Article 11e) – Droit de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable

Disposition

11. Tout inculpé a le droit :

  1. de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable.

Dispositions similaires

L’article 2f) de la Déclaration canadienne des droits est une disposition similaire. Voir aussi les instruments internationaux que doit respecter le Canada : l’Article 9(3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’Article XXV de l’American Declaration of the Rights and Duties of Man.

Des dispositions similaires se trouvent aussi dans les instruments suivants d’application internationale, régionale ou relevant du droit comparé qui ne lient pas le Canada : le huitième amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique, l’article 5(3) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 7(5) de la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

Le droit résiduel constitutionnel à la mise en liberté sous caution peut être garanti par l’article 7 (voir le point ci-dessous : Mise en liberté sous caution en attendant l’issue de l’appel). Cependant, une contestation fondée sur la Charte concernant la détention avant le procès sera généralement examinée au regard du droit particulier prévu à l’article 11e) et non de l’article 7 (R. c. Pearson, [1992], 3 R.C.S. 665, aux paragraphes 42 et 43). L’article 11d), qui garantit expressément à l’inculpé le droit à la présomption d’innocence et d’autres droits procéduraux, ne s’applique pas directement aux instances relatives au cautionnement puisque la culpabilité ou l’innocence n’est pas déterminée à ce moment-là et aucune peine n’est infligée (R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 711, à la page 735; voir également Pearson, au paragraphe 40).

Objet

L’article 11e) est un droit procédural qui « consacre l’effet de la présomption d’innocence à l’étape préalable au procès criminel et protège la liberté des accusés» (R. c. Antic, 2017 SCC 27, au paragraphe 1; Pearson, précité, au paragraphe 43; voir aussi R. c. Hall, [2002] 3 R.C.S. 309, au paragraphe 13; R. c. Oland, 2017 CSC 17, au paragraphe 34). La Cour suprême a en outre fait remarquer qu’« en droit canadien, la règle cardinale est la mise en liberté de l’accusé et la détention, l’exception. Le fait d’ordonner automatiquement la détention irait à l’encontre du “droit fondamental à une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable sauf s’il existe une juste cause justifiant le refus de l’accorder”, garanti par l’article 11e) de la Charte » (R. c. St-Cloud, 2015 CSC 27, au paragraphe 70, citant Pearson, précité, à la page 691, citant Morales, précité, à la page 728).

Analyse

1. Condition préalable à la protection : la personne doit être inculpée

L’article 11e) s’applique à « tout inculpé ». Voir l’analyse de la fiche générale sur l’article 11 pour savoir si la personne est un « inculpé » aux fins de l’article 11.

2. Le droit de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable

Le droit visé à l’article 11e) « comporte deux éléments distincts : (1) le droit à un “cautionnement raisonnable” du point de vue de la somme d’argent exigée et des autres conditions imposées; et (2) le droit de ne pas être privé sans “juste cause” de la mise en liberté sous caution » (St-Cloud, précité, au paragraphe 27; Hall, précité, au paragraphe 16, Pearson, précité, au paragraphe 46; Antic, précité, au paragraphe 36).

L’expression « mise en liberté assortie d’un cautionnement » doit recevoir une interprétation libérale, et s’étendre à toutes les formes et non seulement à une forme particulière de mise en liberté provisoire. Elle ne concerne pas uniquement le montant ou une autre valeur pouvant, dans certaines circonstances, être déposé à la cour comme condition de mise en liberté. En d’autres termes, l’expression « mise en liberté assortie d’un cautionnement » de l’article 11e) peut viser n’importe quelle condition de la mise en liberté, dont l’exigence de s’engager à comparaître, un engagement de caution et toute autre condition à laquelle la mise en liberté de l’inculpé est assujettie (Pearson, précité, au paragraphe 48).

(i) Premier élément : le droit à un cautionnement raisonnable

Le terme « cautionnement raisonnable » se rapporte aux conditions de la mise en liberté, comme le montant de toute garantie et les conditions dont est assortie la mise en liberté de l’inculpé pendant qu’il est en liberté provisoire (Pearson, précité, au paragraphe 46). « Le droit de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable protège les accusés des conditions et des formes de mise en liberté qui sont déraisonnables » tel que confirmé par l’article 11(e) et « [t]ant une forme de mise en liberté autorisée par la loi que les conditions particulières de mise en liberté ordonnées par un juge de paix ou un juge peuvent être déraisonnables et, partant, inconstitutionnelles. » (Antic, précité aux paragraphes 41-42)

En ce qui concerne les cautions imposées en vertu de l’article 515(4) du Code criminel, la Cour suprême a déclaré qu’elles « ne peuvent [traduction] « être imposées que dans la mesure où elles sont nécessaires » pour dissiper les préoccupations liées aux critères légaux de détention et pour permettre la mise en liberté de l’accusé » et qu’elles « ne doivent pas être imposées pour modifier le comportement de l’accusé ou pour le punir » (Antic, précité, au paragraphe 67j)). Pour ce qui est de l’usage de la mise en liberté avec engagement et caution, la Cour a conclu qu’il s’agit de « l’une des formes les plus sévères de mise en liberté” et qu’elle « ne devrait être exigée que dans le cas où toutes les formes les moins sévères de mise en liberté ont été examinées et écartées en raison de leur caractère inapproprié » (Antic, précité, au paragraphe 67g)).

Lorsque des circonstances exceptionnelles existent et qu’un cautionnement en espèces est ordonné, le « montant ne devrait pas aller au-delà des ressources auxquelles l’accusé et ses cautions ont facilement accès ». Il devrait être proportionné à la préoccupation qui justifierait par ailleurs la détention et le « juge de paix ou le juge a, au moment de l’établissement du montant du cautionnement, l’obligation positive de s’enquérir de la capacité de l’accusé de payer » (Antic, précité, au paragraphe 67i)).

Outre cela, les principes régissant cet aspect du cautionnement n’ont pas été traités d’une manière approfondie par la jurisprudence (R. c. C.A.G., 2014 ABQB 119, au paragraphe 27). Un tribunal d’instance inférieure a expliqué que le principe général du cautionnement raisonnable requiert que les conditions de la mise en liberté sous caution [traduction] « appuient raisonnablement les objectifs législatifs de la mise en liberté sous caution et soient liées à un des trois motifs de détention d’un accusé en attendant le procès » (R. c. Farago, 2002 ABQB 35, au paragraphe 5; voir dans le même sens R. c. Singh, 2011 ONSC 717, au paragraphe 32).

La jurisprudence des tribunaux d’instances inférieures a également cerné d’autres exigences s’appliquant plus particulièrement au cautionnement raisonnable. Par exemple, des conditions que l’accusé ne peut respecter ou qu’il ne pourra fort probablement pas respecter, telles qu’une exigence relative à l’abstinence pour un alcoolique, ont été jugées déraisonnables (R. c. Omeasoo, 2013 ABPC 328; R. c. Denny, 2015 NSPC 49). Les tribunaux ont conclu que des considérations particulières s’appliquent lors de l’imposition de conditions de mise en liberté sous caution des accusés autochtones, notamment en ce qui a trait à l’abstinence, qui font en sorte que leur situation particulière et individuelle doive être prise en considération (Omeasoo, précité, au paragraphe 44, citant R. c. D.D.P., 2012 ABQB 229, au paragraphe 9).

La détention prolongée de façon déraisonnable en attendant l’enquête pour cautionnement peut entraîner une violation de l’article 11e) (R. c. Zarinchang, 2010 ONCA 286). Dans les cas appropriés, le recours possible en ce qui a trait à une telle violation pourrait être l’arrêt des procédures (Zarinchang, précité; R. c. Jevons, 2008 ONCJ 559). Toutefois, ni l’article 503 du Code criminel ni la Charte n’exigent que l’enquête sur la remise en liberté provisoire se tienne dans les 24 heures suivant l’arrestation : une période de temps supplémentaire peut être nécessaire, après la première comparution devant un juge de paix, pour préparer l’enquête sur la remise en liberté provisoire (R. c. Dawson, 2016 ONSC 3461, aux paragraphes 33, 35). En concluant que le cautionnement raisonnable comprend le droit à une enquête pour cautionnement en temps opportun, un tribunal d’instance inférieure a rejeté expressément l’argument selon lequel le concept du cautionnement raisonnable s’applique seulement au montant de la caution et aux conditions de la mise en liberté (Jevons, précité).

La jurisprudence des tribunaux d’appel précise également que le droit à un cautionnement raisonnable est un droit continu; par conséquent, il est conforme à la Charte d’interpréter la législation de façon à prévoir la capacité d’examiner la pertinence continue de toute condition de mise en liberté sous caution initialement imposée (R. c. Hardiman, 2003 NSCA 17).

(ii) Deuxième élément : le droit de ne pas être privé sans juste cause de la mise en liberté sous caution

Tout refus de libérer sous caution un inculpé constitue une dérogation au droit à la mise en liberté sous caution. Le deuxième volet de l’article 11e) exige que tout refus d’accorder la mise en liberté sous caution repose sur une « juste cause ». Toute disposition législative qui prévoit la détention d’un accusé avant le procès (y compris les dispositions établissant un motif de refus ou l’inversion du fardeau de la preuve) est susceptible d’examen au regard de ce volet de l’article 11e), en vue de déterminer s’il s’agit d’une juste cause que de refuser la libération sous caution (voir Pearson, précité, aux paragraphes 45-46; Antic, précité aux paragraphes 39, 61-62).

Il existe une « juste cause » permettant de refuser la mise en liberté si les deux conditions suivantes sont remplies : 1) premièrement, la mise en liberté sous caution ne doit être refusée que dans certains cas bien précis et 2) deuxièmement, le refus doit s’imposer pour favoriser le bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution et il ne faut pas y recourir à des fins extérieures à ce système (Antic, précité, au paragraphe 40; Pearson, précité, au paragraphe 48; Morales, précité, au paragraphe 33; Hall, précité, aux paragraphes 16 et 22, pour la majorité, et au paragraphe 56, pour les juges dissidents).

(a) Certains cas bien précis

L’article 515(10) du Code criminel énonce trois motifs justifiant de refuser une mise en liberté sous caution :

  1. la détention du prévenu est nécessaire pour assurer sa présence au tribunal;
  2. la détention du prévenu est nécessaire pour la sécurité du public, eu égard à toute probabilité marquée que, s’il est mis en liberté, le prévenu commettra une autre infraction criminelle ou nuira à l’administration de la justice;
  3. la détention du prévenu est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public dans l’administration de la justice, compte tenu du fait que l’accusation paraît fondée, de la gravité de l’infraction, des circonstances entourant sa perpétration et de la possibilité que le prévenu purge une longue peine d’emprisonnement.

Le premier motif n’a jamais été contesté, mais le deuxième motif a été maintenu selon l’article 11e). Il a été établi que la probabilité qu’un accusé commette une autre infraction fait partie d’une « juste cause » de détention. Un refus fondé sur la probabilité que le prévenu commette une autre infraction est une circonstance suffisamment précise, car la mise en liberté sous caution n’est refusée qu’à l’égard des prévenus pour lesquels il existe une « probabilité marquée » qu’ils commettront une infraction et seulement si cette probabilité compromet la sécurité du public. La circonstance est encore précisée davantage par l’exigence que la détention ne soit pas simplement commode, mais nécessaire pour la sécurité du public (Morales, précité, au paragraphe 39).

Selon la Cour suprême, le troisième motif est un motif distinct qui ne doit pas être interprété restrictivement ni s’appliquer qui dans de rares cas ou circonstances exceptionnelles, ou pour certains types de crime seulement (R. c. St-Cloud, [2015] R.C.S. 328, au paragraphe 87). En décidant de la question de savoir si la détention est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice, la cour doit adopter le point de vue du « public », c’est-à-dire celui d’une personne raisonnable, bien informée de la philosophie des dispositions législatives, des valeurs consacrées par la Charte et des circonstances réelles de l’affaire (ibid, au paragraphe 74, Hall, précité, au paragraphe 41).

Une disposition portant inversion du fardeau de preuve en matière de mise en liberté sous caution est « une exception au droit fondamental à la mise en liberté sous caution que consacre l’article 11e). Au lieu d’obliger le poursuivant à faire valoir des motifs justifiant la détention préventive, il oblige le prévenu à faire valoir des motifs justifiant l’absence de fondement de cette détention » (Pearson, précité, au paragraphe 56). Dans l’arrêt Pearson, la Cour a estimé que l’inversion du fardeau de la preuve, qu’on trouve à l’article 515(6) du Code criminel relativement aux infractions liées à la drogue, ne constituait pas un refus injuste de mise en liberté sous caution étant donné qu’il s’agissait d’une exception bien circonscrite qui ne s’applique qu’à un petit nombre d’infractions et qu’elle ne prive pas tous les prévenus de la mise en liberté sous condition dans tous les cas mais plutôt seulement ceux qui sont incapables de faire valoir l’absence de fondement de la détention (Pearson, précité, au paragraphe 59). Par conséquent, une disposition prévoyant une telle inversion peut habituellement se justifier en vertu de l’article 11e) au motif qu’elle vise précisément à régler des situations précises où le principe ordinaire voulant que l’on accorde une mise en liberté ne favoriserait pas le bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution et, plus particulièrement, que le régime actuel de mise en liberté sous caution ne prévient pas suffisamment les risques de récidive avant le procès ni les risques que le prévenu tente de se soustraire à la justice.

Une décision d’appel en matière de mise en liberté sous caution précise que la présomption d’innocence sous-jacente à l’article 11e) s’applique même dans les circonstances où un accusé admet les éléments factuels de l’infraction alléguée et la défense est fondée sur la maladie mentale (R. c. Turcotte, 2014 CAQC 2190, aux paragraphes 41 à 46).

(b) Nécessaire pour favoriser le bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution

Selon le deuxième motif permettant de refuser une mise en liberté sous caution pour une « juste cause », le refus doit s’imposer pour favoriser le bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution et il ne faut pas y recourir à des fins extérieures à ce système (Pearson, précité, au paragraphe 58). Certaines fins ont été reconnues comme étant des fins valides pour favoriser le bon fonctionnement du système. La protection de la sécurité du public est une fin valide étant donné que le système ne fonctionne pas bien si un prévenu nuit à l’administration de la justice après avoir été mis en liberté sous caution (Morales, précité, au paragraphe 40).

Empêcher le prévenu de récidiver pendant qu’il est en liberté sous caution est aussi une fin valide qui favorise le bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution. Cette fin peut être réalisée au moyen de l’inversion du fardeau de la preuve dont il est question ci-dessus, soit pour certaines infractions, soit pour les prévenus qui ont déjà commis des infractions tandis qu’ils étaient en liberté sous caution. L’article 515(6) du Code criminel, qui indique quelles sont les infractions pour lesquelles le fardeau de la preuve est inversé dans le cadre d’une demande de mise en liberté sous caution, vise des infractions dans lesquelles le risque de récidive est élevé. Dans le cas du trafic de stupéfiants, par exemple, le risque que le prévenu commette une autre infraction est élevé en raison de la nature lucrative de cette activité, de sorte que la mise en liberté sous caution peut conduire à d’autres activités criminelles (Pearson, précité, aux paragraphes 66-67).

De même, le sous-article 515(6)a)(i) du Code criminel inverse le fardeau de la preuve lorsque l’inculpé est accusé d’avoir commis un acte criminel qu’il aurait commis pendant qu’il était en liberté sous caution à l’égard d’un autre acte criminel. Les tribunaux ont conclu qu’il s’agit d’une juste cause de refuser la mise en liberté sous caution au titre de l’article 11e) parce que l’accusé a déjà trahi la confiance implicite au fait d’avoir été mis en liberté sous caution (Morales, précité, au paragraphe 63). Cette conclusion a été appliquée par analogie pour confirmer la validité de l’article 524(8) du Code criminel dans R. c. Codina, 2016 ONSC 7305, au paragraphe 17.

Empêcher le prévenu de se soustraire à la justice est également nécessaire pour le bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution. Une inversion de la preuve en matière de mise en liberté sous caution est donc justifiée pour certaines infractions comme le trafic de stupéfiants parce que les ressources financières et la complexité des organisations qui font du trafic font en sorte qu’il sera plus probable que l’accusé tente de se soustraire à la justice (Pearson, précité, au paragraphe 62). L’inversion du fardeau de la preuve est aussi justifiée pour des infractions comme le meurtre, car la lourde sanction qui pèse contre le prévenu en cas de déclaration de culpabilité pourrait l’inciter à se soustraire à la justice (R. c. Sanchez (1999), 176 N.S.R. (2d) 52 (C.A.), au paragraphe 27).

Le troisième motif prévu au Code criminel pour refuser une mise en liberté sous caution qui est lorsque la détention est nécessaire pour conserver la confiance dans l’administration de la justice, eu égard au fait que l’accusation paraît fondée, à la gravité de l’infraction, aux circonstances entourant sa perpétration et au fait que le prévenu encourt, en cas de condamnation, une longue peine d’emprisonnement, a été reconnu comme une fin valide pour favoriser le bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution (Hall, précité, au paragraphe 40). Dans une décision partagée (5 contre 4) la Cour suprême a décidé, dans l’arrêt Hall, précité, que ce motif ne portait pas atteinte à l’article 11e). En revanche, dans cet arrêt, les juges de la Cour ont établi à l’unanimité que le refus d’une mise en liberté sous caution fondé sur « une autre juste cause » laissait une « large place à l’arbitraire » et conférait aux juges un pouvoir discrétionnaire trop large de refuser la mise en liberté sous caution qui ne pouvait être justifié au regard de l’article premier de la Charte et les mots suivants, « sans préjudice de ce qui précède » ont été radiés de l’article 515(10)c) (Hall, précité, au paragraphe 22)

Plusieurs fins ont été considérées comme étant des fins extérieures au système de mise en liberté sous caution. La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a mentionné les suivantes : chercher à punir des accusés avant leur procès chercher à obtenir un plaidoyer de culpabilité dans les cas où il pourrait arriver que la détention préventive soit plus longue que la peine prévue et appliquer l’inversion du fardeau de la preuve pour des infractions qui, normalement, n’entraînent que peu ou pas d’incarcération (Sanchez, précité, au paragraphe 28). Dans l’arrêt Hall, précité, les juges dissidents ont mentionné des dispositions qui reposent sur « les réactions émotives de gens mal informés » comme étant des fins extérieures au système de mise en liberté sous caution (paragraphe 108). En règle générale, les fins extérieures sont celles qui laisseraient « une trop large place à l’arbitraire » ou un pouvoir discrétionnaire illimité de limiter la mise en liberté sous caution (Morales, précité, au paragraphe 24).

3. Mise en liberté sous caution en attendant l’issue de l’appel

Le droit protégé par l’article 11e) ne s’applique plus lorsque l’inculpé a été déclaré coupable, même si la condamnation est portée en appel. En effet, la présomption d’innocence, sur laquelle repose le droit visé à l’article 11e), est écartée du fait de la reconnaissance de la culpabilité (R. c. Oland, 2017 CSC 17, au paragraphe  35; voir également R. c. Branco (1993), 35 B.C.A.C. 201, au paragraphe 17, demande d’autorisation d’interjeter appel rejetée, [1994] S.C.C.A. no 134; R. c. Farinacci (1993), 67 O.A.C. 197 (C.A.), au paragraphe 7).

Même si l’article 11e) ne s’applique pas à la mise en liberté sous caution en attendant l’issue d’un appel, l’article 7 de la Charte peut néanmoins fournir un certain degré de protection en ce sens à cette étape. Les dispositions relatives à la mise en liberté sous caution jusqu’à l’issue d’un appel touchent sans doute la liberté résiduelle de l’auteur de l’infraction, et doivent donc respecter les principes pertinents de justice fondamentale. La question a été présumée aux fins de l’analyse dans l’arrêt Farinacci (un arrêt rendu par la Cour d’appel de l’Ontario en 1993), et l’affaire Khadr c. Bowden Institution (Warden), 2015 ABQB 261 a été tranchée sur ce fondement. Cependant, selon ces affaires, les normes constitutionnelles applicables à la mise en liberté sous caution à cette étape seront différentes de celles qui s’appliquent avant le procès, étant donné que la présomption d’innocence ne s’applique plus lors d’un appel.

Il convient de souligner que la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur l’incidence de l’article 7 de la Charte sur la mise en liberté sous caution jusqu’à l’issue d’un appel. Dans l’arrêt Oland, rendu en 2017, qui traite de l’interprétation et de l’application des dispositions du Code criminel relatives à la mise en liberté en attendant l’issue d’un appel, la Cour suprême a pris soin de souligner qu’elle n’était saisie d’aucune contestation fondée sur la Charte (paragraphe 60).

Lorsqu’une déclaration de culpabilité a été annulée et qu’un nouveau procès a été ordonné par une cour d’appel, l’article 11e) s’applique de nouveau (R. c. Sutherland, [1994] S.J. n° 242 (C.A.) (QL), au paragraphe 15).

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