'ACIA sur ce qui a bien fonctionné et sur ce qui mériterait d'être amélioré pour mieux préparer l'Agence aux futures éclosions.


TABLE DES MATIÈRES


Résumé

Contexte

L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) procède à des examens opérationnels après des situations d'importance afin de garantir la transparence et d'améliorer les interventions lors de futures urgences. L'objet du présent exercice était de déterminer les leçons tirées des rappels lancés par l'Agence lors de l'éclosion de listériose en 2008.

Le régime canadien de salubrité des aliments repose sur l'interaction des services de médecine, de santé publique et d'inspection des aliments, à l'échelon tant fédéral que provincial/territorial. Les enquêtes sur la salubrité des aliments et les rappels sont les principales activités de l'ACIA lors d'une intervention en raison d'une éclosion de toxi‑infection alimentaire.

Le 6 août 2008, le Toronto Public Health Unit a informé l'ACIA de deux cas de listériose dans un centre de soins infirmiers de Toronto. L'enquête sur la salubrité des aliments, conduite entre le 7 et le 23 août 2008 par le Bureau de la salubrité et des rappels d'aliments (BSRA) de l'ACIA a permis de lier l'éclosion de Listeria (bactérie Listeria monocytogenes ou L. mono) à des viandes prêtes‑à‑manger produites à l'usine d'Aliments Maple Leaf de Toronto.

Le 17 août 2008, à la suite de la diffusion d'une mise en garde à 2 h par l'ACIA, Aliments Maple Leaf a volontairement retiré du marché deux produits de viande prêts‑à‑manger fabriqués à cette usine de transformation. Cette usine est une installation agréée par le gouvernement fédéral, appelée l'établissement 97B. Des enquêtes ultérieures liées à la salubrité des aliments ont entraîné le rappel volontaire d'autres produits de la même chaîne dans l'usine le 20 août. Le nombre de produits retirés du marché a augmenté de nouveau le 24 août, car tous les produits de l'établissement 97B, d'après les évaluations, répondaient aux critères de la classe de risque pour la santé 1 de Santé Canada1. Les rappels secondaires se sont poursuivis les semaines suivantes après d'autres enquêtes et un retraçage par l'ACIA. Au total, 192 produits d'Aliments Maple Leaf ont été retirés du marché et 29 000 vérifications de l'efficacité des rappels ont eu lieu. La production à l'établissement 97B a repris en septembre 2008, encadrée par un protocole « de consignation et d'analyse »2.

L'éclosion a donné lieu à 56 cas confirmés de maladie et à deux cas probables. De tous ces cas, il y a eu 20 décès3 où la listériose associée aux produits de l'établissement 97B était considérée comme une cause sous‑jacente ou concourante.

Méthodologie

La Direction de l'évaluation de l'ACIA a travaillé en collaboration avec les équipes d'évaluation désignées par Santé Canada (SC) et l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) durant cet exercice, leur a communiqué de l'information et les a consultées.

Chaque équipe d'évaluation a préparé un rapport distinct sur ses activités particulières et sur ses domaines de responsabilité.

Le présent rapport consigne les résultats d'une recherche exhaustive dans des documents et des dossiers ainsi que d'entrevues avec des représentants de l'ACIA, de SC, de l'ASPC et des provinces4.

Observations générales

Communications et coordination à l'ACIA

Plusieurs acteurs clés de l'ACIA ont participé aux enquêtes sur la salubrité des aliments et aux activités de rappel, comme le Bureau de la salubrité et des rappels d'aliments (BSRA) et la Direction générale des sciences (les Opérations nationales des laboratoires et le réseau des laboratoires). Ces groupes comprennent des évaluateurs techniques et des spécialistes des programmes. Le personnel de l'ACIA a suivi les méthodes établies durant l'enquête sur la salubrité des aliments et le lancement des rappels. Le BSRA a assumé le leadership, mobilisé rapidement ses ressources et travaillé de concert avec les autres. Dans l'ensemble, la coordination interne a été efficace. Cependant, les communications pourraient être rationalisées afin de parvenir à une plus grande efficience et une meilleure efficacité, et aussi afin de mieux éclairer le processus décisionnel. Les processus d'approbation durant l'étape de suivi d'un rappel méritent d'être clarifiés. De plus, il faut réexaminer et actualiser les critères de lancement d'un processus de gestion des incidents notoires ou urgents afin de faciliter la participation précoce des décideurs de haut niveau et d'améliorer la coordination entre les directions générales de l'ACIA.

Communications et coordination avec les partenaires gouvernementaux

Un certain nombre d'intervenants participent à une enquête sur la santé publique et la salubrité des aliments et aux rappels, et ce cas était exceptionnellement vaste et complexe. Dans l'ensemble, la relation entre l'ACIA, SC et l'ASPC a été jugée efficace, comme le montrent l'échange d'information en temps opportun et approprié, les communications constantes et la coordination entre les laboratoires fédéraux. Cependant, il faut certains ajustements et certaines clarifications pour rationaliser et coordonner davantage les efforts de communication entre les partenaires fédéraux.

Afin d'améliorer les futures interventions multi-juridictionnelles, il faut mettre en oeuvre plus officiellement des protocoles d'orientation (p. ex. le Protocole d'entente sur les enquêtes concernant les risques pour la santé et les éclosions des maladies attribuables aux aliments en Ontario (protocole Ontario‑Canada) et le Guide d'interventions lors d'éclosions d'intoxication alimentaire multi-juridictionnelles (GIEIAMJ)). De plus, ces protocoles devraient être revus pour clarifier davantage les rôles et les responsabilités ainsi que les mécanismes d'échange d'information. Alors que les protocoles décrivent les rôles et les responsabilités générales, les responsabilités particulières de la coordination et de la gestion des divers aspects d'une éclosion ne sont pas pleinement documentées.

Les protocoles multi-juridictionnels devraient être officiellement activés5. Dans le cas qui nous occupe, le protocole d'entente Ontario‑Canada ainsi que le GIEIAMJ n'ont pas été officiellement activés, bien que des téléconférences multi-juridictionnelles aient été organisées par le BSRA afin de faciliter la gestion de l'enquête sur la salubrité des aliments et l'étape initiale de l'enquête épidémiologique. L'activation officielle de ces accords multi-juridictionnels améliorerait la coordination et les communications. La mise en oeuvre officielle permettrait d'informer les intervenants sur les rôles et les responsabilités pertinents, d'affecter des responsabilités en matière de documentation et de diffusion de comptes rendus sur les téléconférences, et d'établir des protocoles de communication et d'échange d'information entre les instances compétentes.

Les premières preuves épidémiologiques (p. ex. les premiers échantillons recueillis par les autorités de santé publique de l'Ontario durant l'étape épidémiologique) n'étaient pas suffisantes pour guider l'enquête sur la salubrité des aliments et l'évaluation des risques. Cependant, il existe des preuves d'une bonne collaboration entre l'ACIA et les autorités provinciales durant une campagne éclair d'échantillonnage en Ontario et durant les vérifications de l'efficacité des rappels à l'échelle nationale.

Échange d'information par l'industrie

En général, l'ACIA a exercé ses pouvoirs d'inspection et autres pouvoirs conférés par la loi durant les rappels. Certains retards ont été dus à la disponibilité et au format des renseignements de la société, en particulier des listes de distribution d'Aliments Maple Leaf. Ces problèmes peuvent être réglés à l'avenir :

  • en sensibilisant davantage l'industrie à ses obligations en matière d'échange d'information
  • en veillant à ce que l'enquêteur principal soit la première personne‑ressource en ce qui a trait à l'enquête sur la salubrité des aliments et aux rappels
  • en clarifiant les responsabilités de l'industrie en matière d'échange d'information dans des documents appropriés comme le Manuel du Programme d'amélioration de la salubrité des aliments
  • en élaborant des protocoles plus spécifiques à l'intention des employés des Opérations

Une meilleure traçabilité des produits aurait permis la détermination plus efficace de la source de l'éclosion et l'amélioration de la traçabilité de la distribution du produit. Actuellement, ce processus peut être long et peut entraîner de multiples rappels secondaires qui s'étendent sur plusieurs jours ou plusieurs semaines. Bien que les lignes directrices actuelles sur l'échange d'information pertinente sur le produit aient été, en général, suivies, les options concernant l'amélioration de la traçabilité du produit devraient être revues avec les intervenants.

Communications avec le public

Plusieurs documents énoncent des lignes directrices sur les communications avec le public. L'ACIA a suivi ces méthodes et donné en temps opportun des avis exhaustifs au public concernant les rappels primaires et secondaires. Il serait possible d'améliorer les communications avec le public en rationalisant les processus d'approbation et en préparant du matériel de façon proactive, lorsque cela est possible. Bien que les partenaires fédéraux aient collaboré de façon efficace, il serait possible de parvenir à une meilleure coordination en revoyant et en appliquant l'Annexe 66 du GIEIAMJ et en élargissant le groupe de travail SCASPC actuel pour y inclure l'ACIA.

Capacité de pointe

Le personnel de l'ACIA (centres opérationnels, régions et Administration centrale nationale) a travaillé de nombreuses heures pendant une longue période. L'ACIA a pu réaffecter des employés des centres opérationnels et des régions afin de répondre aux besoins opérationnels. Il faut des ressources additionnelles, possédant des compétences techniques plus approfondies, en particulier chez les employés du Programme de l'hygiène des viandes. Il faut aussi examiner et régler le problème de la charge de travail créée par les demandes de pointe lors de l'éclosion et du travail en souffrance par la suite (p. ex. les inspections, les analyses en laboratoire).

Sommaire des recommandations

La présente analyse a abouti à 14 recommandations dont certaines nécessitent, pour leur mise en oeuvre, un travail de collaboration entre l'ACIA, ses partenaires gouvernementaux et d'autres intervenants de l'extérieur.

Mesures prises à ce jour

Le présent rapport indique un certain nombre d'initiatives que l'ACIA a déjà prises pour apporter les améliorations nécessaires, notamment :

  • l'actualisation du Guide d'intervention pour les situations d'urgence alimentaire;
  • la mise à jour des critères actuels sur le lancement d'un processus de gestion des incidents notoires;
  • la formation sur le Système de commande des interventions (SCI);
  • la participation active au groupe de travail multi‑agences de l'Ontario;
  • l'examen (avec Santé Canada) de la politique et des directives opérationnelles touchant la bactérie Listeria afin d'améliorer le contrôle de Listeria dans les aliments prêts‑à‑manger à risque élevé;
  • l'élaboration de stratégies spécifiques d'application des lois et règlements concernant les enquêtes sur la salubrité des aliments;
  • l'élaboration de produits de communication pour promouvoir la sensibilisation et la responsabilité dans le domaine de la salubrité des aliments.

Recommendations

  1. 1.   Actualiser les critères d'identification des incidents notoires et urgents, utiliser ces critères et mettre en oeuvre un mécanisme de gestion de ces incidents. De la sorte, il sera possible d'identifier rapidement les incidents notoires ou urgents et d'obtenir, en temps opportun, la participation des cadres supérieurs et aussi d'améliorer la coordination entre les directions générales.
  2. Contrôler la mise en oeuvre des mises à jour du Guide d'intervention pour les situations d'urgence alimentaire relativement à la phase de suivi des rappels, y compris les mises à jour touchant la clarification des rôles et des responsabilités dans une enquête sur les causes profondes.
  3. Élaborer et mettre à contribution les mécanismes actuels de coordination avec les partenaires provinciaux/territoriaux afin de clarifier les enjeux (p. ex. échange d'information et accords multi‑juridictionnels) :
    • À titre de première priorité, avec les partenaires fédéraux, solliciter la participation des cadres supérieurs du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario et du médecin hygiéniste en chef.
    • Continuer à miser sur la coopération provinciale/territoriale à l'échelon opérationnel (y compris le BSRA) afin de mieux faire connaître les méthodes d'échantillonnage normalisées.
    • Revoir le protocole d'entente Ontario-Canada pour clarifier les rôles et les responsabilités ainsi que les protocoles d'échange d'information.
    • Mieux faire connaître aux partenaires provinciaux/territoriaux les rôles et les responsabilités de l'ACIA dans une intervention contre une toxi‑infection alimentaire.
    • Envisager des mécanismes permettant d'améliorer l'échange d'information avec les provinces et les territoires relativement aux listes de distribution des produits.
    • Aux échelons fédéral et provincial/territorial, améliorer l'échange de méthodes de laboratoire, de données, de protocoles d'échantillonnage et d'autres systèmes de laboratoire.
  4. Établir des protocoles clairs encadrant les communications des épreuves en laboratoire et des résultats connexes à l'échelon fédéral.
    • Indiquer le premier point de contact de l'ACIA dans le cas des analyses en laboratoire et des résultats, et transmettre son identité aux laboratoires de l'ACIA, de SC et de l'ASPC.
    • Renforcer les communications entre les laboratoires et les opérations fédéraux.
  5. Avec la collaboration des partenaires fédéraux, revoir le GIEIAMJ, en particulier ce qui a trait à l'échange d'information, aux communications avec le public et aux percées scientifiques.
  6. Promouvoir la nécessité des activités de sensibilisation et de formation (p. ex. la formation fondée sur la simulation et les mises en situation), avec la participation des gouvernements fédéral, provinciaux/territoriaux pour mieux faire comprendre les rôles et les responsabilités et pour améliorer les interventions multi-juridictionnelles face aux éclosions de toxi‑infection alimentaire.
  7. Mettre à jour l'actuel système de surveillance de la salubrité des aliments pour détecter et analyser les incidents émergents possibles et intervenir (p. ex. consulter PulseNet, le SCSI). Faire rapport de ces cas aux réunions quotidiennes de l'ACIA (Radar).
  8. Mieux sensibiliser l'industrie à ses obligations en matière d'échange d'information.
  9. Clarifier les protocoles d'échange d'information touchant l'industrie dans le Règlement sur l'inspection des viandes et dans le Manuel du Programme d'amélioration de la salubrité des aliments (p. ex. préciser que les dossiers sur la distribution doivent être fournis sous une forme lisible et accessible par voie numérique).
  10. Continuer à élaborer des protocoles et des stratégies clairs à l'intention du personnel opérationnel de l'ACIA afin d'assurer que l'industrie respecte ses obligations en matière de production obligatoire de documents (exigences énoncées dans la loi).
  11. Consulter les intervenants afin d'envisager des possibilités de mettre en oeuvre des pratiques exemplaires et des normes afin d'améliorer la traçabilité du produit.
  12. Revoir le GIEIAMJ, en particulier en ce qui a trait aux communications avec le public ainsi qu'à l'augmentation de la sensibilisation et de la formation.
  13. Élaborer une approche plus coordonnée entre les partenaires fédéraux en matière de communications avec le public.
  14. Se pencher sur des stratégies permettant d'élargir le bassin de compétences spécialisées, y compris de spécialistes de l'hygiène des viandes ainsi que dans le groupe chargé de la salubrité des aliments à l'ACIA (CRCO)

1 Le risque indiqué pour la santé représente une situation où il existe une probabilité raisonnable que la consommation d'un aliment ou l'exposition à un aliment pourrait causer de graves répercussions sur la santé ou pourrait causer la mort. Il pourrait également s'agir d'une situation où l'on juge la probabilité d'une éclosion d'origine alimentaire comme étant élevée. Source : http://www.hc-sc.gc.ca/ahc-asc/branch-dirgen/hpfb-dgpsa/fd-da/bmh-bdm/mras-serm-fra.php

2 Cela signifie que bien que la production ait repris, les produits n'ont pas été distribués aux fournisseurs ni aux consommateurs tant que des analyses de dépistage de L. mono n'ont pas été conduites et qu'aucun résultat positif n'a été décelé.

3 Après la rédaction de ce rapport, l'ASPC a rapporté qu'en janvier 2009, une personne au Québec a succombé à la listériose, portant ainsi le nombre total de cas confirmés à 57 et le nombre de décès à 21. L'ASPC a aussi indiqué que la souche de Listeria correspondait à la souche de l'éclosion de 2008. Cependant, on n'a pas pu confirmer la source de l'infection dans ce cas. Source : http://www.phac-aspc.gc.ca/alert-alerte/listeria/listeria_2009-fra.php

4 Lorsque le présent rapport renvoie aux autorités provinciales et territoriales, il inclut également les centres de santé publique.

5 Par exemple, l'activation peut être annoncée verbalement. L'objectif est de parvenir à ce que tous les intervenants sachent clairement que l'accord a été activé pour que les processus à suivre et l'échange d'information aient lieu. Il faudrait aussi indiquer clairement qui préside le Comité de coordination des enquêtes sur les éclosions.

6 Communications avec le public – Lignes directrices.

7 Bien que le BSRA soit actuellement consulté, il faudrait penser à lui confier un rôle plus actif dans tous les mécanismes visant à améliorer la collaboration et la coordination à l'échelon opérationnel entre les provinces/les territoires et l'ACIA.

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