Projet de loi C-45 : Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois

Déposé à la Chambre des communes le 29 mai 2017

Note explicative

La ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités de la ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer la conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, la Ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen de la conformité d’un projet de loi avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charteprévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations liées à la Charte

La ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, afin d’évaluer sa conformité avec la Charte, suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Le texte qui suit constitue une discussion non exhaustive concernant les effets potentiels du projet de loi C-45 sur les droits et libertés garantis par la Charte. Il est présenté en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.

Infractions criminelles (Partie I, Section I)

Les articles 8 à 13 du projet de loi établiraient de nouvelles infractions criminelles, notamment des infractions relatives à la possession, à la distribution et à la production de cannabis. Ces nouvelles infractions remplaceraient les infractions présentement applicables à la même conduite sous la Loi règlementant certaines drogues et autres substances (la « LRCDAS »).L’article 8 établirait les infractions relatives à la possession simple, lesquelles seraient différentes pour les adultes (les individus âgés de dix-huit ans ou plus) et pour les jeunes (les individus âgés d’au moins douze ans mais de moins de dix-huit ans). Par exemple, l’alinéa 8(1)a), interdirait aux adultes de posséder, dans un lieu public, une quantité de cannabis supérieure à l’équivalent de 30 grammes de cannabis séché. L’alinéa 8(1)c) interdirait aux jeunes de posséder plus de 5 grammes de cannabis séché ou son équivalent. L’article 9 établirait de nouvelles infractions relatives à la distribution du cannabis. La définition de « distribuer » engloberait divers moyens facilitant l’accès au cannabis, autre que la vente, laquelle serait visée par une autre infraction prévue à l’article 10. Il serait interdit aux adultes de distribuer du cannabis aux individus âgés de moins de dix-huit ans et de distribuer aux adultes plus de 30 grammes de cannabis séché ou son équivalent. La distribution de plus de 5 grammes de cannabis ou son équivalent serait interdite aux jeunes. L’article 12 établirait une infraction relative à la production du cannabis. Entre autres, il serait interdit à un adulte de cultiver, de multiplier ou de récolter plus de quatre plantes dans sa résidence. La culture, la multiplication ou la récolte serait interdite aux jeunes. Les individus pourraient altérer les propriétés chimiques ou physiques du cannabis qu’ils peuvent légalement posséder, pourvu qu’ils n’utilisent pas des substances explosives ou hautement inflammables pour le faire.

Les nouvelles infractions seraient semblables à celles déjà en place sous la LRCDAS mais les pénalités seraient adaptées afin de bien refléter le nouvel environnement juridique dans lequel le cannabis est permis mais fermement règlementé. Pour toutes les infractions, à l’exception de deux, la peine maximale serait moins élevée que la peine maximale présentement applicable sous la LRCDAS.  Par exemple, les infractions de vente et de distribution de cannabis seraient sujettes à une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement, contrairement à la peine d’emprisonnement à perpétuité présentement applicable pour l’infraction correspondante de trafic de cannabis sous la LRCDAS. Les deux exceptions seraient les infractions de possession simple et de production de plants de cannabis au-delà des limites prescrites. Les pénalités maximales pour ces deux infractions resteraient les mêmes que celles présentement applicables sous la LRCDAS, soit 5 ans moins un jour et 14 ans d’emprisonnement respectivement. Fait important, le projet de loi n’imposerait pas des peines minimales et conserverait le pouvoir discrétionnaire des juges d’établir une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

Vie, liberté et sécurité de la personne (article 7)

Toute interdiction pénale qui pourrait donner lieu à une peine d’emprisonnement met en cause le droit à la liberté garanti par l’article 7 et, à ce titre, elle doit être conforme aux principes de justice fondamentale, notamment pour ce qui est des notions de caractère arbitraire, de portée excessive et de disproportion exagérée. Une loi est arbitraire quand elle porte atteinte aux droits garantis par l’article 7 d’une façon n’ayant aucun lien logique avec l’objet de la loi. Une loi aura une portée excessive lorsque, tout en étant généralement rationnelle, elle porte atteinte aux droits garantis par l’article 7 en allant trop loin en visant des comportements n’ayant aucun lien avec l’objectif de la loi. Une loi est exagérément disproportionnée quand ses effets sur les droits garantis par l’article 7 sont si graves qu’ils sont sans aucun lien avec l’objet de la loi.

Les considérations suivantes appuient la compatibilité des infractions avec l’article 7. Dans les arrêts R. c. Malmo Levine (2003) et  R. c. Clay (2003), la Cour suprême a confirmé l’interdiction complète du cannabis à des fins récréatives. Comparativement à la loi existante, les infractions réduites proposés favoriseraient la liberté et l’autonomie en définissant un cadre de « conduite légale » relative au cannabis. Le projet de loi préserverait l’objet général de la loi existante, soit la protection de la santé et de la sécurité publique, tout en ajoutant différents objectifs précis, dont le lien avec la protection de la santé des jeunes et la réduction des activités illégales relatives au cannabis. Les nouvelles infractions visent les risques précis liés à l’utilisation du cannabis par les jeunes et le détournement du cannabis vers le marché illégal. Par conséquent, elles constituent une approche adaptée aux objectifs législatifs.

Égalité (article 15)

Le paragraphe 15(1) de la Charte protège les droits à l’égalité. Il prévoit que la loi ne fait acception de personne et qu’elle s’applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment de la discrimination fondée sur l’âge.

Les nouvelles infractions relatives à la possession, la distribution et à la production pourraient mettre en cause l’article 15 car elles s’appliquent différemment aux adultes et aux jeunes. Soit, les infractions proposées englobent un plus grand éventail d’actes interdits aux jeunes pour raisons criminelles comparativement à ceux interdits aux adultes. Il est important de noter que les jeunes seraient assujettis à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (la « LSJPA »), ce qui aurait pour effet d’atténuer les conséquences de la participation au processus de justice pénale de plusieurs façons. La LSJPA reconnait que les jeunes personnes ne possèdent pas le même degré de maturité que les adultes et prévoit des règles et des mesures correspondantes à ce degré de maturité. La LSJPA encourage l’utilisation de mesures à l’extérieur du processus formel judiciaire pour les infractions moins sérieuses, car ces mesures sont souvent les plus appropriées et les plus efficaces pour répondre aux infractions juvéniles. En vertu de la LSJPA, les policiers – avant de déposer des accusations formelles – doivent considérer des options alternatives telles que n’entreprendre aucune action contre le jeune, lui donner un avertissement ou le référer vers des programmes communautaires. De telles mesures sont présumées être adéquates pour répondre à une première infraction non-violente, notamment celle liée aux drogues. Lorsque des accusations formelles sont déposées et qu’une jeune personne est déclarée coupable, la LSJPA offre de la flexibilité dans la détermination de la peine, incluant la possibilité de le réprimander, ainsi que de limiter la durée de la rétention de son dossier criminel et l’utilisation de celui-ci.

Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces infractions avec la Charte. La portée plus grande des interdictions criminelles applicables aux jeunes repose sur la preuve scientifique concernant les risques élevés pour les jeunes qui consomment du cannabis. Plus précisément, la preuve permet de penser que les risques pour la santé associés à la consommation de cannabis pendant l'adolescence, lorsque le cerveau est encore en développement, sont plus sérieux qu'une consommation à l'âge adulte. Ces risques comprennent la possibilité élevée de dépendance, des méfaits durables sur le développement cognitif et intellectuel et la possibilité de troubles de santé mentale. De plus, les interdictions applicables aux jeunes sont spécifiquement adaptées pour réduire la menace d’une sanction criminelle, soit entre autre : elles ne criminalisent pas la possession de petites quantités de cannabis par ceux-ci ; et l’interdiction opère dans un contexte où d’autres interdictions sont prévues, en premier lieu, pour empêcher le cannabis de se retrouver entre leurs mains. À cet égard, il importe de rappeler que le projet de loi interdirait la vente du cannabis aux individus âgés de moins de dix-huit ans, la distribution du cannabis par un adulte aux individus âgés de moins de dix-huit ans, et la distribution par un jeune de plus de 5 grammes de cannabis.

Restrictions relatives à la promotion, à l’emballage et à l’étiquetage (Partie I, Section 2, Sous-sections 1 et 2)

Le projet de loi établirait différentes restrictions relatives à la promotion, à l’emballage et à l’étiquetage du cannabis et des accessoires liés au cannabis, semblables aux restrictions applicables aux produits du tabac visés par la Loi sur le tabac. Les articles 16 à 24 limiteraient la promotion du cannabis, mais ils ne s’appliqueraient pas aux œuvres artistiques ou aux travaux scientifiques dans les cas où aucune récompense ni aucun paiement n’est obtenu en échange de l’utilisation ou de la représentation du cannabis dans le cadre d’une œuvre ou d’un travail. Les restrictions incluraient une interdiction générale relative à la promotion du cannabis, ainsi que des accessoires et des services liés au cannabis, sous réserve de certaines exceptions concernant la promotion informative ou préférentielle de marque ciblant les adultes. Des interdictions relatives à la promotion trompeuse et à la commandite seraient aussi incluses. Les articles 25 à 28 établiraient des restrictions comparables pour ce qui est de l’emballage et de l’étiquetage, lesquelles interdiraient, de façon générale, l’emballage et l’étiquetage susceptibles d’attirer les jeunes ou de les inciter à consommer du cannabis.

Liberté d’expression (article 2b))

L’article 2b) de la Charte protège la liberté d’expression et englobe généralement la publicité et les autres formes d’expression à des fins commerciales, notamment l’expression commerciale des entreprises. Ces restrictions relatives à la promotion, à l’emballage et à l’étiquetage limiteraient le droit à la liberté d’expression.

Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces restrictions relatives à la promotion, à l’emballage et à l’étiquetage avec la Charte. Les restrictions relatives à la promotion, à l’emballage et à l’étiquetage s’inspirent de l’approche de la Loi sur le tabac, que la Cour suprême a confirmé comme une limite raisonnable dans l’arrêt Canada (P.G.) c. JTI-MacDonald (2007). Même si les risques liés au cannabis ne sont pas identiques à ceux liés au tabac, ils sont suffisamment graves pour qu’une approche comparable soit utilisée. Ces restrictions s’appliquent à l’expression qui n’a que peu de valeur, c’est-à-dire l’expression commerciale dont le but est d’amener les membres du public à adopter un comportement associé à des risques pour la santé (en particulier pour les groupes vulnérables comme les jeunes). Le projet de loi autoriserait la promotion informative ou préférentielle de marque, sous réserve des restrictions relatives au placement de publicités visant à limiter l’exposition des jeunes à cette promotion. Cela permettrait aux consommateurs adultes de prendre des décisions éclairées concernant la consommation, tout en contrant les risques plus élevés liés à la consommation de cannabis par les jeunes.

Infractions passibles d’une amende et sanctions administratives pécuniaires (Parties 2 et 10)

La Partie 2 (articles 51 à 60) établirait une option relative à l’imposition d’amendes dans le cas de certaines infractions. Des procédures précises à l’égard d’un adulte pourraient être entamées par la remise à l’accusé d’un formulaire indiquant notamment les motifs raisonnables pour lesquels l’agent de la paix croit que l’accusé a commis l’infraction, le montant devant être payé, la méthode et le délai pour effectuer le paiement, les conséquences liées au paiement et au défaut de payer, et la procédure à suivre si l’accusé souhaite plaider non coupable (article 51). Le paiement donnerait lieu à l’inscription d’une déclaration de culpabilité au dossier de l’accusé. Cependant, l’effet serait le même que celui d’un pardon ou de la suspension du dossier; le dossier serait classé à part des autres dossiers judiciaires et il ne pourrait pas être utilisé d’une manière qui permettrait de constater que l’accusé visé par le dossier a fait l’objet de procédures prévues par la Loi (article 52). Dans le cas où un accusé ayant plaidé non coupable est déclaré coupable, une déclaration de culpabilité serait inscrite au dossier de l’accusé et celui-ci devrait payer le montant indiqué dans l’amende (article 53). De plus, un accusé qui ne paierait pas le montant indiqué dans l’amende ferait l’objet d’une déclaration de culpabilité (article 54). Bien que la déclaration de culpabilité ou le défaut de payer le montant indiqué dans l’amende donneraient lieu à une inscription au dossier judiciaire, le projet de loi indiquerait que lorsque le montant est payé, le dossier doit être traité de la même façon que les dossiers de ceux qui ont d’abord accepté de payer le montant indiqué dans l’amende (paragraphes 53(2) et 54(2)). La seule circonstance qui pourrait donner lieu à une peine d’emprisonnement est lorsque l’accusé serait en mesure d’acquitter le paiement mais qu’il se refuserait à le faire (article 55).

La Partie 10 (articles 110 à 127) du projet de loi établirait un régime de sanctions administratives pécuniaires applicables à la suite de contraventions aux dispositions de la Loi (exception faite des dispositions relatives aux activités criminelles prévues dans les articles 8 à 14) et des règlements connexes ou à certains arrêtés du ministre (article 111). Le projet de loi prévoirait la délivrance d’un procès-verbal dans lequel figureraient, notamment, la violation alléguée, la sanction et un sommaire des droits de la personne désignée, notamment le droit de contester les faits allégués ou le montant de la sanction (article 112). Procéder par violation exclurait la procédure pénale (article 126) et ainsi ne donnerait pas lieu à une peine d’emprisonnement.

Droits à un procès équitable (article 11) et présomption d’innocence (alinéa  11d))

L’article 11 de la Chartegarantit certains droits procéduraux à tout inculpé. Cette protection s’applique aux procédures de « nature pénale » ou à celles qui pourraient donner lieu à de « véritables conséquences pénales ». Les véritables conséquences pénales englobent les peines d’emprisonnement et les amendes ayant un objet ou des effets punitifs, comme lorsqu’une amende ou une sanction est sans commune mesure avec les objectifs d’observance du régime en cause. L’article 11d) garantit à un inculpé le droit d’être présumé innocent tant que sa culpabilité n’est pas déclarée, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable.  

Infractions passibles d’une amende (Partie 2)

La remise d’un formulaire pourrait donner lieu à une déclaration de culpabilité sans qu’une audience soit tenue et cela pourrait donc porter atteinte aux droits garantis par l’alinéa 11d). Les considérations suivantes appuient la compatibilité de la Partie 2 de la Loi avec la Charte. Grâce aux exigences relatives à la remise et au contenu du formulaire, le projet de loi ferait en sorte que l’accusé disposerait d’un avis suffisant et qu’il pourrait faire valoir ses droits à un procès. L’option relative à l’imposition d’amendes se limiterait à des procédures visant des actes dont le degré de gravité est faible (p. ex. la possession en publique ou la distribution par un adulte d’une quantité de plus de 30 mais moins que 50 grammes de cannabis séché ou son équivalent) et qui ne sont pas grandement stigmatisés. Enfin, l’accusé faisant l’objet d’une déclaration de culpabilité (à la suite d’un verdict de culpabilité ou du défaut de payer le montant indiqué dans l’amende) pourrait toujours payer le montant indiqué dans l’amende; à ce moment-là, le dossier serait classé à part des autres dossiers judiciaires et il ne pourrait pas être utilisé d’une manière qui permettrait de constater que l’accusé a fait l’objet de procédures prévues par la Loi.

Sanctions administratives pécuniaires (Partie 10)

La Partie 10 pourrait entraîner des sanctions pécuniaires substantielles et cela pourrait donc porter atteinte aux droits garantis par l’article 11. Les considérations suivantes appuient la compatibilité de la Partie 10 avec la Charte. Les procédures donnant lieu à l’imposition d’une sanction pécuniaire seraient de nature administrative. Les sanctions pécuniaires devront être basées sur une liste de facteurs de non-conformités énumérés au paragraphe 112 (3) et auront comme objectif de promouvoir la conformité avec la Loi (paragraphe 111(2)).  Le projet de loi permettraient aux responsables désignés d’imposer des sanctions pouvant être élevées (jusqu’à 1 000 000 $ par jour au cours duquel la violation continue). Cependant, les sanctions élevées seront imposées seulement lorsqu’elles seront nécessaires pour inciter les grandes entreprises à se conformer aux règles afin d’éviter que ces entreprises ne considèrent pas les sanctions comme étant simplement un coût de fonctionnement. Enfin, les sanctions seraient assujetties à l’exécution civile par la Cour fédérale, mais elles ne pourraient pas donner lieu à une peine d’emprisonnement pour défaut de payer. 

Pouvoirs en matière d’inspection, de demandes péremptoires et de communication de renseignements (Parties 3, 5, 6, 7)

Le projet de loi établirait des pouvoirs réglementaires analogues à ceux prévus dans d’autres lois comparables. Aux fins de vérification du respect ou de prévention du non-respect de la Loi ou des règlements, les inspecteurs seraient autorisés, notamment, à entrer et à mener une inspection dans les lieux auxquels s’appliquent les exigences réglementaires sous le régime de la Loi (article 86) et à ordonner à toute personne autorisée à exercer des activités liées au cannabis de fournir des documents, des renseignements ou des échantillons (article 85). Le projet de loi inclurait également plusieurs dispositions autorisant le ministre désigné à exiger que des renseignements lui soient communiqués à des fins réglementaires (articles 62 et 73 à 74), notamment en vue de la mise en place et du maintien d’un système national de suivi du cannabis (article 82).

Le projet de loi autoriserait la communication de renseignements dans certaines circonstances. L’article 83 permettrait au ministre de communiquer des renseignements qui figurent dans le système national de suivi du cannabis, notamment la communication de renseignements à des administrations provinciales ou à des organismes publics aux fins de vérification du respect ou de prévention du non-respect des dispositions d’une loi provinciale autorisant la vente de cannabis, la communication de renseignements à un ministre fédéral aux fins de vérification du respect ou de prévention du non-respect des dispositions d’une autre loi fédérale qui s’applique au cannabis ou à toute activité liée au cannabis, ainsi que la communication nécessaire pour permettre au Canada d’honorer ses obligations internationales. En vertu des articles 128 et 129, le ministre serait aussi autorisé à communiquer tout renseignement personnel ou confidentiel s’il juge nécessaire de le faire pour protéger la santé ou la sécurité publique.

Fouilles, perquisitions ou saisies (article 8)

L’article 8 de la Charte garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies « abusives ». Une fouille ou une perquisition est raisonnable (soit, non-abusive) si elle est autorisée par la loi, si la loi en tant que telle est raisonnable en ce sens qu’elle établit un juste équilibre entre les intérêts relatifs à la protection des renseignements personnels et l’intérêt de l’État qui est poursuivi, et si la fouille est effectuée de manière raisonnable. Comme les pouvoirs en matière d’inspection, de demandes péremptoires et de communication de renseignements pourraient porter atteinte aux intérêts relatifs à la protection des renseignements personnels, ils pourraient mettre en cause les droits garantis par l’article 8.

Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces pouvoirs avec la Charte. Les pouvoirs en matière d’inspection et de demandes péremptoires pourront seulement être exercés à des fins réglementaires et non à des fins pénales (p. ex. permettre au ministre de prendre des décisions relatives à la délivrance de permis et assurer la vérification du respect ou la prévention du non-respect de la Loi ou des règlements). Ce sont des circonstances où les attentes liées à la protection des renseignements personnels sont réduites. Par conséquent, les pouvoirs proposés sont sensiblement analogues aux pouvoirs d’inspection jugés valides dans le contexte réglementaire. De façon semblable, les pouvoirs en matière de communication de renseignements pourraient être exercés à des fins réglementaires au sens large (p. ex. assurer la vérification du respect et du non-respect des lois provinciales régissant la vente de cannabis et des lois fédérales liées au cannabis, honorer les obligations internationales du Canada et protéger la santé et la sécurité publique). Fait important, ces dispositions conféreraient un pouvoir discrétionnaire au ministre, qui devrait être exercé en conformité avec la Charte.