Projet de loi C-4 : Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19

Déposé à la Chambre des communes le 30 septembre 2020

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations relatives à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, suite conformément à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-4 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.

Prestation canadienne de relance économique

Le projet de loi C-4 propose d’édicter la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique afin de créer trois nouvelles prestations de soutien du revenu temporaires pour les travailleurs salariés ou les travailleurs autonomes qui ont subi une perte de revenu en raison de la COVID-19. La prestation canadienne de relance économique permettra de verser des paiements de soutien du revenu aux travailleurs salariés ou travailleurs autonomes qui ont subi une perte de revenu pour des raisons liées à la COVID-19. La prestation canadienne de maladie pour la relance économique permettra de verser des paiements de soutien du revenu aux travailleurs salariés ou travailleurs autonomes qui ont contracté la COVID-19 ou qui pourraient l’avoir contractée, qui sont plus vulnérables à la COVID-19 pour des raisons médicales, ou qui se sont isolés pour des raisons liées au virus. La prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants permettra de verser des paiements de soutien du revenu aux travailleurs salariés ou travailleurs autonomes qui ont considérablement réduit leurs heures de travail pour s’occuper d’un enfant qui a moins de 12 ans ou d’un membre de la famille qui nécessite des soins supervisés, mais qui ne peut les recevoir les services de soins qu’il recevrait habituellement pour des raisons liées à la COVID-19.

En plus, le projet de loi C-4 propose des modifications au Code canadien du travail qui permettront aux employés dans les milieux de travail assujettis à la réglementation fédérale d’obtenir le congé du travail associé soit à la prestation canadienne de maladie pour la relance économique, soit à la prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants.

Le présent projet de loi propose également de conférer au ministre de l’Emploi et du Développement social le pouvoir d’exiger de toute personne qu’elle lui fournisse tout renseignement ou document nécessaire à toute fin liée à la vérification du respect ou à la prévention du non-respect de la Loi. Le projet de loi ajouterait d’autres pouvoirs à la Loi de l’impôt sur le revenu afin de permettre aux fonctionnaires responsables de l’application de cette Loi de transmettre des renseignements sur les contribuables à d’autres fonctionnaires gouvernementaux en vue de l’application de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique.

La Loi sur les prestations canadiennes de relance économique prévoirait également une sanction administrative pécuniaire qui pourrait être infligée au prestataire qui a fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse dans une demande ou qui a présenté une demande au titre de la loi et a reçu une prestation, sachant qu’il n’y avait pas droit. Aucune sanction ne serait infligée au prestataire qui croit à tort qu’une déclaration est vraie ou qu’il avait droit à la prestation. Aucune sanction pécuniaire ne peut être infligée à l’égard d’une infraction si une poursuite relative à celle-ci est en cours ou si trois années se sont écoulées après la date de perpétration de l’infraction. L’objet d’une sanction est de promouvoir le respect de la Loi plutôt que de punir.

La Loi comprendrait également des dispositions en cas d’infraction pour avoir utilisé sciemment de faux renseignements identificateurs ou les renseignements identificateurs d’une autre personne dans le but d’obtenir la prestation d’une autre personne ou une partie importante de celle-ci, pour avoir conseillé à une autre personne de présenter une demande de prestation avec l’intention de voler la prestation, ou pour avoir fait sciemment au moins trois déclarations fausses ou trompeuses pour obtenir des prestations d’au moins 5 000 $. Toutefois, une personne ne commet pas une infraction si elle croit à tort que les renseignements identificateurs ne sont pas faux ou croit erronément qu’une déclaration est vraie. Il ne peut être intenté de poursuite pour une infraction si une sanction administrative a été infligée pour l’acte en cause.

Droits à l’égalité (article 15 de la Charte)

Selon l’article 15 de la Charte, la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur l’âge. Ces dispositions sont susceptibles de faire intervenir l’article 15, puisque l’admissibilité aux paiements de soutien du revenu dans le cadre des trois prestations est limitée aux travailleurs âgés de 15 ans et plus. L’admissibilité à la prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants et à la période de congé du travail qui y est associée est également limitée aux travailleurs qui s’occupent d’un enfant de moins de 12 ans. Les facteurs suivants militent en faveur de la conformité des dispositions avec l’article 15.

Il est raisonnable de considérer que le fait d’exiger que les travailleurs aient au moins 15 ans pour être admissibles aux paiements de soutien du revenu correspond à l’âge auquel les travailleurs peuvent avoir besoin du revenu qu’ils gagnent pour subvenir à leurs besoins. Les enfants plus jeunes sont généralement dépendants d’un adulte pour leur soutien financier.

Le fait de restreindre la prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants et la période de congé du travail qui y est associée aux travailleurs qui s’occupent d’un enfant de moins de 12 ans est raisonnable, car les enfants plus âgés peuvent rester à la maison sans la surveillance d’un adulte. Le fait d’élargir l’admissibilité à cette prestation et à la période de congé du travail qui y est associée aux travailleurs qui s’occupent de membres de la famille de tout âge nécessitant des soins supervisés est conforme à la responsabilité du travailleur de fournir des soins aux membres de sa famille dans ces circonstances.

Fouilles, perquisitions et saisies (article 8 de la Charte)

L’article 8 de la Charte protège contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Il vise à protéger les personnes contre une atteinte abusive à l’attente raisonnable de respect de la vie privée. Une fouille, perquisition ou saisie sera jugée raisonnable si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même n’a rien d’abusif (en ce qu’elle établit un juste équilibre entre les droits à la vie privée et l’intérêt de l’État qui est en cause) et si la fouille est effectuée de façon raisonnable. Le fait d’autoriser la collecte de renseignements sur des personnes qui sont malades ou en quarantaine pourrait faire intervenir l’article 8.

Les facteurs suivants militent en faveur de la conformité des dispositions avec l’article 8. Les renseignements ne seraient recueillis que dans un but administratif limité, à savoir vérifier les renseignements reçus lorsque les travailleurs ont demandé les paiements, ainsi que prévenir le non-respect de la Loi. Dans ces situations, les attentes en matière de vie privée sont moins élevées. De plus, les pouvoirs de partage des renseignements n’autoriseraient cet échange qu’à des fins étroitement liées à celles pour lesquelles les renseignements en question sont déjà recueillis et utilisés. À ce titre, les pouvoirs proposés sont semblables aux pouvoirs actuels qui ont été confirmés par les tribunaux dans les domaines administratif et fiscal.

Justice fondamentale et droits relatifs à une infraction (articles 7 et 11 de la Charte)

Selon l’article 7 de la Charte, chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. L’article 11 de la Charte garantit certains droits aux inculpés, y compris le droit à la présomption d’innocence et le droit à un procès public et équitable devant un tribunal indépendant et impartial. Les protections garanties ne s’appliquent qu’à « [t]out inculpé ». « Tout inculpé » au sens de l’article 11 s’entend d’une personne qui fait l’objet d’une procédure de nature pénale, ou qui aboutit à de « véritables conséquences pénales ». On entend notamment par « véritables conséquences pénales » l’emprisonnement et les amendes ayant un but ou un effet punitif, comme cela peut être le cas lorsque l’amende ou la peine est disproportionnée par rapport au montant requis pour atteindre des objectifs réglementaires. Les facteurs suivants militent en faveur de la conformité des dispositions susmentionnées avec la Charte.

Les dispositions sur les sanctions administratives pécuniaires ne prévoiraient pas de peine d’emprisonnement portant atteinte au droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte. En ce qui concerne la question de savoir si elles sont de nature pénale au sens de l’article 11 de la Charte, les sanctions administratives n’entraîneraient pas d’accusation criminelle, de poursuite pénale ou de condamnation pénale. Le régime des sanctions administratives conférerait au ministre le pouvoir discrétionnaire d’infliger des sanctions pour promouvoir le respect de la réglementation, et d’annuler ou de réduire les sanctions. Le montant de toute sanction infligée serait étroitement lié à celui des paiements de soutien du revenu. Dans ce contexte législatif, ces dispositions n’autoriseraient pas l’infliction d’une sanction qui entraînerait de véritables conséquences pénales au regard de l’article 11.

Les dispositions relatives aux infractions prévoiraient des accusations criminelles et des poursuites et des condamnations pénales faisant intervenir des droits garantis par les articles 7 et 11 de la Charte. En examinant les mesures pertinentes, le ministre de la Justice n’a pas relevé d’incompatibilité éventuelle entre les dispositions relatives aux infractions et les principes de justice fondamentale énoncés à l’article 7 ou les droits garantis par l’article 11.