Projet de loi C-29 : Loi prévoyant la reprise et le maintien des opérations au port de Montréal

Projet de loi C-29 : Loi prévoyant la reprise et le maintien des opérations au port de Montréal

Déposé à la Chambre des communes le 28 avril 2021

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations relatives à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-29, Loi prévoyant la reprise et le maintien des activités au port de Montréal, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-29 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.

Le projet de loi C-29 prévoit la reprise et le maintien des activités au port de Montréal (le port). Il prévoit la prolongation de la convention collective entre l’Association des employeurs maritimes (AEM) et le Syndicat des débardeurs - Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 375 (SCFP 375) jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention collective. Il prévoit la nomination d’un médiateur-arbitre pour tenter de résoudre les questions en suspens par la médiation et, si la médiation échoue, pour les trancher en tant qu’arbitre.

Le projet de loi C-29 pourrait mettre en cause les alinéas 2b) et 2d) de la Charte. L’alinéa 2b) prévoit que chacun a la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, ce qui peut englober l’acte de se retirer du travail pour exprimer son mécontentement à l’égard des conditions d’emploi. L’alinéa 2d) de la Charte prévoit que toute personne a la liberté d’association et a été interprétée comme empêchant une « entrave substantielle » au droit à un processus de négociation collective. Un véritable processus de négociation collective a été interprété comme incluant la possibilité pour les employés de faire la grève afin d’obtenir une nouvelle convention collective.

Les considérations suivantes appuient la cohérence du projet de loi C-29 avec la Charte. La reprise et le maintien des activités portuaires sont importants pour l’ensemble de l’économie canadienne. Le projet de loi empêcherait des préjudices économiques persistants et importants aux entreprises canadiennes, aux employés et à ceux qui dépendent de leurs services. Ces préjudices sont aggravés par la pandémie de Covid-19, qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement globales et qui a rendu difficile pour les entreprises canadiennes de recevoir et livrer les marchandises de façon ponctuelle. De grandes entreprises ont commencé à détourner des marchandises du port en raison de l’incertitude persistante et de la croissance des arrêts de travail. Le port est le deuxième port à conteneurs en importance au Canada et constitue un lien important dans la chaîne d’approvisionnement du Canada et des États-Unis en matières premières et en divers produits conteneurisés. Il s’agit également d’une porte d’entrée clé pour l’importation de produits essentiels conteneurisés (p. ex. produits médicaux essentiels, produits pharmaceutiques, aliments et intrants essentiels pour les industries pharmaceutiques et alimentaires) vers les marchés du Québec et de l’Ontario.

Le projet de loi est présenté en raison d’efforts infructueux pour amener le processus de négociation collective à une conclusion satisfaisante. Les parties sont en négociation collective depuis le 4 septembre 2018. Le gouvernement a pris des mesures importantes pour promouvoir le processus de négociation collective en encourageant un règlement négocié du différend entre les parties. Le gouvernement a nommé de nombreux conciliateurs et médiateurs tout au long d’une période de deux ans et demi pour aider les parties dans leur négociation. Au cours de cette période, aucune des parties n’a été autorisée à déclencher un arrêt de travail en attendant que le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) rende une décision pour déterminer quelles activités devaient être maintenues au port. À la suite de la décision du CCRI en juin 2020, un certain nombre d’arrêts de travail ont été déclenchés par le syndicat, y compris une grève générale illimitée de 11 jours qui a commencé le 10 août 2020. Les parties ont conclu une trêve pour la période allant du 21 août 2020 au 21 mars 2021. Le syndicat a entamé une grève partielle le 13 avril 2021, cessant tout travail en temps supplémentaire, le travail en fin de semaine et la formation. Cette grève partielle a un impact considérable vu qu’elle a grandement réduit la capacité au port. Le 26 avril 2021, le syndicat a escaladé les mesures de pression en entamant une grève générale. Depuis le début de leur différend, les parties ont participé à un nombre important de séances de négociation par voie de médiation, et le syndicat a fait usage de son droit de grève pour obtenir une nouvelle convention collective, mais les parties n’ont jusqu’à présent pas été en mesure de conclure une nouvelle convention collective.

Le projet de loi obligerait le syndicat à aviser les employés de reprendre ou de poursuivre leurs fonctions au port. Le projet de loi prolongerait également la durée de la convention collective expirée à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention collective entre les parties. Les grèves et les lock-out seraient interdits jusqu’à l’expiration de la convention collective prolongée.

Le projet de loi continuerait à promouvoir un règlement négocié du conflit. Il prévoit un processus neutre, comportant la nomination d’un médiateur-arbitre sur la base d’une liste fournie par chaque partie. S’il y a des noms en commun entre les deux listes, le ministre doit nommer l’une de ces personnes. S’il n’y a aucun nom en commun, le ministre doit nommer le médiateur-arbitre. Le médiateur-arbitre doit d’abord aider les parties à négocier une convention collective par la médiation. À défaut d’accord, le médiateur-arbitre tranchera les points en litige et, à sa discrétion, aura recours à l’arbitrage de divergence d’intérêts ou à l’arbitrage des propositions finales. L’arbitrage de divergence d’intérêts permettrait au médiateur-arbitre d’entendre les parties et de trancher l’affaire. Le recours à l’arbitrage des propositions finales permettrait au médiateur-arbitre de choisir l’offre finale présentée par l’une des parties. Le projet de loi n’empêcherait pas les parties de conclure volontairement une nouvelle convention collective à tout moment avant que le médiateur-arbitre ne fasse rapport au ministre.