Projet de loi C-30 : Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures

Déposé à la Chambre des communes le 7 mai 2021

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer la non‑conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations relatives à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C‑30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures,afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C‑30 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Elle ne constitue pas une description exhaustive de l’ensemble du projet de loi; elle est plutôt axée sur les éléments qu’il convient de prendre en compte aux fins d’un Énoncé concernant la Charte.

Voici les principaux droits et libertés protégés par la Charte qui sont susceptibles d’être touchés par les mesures proposées :

Partie 1, articles 34 à 38 et 49 – rente viagère différée à un âge avancé

Les articles 34 à 38 et 49 de la partie 1 modifieraient la Loi de l’impôt sur le revenu de manière à permettre l’utilisation de fonds de certains régimes enregistrés pour l’achat d’un nouveau type de rente appelée « rente viagère différée à un âge avancé ». À l’heure actuelle, les règles fiscales permettent l’utilisation de fonds de certains régimes enregistrés pour l’achat d’une rente visant à fournir un revenu à la retraite. En échange d’un montant forfaitaire, une rente offre une source de paiements périodiques à un particulier (appelé le « rentier ») à titre viager. Les règles fiscales exigent généralement qu’une rente achetée avec des fonds provenant d’un régime enregistré commence au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle le rentier atteint l’âge de 71 ans.

Une rente viagère différée à un âge avancé est une rente à titre viager qu’un particulier peut acheter avec une partie des sommes qu’il a versées à un régime enregistré d’épargne‑retraite. Le versement des paiements effectués au titre de cette rente peut être différé jusqu’à ce que le rentier atteigne l’âge de 85 ans. Les dispositions en cause sont susceptibles de porter atteinte aux droits garantis par l’article 15 de la Charte parce que les règles fiscales applicables à cette rente exigent que le rentier commence à recevoir les paiements au titre de cette rente au plus tard lorsqu’il atteint l’âge de 85 ans.

Les considérations suivantes appuient la conformité de ces dispositions au regard de l’article 15 de la Charte. La rente viagère différée à un âge avancé accroîtra la marge de manœuvre des particuliers dans la gestion de leur retraite, car ils bénéficieront d’une période élargie pendant laquelle ils pourront choisir de recevoir cette rente. Le versement des paiements effectués au titre de cette rente peut être différé jusqu’à ce que le particulier atteigne l’âge de 85 ans, au lieu de devoir commencer au plus tard à l’âge de 71 ans, comme c’est le cas avec d’autres régimes enregistrés d’épargne‑retraite. La mesure permettra aux particuliers de conserver une plus grande part de leur épargne pour des années ultérieures au cours de leur retraite.

Partie 1, articles 39, 47 et 48 – régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes – mesures fiscales

Les articles 39, 47 et 48 de la partie 1 modifieraient la Loi de l’impôt sur le revenu de manière à permettre à l’Agence du revenu du Canada (ARC) de révoquer l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance lorsque celui‑ci est inscrit, en vertu du Code criminel, sur la liste d’entités qui participent à des activités terroristes ou qui facilitent de telles activités (« entité inscrite »). Les dispositions permettraient également à l’ARC de refuser d’enregistrer un organisme de bienfaisance, ou de suspendre ou révoquer l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance, lorsqu’une personne en position d’influence au sein de cet organisme – comme un administrateur ou un cadre – occupait un poste semblable au sein d’une entité inscrite ou contrôlait ou gérait une telle entité. Enfin, ces dispositions permettraient à l’ARC de suspendre ou de révoquer temporairement l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance lorsque celui‑ci fait de faux énoncés en vue de maintenir son enregistrement.

Révocation lorsque l’organisme est une entité inscrite

La modification proposée est susceptible de porter atteinte à la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) et à la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d). Elle pourrait empêcher les associations enregistrées à titre d’organismes de bienfaisance de se livrer à certaines activités revêtant une forme d’expression, quoique aucune activité ne saurait être protégée par l’alinéa 2b) dans la mesure où elle implique des actes ou des menaces de violence. Par ailleurs, bon nombre d’activités associatives d’une entité inscrite pourraient ne pas être protégées par l’alinéa 2d), qui n’offre aucune protection aux organismes liés à des activités violentes.

Les considérations suivantes appuient la conformité de cette modification au regard des alinéas 2b) et 2d) de la Charte. Les organismes de bienfaisance enregistrés bénéficient du soutien de l’État par l’intermédiaire du régime fiscal, principalement grâce au crédit d’impôt pour don de bienfaisance et à l’exonération d’impôt sur le revenu. La modification proposée est une mesure raisonnable visant à garantir que les fonds publics ne sont pas soumis à un traitement fiscal avantageux en vue d’être utilisés pour soutenir des organismes figurant sur la liste d’entités terroristes établie en vertu du Code criminel en raison de motifs raisonnables de croire qu’ils sont liés à une activité terroriste. Les avantages de cette mesure l’emportent sur l’incidence qu’elle pourrait avoir à l’égard d’activités non violentes revêtant un caractère expressif ou associatif, laquelle serait de portée limitée et d’importance moindre.

Personne en position d’influence au sein de l’organisme

La modification proposée est susceptible de porter atteinte à la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d). Elle pourrait empêcher les associations enregistrées à titre d’organismes de bienfaisance de choisir librement leurs administrateurs, leurs fiduciaires, leurs cadres ou des représentants occupant des postes semblables.

Les considérations suivantes appuient la conformité de cette modification au regard de l’alinéa 2d) de la Charte. Les organismes de bienfaisance enregistrés bénéficient du soutien de l’État par l’intermédiaire du régime fiscal grâce au crédit d’impôt pour don de bienfaisance et à l’exonération d’impôt sur le revenu. La modification proposée empêcherait les personnes qui ont occupé un poste d’influence au sein d’une entité inscrite de s’infiltrer dans un organisme de bienfaisance enregistré et d’utiliser les ressources de cet organisme pour soutenir des activités terroristes. La modification proposée est une mesure raisonnable visant à garantir que les fonds publics ne sont pas soumis à un traitement fiscal avantageux en vue d’être utilisés pour faciliter des activités terroristes. Les avantages de cette modification l’emportent sur l’incidence mineure qu’elle pourrait avoir sur la capacité d’un organisme de nommer les candidats de son choix aux postes d’influence.

Partie 4, section 2  – modifications à la Loi sur la Banque du Canada et à la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension

La section 2 de la partie 4 du projet de loi édicterait le paragraphe 22(1.31) de la Loi sur la Banque du Canada afin de permettre à la Banque du Canada de publier certains renseignements relatifs aux sommes non réclamées pour en faciliter la recherche. Les renseignements publiés ne pourraient cependant comprendre de dates de naissance ou de numéros d’assurance sociale. La section 2 modifie les sous‑alinéas 424(2)a)(i) et 424(2)b)(i) de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et les sous‑alinéas 438(2)a)(i) et 438(2)b)(i) de la Loi sur les banques, respectivement,afin d’obliger les institutions financières à fournir à la Banque du Canada le nom du titulaire du dépôt ou de la personne à qui l’effet a été émis et, s’il s’agit d’une personne physique, sa date de naissance et son numéro d’assurance sociale. Les dispositions proposées relativement à la publication et à l’échange de renseignements sont susceptibles de porter atteinte aux droits garantis par l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité des dispositions proposées ci‑dessusau regard de l’article 8 de la Charte. La Banque du Canada doit recueillir les renseignements en cause pour s’acquitter de ses responsabilités à l’égard des sommes non réclamées. La publication des renseignements vise uniquement à faciliter la recherche relative aux sommes non réclamées. Leur publication sur le site Web de la Banque est un moyen efficace pour aider les membres du grand public à savoir s’il existe des sommes non réclamées en leur nom. En revanche, les risques d’atteinte à la vie privée sont minimes, car les renseignements ainsi publiés ne comprennent ni numéros d’assurance sociale ni dates de naissance.

La section 2 de la partie 4 modifierait également la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension afin de permettre au ministre de désigner une entité chargée de recevoir et de détenir les actifs de régimes de pension liés aux droits à pension de personnes introuvables et de les décaisser en une somme forfaitaire. Le paragraphe 10.3(3.3) proposé prévoit que l’administrateur du régime de pension, ou le fiduciaire ou dépositaire du fonds de pension, doit fournir à l’entité désignée des renseignements réglementaires concernant les droits à pension et la personne introuvable en cause. Le paragraphe 10.3(3.4) proposé permettrait quant à lui à l’entité désignée de publier des renseignements concernant les actifs non réclamés. Les dispositions proposées relativement à l’échange de renseignements sont susceptibles de porter atteinte aux droits garantis par l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité des dispositions proposées ci‑dessus au regard de l’article 8 de la Charte. Il est nécessaire de fournir à l’entité désignée des renseignements concernant les personnes introuvables et les actifs non réclamés pour qu’elle puisse s’acquitter de ses responsabilités à l’égard du décaissement de ces actifs. Ces renseignements doivent porter sur la personne ou les actifs. Il est également nécessaire de publier certains renseignements pour localiser les personnes dont les actifs ont été transférés afin de pouvoir procéder à leur décaissement. Là encore, il s’agit de renseignements qui portent uniquement sur les actifs en cause.

Partie 4, section 6 – modifications à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus

La section 6 de la partie 4 du projet de loi modifierait le paragraphe 7(1) de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), qui exige que les entités déclarantes communiquent le fait qu’elles ont ou non en leur possession ou sous leur contrôle des biens appartenant à une personne inscrite. La modification vise à réduire le fardeau administratif qu’impose cette loi auxentités déclarantes. Par suite de cette modification, les entités ne seraient plus tenues de communiquer le fait qu’elles n’ont pas en leur possession ou sous leur contrôle des biens appartenant à une personne à laquelle le gouvernement du Canada a imposé une sanction en vertu de cette loi. Autrement dit, la modification annulerait l’obligation mensuelle de communication à cet égard. Cependant, les entités déclarantes devront tout de même communiquer le fait qu’elles ont en leur possession ou sous leur contrôle des biens appartenant à une personne inscrite dès qu’elles le constatent. La modification modifierait ensuite la fréquence à laquelle les entités déclarantes seraient tenues de communiquer le fait qu’elles ont de tels biens en leur possession ou sous leur contrôle, la faisant passer d’une fois par mois à une fois par trois mois. Cette modification fait intervenir l’article 8 de la Charte, car des renseignements privés pourraient être communiqués lorsque les entités s’acquittent de cette obligation.

Les considérations suivantes appuient la conformité de la modification au regard de l’article 8 de la Charte. Par suite de cette modification, les entités déclarantes ne seraient plus tenues de communiquer chaque mois le fait qu’elles n’ont pas en leur possession ou sous leur contrôle les biens en cause. La mesure modifierait également la fréquence de l’obligation pour les entités de communiquer ce fait d’une fois par mois à une fois par trois mois. Cette modification établit un équilibre entre le respect de la vie privée et l’intérêt qu’a la société à ce que le régime de sanctions du Canada fonctionne comme il se doit. L’obligation de communication serait tout de même suffisante en ce qui a trait à la possession ou au contrôle, par les entités déclarantes, de biens appartenant à des personnes inscrites. Une telle modification vise à appuyer les mesures mises en œuvre pour améliorer l’efficacité du régime de sanctions du Canada.

Partie 4, section 7 – modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes

La section 7 de la partie 4 modifierait la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Cette loi a pour objet de mettre en œuvre des mesures visant, d’une part, à détecter et à décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et, d’autre part, à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et de financement d’activités terroristes. Elle impose des obligations en matière de déclaration ainsi que d’autres mesures aux entités réglementées, c’est‑à‑dire des fournisseurs de services financiers et d’autres personnes ou entités qui se livrent à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou d’activités susceptibles d’être utilisées pour le recyclage des produits de la criminalité ou pour le financement des activités terroristes. Cette loi constitue par ailleurs le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), un organisme qui recueille, analyse et communique des renseignements utiles pour la détection, la prévention et la dissuasion en matière de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes. Le CANAFE procède également à des contrôles d’application des règlements et il est chargé de veiller à l’exécution de l’ensemble des obligations prévues dans la Loi.

Collecte et communication de renseignements

Les modifications imposeraient des obligations additionnelles aux entités réglementées en ce qui concerne la collecte et la communication de renseignements. Le transport d’espèces et d’autres instruments financiers serait ajouté aux activités régies par la Loi, ce qui signifie que les personnes et les entités qui se livrent à cette activité, dont les sociétés offrant des services de véhicules blindés, seraient assujetties aux obligations d’inscription, de déclaration, de tenue de documents et de vérification de l’identité des clients imposées par cette loi.

Les modifications apporteraient également des changements aux critères applicables aux « personnes politiquement exposées » et aux « dirigeants d’une organisation internationale ». Ces personnes peuvent être vulnérables aux pratiques de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes et les entités réglementées sont tenues de prendre des précautions particulières en ce qui concerne les transactions effectuées par ces personnes, notamment au moyen d’obligations additionnelles en matière de tenue de documents. Les modifications préciseraient que, dans la catégorie « personnes politiquement exposées », un « maire » désignerait toute personne qui exerce des pouvoirs semblables à ceux d’un maire, quel que soit son titre ou la population que représente cette personne. De plus, les modifications permettraient d’ajouter les dirigeants d’organisations sportives internationales à la liste de « dirigeants d’une organisation internationale ».

Les modifications permettraient également de mettre à jour les catégories de « renseignements désignés » aux termes de la Loi pour refléter les modifications réglementaires qui ont récemment été apportées aux obligations en matière de déclaration à l’égard des entités réglementées. Les « renseignements désignés » sont des renseignements que le CANAFE doit communiquer aux entités inscrites qui mènent des enquêtes, comme les organismes chargés de l’application de la loi et de la sécurité nationale, lorsque le seuil du critère juridique applicable énoncé dans la Loi est atteint. Par suite des modifications, le CANAFE serait tenu de communiquer des renseignements précis relatifs aux opérations faites en monnaie virtuelle ainsi que des renseignements sur la propriété bénéficiaire des fiducies. Ces renseignements incluraient les détails des opérations effectuées ou tentées, dont des renseignements permettant d’établir l’identité des personnes ou des entités ayant participé à une opération. Enfin, les modifications permettraient au CANAFE de recueillir des renseignements pour déterminer les cotisations à payer par les entités réglementées en fonction des frais engagés par le Centre dans le cadre de l’administration et de l’application et de la Loi.

Ces modifications mettent en jeu les droits garantis par l’article 8 de la Charte, car des renseignements privés pourraient être communiqués lorsque les entités s’acquittent de leur obligation de collecte et de communication de renseignements. Les considérations suivantes appuient cependant leur conformité au regard de l’article 8. Les modifications proposées constituent une mise à jour ciblée dont l’objectif est de faire en sorte que les entités et les personnes manifestement susceptibles d’être vulnérables aux pratiques de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes continuent d’être assujetties à la Loi. La communication de renseignements par le CANAFE aux organismes chargés de mener des enquêtes énumérés dans la Loi se limite à des renseignements précis lorsqu’il existe des doutes raisonnables. Les renseignements recueillis et communiqués en application de la Loi sont en outre assujettis à des obligations de confidentialité. Les modifications n’auront pas pour effet d’élargir considérablement les pouvoirs qui sont conférés par la Loi. De plus, elles sont conformes à l’équilibre qu’établit la Loi entre le respect de la vie privée et l’objectif impérieux de l’État qui consiste à détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Sanctions en cas de non-respect

Afin d’assurer l’uniformité avec les peines actuellement prévues au Code criminel, les modifications augmenteraient également la peine maximale possible pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévues dans la Loi, la faisant passer de six mois à deux ans moins un jour d’emprisonnement. Les amendes maximales passeraient en général de 50 000 $ à 250 000 $. Pour les infractions plus graves, comme une violation des obligations en matière de déclaration, l’amende maximale pour une première infraction passerait de 500 000 $ à 1 000 000 $.

Ces modifications sont susceptibles de porter atteinte aux droits garantis par l’article 12 de la Charte, qui protège contre les traitements ou peines cruels et inusités. Dans le contexte de la détermination de la peine, l’article 12 interdit d’infliger des peines exagérément disproportionnées. L’application des modifications proposées pourrait entraîner l’infliction d’une peine plus sévère au délinquant qui commet une infraction après l’entrée en vigueur des dispositions qu’au délinquant qui commet la même infraction et est condamné avant leur entrée en vigueur.

Les considérations suivantes appuient la conformité de la mesure au regard de la Charte. Comme il a été mentionné, l’article 12 de la Charte garantit une protection contre les traitements ou peines exagérément disproportionnés compte tenu des circonstances. Il est peu probable que les peines maximales élevées aillent à l’encontre de l’article 12 puisque les tribunaux ont toujours le pouvoir discrétionnaire d’infliger des peines proportionnelles. Bien qu’une peine disproportionnée dans un cas donné puisse être corrigée en appel, la validité de la disposition sous-jacente à la détermination de la peine ne serait pas remise en question.

Partie 4, section 8 – Loi sur les activités associées aux paiements de détail

La section 8 de la partie 4 édicterait la Loi sur les activités associées aux paiements de détail afin d’établir un cadre de surveillance des activités associées à ce type de paiements, en plus de modifier d’autres lois.

Pouvoirs de collecte, de communication et d’inspection

La Loi sur les activités associées aux paiements de détail obligerait les fournisseurs de services de paiement à s’enregistrer auprès de la Banque du Canada avant d’exercer une activité associée aux paiements de détail et à lui soumettre un rapport annuel contenant les renseignements réglementaires. Les fournisseurs de services de paiement sont tenus de prêter toute l’assistance valablement exigée, notamment fournir tout document ou renseignement, afin que la Banque puisse réaliser l’objectif du projet de loi. Le projet de loi C-30 autoriserait aussi la Banque à faire des vérifications spéciales pour veiller au respect de la Loi. Les personnes autorisées par la Banque peuvent entrer dans tout lieu, autre qu’une maison d’habitation, le fouiller et examiner des documents ou en faire des copies. Ces personnes ne peuvent entrer dans une maison d’habitation que si elles détiennent un mandat, à moins que l’occupant donne son consentement. Étant donné que les pouvoirs de collecte, de communication et d’inspection sont susceptibles de nuire aux intérêts en matière de vie privée, ils pourraient porter atteinte aux droits garantis par l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité des nouveaux pouvoirs avec au regard de l’article 8 de la Charte. Ceux‑ci sont nécessaires pour permettre à la Banque de s’acquitter de ses responsabilités à l’égard des fournisseurs de services de paiement. Les pouvoirs de collecte, de communication et d’inspection permettraient de vérifier la conformité à la Loi et de prévenir le non‑respect des dispositions qu’elle prévoit, mais ils ne pourraient être exercés pour les besoins d’une enquête criminelle. En outre, un mandat serait requis pour entrer dans une maison d’habitation. La Banque est tenue de traiter de façon confidentielle les renseignements obtenus en application de la Loi et elle n’a le droit de les communiquer que dans des circonstances limitées, et ce, en les assujettissant notamment à des obligations de confidentialité. Par conséquent, les pouvoirs proposés sont semblables aux pouvoirs réglementaires d’inspection et de demande péremptoire jugés valides dans d’autres contextes.

Pouvoir de communiquer des demandes d’enregistrement à des fins de sécurité nationale

La Loi sur les activités associées aux paiements de détail obligerait aussi la Banque à transmettre les demandes d’enregistrement qui ont été remplies au ministre des Finances ou à toute personne ou entité désignée à des fins liées à la sécurité nationale. Le ministre peut ordonner à la Banque de refuser d’enregistrer un fournisseur ou de révoquer l’enregistrement d’un fournisseur pour des raisons liées à la sécurité nationale ou en cas de non-respect d’un arrêté, d’un engagement ou d’une condition qu’il a imposé. Le ministre peut également désigner des personnes chargées de vérifier la conformité aux engagements qu’il a pris ou aux conditions qu’il a imposées. Ces personnes peuvent entrer dans tout lieu, autre qu’une maison d’habitation, le fouiller et examiner des documents ou en faire des copies.

Les considérations suivantes appuient la conformité de ces pouvoirs au regard de l’article 8 de la Charte. La communication des renseignements en cause répond à un objectif impérieux, c’est‑à‑dire permettre au gouvernement d’atténuer les risques que présentent les fournisseurs de services de paiement pour la sécurité nationale. Les renseignements communiqués par le ministre ou une personne ou une entité désignée pour des raisons liées à la sécurité nationale doivent être traités de manière confidentielle. Les fournisseurs de services de paiement doivent être avisés de la décision du ministre d’examiner leur demande d’enregistrement pour des raisons liées à la sécurité nationale. Ils doivent également avoir la possibilité de demander une révision de cette décision et de présenter des observations. Les pouvoirs en cause établissent un juste équilibre entre les intérêts en matière de vie privée et l’objectif d’atténuer les risques pour la sécurité nationale.

Modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT)

Par ailleurs, la section 8 de la partie 4 modifierait la LRPCFAT en y ajoutant des dispositions autorisant le CANAFE à aviser la Banque lorsqu’un fournisseur de services de paiement a été déclaré coupable de contravention à certaines dispositions de la LRPCFAT, lorsqu’il s’est vu signifier un avis de décision ou imposer une pénalité, ou lorsqu’il n’est pas inscrit sous le régime de la LRPCFAT. Cette section modifierait aussi la LRPCFAT pour permettre au CANAFE de communiquer à la Banque des renseignements concernant un fournisseur de services de paiement lorsque ces renseignements présentent un intérêt dans le cadre de la mission dont la Banque est investie au titre de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail.

Ces modifications sont susceptibles de mettre en jeu les droits garantis par l’article 8 de la Charte, car elles pourraient entraîner la communication de renseignements privés. Les considérations suivantes appuient cependant leur conformité au regard de l’article 8 de la Charte. Les modifications ne représentent pas un élargissement important des pouvoirs déjà prévus dans la LRPCFAT et elles respectent l’équilibre établi entre les intérêts en matière de vie privée et l’objectif impérieux de l’État qui consiste à détecter et à décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Les renseignements seraient communiqués à la Banque lorsqu’ils présentent un intérêt dans le cadre de la mission dont la Banque est investie au titre de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail. La communication exclurait tout renseignement pouvant révéler directement ou indirectement l’identité d’un client du fournisseur de services de paiement assujetti. La Banque ne pourrait quant à elle communiquer les renseignements reçus du CANAFE sans le consentement du CANAFE.

Modifications à la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, à la Loi sur les réseaux de cartes de paiement et à la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada

Enfin, la section 8 de la partie 4 modifierait la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, la Loi sur les réseaux de cartes de paiement et la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada afin de permettre au commissaire de l’Agence de la consommation en matière financière ou à la Société, selon le cas, de communiquer des renseignements au gouverneur de la Banque du Canada pour la réalisation de la mission de la Banque au titre de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail. Les renseignements ne peuvent être communiqués que si le commissaire ou la Société est convaincu qu’ils seront traités de façon confidentielle.

Les considérations suivantes appuient la conformité des modifications en cause au regard de l’article 8 de la Charte. Celles‑ci ne confèrent aucun nouveau pouvoir de recueillir des renseignements. Elles ne visent que les renseignements dont le gouvernement dispose déjà. Les fournisseurs de services de paiement seraient au courant des obligations de conformité prévues dans ces lois. Les pouvoirs seraient utilisés pour réaliser la mission de la Banque au titre de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail. Pour pouvoir communiquer les renseignements, le commissaire ou la Société devront être convaincus qu’ils seront traités de façon confidentielle.

Partie 4, section 17 – modifications à la Loi sur les télécommunications

La section 17 de la partie 4 modifierait la Loi sur les télécommunications afin de prévoir la communication des renseignements soumis au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes dans le cadre des affaires concernant l’allocation d’une somme tirée du fonds visé à l’article 46.5 de la Loi en vue d’élargir l’accès aux services de télécommunication dans les régions mal desservies. Les dispositions exigeraient la communication de tels renseignements à la demande des ministères et organismes fédéraux si le ministre ou l’organisme est autorisé à fournir un soutien financier pour l’accès aux télécommunications dans les régions mal desservies et qu’il considère les renseignements utiles à la coordination de ce soutien. Les dispositions prévoiraient également que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes peut communiquer de tels renseignements à la demande des ministères et organismes provinciaux si le ministre ou l’organisme est autorisé à fournir un soutien financier pour l’accès aux télécommunications dans les régions mal desservies et qu’il considère les renseignements utiles à la coordination de ce soutien. En outre, elles exigeraient que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes fournisse au ministre de l’Industrie les renseignements concernant le statut de toute demande d’allocation d’une somme tirée du fonds visé à l’article 46.5 en vue d’élargir l’accès aux services de télécommunication dans les régions mal desservies. Ces pouvoirs de communication sont susceptibles de nuire aux intérêts en matière de vie privée et de mettre en jeu les droits garantis par l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité de ces pouvoirs au regard de l’article 8 de la Charte. La communication de renseignements viserait des fins réglementaires, et non pénales, dans le cadre desquelles les attentes en matière de vie privée sont habituellement réduites. Plus particulièrement, les renseignements pouvant être communiqués sont fournis volontairement au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes par les demandeurs qui souhaitent obtenir du financement, et toute communication se limiterait aux renseignements qui sont utiles pour la réalisation de l’objectif du gouvernement de coordonner les services de télécommunication dans les régions mal desservies. En outre, l’utilisation subséquente des renseignements obtenus par les ministères ou organismes est elle aussi limitée et ces derniers doivent traiter ces renseignements de manière confidentielle. Par conséquent, les pouvoirs proposés s’apparentent fortement aux pouvoirs analogues en matière de communication de renseignements utiles à des fins réglementaires ou administratives qui ont été jugés raisonnables au regard de l’article 8.

Partie 4, section 20 – modifications à la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique

La section 20 de la partie 4 modifierait l’article 16 de la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique afin de préciser que le ministre désigné au titre de la Loi peut, avec le consentement du ministre des Finances, nommer des membres d’un groupe spécial de règlement des différends et des membres à inscrire à la liste conformément au chapitre 10 de l’Accord. Le but de cette modification est de veiller à ce que le ministre des Finances partage la responsabilité de la nomination des membres du groupe et des membres à inscrire à la liste.

Les dispositions en cause rétablissent des distinctions entre les citoyens des pays qui sont parties à l’Accord et toute autre personne. Ces distinctions sont susceptibles de mettre en jeu les droits garantis par l’article 15 de la Charte. Les considérations suivantes appuient cependant la conformité des dispositions au regard de l’article 15. Dans le contexte des accords commerciaux internationaux, la citoyenneté ou la nationalité est utilisée comme critère objectif mutuellement reconnu permettant d’établir quelles personnes peuvent être membres d’un groupe spécial chargé du règlement des différends. La nomination de citoyens des pays signataires aux groupes et aux listes de règlement des différends et, dans certains cas de désaccord, d’individus qui ne sont pas citoyens de ces pays ne donne lieu à aucune distinction arbitraire. Il s’agit plutôt d’un aspect fondamental de la nature des accords commerciaux internationaux.

Partie 4, section 21 – modifications à la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Tribunal de la sécurité sociale)

La section 21 de la partie 4 modifierait la partie 5 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social afin d’apporter quelques réformes au Tribunal de la sécurité sociale, notamment accorder au gouverneur en conseil le pouvoir d’établir, par règlement, les circonstances justifiant la tenue d’audiences à huis clos.

L’alinéa 2b) de la Charte garantit la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication. Cela inclut le « principe de publicité des débats judiciaires », selon lequel les membres du public ont le droit d’obtenir des renseignements sur les instances judiciaires. Ce principe s’applique également aux tribunaux administratifs comme le Tribunal de la sécurité sociale. Le pouvoir d’autoriser la tenue d’audiences à huis clos est susceptible de porter atteinte aux droits garantis par l’alinéa 2b) de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité de la proposition susmentionnée au regard de l’alinéa 2b) de la Charte. La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social permet actuellement la tenue d’audiences à huis clos si le Tribunal est d’avis que les circonstances le justifient. Les modifications proposées permettraient au gouverneur en conseil d’établir, par règlement, les circonstances justifiant la tenue d’une audience à huis clos. Il est important de respecter le principe de publicité des débats judiciaires pour assurer la liberté de presse et la capacité du public d’avoir accès à de l’information sur les instances du Tribunal. Cependant, dans certaines circonstances, les considérations liées à la vie privée peuvent avoir priorité sur ce principe. Plus précisément, il peut être nécessaire de tenir des audiences à huis clos dans certains cas afin de protéger la vie privée des personnes qui comparaissent devant le Tribunal et qui présentent souvent des renseignements à caractère très sensible (des rapports médicaux par exemple). Le règlement qui établit les circonstances justifiant la tenue d’une audience à huis clos doit lui‑même être compatible avec la Charte.

Partie 4, section 26 – modifications à la Loi sur les juges

Les juges nommés par le gouvernement fédéral ont le droit à une pension à la retraite s’ils ont passé un nombre d’années minimal à siéger comme juges. La section 26 de la partie 4 propose des modifications à la Loi sur les juges visant à modifier le calcul du droit à pension des juges dans le cas où le Conseil canadien de la magistrature recommande la révocation d’un juge.

Les mesures suspendraient la comptabilisation des années de service d’un juge dans le calcul de son droit à une pension à compter de la date où le Conseil canadien de la magistrature présente un rapport dans lequel il recommande la révocation du juge. Les modifications proposées permettraient de calculer les années de service du juge comme si la comptabilisation n’avait jamais été suspendue dans les cas où la recommandation du Conseil canadien de la magistrature est rejetée par le ministre ou par le Parlement ou lorsqu’elle est annulée par une décision définitive d’une cour à l’issue d’un contrôle judiciaire. Les cotisations à verser par le juge seraient également harmonisées en ce sens. Ces modifications ne s’appliqueraient qu’aux juges ayant fait l’objet d’une recommandation de révocation après la date d’entrée en vigueur des modifications, et non avant.

Les modifications visent à renforcer la confiance du public en l’intégrité des juges nommés par le gouvernement fédéral.

L’alinéa 11d) de la Charte prévoit que les personnes accusées d’une infraction ont le droit à une audience devant un tribunal indépendant et impartial. Le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial exige que les tribunaux soient libres de rendre des décisions sans ingérence externe, y compris l’ingérence en ce qui a trait à la sécurité financière des juges. Il s’agit d’un aspect du principe constitutionnel non écrit de l’indépendance judiciaire. La suspension de la comptabilisation des années de service dans le calcul de la pension à laquelle les juges ont droit est susceptible de porter atteinte aux droits garantis par l’alinéa 11d) puisqu’elle peut avoir pour effet de priver un juge d’un avantage financier à la retraite.

Les considérations suivantes appuient la conformité des mesures proposées au regard du principe de l’indépendance judiciaire, lequel est protégé par l’alinéa 11d) de la Charte. Les modifications proposées sont fondées sur les recommandations formulées par la Commission d’examen de la rémunération des juges, un organisme indépendant et impartial chargé d’examiner les questions susceptibles d’avoir une incidence sur la rémunération et les avantages sociaux des juges nommés par le gouvernement fédéral, notamment afin de protéger les juges contre l’ingérence dans leur sécurité financière. Les juges dont le calcul de la pension est suspendu continueraient de recevoir leurs augmentations de salaire et ne seraient pas tenus de cotiser à leur pension durant la même période. Si la recommandation de révoquer un juge est rejetée, la comptabilisation de ses années de service reprendrait comme si elle n’avait jamais été interrompue. Les modifications préserveraient donc la sécurité financière des juges ainsi que l’indépendance de la magistrature.

Partie 4, section 32 – modifications à la Loi sur la sécurité de la vieillesse

La section 32 de la partie 4 modifierait la Loi sur la sécurité de la vieillesse afin d’augmenter de 10 % la pension de la sécurité de la vieillesse pour les personnes âgées de 75 ans et plus. Cette augmentation entrera en vigueur en juillet 2022. Le but des modifications est de fournir un soutien financier additionnel aux personnes de 75 ans. La prestation d’un avantage à un groupe cible défini selon l’âge (les personnes âgées de 75 ans et plus) et non aux bénéficiaires plus jeunes pourrait être considérée comme étant un motif de distinction portant atteinte aux droits à l’égalité garantis par l’article 15 de la Charte. Cependant, les tribunaux ont reconnu que les motifs de distinction fondés sur l’âge peuvent être nécessaires dans les régimes d’avantages sociaux complexes, et il s’agit ici d’une prestation purement financière. De telles considérations appuient la conformité des modifications au regard de l’article 15 de la Charte.

Partie 4, section 33 – modifications à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

La section 33 de la partie 4 propose plusieurs modifications à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique dans le but de réduire et d’éliminer les obstacles à l’inclusion et à la diversité dans le processus de dotation de la fonction publique et d’améliorer la promotion de l’inclusion et de la diversité au sein de celle-ci.

La section 33 modifierait le préambule de la Loi afin de mettre l’accent sur l’objectif permanent en matière de diversité. Elle édicterait le paragraphe 2(5), lequel s’appliquerait aux enquêtes, afin de préciser que les erreurs, les omissions ou les conduites irrégulières s’entendent notamment de celles qui découlent de préjugés ou d’obstacles nuisant aux personnes faisant partie d’un groupe visé par l’équité en matière d’emploi. Elle édicterait également le paragraphe 17(2) afin de préciser que la Commission de la fonction publique peut effectuer des vérifications dans le but de relever de tels préjugés ou obstacles. Les modifications exigeraient que l’employeur effectue, dans le cadre de l’établissement ou de l’examen des normes de qualification, une vérification afin de cerner les préjugés ou les obstacles que ces normes pourraient entraîner ou créer pour les personnes faisant partie d’un groupe visé par l’équité en matière d’emploi; les modifications exigeraient également que l’employeur prenne des mesures raisonnables pour éliminer et prévenir de tels préjugés ou obstacles ou atténuer leurs effets. Les modifications édicteraient aussi le paragraphe 36(2), qui imposerait des obligations similaires en ce qui a trait aux méthodes d’évaluation. Enfin, l’alinéa 39(1)c) serait modifié afin que la préférence actuelle accordée aux citoyens canadiens s’étende aux résidents permanents.

Les considérations suivantes appuient les effets positifs possibles de la section 35 sur les droits à l’égalité garantis par l’article 15 de la Charte. En mettant l’accent sur la diversité et l’inclusion et en abordant explicitement les préjugés et les obstacles systémiques, la modification apportée au préambule, le nouveau paragraphe 2(5) ainsi que le nouveau libellé applicable aux vérifications auraient pour effet de renforcer l’obligation des fonctionnaires de tenir compte de ces facteurs dans l’exercice de leurs fonctions au titre de la Loi. Les nouvelles exigences liées aux normes de qualification et aux méthodes d’évaluation visent à garantir que les fonctionnaires tiennent compte de façon proactive des préjugés et des obstacles systémiques, ce qui devrait favoriser la conformité des dispositions au regard de l’article 15 et promouvoir l’égalité réelle, que les tribunaux ont décrite comme étant la norme fondamentale du cadre jurisprudentiel entourant l’article 15. Bien que la Cour suprême du Canada ait confirmé que la préférence accordée aux citoyens canadiens dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique constitue une limite justifiable au regard de l’article premier de la Charte, le Parlement peut néanmoins élargir cette préférence afin qu’elle s’étende aux résidents permanents. Une modification en ce sens concorde avec la visée et les valeurs fondamentales qui sous-tendent l’article 15 en contribuant à l’égalité réelle pour les résidents permanents.

Partie 4, section 37 – modifications à la Loi électorale du Canada

Le paragraphe 91(1) de la Loi électorale du Canada interdit à toute personne ou entité de faire ou de publier une fausse déclaration concernant un candidat ou un autre acteur politique important pendant la période électorale dans l’intention d’influencer les résultats d’une élection. Les alinéas 486(3)c) et 486(4)a) de cette loi édictent l’infraction de contrevenir au paragraphe 91(1). La section 37 de la partie 4 modifierait ces alinéas afin de préciser que, pour être déclarée coupable de cette infraction, la personne ou l’entité faisant ou publiant la déclaration doit savoir qu’elle est fausse. Ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte au droit à la liberté d’expression garanti par l’alinéa 2b) de la Charte, dont la portée a fait l’objet d’une interprétation large et inclut la protection contre les fausses déclarations.

Les considérations suivantes appuient la conformité des modifications proposées au regard de l’alinéa 2b) de la Charte. Les dispositions en cause protègent l’intégrité du processus électoral canadien contre les fausses informations compromettantes. Dans l’affaire Canadian Constitution Foundation v. Canada (Attorney General), 2021 ONSC 1224, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a jugé que le paragraphe 91(1) ne constituait pas une limite justifiée à la liberté d’expression, car il n’exigeait pas explicitement la preuve que la personne ou l’entité savait que la déclaration en question était fausse. Les modifications proposées répondent à la décision du tribunal en édictant explicitement la connaissance en tant qu’élément constitutif de l’infraction. En restreignant clairement ainsi la portée des dispositions de manière à ne viser que les fausses déclarations délibérées, les modifications proposées garantissent que les dispositions atteindront leur objectif.