Projet de loi C-14 : Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19

Déposé à la Chambre des communes le 11 avril 2020

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par le projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés, dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations relatives à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-14 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.

Partie 1 – Modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu

L’article 2 du projet de loi propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu afin d’y inclure une subvention salariale d’urgence dans le cadre de la réponse du gouvernement à la COVID-19. Cela permettrait aux employeurs admissibles de toucher une subvention salariale de 75 pour cent pendant un maximum de 12 semaines à compter du 15 mars 2020.

L’article 6 du projet de loi propose deux modifications à l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu, lequel régit la communication des renseignements des contribuables. La première disposition autoriserait le ministre à communiquer publiquement, de toute manière qu’il estime indiquée, le nom de toute personne ou de société de personnes qui a présenté une demande de subvention salariale liée à la COVID-19, ceci pourrait comprendre une société ou un particulier. La deuxième disposition permettrait de fournir des renseignements sur les contribuables à un fonctionnaire, notamment le nom, l’adresse et des renseignements sur l’emploi et le revenu, en vue de l’application et de l’exécution de la Loi sur la prestation canadienne d’urgence, édictée par le projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19.

Fouilles, perquisitions et saisies (article 8 de la Charte)

L’article 8 de la Charte offre une protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. Son objectif est de protéger l’attente raisonnable des particuliers, y compris les sociétés en tant que personnes morales, en matière de vie privée, y compris leur attente relative à leurs renseignements personnels, contre une intrusion déraisonnable. Comme les dispositions autorisent la communication et la fourniture de renseignements des contribuables, elles sont susceptibles de toucher les droits relatifs à la vie privée et ainsi de mettre en jeu l’article 8 de la Charte.

Une fouille, une perquisition ou une saisie est raisonnable si elle est autorisée par la loi, si la loi en soi est raisonnable (dans le sens où elle établit un juste équilibre entre les intérêts en matière de vie privée et l’intérêt de l’État qui est en cause) et si elle est effectuée de manière raisonnable.

Les considérations suivantes appuient la compatibilité des dispositions édictées à l’article 6 du projet de loi avec l’article 8 de la Charte. Les deux dispositions proposées sont de nature administrative et s’appliqueraient dans un contexte où les attentes en matière de vie privée sont généralement réduites. Le but de l’article autorisant le ministre à communiquer le nom de ceux qui ont présenté une demande est d’assurer une meilleure transparence envers le public à l’égard de la mise en œuvre du programme de subvention salariale liée à la COVID-19. Les renseignements qui pourraient être communiqués par le ministre se limitent au nom de la personne ou de la société de personnes, y compris une société ou un particulier, qui a présenté une demande de subvention salariale. Le pouvoir du ministre de communiquer ces renseignements est discrétionnaire et serait exercé en conformité avec la Charte.

L’objectif de la deuxième disposition, qui autoriserait la communication des renseignements des contribuables à un fonctionnaire, est de permettre l’application et l’exécution du programme de prestation canadienne d’urgence. Il s’agit d’un pouvoir très semblable aux pouvoirs de communication qui sont prévus à l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu et qui permettent de fournir des renseignements des contribuables en vue de l’application et de l’exécution de certaines autres lois fédérales.