Bulletin pour le Réseau canadien de recherches antarctiques - Vol 31, novembre 2012

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Écologie des îles subantarctiques : approche écosystémique à la compréhension de la dynamique des populations et de ses forces agissantes

Chaire de recherche du Canada pour Christian Haas

Surveillance des effets de la scintillation ionosphérique sur le GPS dans l’Arctique et l’Antarctique

XXXIIe assemblée et conférence scientifique du CSRA à Portland, Oregon, États-Unis, du 13 au 25 juillet 2012

Origine, stabilité et habitabilité du pergélisol englacé dans la vallée University des vallées sèches McMurdo, en Antarctique : analogue pour la glace de sol sur Mars

XXXIIe assemblée du CSRA – Comité des délégués aux affaires scientifiques

Écologie des îles subantarctiques : approche éco-systémique à la compréhension de la dynamique des populations et de ses forces agissantes

Leigh J. Gurney  et Evgeny A. Pakhomov

Depuis longtemps, on considère que les îles sont d’importance pour la recherche biologique, car leur isolement offre une plateforme incomparable permettant d’établir et de valider des théories écologiques. L’une des initiatives de recherche les plus connues a donné la théorie de l’évolution de Darwin, qui s’est appuyé sur les connaissances tirées de ses études de la flore et de la faune des îles Galápagos. Ce que moins de gens savent c’est que Darwin luimême, dans une lettre adressée à Lyell, avait vu dans les îles subantarctiques  un potentiel important pour approfondir la connaissance de l’histoire naturelle (www.darwinproject.ac.uk/entry-2050) :

 

[traduction] Mais si les scientifiques avaient le choix ou le pouvoir de choisir les emplacements, cela serait très souhaitable; c’est ma plus profonde conviction que rien ne serait plus utile à l’histoire naturelle que de soigneusement recueillir et étudier toutes les productions des îles les plus isolées, particulièrement celles de l’hémisphère Sud…

– Lettre de Charles Darwin à Charles Lyell, 11 février 1857

 

Par leur isolement, les îles de ce type offrent la possibilité d’étudier une région où les effets anthropogènes sont limités, sinon connus. La nature est complexe et parvenir à connaître un système à son état naturel est essentiel. Lorsqu’on connaît l’état actuel et l’état antérieur d’un système, il devient possible d’évaluer des scénarios prospectifs en incluant des variations des forces agissantes sur les plans de l’exploitation et de l’environnement.

L’archipel du Prince-Édouard (A.P.-É.) est un archipel isolé de l’hémisphère Sud qui se compose de deux petites îles volcaniques (les îles Marion et Prince Édouard). Elles se situent dans l’océan Indien subantarctique, à peu près à mi-chemin entre l’Afrique et l’Antarctique. Malgré leur superficie modeste, soit

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Figure 1 Éléphant de mer. Photo : Genevieve Jones.

290 km2 et 45 km2 respectivement, elles accueillent de vastes populations saisonnières d’oiseaux de mer et de phoques qui s’y réfugient pour se reproduire et muer et l’utilisent comme base pour se nourrir, nombre d’entre eux parcourant de grandes distances pour s’alimenter. La surveillance par satellite de certains des résidents saisonniers a permis de constater que les aires d’alimentation s’étalaient en bord de mer, tant au nord qu’au sud, ainsi que dans les vagues d’échelle moyenne générées en amont et en aval des îles. Les aires d’alimentation varient selon les espèces, certaines allant aussi loin que la lisière de glaces de

l’Antarctique, tandis que d’autres se limitent aux eaux proches des côtes.

Les observations scientifiques y ont commencé après l’annexion des îles par l’Afrique du Sud à la fin des années 1940. Les observations météorologiques à partir d’une station météo ont plus tard débordé sur la collecte de données biologiques. Périodiquement, depuis les années 1970, on a établi des relevés de population de nombre des grands prédateurs terrestres, de sorte que nous disposons maintenant de grandes séries chronologiques pour ces îles. On a observé les tendances de populations disparates pour nombre des principaux prédateurs du système, notamment les phoques, les manchots, l’albatros et la seule espèce actuellement la cible des pêcheurs, la légine australe.

Phoques On trouve à cet endroit l’Éléphant de mer (figure 1) et l’Otarie à fourrure. La population d’éléphants de mer (Mirounga leonina) a régressé de plus de 60 % depuis le début des activités de surveillance dans les années 1950 (Bester et Hofmeyr, 2005). On s’interroge encore sur les raisons de ce déclin, mais nombre d’hypothèses ont été avancées, notamment la concurrence de la pêche, la concurrence intraspécifique et le changement climatique. Par contre, la population d’otaries à fourrure (l’espèce la plus nombreuse étant Arctocephalus tropicalis et, la moins commune, Arctocephalus gazella) s’est rétablie aux niveaux probables antérieurs à l’exploitation de l’espèce. Des quelques centaines d’individus recensés dans les années 1950, la population est passée à

150 000, de sorte que l’Otarie à fourrure domine maintenant la biomasse des phocidés de l’A.P.-É. (Hofmeyr et autres, 2006).

Manchots Les manchots sont les animaux contribuant le plus à la biomasse des grands prédateurs terrestres (phoques et oiseaux de mer) et comptent quatre espèces qui varient par la taille, le régime et l’aire d’alimentation et affichent diverses tendances de population (Adams et autres, 1985; Adams, 1987; Adams et Wilson,

1987; Brown, 1987; Crawford et autres, 2003a, b, c). Le Manchot royal (figure 2; Aptenodytes patagonicus), ayant un régime composé surtout de petits poissons pélagiques, est le plus grand

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Figure 2  Manchots royaux. Photo : Genevieve Jones

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Figure 3  Manchots papous. Photo : Genevieve Jones.

et celui qui s’éloigne le plus pour se nourrir. D’après les estimations de population, malgré le peu de données, on peut conclure que la population de cette espèce dans l’archipel n’a connu que peu de changements. Le Manchot papou (figure 3; Pygoscelis papua) vient au second rang par la taille et consomme surtout du poisson, même si la distance qu’il parcourt pour s’alimenter est plus réduite (< 40 km de la côte); on a vu sa population diminuer tout au long des années 1990, mais elle semble maintenant se rétablir. Les deux espèces les plus petites, le Gorfou doré (figure 4; Eudyptes chrysolophus) et le Gorfou sauteur (figure 5; Eudyptes chrysocome filholi) se reproduisent l’été et occupent une aire d’alimentation intermédiaire (100 à 300 km de la côte), mais on a récemment constaté un déclin de leurs effectifs. Le régime des deux espèces se compose surtout de crustacés. Le Gorfou sauteur, notamment, a accusé une baisse de population de 66 % entre 1994–1995  et 2002–2003)  (Crawford et autres, 2003c). Diverses hypothèses ont été avancées pour expliquer ces tendances disparates. En termes de statut de conservation, selon Birdlife International (www.birdlife. org, téléchargé 27/09/ 2011), le Manchot papou est classé espèce « presque menacée » et les gorfous dorés et sauteurs, espèces « vulnérables », tandis que le Manchot royal est parmi les espèces les « moins préoccupantes ».

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Figure 4: Colonie de gorfous dorés. Photo : Genevieve Jones

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Figure 5 Gorfous sauteurs. Photo : Genevieve Jones.

La population de Manchot royal de l’archipel représente approximativement 13 % de la population mondiale, tandis que les trois autres espèces de manchots occupent une part relativement modeste dans la population mondiale (Gorfou doré, 4 %, Gorfou sauteur, 5 % et Manchot papou, 0,5 %).

Albatros
Cinq espèces d’albatros sont considérées comme résidentes des îles : l’Albatros hurleur (Diomedea exulans), l’Albatros à tête grise (Thalassarche chrysostoma), l’Albatros  de l’océan Indien (T. carteri), l’Albatros fuligineux (Phoebetria palpebrata) et l’Albatros brun (P. fusca). Ensemble, les populations d’albatros représentent un faible pourcentage de la biomasse avienne (< 3 %), mais elles sont jugées importantes au niveau du statut de conservation. Selon Birdlife International, l’Albatros hurleur et l’Albatros à tête grise sont considérés « vulnérables », l’Albatros de l’océan Indien et l’Albatros brun, « menacés », tandis que l’Albatros fuligineux est considéré « quasi menacé ». La dynamique des populations d’albatros (p. ex. Albatros hurleur et Albatros à tête grise) est sous surveillance et on a dégagé des tendances à long terme (Nel et autres, 2002a),  soit des déclins au début des années 2000, liés à une intensification de la pêche à la palangre, ainsi qu’à la pêche à la palangre illégale, non réglementée et non déclarée à grande échelle (INRND)  à la Légine australe (Nel et autres, 2002b, c). Toutefois, des mesures d’atténuation ont permis de réduire énormément les prises accidentelles d’oiseaux (CCAMLR, 2010).

Légine australe

La Légine australe (Dissostichus eleginoides) est la seule cible des pêches qui se déroulent dans l’A.P.-É. On a découvert cette res source de l’océan Austral dans les années 1970 et 1980 et on croit que l’exploitation dans l’archipel a commencé au début des années 1990. Le volume important de prises INRND dès le commencement de la pêche (estimativement, environ 20 000 tonnes pour la saison 1996–1997  [Brandão et autres, 2002]) a entraîné l’effondrement des stocks. De nos jours, la pêche se pratique sous licence et les données récentes laissent voir un certain rétablissement des stocks au voisinage des îles (CCAMLR, 2011).

Ces fluctuations de population font ressortir des préoccupations, tant au niveau de l’exploitation que de la conservation. En2005, à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), on a commencé à travailler sur un modèle de l’A.P.-É. afin d’évaluer l’ensemble de l’écosystème, de faire enquête sur les effets des forces agissantes connues et d’élaborer des scénarios sur les effets éventuels d’un changement environnemental. L’élaboration du modèle résulte de la combinaison a) d’un riche ensemble de données publiées sur ce territoire sud-africain, b) de l’expertise du Laboratory of Zooplankton and Micronekton Ecology (laboratoire d’écologie du zooplankton et du micronecton) de l’UBC, dirigé par Evgeny Pakhomov, avec plus de 15 années de travail de terrain sur le site étudié et c) de l’outil de modélisation Ecopath with Ecosim (EwE) mis au point par le centre d’étude des pêches de l’UBC. Ce modèle comprenait plus de 40 années de données biologiques et océanographiques pour paramétrer le système. Les chercheurs ont utilisé des données océanographiques de télédétection et également recueillies sur place pour établir des estimations de la production primaire. Ont été combinés, pour la construction du modèle, des ensembles de données biologiques comprenant des recensements de populations pour l’estimation de la biomasse, les estimations de production et de consommation pour toutes les composantes biologiques, les parcours trophiques (éclairés à l’aide de contenus d’estomac et de signatures d’isotopes stables), de même que des renseignements sur les pêches.

Dans l’élaboration du modèle, on a pu faire ressortir des lacunes au niveau des données, et des domaines où des recher ches futures s’imposaient. Les chercheurs ont notamment constaté qu’il fallait se soucier davantage de combler le manque d’information sur les groupes nectoniques et leur importance relative. Le modèle offre une plateforme permettant de faire enquête sur toutes les forces agissantes et leurs effets directs et indirects sur le système dans son ensemble et sur les groupes, individuellement. Cette approche plus holistique à la gestion des ressources marines en utilisant des modèles écosystémiques capables d’intégrer la dynamique du système peut offrir un éclai rage utile sur les scénarios passés et futurs, tenant compte à la fois des préoccupations en matière de pêches et de conservation, et faciliter la gestion de ces systèmes. En ce qui a trait à l’exploitation de l’Otarie à fourrure et de la Légine australe, les chercheurs ont pu reconstruire la dynamique des populations par l’intermédiaire des forces agissantes dans les pêches. Même si les pêches sont maintenant contingentées, elles ont eu un effet de taille sur le système, retirant des milliers de tonnes de production lors des activités de pêche. Dans le cas de l’Otarie à fourrure, les effets de l’exploitation sur l’écosystème dans son ensemble se sont fait sentir pendant plus d’un siècle. En ce qui a trait à la Ligure australe, les résultats du modèle concordent avec les évaluations de mono-espèce, harmonisées avec les estimations de la biomasse pré-exploitation du scénario « moins pessimiste » évoqué par Brandão et Butterworth (2009; Brandão et autres, 2002) et la reconstitution des stocks évidente ces dernières années.

Maintenant qu’on a constaté que le modèle peut reproduire les changements de population observés, on espère qu’il pourra servir à analyser les autres forces agissantes (environnementales) et à identifier et établir des indicateurs écosystémiques pertinents de manière à pouvoir intégrer la gestion des ressources marines dans une approche écosystémique.

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Leigh Gurney (lgurney@eos.ubc.ca), diplômé de l’Université duCap et de l’Université Rhodes, est étudiant au doctorat en océanographie biologique et halieutique à la Faculté des sciences de la Terre et de l’océan de l’Université de la Colombie-Britannique. Evgeny Pakhomov (epakhomov@eos.ubc.ca), diplômé de l’Institut Shirshov d’océanologie de Moscou et professeur auxiliaire au département de zoologie de la Faculté des sciences et de l’agriculture, Université de Fort Hare, Alice, Afrique du Sud, est professeur agrégé en océanographie biologique et halieutique au département des sciences de la Terre et de l’océan, à l’Université de la Colombie-Britannique.

Chaire de recherche du Canada pour Christian Haas

Christian Haas est le nouveau titulaire de la Chaire de recherche du Canada en géophysique des glaces de mer de l’Arctique à l’Université York. Ses recherches sur l’Arctique et l’Antarctique, la télédétection par satellite et la modélisation numérique ont permis de réunir des données incomparables sur l’épaisseur de la glace de mer. Il est membre du groupe ASPeCt (climat et processus des glaces de mer dans l’Antarctique) et coordonnateur du programme international de bouées dans l’Antarctique.

Surveillance des effets de la scintillation ionosphérique sur le GPS dans l’Arctique et l’Antarctique

P. Prikryl et P. T. Jayachandran

Les récepteurs GPS (système de positionnement global) sont devenus des outils indispensables pour la navigation aérienne et maritime et même pour la conduite sur les routes bien balisées. Avant d’atteindre ces outils de navigation, le signal radiosatellitaire doit traverser de nombreuses couches de l’atmosphère terrestre. Les retards ionosphériques et troposphériques doivent

être pris en considération pour obtenir un positionnement précis. La scintillation est un autre effet atmosphérique/ionosphérique sur le signal transionosphérique : il s’agit de fluctuations rapides d’amplitude et de phase du signal radio transionosphérique provoquées par des irrégularités de la densité des électrons dans l’ionosphère. Si la scintillation est intense, le récepteur GPS perd le signal satellite, rendant ainsi le repérage du signal difficile. Les ionosphères polaire et aurorale sont directement affectées par les orages solaires et la météorologie de l’espace qui présentent un risque pour la technologie GPS. Compte tenu de l’imminence du changement climatique, l’Arctique s’ouvrira de plus en plus à l’activité humaine, par exemple l’exploitation accrue des ressources naturelles et les aménagements commerciaux, qui dépendront de plus en plus du système mondial de satellites de géolocalisation et de navigation (GNSS).

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Figure 1 (a) The Arctic (CHAIN) and (b) Antarctic GISTM arrays. The corrected geomagnetic (CGM) latitudes 70° and 80° are superposed over the geographic grid.

Le réseau ionosphérique de l’Extrême-Arctique canadien (CHAIN, http://chain.physics.unb.ca) – ensemble de 10 récepteurs GPS et de six ionosondes canadiennes numériques

évoluées – est exploité par l’Université du Nouveau-Brunswick  (Jayachandran et autres, 2009), pour étudier l’ionosphère aux latitudes élevées (figure 1a). La figure 2 est la photo d’une des stations situées à Qikiqtarjuaq, au Nunavut. Le récepteur GPS donne la teneur totale en électrons (TTE) de l’ionosphère pour les signaux GPS L1 et L2 et calcule les indices de scintillation d’amplitude et de phase à l’aide d’échantillonnage à haut débit (50 Hz) de puissance et de phase du signal GPS L1. L’ensemble CHAIN de récepteurs de contrôle de scintillation ionosphérique des signaux GPS et les capteurs de la TTE (GISTM) viennent compléter le travail de réseaux analogues d’Europe du Nord, notamment Svalbard (non illustré dans la figure 1a) et Antarctique (De Franceschi et autres, 2006) (figure 1b). La collaboration scientifique entre neuf pays a reçu l’appui du Comité scientifique pour les recherches antarctiques (CSRA)  par l’intermédiaire de son groupe d’action « GPS  for Weather and Space Weather Forecasting » (le GPS pour la prévision de la météo et de la météorologie spatiale) (www.gwswf.scar.org). L’objectif est d’établir une capacité d’imagerie ionosphérique et de partager les données du GNSS dans la recherche polaire et les applications visant la modélisation et la prévision de la météo et de la météorologie spatiale.

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La surveillance de la scintillation sur la bande L et de la TTE dans les deux hémisphères offre de nouvelles perspectives pour ce qui est d’entreprendre des études inter-hémisphères sur la scintillation et la TTE et de mieux comprendre l’effet de la météorologie spatiale sur les ionosphères polaire et aurorale. Cela, en retour, influe sur le fonctionnement des systèmes de communication et de navigation reposant sur le GNSS. Destinée à offrir une capacité de prévision de la scintillation GPS causée par des variations rapides de la TTE en raison d’irrégularités ionosphériques, la climatologie de scintillation de phase a été mise au point pour les latitudes élevées dans les régions aurorale et polaire (Spogli et autres, 2009; Alfonsi et autres, 2011; Prikryl et autres, 2011a). Les résultats attestent que la scintillation de phase, en tant que fonction du temps magnétique local (TML) et de la latitude géomagnétique, intervient surtout dans la partie nocturne de l’ovale auroral et de la corne ionosphérique et les régions de scintillation changent de latitude en réponse à la fluctuation de l’activité géomagnétique et aux variations saisonnières.

La scintillation est la plus intense lorsque l’ionosphère est frappée par des perturbations du vent solaire, soit des vents solaires très rapides provenant de trous coronaux dans la cou ronne ou d’éjections de matière coronale (CME), parfois associés à des éruptions solaires intenses. Le plasma du vent solaire traversé par le champ magnétique interplanétaire (CMI) interagit avec l’ensemble de la magnétosphère terrestre et le couplage du CMI et du champ géomagnétique se manifeste dans l’ionosphère des deux hémisphères. En règle générale, les lignes du champ magnétique dipôle de la Terre relient des endroits conjugués des

hémisphères Nord et Sud, mais les ionosphères polaires sont en partie interpénétrées par des lignes du champ magnétique directement liées aux vents solaires. Cette topologie magnétique peut être très complexe et provoquer des asymétries importantes dans les phénomènes ionosphériques observés, notamment des aurores et des irrégularités ionosphériques entraînant la scintillation dans les hémisphères Nord et Sud.

La collaboration amorcée par le groupe d’action du CSRA a abouti à l’étude d’une comparaison inter-hémisphères de la scintillation de phase causée par des perturbations ionosphériques au cours du premier orage géomagnétique important du nouveau cycle solaire 24, les 5 et 6 avril 2010 (Prikryl et autres,

2011b). Cet orage a été provoqué par l’éjection de matière coronale interplanétaire de type nuage magnétique présent dans le vent solaire haute vitesse d’un trou coronal, d’où l’effet accru sur l’ionosphère. L’arrivée du choc en amont, associée à une impulsion de pression du vent solaire et au CMI orienté sud à l’origine d’un sous-orage, a produit des occurrences comparables, mais asymétriques, de scintillation de phase dans les hémisphères Nord et Sud (figure 3).

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Figure 2 Le site CHAIN à Qikiqtarjuaq, au Nunavut, Canada, qui a son homologue « conjugué » à la station du pôle Sud dans l’Antarctique.

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Figure 3 Cas de scintillation de phase en tant que fonction du TML et de la latitude géomagnétique corrigée au cours d’un orage géomagnétique provoqué par une éjection de matière coronale les 5 et 6 avril 2010. En superposition (ligne blanche), l’ovale aurorale statistique de Feldstein pour IQ = 5 (Feldstein et Starkov, 1967; Holzworth et Meng, 1975). hémisphère Nord; b) hémisphère Sud.

Dans la calotte polaire, on a observé une forte asymétrie lorsque le CMI était orienté sud et on s’attendait à ce que des taches d’ionisation passent par convection de la face diurne à la face nocturne de l’ionosphère polaire. L’asymétrie peut s’expliquer par la variation saisonnière de l’occurrence des taches, qui atteignent leur maximum dans la calotte polaire australe tout en étant à leur niveau le plus bas ou presque dans la calotte polaire septentrionale en avril.

Les irrégularités à l’origine de la scintillation ionosphérique peuvent également être étudiées à l’aide des satellites, soit « surplace », soit en utilisant des instruments radio embarqués, notamment des récepteurs GPS. On en trouve un exemple dans une petite mission d’analyse satellitaire financée par l’Agence spatiale canadienne. La sonde e-POP (sonde de mesure de l’écoulement du plasma ionosphèrique polaire) du projet CASSIOPE (Cascade Smallsat and Ionospheric Polar Explorer ) (Yau et autres, 2006) devrait être lancée sur une orbite fortement inclinée en 2013. La sonde recueillera des données ionosphé-rique échantillonnées à débit élevé dans les deux hémisphères. De concert avec les installations au sol autour de la planète, la mission e-POP offrira une nouvelle perspective à l’étude de la propagation des ondes radioélectriques dans la couche F et la région supérieure de l’ionosphère.

En plus des effets ionosphériques, le délai troposphérique, composé du délai hydrostatique et du délai humide, affecte également la précision de positionnement du GPS/GNSS. Ces délais peuvent être évalués estimativement à l’aide des fonctions d’obliquité (mapping functions) de la troposphère, d’après les modèles de prévision météorologique interpolés pour une station GNSS donnée, et peuvent être appliqués dans le traitement par positionnement ponctuel précis (PPP) (Zumberge et autres,

1997; Kouba et Héroux, 2001). Inversement, les fonctions d’obliquité pourraient servir à récupérer l’information sur la vapeur d’eau précipitable, qui constitue un intrant précieux pour les prévisions météorologiques (Wolfe et Gutman, 2000) et les mesures atmosphériques dans les zones éloignées, éléments qui peuvent être essentiels pour les prévisions à court terme, aussi bien que pour les études sur le changement climatique (Vey et autres, 2010; Thomas et autres, 2011).

Actuellement, on procède à l’expansion du réseau CHAIN  en y ajoutant 15 autres stations GPS dans l’Arctique canadien et, sur le plan international, des collègues installent davantage de récepteurs de scintillation GPS dans l’Antarctique, relevant ainsi les capacités d’imagerie ionosphérique dans les deux hémisphères. Le groupe d’action du CSRA, lors de la rencontre du CSRA à Portland, est devenu un groupe d’experts GRAPE (GNSS Research and Application for Polar Environment). Ces activités présagent une augmentation de la collaboration internationale en recherche atmosphérique dans l’Arctique/Antarctique à l’aide du GNSS.

Bibliographie

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Paul Prikryl (paul.prikryl@crc.gc.ca) est un chercheur du Centre de recherches sur les communications (CRC) du Canada, à Ottawa. Thayyil Jayachandran  (jaya@unb.ca) est professeur au département de physique de l’Université du Nouveau-Brunswick, à Fredericton. Tous deux participent au projet GRAPE.

XXXIIe  assemblée et conférence scientifique du CSRA

à Portland, Oregon, États-Unis, du 13 au 25 juillet 2012

La 32e assemblée biennale du CSRA  s’est tenue du 13 au 25 juillet

2012 à Portland, Oregon, aux É.-U. Les séances de travail, qui ont eu lieu au cours des cinq premières journées, ont donné aux membres des trois groupes scientifiques permanents (GSP) et des deux comités permanents (CP) l’occasion de vérifier les progrès accomplis et de confirmer les objectifs qui s’appliqueront pour les deux prochaines années et pour les groupes d’experts, par exemple le GE du bilan de l’inlandsis et du niveau des mers (ISMASS), en matière de tenue de réunions et d’ateliers. Kathy Conlan (Musée canadien de la nature) a terminé son mandat à la tête du GSP des sciences de la vie (GSP-SV) et a réussi à lancer deux nouveaux programmes. Simon Ommanney (secrétaire du CCRA) a assisté aux réunions du CP de l’information géogra phique sur l’Antarctique (CP-IGA), du CP de la gestion des données sur l’Antarctique (CP-GDA) et à une partie de la réunion du GSP des sciences physiques (GSP-SP), à laquelle a assisté également Tom James (Commission géologique du Canada). Gail Fondahl (UNBC) a participé aux activités du groupe consultatif bipolaire mixte IASC/CSRA sur la coopération scientifique (BipAG  II). La réunion du CSRA a offert également à nos collègues étrangers l’occasion de rencontrer le nouveau directeur exécutif de la Commission canadienne des affaires polaires, M. David Scott, chef de la délégation canadienne au CSRA. Du 16 au 19 juillet a eu lieu une conférence scientifique sur le thème « Antarctic Science and Policy Advice in a Changing World » (conseils scientifiques et stratégiques sur l’Antarctique dans un monde en évolution). Il était agréable de voir deux entreprises canadiennes qui appuient divers programmes nationaux sur l’Antarctique en tant que commanditaires de la réunion : Canada Goose Inc. et Kenn Borek Air Ltd. Même si l’événement a lieu à peu de distance du Canada, la présence de Canadiens était assez limitée, probablement en raison de la tenue précédemment, à Montréal en avril, de la réunion sur l’Année polaire internationale (API). Nous donnons plus loin une liste des auteurs affiliés au Canada. Les délégués se sont réunis du 23 au 25 juillet en plénière et en deux groupes afin de tracer l’orientation future du CSRA, d’approuver les nouveaux programmes et d’étudier les rapports et les recommandations des GSP et des CP. Un rapport sur la réunion des groupes scientifiques suit.

Présentations à la conférence scientifique

Bers, A.V., F. Momo, I. Schloss, D. Abele et M. Braun. Analysis of trends and sudden changes in environmental long-term data from King George Island (Antarctica): relationships between global climatic oscillations and local system response.

Cilliers, P. et 7 autres (dont P. Prikryl). Space weather impact on the upper atmosphere over the South Atlantic magnetic anomaly.

Crump, J. et I. Kelman. Many strong voices: climate change and resilience in the Arctic and small island developing states.

Dayton, P., S. Kim, K. Conlan et S. Jarrell. Episodic growth of sponges on artificial structures in McMurdo Sound, Antarctica.

Fleming, A., H. Corr, S. Achal, J. McFee et K. Hughes. Combining airborne hyperspectral data and satellite imagery for monitoring of the Antarctic Peninsula.

Fondahl, G. et J. Larsen. Assessing change in the Arctic: the human development report and the Arctic Social Indicators project.

Gorman, K.B., K.E. Ruck, T.D. Williams et W.R. Fraser. Trophic interactions and variation in reproductive performance within a community of Antarctic penguins (genus Pygoscelis).

Gorman, K.B., T.D. Williams et W.R. Fraser. Stress hormone modulation of reproductive performance within a community of Antarctic penguins (genus Pygoscelis).

Haupt, T., E. Marais, B. Sinclair et S. Chown. Metabolic costs in the face of climate change: a keystone species on sub-Antarctic Marion Island.

Hoppe, C.J.M., C. Hassler, C.D. Payne, P. Tortell, B. Rost et S.

Trimborn. Combined effects of ocean acidification and iron availability on Southern Ocean phytoplankton communities.

Hosie, G. et 10 autres (dont S.D. Batten). Initiation of a GlobalAlliance of Continuous Plankton Recorder Surveys (GACS).

Ibarguchi, G., P. Convey et V.L. Friesen. Out of Antarctica, into the cold: overlooked diversification of alpine, polar, and temperate lineages around the world.

King, M. et 6 autres (dont G. Milne). The contribution of the Antarctic Ice Sheet to present-day sea-level change.

Kruse, S., E. Pakhomov, B. Hunt et U. Bathmann. Seasonal and latitudinal variability of the food web structure in the Lazarev Sea.

Murray, A. et 7 autres (dont C. Lovejoy). Comparisons between bacterioplankton from the Southern Ocean and Arctic Ocean provide perspective on distinctiveness of polar marine systems.

Nelson, T.M., M.V. Brown, T.L. Rogers et J.M. Fairbrother. Investigating Escherichia coli pathotypes and antimicrobial resistance patterns in wild southern elephant seals, Antarctica. Polito, M., R. Brasso, W. Trivelpiece, W. Patterson et S. Emslie. Generalist and specialist foraging strategies influence mercury (Hg) exposure in sympatrically breeding Pygoscelis penguins.

Prikryl, P. et 15 autres (dont R. Ghoddousi-Fard, P.T. Jayachandran, D.W. Danskin, E.L. Spanswick et E.F. Donovan). Interhemispheric comparison of GPS phase scintillation and auroral emission observed from the ground and DMSP satellite.

Prikryl, P., P.T. Jayachandran, S.C. Mushini et I.G. Richardson. Probabilistic forecasting of high-latitude GPS phase scintillation.

Quartino, L. et 14 autres (dont I. Schloss). ESF-IMCOAST: an integrated multi-disciplinary study of coastal climate change effects in Western Antarctica.

Schwartz, M.J., G.L. Manney, W.H. Daffer, M.I. Hegglin et K.A. Walker. UTLS  satellite measurements of chemical trace gases in the context of multiple tropopauses and uppertropospheric jets.

Suedfeld, P., G.D. Steel et J. Brcic. Personality and the positive psychological impact of polar sojourns.

Vincent, W. et C. Lovejoy. Antarctic analogues: microbial ecosystems and comparative biodiversity in the Canadian High Arctic.

Origine, stabilité et habitabilité du pergélisol englacé dans la vallée University des vallées sèches McMurdo, en Antarctique : analogue pour la glace de sol sur Mars

Denis Lacelle, Wayne Pollard, Lyle Whyte, Alfonso Davila, Dale Andersen, Regina DeWitt, Jackie Goordial, Jennifer Heldmann, Margarita Marinova, Kris Zacny et Christopher McKay

Maintenant que l’atterrisseur Phoenix s’est posé sur Mars et a confirmé la présence d’eau sur la planète rouge (Smith et autres,

2009), l’étape suivante est d’explorer l’environnement martien sous la surface. Pour aider à définir les exigences technologiques et scientifiques de cette mission, les chercheurs canadiens sur le pergélisol, Denis Lacelle (Université d’Ottawa) et Wayne Pollard (McGill), et le géomicrobiologiste Lyle Whyte (McGill) travaillent de concert avec des scientifiques de la NASA et du SETI et des ingénieurs d’Honeybee dans le cadre d’un projet de recherche pluriannuel subventionné par la NASA (2009–2013) et dénommé IceBite (figure 1). L’objectif principal est de mettre au point un système apte au vol et capable de faire des forages et de prélever des échantillons du rigolithe englacé de Mars jusqu’à une profondeur de un mètre (mission IceBreaker Life; McKay, en comité de lecture) et mieux connaître les interactions physiques, chimiques et biologiques qui interviennent dans le pergélisol sec et englacé des hautes vallées sèches de l’Antarctique. Le froid et l’aridité extrêmes des vallées sèches McMurdo (MDV, largement connues comme étant, sur Terre, le lieu le plus froid, le plus sec et le plus comparable aux conditions de Mars) servent d’analogues terrestres afin de comprendre comment auraient pu se

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Figure 1: L’équipe IceBite dans la vallée University, décembre 2009. Dans l’ordre habituel : Margarita Marinova, Alfonso Davila, Jennifer Heldmann, Dale Andersen, Christopher McKay, Wayne Pollard et Denis Lacelle.

développer sur Mars les paysages gelés et éventuellement, la vie. De plus, le projet permettra de mieux comprendre la dynamique des échanges de vapeur d’eau entre les différents réservoirs de glace (calotte glaciaire polaire et glace de sol) et l’atmosphère dans une zone climatique ultra sèche. Les principaux objectifs scientifiques dans la région supérieure des MDV sont les suivants :

1)  déterminer l’origine et l’âge des sédiments englacés;

2)  évaluer la stabilité de la glace de sol dans les conditions climatiques actuelles et passées;

3)  évaluer l’habitabilité du pergélisol englacé et la présence de microbes et de biomolécules complexes;

4)  élaborer un modèle de mise en place de la glace de sol (condensation, adsorption et effets des sels déliquescents) dans des conditions analogues à celles de Mars. Globalement, le projet aidera à mieux comprendre le com-

portement, sur Terre et sur Mars, du pergélisol englacé né de la diffusion de vapeur.

Les MDV  sont la plus vaste région sans glace de l’Antarctique. Elles se composent d’une série de vallées libres de glace orientées est-ouest, situées entre la nappe de glace l’Est de l’Antarctique et la mer de Ross. Il s’agit de vallées d’environ 80 km de longueur et pouvant atteindre une largeur de 15 km, les élévations allant du niveau de la mer près de la mer de Ross à

~2 000 m ASL à la jonction avec le plateau polaire. Sur le plan climatique, les MDV sont un environnement froid et aride, faisant

partie du régime climatique du désert polaire. Toutefois, il existe un gradient climatique régi par l’élévation (Doran et autres,

2002; Marchant et Head, 2007). Les vallées les plus basses (< 400 m ASL) sont les plus chaudes et les plus humides, tandis que les vallées hautes (> 1 000 m ASL) sont les plus froides et les plus sèches, la température de l’air en été étant presque toujours sous 0°C. Les hautes altitudes doivent cette caractéris-tique aux Monts Transantarctiques, qui empêchent la glace des glaciers de se déplacer vers la côte, ainsi qu’aux forts vents catabatiques provenant des hauteurs de la nappe glaciaire de l’Antarctique oriental. Ces vents provoquent une évaporation plus grande comparative à la faible quantité de précipitations reçues, entraînant un déficit hydrique.

Ce site d’étude se situe dans la vallée University (77°52´S; 160°40´E; 1 700 m ASL), soit l’une des vallées les plus élevées des Monts Quartermain dans les MDV (figure 2). Il s’agit d’une vallée glaciaire suspendue longue de 4 km et large de 1,5 km, orientée N.O., à environ 450 mètres au-dessus du fond de la vallée Beacon. Une petite plaque de glace permanente couvre en partie le haut de la vallée et des plaques de neige permanente sont éparpillées sur le fond de la vallée. Le sol du fond de la vallée est surtout polygonal, ce qui laisse penser que la quantité de glace sous la surface est importante.

En décembre 2009, une station météorologique automatisée Campbell, munie de capteurs mesurant la température de l’air et du sol, l’humidité relative, le rayonnement solaire et la vitesse du vent a été installée dans la vallée. La moyenne annuelle de température et d’humidité relative de l’air de décembre

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Figure 2: Vallées supérieures des MDV (à gauche) illustrant la vallée University. Vue aérienne de la vallée University. On notera la petite plaque de glace au haut de la vallée (en haut en droite). Photographies de carottes de pergélisol englacé (en bas à droite).  Photo : NGA Commercial Imagery Program ©DigitalGlobe Inc.

2009 à décembre 2010 se situait à –24,3°C et 48 %, respectivement. Même si les températures atmosphériques horaires estivales étaient toujours sous le point de congélation (le maximum enregistré était de : –2,8°C), le réchauffement solaire a amené la température près de la surface de sol au-dessus de 0°C pendant quelques semaines, permettant à l’isotherme de 0°C de pénétrer jusqu’à 10 cm dans le sol sur le site de la station météo.

Dans la vallée University, McKay (2009) a constaté que la profondeur jusqu’à la plateforme de glace augmente en fonction de la distance du glacier, soit <1 cm au pied du glacier et allant jusqu’à > 35 cm à 500 m de là. En 2010, des centaines de mesures aléatoires supplémentaires de la profondeur de la nappe de glace effectuées un peu partout dans le fond de la vallée ont permis d’étayer les observations de McKay. Nous dressons l’hypothèse que la profondeur de la nappe de glace varie en raison des intervalles de récurrence de la neige et des effets topographiques locaux. La topographie de l’étroite vallée régit dans une large mesure la quantité de rayonnement solaire reçue à la surface, ce qui influe sur les processus d’échanges énergétiques superficiels et quasi superficiels, notamment la stabilité de la neige et de la glace de sol.

Pour établir l’âge des sédiments dans la vallée, nous avons obtenu cinq âges en luminescence stimulée optiquement (OSL), à partir d’une carotte de 95 cm de longueur dans des sédiments englacés près de la plaque de glace permanente où la nappe de glace avait une profondeur de 1 cm. Les âges OSL de la carotte croissaient de 17 ± 3 Ka à 2–7 cm de profondeur à 149,7 ± 16,2 Ka à

92–95  cm sous la surface. L’augmentation des âges OSL avec la profondeur indique que le fond de la vallée est une surface d’accrétion de sédiments surtout dérivés de l’érosion physique et biologique du grès et de la dolérite des parois de la vallée environnante.

Le pergélisol englacé se développe habituellement dans les espaces interstitiels des sédiments de grains grossiers (c.-à-d. de la taille d’un grain de sable) et résulte du gel sur place de l’humidité présente dans le sol, de l’eau de fonte de surface qui percole dans le sol ou de la vapeur qui se diffuse dans le sol à partir de l’atmosphère. Même si le pergélisol englacé occupe approximativement 55 % du premier mètre supérieur du paysage des MDV (Bockheim et autres, 2007), on sait peu de choses sur sa nature, son origine et sa stabilité. Les études menées dans les vallées moins hautes, où la température de l’air et du sol pendant l’été dépasse le point de congélation, laissent penser que les sols en glacés se forment à partir de l’eau de fonte de la neige et des gla ciers pénétrant la subsurface (c.-à-d., Dickinson et Rosen, 2003; Hagedorn et autres, 2010). Toutefois, dans les vallées supérieures, où les températures estivales de l’air et du sol dépassent rarement 0°C, l’eau sous forme liquide est un phénomène beaucoup plus rare et transitoire et pourtant, le pergélisol englacé est présent presque partout. Ici, les observations cryostratigraphiques, jumelées à des analyses isotopiques et géochimiques du pergélisol englacé laissent penser que ce dernier se forme surtout à partir de la diffusion de vapeur d’eau dans les sédiments, tant par condensation que par adsorption (Lacelle et autres, en comité de lecture). Toutefois, compte tenu de la forte concentration de glace dans certaines parties des échantillons obtenus par carottage (jusqu’à 84 % du volume en glace), il faut un processus pour produire de la glace de sol par diffusion de vapeur au-delà de ce qu’autorise l’espace interstitiel dans les sédiments de loam sableux argileux. Les phénomènes de contractionexpansion d’origine thermique des sédiments gelés peut être responsable de la teneur excessive en glace mesurée dans la carotte. En appliquant le modèle numérique de Fisher (2005) de contraction thermique et de diffusion de vapeur et les données climatiques locales, l’on constate un18e concordance avec la teneur en glace, mesurée en volume, dans l’échelle de temps imposée par l’OSL (Lacelle et autres, en comité de lecture).

Nous avons évalué la stabilité du pergélisol englacé à partir de deux plans de glace de sol massive découverts dans la vallée University (Pollard et autres, 2012). Le premier, adjacent à la plaque de glace pérenne du haut de la vallée University, est interprété comme étant de la glace de glacier ensevelie par des éboulis. Le deuxième plan de glace massive se situe à l’embouchure de la vallée, dans une zone de moraine polygonale. Les levés au géoradar ont mis en évidence que le premier plan de glace est continu et s’étend jusqu’à environ 5 à 6 m sous une mince couche de débris constituée en forte proportion de blocs rocheux. Pour établir si les grands plans de glace de sol enfouis sont en voie de sublimation ou en équilibre dans les conditions climatiques actuelles, les chercheurs ont fait des prélèvements par carottage et analysé les isotopes O–H à une définition verticale élevée. Les mesures ont révélé un profil ascendant convexe d18O (dD) dans le sens de l’interface glace-sol, laissant penser que la glace est en processus de sublimation. Lacelle et autres (2011) ont élaboré un modèle de sublimation et de diffusion moléculaire en utilisant les mesures d18O dans la glace de sol afin d’évaluer estimativement les taux de sublimation dans un environnement froid-sec et la valeur du taux de sublimation (3.0 à 5.0 10–5 mm/an–1) était analogue à celle obtenue par Ng et autres (2005) concernant la glace de sol massive ensevelie dans la vallée Beacon.

Les MDV  constituent l’un des environnements les plus rudes de la planète pour les êtres vivants, un environnement marqué par un froid et un aridité extrêmes et des sols pauvres en matières nutritives. Les chercheurs étudient la possibilité que ces sols puissent soutenir la vie à des températures inférieures à zéro par une combinaison d’approches culturo-dépendantes et culturo-indépendantes dans le cadre de ce projet multidisciplinaire. Un des grands objectifs du volet de la microbiologie est de chercher à savoir si les micro-organismes recensés dans les sols des MDV sont capables d’activité métabolique à des températures analogues aux conditions sur place ou s’il s’agit simplement de microbes dormants ou de microbes préservés dans le pergélisol englacé. Pour trancher cette question, on mène à l’Université McGill une analyse à long terme (un an) hautement sensible de radiorespiration (Steven et autres, 2007), mesurant l’activité métabolique microbienne à des températures inférieures à zéro. Les taux de respiration mesurés révèlent l’existence d’une communauté hétérotrophe aérobie dont l’activité est inférieure de façon significative à celle relevée antérieurement dans d’autres cryoenvironnements, par exemple l’Extrême-Arctique canadien. De plus, on retrouve dans les sols des MDV une communauté microbienne largement récalcitrante à la culture. Les isolats bactériens et fongiques sont mis en culture à des températures froides et inférieures à zéro et ceux affichant une adaptation au froid intéressante feront l’objet d’un séquençage génomique de

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Figure 3: Diagramme schématique des activités scientifiques dans la vallée University, MDV. Principales questions scientifiques : 1) Qu’est-ce qui régit la profondeur de la plaque de glace? Approche : étudier les interactions solatmosphère; 2) Quelle est l’origine, l’âge et la stabilité du pergélisol englacé? Approche : combiner les mesures cryostratigraphiques et de géochimie isotopique avec la datation OSL; 3) Les microbes sont-ils des écosystèmes vivants et fonctionnels ou sont-ils gelés dans le temps? Approche : effectuer des analyses dépendantes et indépendantes de la culture et préciser si l’environnement est physiquement et chimiquement favorable à la croissance microbienne.

pointe. De plus, on utilise les méthodes moléculaires pour analyser la diversité et la composition de la communauté des microorganismes indigènes d’après l’ADN extrait directement des sédiments et un projet de métagénome permettra de préciser le potentiel fonctionnel de ces communautés. Ces analyses contribueront de façon appréciable à notre compréhension de la diversité, de l’écologie, de l’adaptation et de l’évolution microbiennes dans ce cryoenvironnement extrême et fournira de nouveaux éclairages sur les adaptations moléculaires de la vie microbienne à des températures inférieures à zéro.

La glace de sol est présente sur Mars en tant que sol englacé sous-jacent à une couche de sol sec (Smith et autres, 2009). La profondeur jusqu’à la glace de sol de Mars et la stabilité de celleci sont déterminées par l’échange-vapeur avec l’atmosphère (Mellon et autres, 2009). La vallée University est l’un des rares endroits sur terre où l’on retrouve un pergélisol comparable à celui de Mars, c’est-à-dire une couche de sédiments cryotiques secs recouvrant des sédiments englacés. Dans les zones sans couche active, le pergélisol fixé par la glace dans la vallée University provient surtout de la diffusion-vapeur (condensation et adsorption), qui est aussi un processus analogue à ce qui se déroule sur Mars. L’excédent de glace de sol s’accumule par diffusion-vapeur; la contraction thermique des sédiments permet à la glace de s’accumuler au-dessus des espaces interstitiels. La surface supérieure de la glace de sol perd de la masse par sublimation à un taux dépendant de la température de l’air et de l’humidité et des propriétés thermophysiques de la couche susjacente. Des études menées dans la vallée University offrent de nouveaux éclairages sur la dynamique d’une condensation, d’adsorption et de sublimation de la vapeur d’eau dans les environnements froids-secs, et nos constatations permettent de mieux comprendre le cycle de l’eau martien entre les divers réservoirs d’eau.

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Denis Lacelle (dlacelle@uottawa.ca) est affilié à la faculté de géographie de l’Université d’Ottawa (Ontario). Wayne Pollard, Lyle Whyte et Jackie Goordial sont de l’Université McGill, à Montréal, le premier au département de géographie et les autres à celui des sciences des ressources naturelles. Les collaborateurs américains sont les suivants : Alfonso Davila et Dale Andersen, à l’Institut SETI de Mountain View, CA; Regina DeWitt, au département de physique de l’Université d’État de l’Oklahoma à Stillwater, OK; Jennifer Heldmann, Margarita Marinova et Christopher McKay, tous au centre de recherches Ames de la NASA à Moffett Field, CA; Kris Zacny, de Honeybee Robotics Spacecraft Mechanisms Corporation à Pasadena, CA.

XXXIIe assemblée du CSRA – Comité des délégués aux affaires scientifiques

C. Simon L. Ommanney

Le Comité scientifique pour les recherches antarctiques (CSRA), par l’entremise de ses trois groupes scientifiques permanents, parraine un certain nombre de programmes de recherches scientifiques (PRS). Puisque ces programmes sont délimités dans le temps, il y a donc périodiquement un délai de réflexion où les programmes scientifiques sont réévalués et reciblés pour veiller à ce qu’ils répondent vraiment aux préoccupations scientifiques naissantes. C’est dans une de ces périodes que s’inscrivait la réunion du CSRA à Portland, car le mandat de trois PRS  arrivait à échéance et les délégués ont été invités à étudier et à approuver cinq nouveaux programmes que recommandaient les scientifiques de l’Antarctique. Les programmes touchant à leur fin étaient Évolution du climat antarctique (ACE), Évolution et biodiversité dans l’Antarctique (EBA) et Antarctique et système climatique planétaire (AGCS).

Les scientifiques regroupés dans le programme ACE  ont étudié l’histoire climatique et glaciaire de l’Antarctique au moyen d’enquêtes sur le paléoclimat et par la modélisation de nappe glaciaire, s’attachant à la fois au passé géologique récent et lointain, notamment les époques où la température terrestre était de plusieurs degrés supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui. Il existait évidemment des liens étroits entre ce programme et l’AGS, dans lequel les chercheurs étudiaient la nature et les liens atmosphériques et océaniques entre le climat antarctique et le reste du système planétaire, ainsi que leurs mécanismes. Ils ont utilisé des données provenant des carottes de glace des couches profondes et de faible profondeur, les données satellitaires et les résultats des MCP  (modèle de circulation générale) mondiaux et régionaux. L’EBA  rassemble un certain nombre de programmes préexistants du CSRA  visant à comprendre l’évolution et la diversité de la vie dans l’Antarctique. Dans le cadre du programme, on s’est attaché à étudier les influences sur les propriétés et la dynamique des écosystèmes actuels de l’Antarctique et de l’océan Austral et la façon dont ces systèmes pourraient réagir aux changements environnementaux actuels et futurs. Dans tous les cas, le délai pour répondre aux questions posées était inadéquat de sorte que, dans la transition vers les nouveaux programmes, nombre des questions résiduelles encore sans réponse seront reportées.

En envisageant un successeur au programme EBA, on a pris conscience que la collectivité essayant de gérer les questions était vraiment trop vaste pour que les communications soient efficaces. Il était logique de diviser les programmes en deux. Dans le premier, on s’attachera à étudier l’état de l’écosystème antarctique (AntEco), en se concentrant sur les profils de la biodiversité entre les environnements terrestre, limnologique, glaciaire et marin dans les régions antarctiques, subantarctiques et de l’océan Austral. L’objet premier est d’expliquer la biodiversité actuelle, la façon dont elle s’est installée, ce qu’elle fait et ce qui la menace. Le deuxième objet sera d’étudier les seuils antarctiques – adaptabilité et adaptation des écosystèmes (AnT-ERA ou Antarctic Thresholds – Ecosystem Resilience and Adaptation), de définir les seuils des systèmes biologiques actuels, déterminant ainsi leur résistance et leur capacité d’adaptation au changement et de là, les éventuels points de basculement. Les trois autres nouveaux programmes tirent parti de leurs prédécesseurs. Les chercheurs du programme Changement climatique dans l’Antarctique au XXIe  siècle (Antarctic Climate Change in the 21st Century ou AntClim21) espèrent pouvoir prévoir les éléments clés de la cryosphère, de l’atmosphère et de l’océan antarctiques pour les 20 à 200 prochaines années et leurs réactions aux impulsions naturelles et anthropiques. Le programme sur la Dynamique de la nappe glaciaire passée de l’Antarctique (Past Antarctic Ice Sheet Dynamics ou PAIS) visera à étudier la façon dont la nappe glaciaire de l’Antarctique a réagi aux conditions rigoureuses antérieures, en se concentrant particulièrement sur les régions vulnérables des franges est et ouest. Par ailleurs, le programme sur les réactions de la croûte terres tre et des influences sur l’évolution de la cryosphère (Solid Earth Responses and influences on Cryospheric Evolution ou SERCE) s’attache aux conditions actuelles, cherchant à améliorer notre connaissance des interactions entre le solide terrestre et la cryosphère, y compris l’ajustement isostatique glaciaire (AIG) et les changements de la masse de glace, ainsi que l’influence de paramètres comme le flux thermique et les sédiments sur la dynamique de la nappe glaciaire.

Les chercheurs possédant une expérience pertinente pour contribuer à ces nouveaux programmes pourraient vouloir communiquer avec les chercheurs principaux afin de déterminer les modalités éventuelles de leur participation (www.scar.org).

Il y a eu aussi du renouvellement dans les GSP, notamment la nomination des nouveaux chefs de groupe (CG), chefs de groupe adjoint (CGA) et secrétaires (S) : Sciences de la vie, Graham Hosie (CG), Marc Shepanek (CGA) et Jan Ropert-Coudert (S); Géosciences, Berry Lyons (CG), Jesus Galindo-Zaldivar (CGA) et Naresh Pant (S); Sciences physiques, David Bromwich (CG), Maurizio Candidi (CGA) et Steve Coldwell (S). Le lecteur trouvera un rapport plus détaillé de l’assemblée dans le bulletin du CSRA no 182 de septembre 2012 (www.scar.org/publications/bulletins/Bulletin183.pdf).

Simon Ommanney (simon.ommanney@ns.sympatico.ca) est le délégué suppléant du Canada au CSRA, et est en même temps secrétaire du Comité canadien de recherches antarctiques.

Membres et conseillers du CCRA

Marianne Douglas, directrice

(présidente)

Institut circumpolaire canadien

Université de l’Alberta

15 – 112 Street

Edmonton (Alberta) T6G 0H1

Tél. : 780 492-0055

Téléc. : 780 492-1153

msdougla@ualberta.ca

 

Kathy Conlan

Musée canadien de la nature

C.P. 3443, succursale D

Ottawa (Ontario) K1P 6P4

Tél. : 613 364-4063

Téléc. : 613 364-4027

kconlan@mus-nature.ca

 

Thomas S. James

Commission géologique du Canada

Ressources naturelles Canada

9860 West Saanich Road

P.O. Box 6000, Sidney

(Colombie-Britannique) V8L 4B2

Tél. : 250 363-6403

Téléc. : 250 363-6565

tjames@nrcan.gc.ca

 

Émilien Pelletier

Institut des sciences de la mer de Rimouski

(ISMER)

310, allée des Ursulines, C.P. 3300

Rimouski (Québec) G5L 3A1

Tél. : 418 723-1986 x 1764

Téléc. : 418 724-1842

emilien_pelletier@uqar.qc.ca

 

Peter L. Pulsifer

Centre de géomatique et de recherche cartographique

Université Carleton, et

National Snow and Ice Data Center

449 UCB, University of Colorado

Boulder, CO, 80309, É.-U.

Tél. : 613 620-7195

Téléc. : 613 249-7067

pulsifer@nsidc.org

 

Fred Roots (conseiller sur l’Antarctique

CCAP)

Environnement Canada

351, boul. St-Joseph, 1er étage

Ottawa (Ontario) K1A 0H3

Tél. : 819 997-2393

Téléc. : 819 997-5813

fred.roots@ec.gc.ca

 

Wayne Pollard (président sortant)

Département de géographie

Université McGill

805, rue Sherbrooke ouest

Montréal (Québec) H3A 2K6

Tél. : 514 398-4454

Téléc. : 514 398-7437

pollard@felix.geog.mcgill.ca

 

Simon Ommanney (secrétaire du CCRA)

56 Spinney Road, P.O. Box 730

R.R. #1, Glenwood, Yarmouth County

Nouvelle-Écosse B0W 1W0

Tél. : 902 643-2527

simon.ommanney@ns.sympatico.ca

 

Rédacteur : C. Simon L. Ommanney

Veuillez envoyer votre contribution à :

C. Simon L. Ommanney

Rédacteur, Bulletin du RCRA

Adresse ci-dessus.

 

Commission canadienne des affaires polaires

Suite 1710, 360, rue Albert

Ottawa (Ontario) K1R 7X7

Tel. : 613 943-8605

Téléc. : 613 943-8607

mail@polarcom.gc.ca

www.polarcom.gc.ca

Commission canadienne des affaires polaires/Réseau canadien de recherches antarctiques ISSN 1499 0148