Énoncé concernant la Charte - Projet de loi C-59 : la Loi concernant des questions de sécurité nationale

Déposé à la Chambre des communes le 20 juin, 2017

Note explicative

La ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités de la ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer la conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, la Ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen de la conformité d’un projet de loi avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations liées à la Charte

La ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-59, la Loi concernant des questions de sécurité nationale, afin d’évaluer sa conformité avec la Charte, suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Le texte qui suit constitue une discussion non exhaustive concernant les effets potentiels du projet de loi C-59 sur les droits et libertés garantis par la Charte. Il est présenté en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.

Aperçu

Le projet de loi C-59 propose de nombreuses mesures pour renforcer le cadre de sécurité nationale du Canada afin d’assurer la sécurité des Canadiens, tout en respectant et en maintenant les droits et libertés garantis par la Charte, ainsi que les valeurs de notre société libre et démocratique. Ces propositions ont été orientées par des consultations publiques menées au cours de la dernière année, ainsi que par le besoin de s’assurer que le cadre de sécurité nationale du Canada suit l’évolution dans le contexte actuel de la menace.

L’élément central du projet de loi C-59 est la proposition de créer, dans la Partie 1, un nouvel Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSASNR) au moyen de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. L’OSASNR serait composé de membres nommés par le gouverneur en conseil pour une durée maximale de cinq ans (avec une seule possibilité de renouvellement de nomination). Il examinerait de manière intégrée la légalité de toutes les activités de sécurité nationale et du renseignement à l’échelle du gouvernement et en ferait rapport, améliorant ainsi la reddition de compte, la transparence et la protection des droits de la personne au Canada relativement aux mesures de sécurité nationale. L’OSASNR ferait également enquête sur des plaintes portant sur des mesures prises par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ou le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) ou sur des refus d’habilitation de sécurité.

L’OSASNR serait tenu d’examiner certaines questions et de faire rapport sur une base annuelle et aurait autrement les pleins pouvoirs et l’indépendance afin de déterminer les activités du gouvernement qu’il examinerait. Les conclusions et les recommandations de l’OSASNR seraient transmises aux ministres compétents au moyen de rapports classifiés. Ces rapports porteraient notamment sur la conformité légale des activités des agences concernées ainsi que sur le caractère raisonnable et la nécessité de l’exercice de leurs pouvoirs L’OSASNR soumettrait également des rapports annuels concernant ses activités, et les conclusions et les recommandations au premier ministre pour dépôt au Parlement. Cette nouvelle entité viendrait complémenter le travail important du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement qui est proposé. Ensemble, ils seraient chargés d’examiner globalement les activités en matière de sécurité nationale et de renseignement du Canada.

En outre, la Partie 2 du projet de loi C-59, la Loi sur le commissaire au renseignement, créerait un poste indépendant et quasi-judiciaire de commissaire au renseignement, chargé d’évaluer et d’examiner certaines décisions ministérielles concernant les activités en matière de collecte de renseignements et de cybersécurité. Cela assurerait un examen indépendant de la protection de la vie privée et des autres intérêts visés par ces activités d’une manière dûment adaptée au contexte délicat de la sécurité nationale.

Plusieurs nouvelles restrictions, protections et mesures de reddition de compte proposées dans les Parties 3 et 4 répondraient aux préoccupations concernant la conformité à la Charte des mandats et des pouvoirs du CST et du SCRS. De plus, ces parties dotent ces organismes d’outils de réduction de la menace et de collecte de renseignements tant attendus et mis à jour qui permettront de contrer la menace à la sécurité actuelle et à venir. Ces nouvelles mesures ont été soigneusement conçues afin de respecter la vie privée et la liberté, tout en garantissant de manière efficace la protection des Canadiens et la sécurité du Canada.

La Partie 5 apporterait des précisions sur les dispositions en matière de communication et de reddition de compte figurant dans la récemment renommée (en anglais) Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité. Cela faciliterait un échange efficace et responsable de renseignements déjà en la possession du gouvernement du Canada qui, à son tour, aiderait les organismes à réagir à la menace contre la sécurité nationale, tout en respectant les droits des Canadiens à la liberté d’expression et la vie privée.

Les changements proposés à la Loi sur la sûreté des déplacements aériens figurant dans la Partie 6 rendraient le régime de sûreté des déplacements aériens du Canada plus cohérent et efficace tout en respectant la vie privée. Ces changements veilleraient en même temps à ce que les personnes qui ne posent aucun risque à la sûreté aérienne puissent être radiées de la liste en temps opportun dans le cas où elles auraient été inscrites par erreur.

Les changements au Code criminel qui sont proposés dans la Partie 7 clarifieraient et limiteraient la portée de certaines infractions de terrorisme, et ils veilleront à ce que les mesures préventives contre le terrorisme  assurent la sécurité des Canadiens et respectent leurs droits et libertés.

Les principaux droits et libertés garantis par la Charte qui sont touchés par les mesures proposées sont notamment :

Partie 3 : la Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications

Le CST est l’organisme national du renseignement électromagnétique du Canada en matière de renseignement étranger. Le CST constitue également l’expert technique canadien de la cybersécurité et de l’assurance de l’information.

Le CST est actuellement régi par la Loi sur la défense nationale. La Partie 3 du projet de loi C-59 propose d’adopter une loi distincte intitulée la Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications pour constituer le CST légalement, et autoriser et régir ses activités. La Loi proposée moderniserait le régime juridique de la CST et maintiendrait l’interdiction selon laquelle la CST ne peut mener ses activités à l’égard des Canadiens ou des personnes se trouvant au Canada. Elle autoriserait le CST à utiliser de nouvelles techniques en ligne pour recueillir des renseignements sur les menaces étrangères contre le Canada et à prendre des mesures pour réagir à de telles menaces de façon proactive. Elle autoriserait le CST à élargir sa cyberprotection à d’importants réseaux privés. Elle permettrait au CST de fournir une assistance technique et opérationnelle au ministère de la Défense et aux Forces canadiennes. De plus, elle ajouterait de nouvelles mesures relatives à la protection de la vie privée et à la reddition de compte, y compris un rôle d’approbation au nouveau commissaire au renseignement.

Mandat

Le mandat du CST comporterait cinq volets selon le paragraphe 16(2) de la Loi proposée : (i) le renseignement étranger; (ii) la cybersécurité et l’assurance de l’information; (iii) les cyberopérations défensives; (iv) les cyberopérations actives; et (v) l’assistance technique et opérationnelle. Chaque volet est susceptible d’avoir des répercussions sur les droits et libertés garantis par la Charte de différentes manières, lesquelles seront abordées à tour de rôle.

(i) Renseignement étranger

Le volet relatif au renseignement étranger du mandat du CST vise à acquérir de l’information provenant de l’infrastructure mondiale d’information (IMI) (p. ex., l’Internet et les réseaux de télécommunications) dans le but de fournir des renseignements étrangers au gouvernement du Canada en conformité avec ses priorités. L’acquisition de l’information provenant de l’IMI doit être autorisée par le ministre lorsque l’activité pour l’acquérir serait par ailleurs illégale (paragraphe 23(3)) ou lorsqu’elle comporte un droit relatif à la vie privée.

Le ministre autorise de telles activités au titre de l’article 27 de la Loi en accordant une autorisation de renseignement étranger. Cette autorisation doit également être approuvée par le commissaire au renseignement indépendant et quasi-judiciaire avant de prendre effet (article 29). L’information qui peut être acquise comprend les communications privées entre personnes et les renseignements personnels concernant des personnes, notamment les métadonnées comportant un droit relatif à la vie privée. Bien qu’il soit interdit au CST, aux termes du paragraphe 23(1), de mener ses activités à l’égard de Canadiens ou de personnes se trouvant au Canada. Néanmoins, les considérations d’ordre pratique entourant l’acquisition de l’information provenant de l’IMI font en sorte que malgré les efforts pour l’éviter,  le CST pourrait obtenir, de façon incidente,  des communications privées et d’autres informations privées de Canadiens et de personnes se trouvant au Canada.

Afin de fournir des renseignements étrangers, le CST pourrait avoir besoin d’acquérir de l’information sous une forme non sélectionnée pour des raisons techniques et opérationnelles. Le CST appliquerait ensuite les conditions ou critères de sélection à cette information non sélectionnée afin d’obtenir l’information présentant un intérêt en matière de renseignement étranger.

L’article 8 de la Charte protège contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies « abusives ». Étant donné que le pouvoir d’acquérir de l’information privée provenant de l’IMI est susceptible de porter atteinte au droit relatif à la vie privée, l’article 8 pourrait être mis en jeu.

Les considérations suivantes appuient la conformité avec l’article 8 de la Charte du mandat en matière de renseignement étranger. L’acquisition de l’information provenant de l’IMI répondrait à l’objectif impérieux de fournir des renseignements étrangers au gouvernement du Canada. Cela comprendrait l’information ou les renseignements concernant les capacités, les intentions ou les activités d’un individu, État, organisation ou groupe terroriste étranger en ce qui se rapporte à la sécurité, à la défense et aux affaires internationales du Canada. Cette information seule ou combinée aux autres informations classifiées et non classifiées pourrait aider à donner une vue d’ensemble et une perspective unique au gouvernement sur la menace et les enjeux possibles auxquels le Canada fait face.

En général, avant que les activités en matière de renseignement étranger puissent porter atteinte aux droits relatifs à la vie privée, elles devraient être d’abord autorisées par le ministre après demande écrite du chef du Centre de la sécurité des télécommunications. Un changement clé proposé dans le projet de loi C-59 est que les activités devraient également être approuvées d’avance par le commissaire au renseignement indépendant qui, à titre de juge à la retraite d’une cour supérieure, serait habilité à agir judiciairement.

Les activités autorisées viseraient des personnes et des entités étrangères se trouvant à l’extérieur du Canada; aucune activité ne pourrait viser des Canadiens ou des personnes se trouvant au Canada (article 23). Afin d’accorder une autorisation, le ministre devrait avoir des motifs raisonnables de croire que l’activité visée est raisonnable et proportionnelle compte tenu de la nature de l’objectif à atteindre et des activités (paragraphe 35(1)). Cela signifierait qu’il faut tenir compte des avantages liés aux activités et de toute incidence prévue sur les droits relatifs à la vie privée.

En outre, la Loi impose plusieurs autres exigences qui visent à atténuer les incidences sur les droits relatifs à la vie privée. Afin d’accorder une autorisation, le ministre devrait avoir des motifs raisonnables de croire que l’information visée ne pourrait pas être acquise d’une autre manière, et ne serait pas conservée plus longtemps que raisonnablement nécessaire. En ce qui concerne l’information canadienne recueillie incidemment, le ministre devrait avoir des motifs raisonnables de croire que les mesures visées permettraient d’assurer que l’information serait utilisée ou conservée uniquement si l’information est « essentielle » au mandat en matière de renseignement étranger du CST.

Enfin, lorsqu’il approuve l’émission d’une autorisation et qu’il la rend valide – c.à.d. autoriser légalement une activité – le commissaire au renseignement devrait juger que les conclusions du ministre à ces égards sont « raisonnables » (paragraphe 21(1) de la Loi sur le commissaire au renseignement).

En outre, l’article 25 de la Loi impose une obligation générale au CST de mettre des mesures en place pour protéger le droit à la vie privée des Canadiens et des personnes se trouvant au Canada relativement à l’utilisation, à la conservation et à la divulgation de l’information qui les concerne qui serait acquise en vue de la réalisation du volet relatif au renseignement étranger du mandat.

(ii) Cybersécurité et assurance de l’information

Le mandat du CST continuerait d’être d’accéder aux informations de l’IMI et d’y acquérir des informations afin de conseiller, orienter et servir le gouvernement du Canada, et ce, en vue de protéger les renseignements électroniques et l’infrastructure d’information, ainsi que tout autre renseignement électronique ou infrastructure d’information désignée par le ministre comme étant importante pour le gouvernement du Canada. Tout comme le mandat en ce qui a trait au renseignement international, toute acquisition d’information auprès de l’IMI doit être autorisée par le ministre dans les cas où l’activité nécessaire à l’acquisition des renseignements serait sinon illégale (paragraphe 23(3)) ou lorsque des intérêts liés à la vie privée sont en jeu.

Le ministre autorise de telles activités en émettant, en vertu de l’article 28 de la Loi, une autorisation de cybersécurité. Cette autorisation doit aussi être approuvée par le commissaire au renseignement, qui est indépendant et quasi-judiciaire, avant de prendre effet (article 29). Les renseignements pouvant être acquis comprennent les communications privées de personnes et les communications privées concernant des personnes, quoique le CST n’a pas le droit, par application du paragraphe 23(1), de diriger ses activités sur des Canadiens ou sur des personnes au Canada. Néanmoins, compte tenu des réalités concrètes de l’acquisition de renseignements sur l’IMI, surtout en ce qui concerne l’acquisition de renseignements concernant les institutions et l’infrastructure canadiennes, le CST obtiendrait inévitablement des communications privées et d’autres renseignements personnels de Canadiens et de personnes au Canada.

Ces activités peuvent mettre en jeu les droits garantis par l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la compatibilité du mandat en ce qui a trait à l’assurance de la cybersécurité et de l’information avec la Charte. Les renseignements acquis sur l’IMI serviraient à offrir conseils, orientations et directives au gouvernement du Canada, et ce, en vue de l’objectif important de protéger ses renseignements électroniques et son infrastructure d’information. Ces réseaux d’une importance critique sont constamment exposés à des cybermenaces, alors que leur importance pour la sécurité et la prospérité du Canada ne cesse de croître. L’intégrité des réseaux, et la sécurité des précieux renseignements gouvernementaux accessibles sur ces réseaux, notamment les renseignements personnels, doivent être protégées

En ce qui concerne les activités de renseignement étranger, les activités de sécurité devront être autorisées par le ministre sur demande écrite du chef avant de faire obstacle aux intérêts en matière de renseignements personnels. Ils devront ensuite être approuvés par le commissaire au renseignement indépendant et quasi-judiciaire.

Les activités autorisées ne seraient pas dirigées vers des Canadiens ou des personnes au Canada (article 23). De plus, une autorisation ne pourrait être émise pour des activités se rapportant à un réseau non gouvernemental, sans une autorisation écrite du propriétaire du réseau (paragraphe 34(3)).

Pour émettre une autorisation, le ministre devra avoir des motifs raisonnables de croire qu’il serait raisonnable et proportionnel d’agir ainsi, eu égard à la nature des activités et à leur objectif (paragraphe 35(1)). Cela nécessiterait de tenir compte des avantages pouvant être retirés des activités et de l’incidence anticipée de celles-ci sur les droits en matière de protection des renseignements personnels.

En outre, la Loi impose plusieurs autres exigences visant à atténuer les incidences relatives à la protection des renseignements personnels (paragraphe 35(3)). Le ministre doit avoir des motifs raisonnables de croire que les renseignements acquis ne seront pas préservés plus longtemps que ce qui ne le serait raisonnablement nécessaire et que le consentement ne pourrait être raisonnablement obtenu pour l’acquisition de n’importe quel renseignement. En outre, le ministre peut uniquement émettre une autorisation dans les cas où il ou elle conclut qu’il y a des motifs raisonnables de croire que les renseignements pouvant être acquis sont « nécessaires » pour identifier, isoler, prévenir ou atténuer le préjudice causé au gouvernement du Canada ou aux renseignements et infrastructures électroniques désignées. Le critère de nécessité est strict, et vise à prévenir les entraves à la vie privée à moins que cela ne soit nécessaire pour assurer la cybersécurité.  En ce qui concerne les renseignements canadiens obtenus de manière incidente, le ministre doit aussi avoir des motifs raisonnables de croire qu’il y aurait des mesures en plus pour s’assurer que ces renseignements seraient utilisés ou conservés uniquement si ceux-ci sont essentiels pour l’atteinte des aspects du mandat liés à la cybersécurité.

En dernier lieu, lorsqu’il approuve l’émission d’une autorisation de cybersécurité et qu’il la rend valide – c.à.d. autoriser légalement une activité – le commissaire au renseignement doit juger que les conclusions du ministre à ce sujet sont « raisonnables » (paragraphe 21(1) de la Loi sur le commissaire aux opérations de renseignement).

Une fois de plus, l’article 25 de la Loi imposerait au CST une obligation globale d’avoir des mesures en place pour protéger les renseignements personnels des Canadiens et des personnes au Canada lorsqu’il utilise, conserve et divulgue des renseignements qui les concernent lorsque ces renseignements ont été acquis pour les besoins de l’aspect du mandat lié à la cybersécurité.

(iii) Cyberopérations de nature défensive

Un autre aspect du mandat du CST serait d’exécuter d’autres activités sur l’IMI ou par l’entremise de celui-ci en vue de protéger les renseignements électroniques et l’infrastructure d’information du gouvernement du Canada, ou d’autres renseignements électroniques et infrastructures d’information désignées. Dans le cadre de cet aspect défensif du mandat cyberopérations, la Loi interdit au CST d’orienter ses activités vers les Canadiens ou les personnes au Canada, ou vers toute partie de l’IMI située au Canada (article 23). Les cyberopérations de nature défensive doivent être autorisées par le ministre, en consultation avec le ministre des Affaires étrangères (article 30).

Les dispositions autorisant les cyberopérations de nature défensive ne mettraient pas par définition en jeu les droits et libertés garanties par la Charte. Cependant, certaines activités autorisées spécifiques pourraient potentiellement mettre en jeu les droits et libertés.

Les considérations suivantes appuient la compatibilité de cet aspect du mandat avec la Charte. Dans un premier temps, l’objet des cyberopérations de nature défensive serait d’aider le gouvernement à protéger les éléments critiques de l’infrastructure. Aussi, la nature de chaque possible effet sur les droits et libertés garantis par la Charte serait limitée par l’interdiction des activités qui pourraient entraîner, sciemment ou par suite de négligence criminelle, la mort ou le préjudice corporel, ou qui constitueraient une tentative d’obstruer ou de pervertir la justice et la démocratie, ou de les empêcher de suivre leur cours, dans un pays (article 33). De plus, aucune activité visant des Canadiens ou des personnes au Canada ne pourrait être autorisée; seules les activités visant des étrangers et l’IMI qui ne sont pas situés au Canada pourraient être autorisées. Suivant l’arrêt Doré c. Barreau du Québec (2012), la Charte pourrait également obliger le ministre à tenir compte des valeurs pertinentes de la Charte lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire d’émettre une autorisation.

À l’instar des autres autorisations, le ministre devra avoir des motifs raisonnables de croire en ce qui concerne les facteurs ci-après pouvant atténuer les possibles répercussions sur les droits : que toute activité qu’il autorise est raisonnable et proportionnelle à la lumière de sa nature et de son objectif (paragraphe 35(1)); que « l’objectif de la cyberopération ne peut pas être raisonnablement atteint d’une autre manière »; et qu’aucun renseignement ne serait acquis par l’entremise d’activités qui ne seraient pas par ailleurs autorisées par une autorisation de renseignement étranger, de cybersécurité ou d’urgence (paragraphe 35(4)).

Puisque l’acquisition de renseignements personnels d’un Canadien ou d’une personne au Canada ne serait pas autorisée au titre de ce mandat, l’approbation préalable du commissaire au renseignement n’est pas requise. Cependant, les activités exercées aux termes de l’autorisation seraient assujetties à la surveillance de l’OSASNR (alinéa 8(1)a) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale), qui peut tirer des conclusions en ce qui à trait à la conformité à la loi du CST et à la raisonnabilité et à la  nécessité de l’exercice des pouvoirs exercés par le CST (alinéas 8(3)a) et b)).

(iv) Cyberopérations actives

Un autre volet du mandat du CST consisterait à mener des opérations dans l’IMI ou au moyen de celle-ci afin de réduire, interrompre, influencer ou contrecarrer des personnes physiques étrangères, des États, des organismes ou des groupes terroristes étrangers pour réaliser les objectifs du gouvernement en matière d’affaires internationales, de défense et de sécurité. Comme pour les cyberopérations défensives, la Loi interdirait au CST de mener des activités qui visent soit des Canadiens ou des personnes se trouvant au Canada, ou une portion de l’IMI (article 23). Les cyberopérations actives doivent être autorisées par le ministre, soit avec l’accord, ou à la demande, du ministre des Affaires étrangères (article 31).

Les dispositions autorisant les cyberopérations actives ne feraient intervenir par définition aucun droit ou liberté protégé par la Charte. Cependant, certaines des activités qui seraient autorisées par le ministre en vertu de ce régime pourraient potentiellement mettre en jeu des droits et libertés. Les considérations qui appuient la conformité avec la Charte de ce volet sont très similaires à celles qui appuient la conformité du mandat concernant les cyberopérations défensives. Une différence est toutefois l’objectif distinct des cyberopérations actives, qui serait de réaliser les objectifs impérieux du gouvernement liés aux affaires internationales, à la défense ou à la sécurité du Canada (article 20).

(v) Assistance technique et opérationnelle

Le dernier volet du mandat du CST serait de fournir une assistance technique et opérationnelle aux organismes fédéraux chargés de l’application de la loi et de la sécurité, aux Forces canadiennes et au ministère de la Défense nationale. Pour ce faire, le CST aurait les mêmes pouvoirs légaux que l’organisme ou l’entité à qui il fournit une assistance. Bien que ces activités d’assistance aient le potentiel de faire intervenir des droits et libertés protégés par la Charte, lesdites activités seraient effectuées en vertu de pouvoirs légaux tels que des mandats délivrés en vertu du Code criminel ou de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité ou la prérogative de la Couronne de déployer les Forces canadiennes pour des opérations militaires internationales.

Autorisations en cas d’urgence

L’article 41 de la Loi proposée permettrait au ministre d’accorder, de façon exceptionnelle, une autorisation de renseignement étranger ou une autorisation de cybersécurité sans l’approbation préalable du commissaire au renseignement. Cela pourrait être fait lorsque le ministre a des motifs raisonnables de croire que le temps requis pour obtenir l’approbation du commissaire au renseignement rendrait l’autorisation inutile.

Comme il est possible d’acquérir, dans le cadre des activités qui pourraient être autorisées en vertu de l’article 41, des communications privées ou des renseignements privés, y compris – de façon incidente – concernant des Canadiens ou des personnes se trouvant au Canada, l’article 8 de la Charte pourrait peut-être entrer en jeu.

Les considérations suivantes appuient la conformité avec la Charte du pouvoir d’autorisation en cas d’urgence. Le pouvoir serait exceptionnel, son recours limité à des circonstances bien précises dans lesquelles d’importants objectifs du gouvernement en jeu ne seraient pas réalisés sans une action en temps opportun. À l’exception de l’approbation au préalable du commissaire au renseignement indépendant et quasi-judiciaire, toutes les autres mesures de protection de la vie privée et d’atténuation des risques d’atteinte à la vie privée requises pour l’octroi d’une autorisation ordinaire de renseignement étranger ou de cybersécurité devraient être prises et respectées par le ministre avant qu’une autorisation d’urgence puisse être accordée. Pour assurer la responsabilisation du recours au pouvoir, l’OSASNR et le commissaire au renseignement auraient tous deux besoin d’être rapidement avisés de son utilisation (article 42). Enfin, une autorisation d’urgence ne serait pas valide plus que cinq jours (article 43).

Information accessible au public

L’interdiction générale, pour le CST, de viser des Canadiens ou des personnes se trouvant au Canada n’empêcherait pas le CST d’acquérir et d’utiliser l’« information accessible au public » conformément à son mandat, y compris celle concernant des Canadiens (alinéa 24(1)(a)). Cette information inclut ce qui a été publié ou diffusé et ce qui est accessible au public sur demande, par l’abonnement ou l’achat (article 2). Compte tenu de l’information sur des personnes physiques qui peut être recueillie et les choses qui peuvent être apprises de ces données au moyen des technologies modernes et qui peuvent ensuite être offertes en vente par des courtiers en données, l’acquisition et l’utilisation de tels renseignements par le CST, par exemple, pourrait toucher le droit à la vie privée protégé par l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité avec la Charte du pouvoir d’acquérir et d’utiliser l’information accessible au public. De façon générale, l’acquisition et l’utilisation de renseignements déjà à la portée du public ne devraient pas porter atteinte au droit à la vie privée protégé. Même s’il y avait atteinte, le niveau d’atteinte à la vie privée serait généralement faible en raison de l’exposition publique antérieure de l’information. Quoi qu’il en soit, l’information accessible au public ne pourrait être acquise et utilisée que conformément aux objectifs impérieux au soutien du mandat du CST. L’information acquise pourrait faire l’objet de mesures appropriées pour protéger la vie privée (section 25).

Communication d’information nominative sur un Canadien

L’article 44 de la Loi proposée autoriserait le CST à communiquer aux personnes désignées, y compris des clients du gouvernement et des alliés, de l’information pouvant être utilisée pour identifier un Canadien ou une personne se trouvant au Canada s’il conclut que la communication « est essentielle aux affaires internationales, à la défense, à la sécurité ou à la cybersécurité ». La communication de renseignements potentiellement privés pourrait faire intervenir l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité avec la Charte du pouvoir de communiquer de l’information. L’information nominative en question sur un Canadien aurait accessoirement été acquise à la suite de l’approbation du commissaire au renseignement – un décideur indépendant et quasi judiciaire – et conservée après que le CST a conclu qu’elle est « essentielle » pour la réalisation du mandat du CST. Les communications seraient faites au cas par cas. Même si le gouvernement possède déjà l’information en question, la Cour suprême du Canada a indiqué que les personnes pourraient néanmoins conserver un droit résiduel à la vie privée à l’égard de cette information et de son traitement par le gouvernement. Si un droit à la vie privée résiduel est maintenu à l’égard de l’identité d’un Canadien ou d’une personne se trouvant au Canada, la communication en vertu de cette autorité pourrait être considéré comme proportionnelle aux objectifs impérieux du CST en matière de renseignement étranger et de cybersécurité. L’exigence que la communication soit « nécessaire » pour réaliser les objectifs pressants du CST est contraignante et fait en sorte qu’un droit à la vie privée résiduel est uniquement engagé si cela sert les intérêts importants du gouvernement en matière de relations internationales, de défense, de sécurité ou de cybersécurité.

Communication d’informations d’activités de cybersécurité et d’assurance de l’information

L’article 45 de la Loi proposée autoriserait le CST à communiquer de l’information acquise dans le cadre d’activités de cybersécurité et d’assurance de l’information aux personnes désignées, y compris des clients du gouvernement, des alliés et des propriétaires d’infrastructures d’information importantes pour le gouvernement du Canada, si cela est nécessaire pour aider à protéger de l’information électronique ou des infrastructures d’information fédérales ou désignées. Cette information pourrait comprendre des communications privées de Canadiens ou de personnes se trouvant au Canada interceptées de façon incidente. La divulgation de communications privées interceptées en particulier pourrait faire intervenir l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité avec la Charte de cette communication d’information. Ces communications visent notamment l’information acquise en vertu d’une autorisation ministérielle à la suite de l’approbation du commissaire au renseignement – un décideur indépendant et quasi judiciaire – et conservée après que le CST a conclu qu’elle est « essentielle » pour la réalisation du mandat du CST, ainsi que l’information fournie au CST par des clients de cybersécurité pour des activités de cybersécurité et d’assurance technique. Les communications seraient faites au cas par cas. Tout effet sur un droit à la vie privée résiduel d’une personne quant à son identité pourrait être considéré comme proportionnel aux objectifs impérieux du CST en matière de renseignement étranger et de cybersécurité. L’exigence que la communication soit « nécessaire » pour réaliser les objectifs pressants du CST est contraignante et empêche l’atteinte à tout droit à la vie privée résiduel à moins que cela ne serve les intérêts importants du gouvernement en matière de protection des institutions fédérales ou de l’information électronique et des infrastructures de l’information électronique.

Situation d’urgence

L’interdiction générale, pour le CST, de viser des Canadiens ou des personnes se trouvant au Canada n’empêcherait pas le  CST  d’utiliser et d’analyser de l’information relative à de telles personnes s’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a un danger de mort ou de blessures graves pour une personne physique et que l’information concerne le danger (article 47). Il peut aussi communiquer l’information aux personnes appropriées si la communication peut aider à prévenir le danger. L’information donnant lieu à des motifs raisonnables de croire qu’il y a un tel danger peut avoir été découverte accessoirement par le CST dans le cadre d’activités autorisées ou peut voir été fournie par un autre organisme ou une autre personne. L’utilisation et la communication d’information potentiellement privée dans de telles circonstances pourraient faire intervenir l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité avec la Charte du pouvoir proposé. L’objectif de toute atteinte à la vie privée serait de la plus haute importance, à savoir la prévention d’une mort ou de blessures graves imminentes. Un tel objectif peut servir à justifier l’utilisation d’information déjà en la possession du CST. Pour assurer la responsabilisation d’une telle utilisation ou communication visant des Canadiens ou des personnes se trouvant au Canada, le ministre et l’OSASNR seraient avisés (paragraphe 47(3).

Rôle du Comité de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement

Selon la nouvelle Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, l’OSASNR aurait le pouvoir d’examiner toutes les activités exercées par le CST, y compris le respect de la loi et de toute autorisation délivrée par le ministre et de celle approuvée par le commissaire au renseignement. Il serait investi d’un large pouvoir d’accès aux informations relativement aux examens qu’il effectue (article 9). L’OSASNR devrait présenter au ministre un rapport annuel sur les activités du CST, notamment sur le respect de la loi par le CST ainsi que sur le caractère raisonnable et la nécessité de l’exercice par celui-ci de ses pouvoirs (article 33). L’OSASNR devrait aussi présenter au ministre et à l’administrateur un rapport sur toute activité non conforme à loi qu’elle constate (article 35). Le ministre devrait par la suite informer le procureur général du Canada. L’OSASNR devrait également présenter au premier ministre un rapport annuel sur ses activités ses conclusions et ses recommandations, y compris tout examen et toute conclusion liés aux activités du CST (article 38). Le premier ministre devrait à son tour faire déposer le rapport devant chaque chambre du Parlement.

La création de l’OSASNR doté du pouvoir d’examiner le respect de la loi par le CST et d’en faire rapport publiquement constitue une mesure importante en matière de responsabilisation. Cela peut être particulièrement pertinent en ce qui a trait à la conformité à la Charte des activités du CST qui pourraient porter atteinte à la vie privée, telles que celles qui sont autorisées relativement au renseignement étranger et à la cybersécurité, les autorisations en cas d’urgence ainsi que les divulgations de renseignements en situation d’urgence et pour mener à bien les objectifs relatifs à l’intelligence étranger et à la cybersécurité. Le droit à la vie privée pourrait être engagé dans des circonstances où les personnes touchées peuvent ne pas se rendre compte de la violation et, par conséquent, ne pas saisir les tribunaux de préoccupations possibles. Le fait d’autoriser un organisme indépendant à examiner et, en particulier, à présenter un rapport public sur l’observation de la loi par le CST appuie le caractère raisonnable de la loi qui autorise les activités du CST.

Mis à part les facteurs relatifs à la vie privée, le mandat de l’OSASNR pourrait contribuer à la constitutionnalité quant à d’autres conséquences possibles relatives à la Charte. Dans la mesure où les personnes peuvent ne pas être au courant des conséquences sur leurs droits et libertés en raison de la nature secrète des activités du CST, le pouvoir de l’OSASNR d’examiner les activités et de présenter un rapport public sur toute inobservation constatée créerait une mesure de responsabilisation efficace visant à assurer la conformité à la loi.

Interdiction de divulgation

Sauf quelques exceptions, l’article 56 interdirait la divulgation, dans une instance devant la cour, à une personne ou à un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, de l’identité d’une personne ou d’une entité qui collabore ou a collaboré avec le CST à titre confidentiel, ou de toute information à partir de laquelle l’identité de la personne ou de l’entité pourrait être découverte.

Un juge désigné de la Cour fédérale pourrait autoriser la divulgation de renseignements dans deux cas : (1) si le juge est d’avis que l’individu n’est pas une personne ou une entité qui collabore ou a collaboré avec le CST ou si l’identité d’une telle personne ne pourrait pas être découverte à partir de tels renseignements; (2) dans le cas d’une instance où la poursuite est engagée en raison d’une infraction, dans laquelle la divulgation de l’identité ou des renseignements à partir desquels l’identité pourrait être découverte serait essentielle pour établir l’innocence l’accusé.

La disposition vise à préserver la confidentialité de l’identité des personnes ou des entités qui collaborent avec le CST afin d’assurer leur sécurité et d’encourager les personnes ou les entités à aider le CST. L’intention est de protéger l’identité des personnes qui fournissent de l’aide au CST et de toute information à partir de laquelle leur identité pourrait être découverte.

L’interdiction de divulgation est susceptible de faire intervenir l’article7 de la Charte lorsque l’identité de la personne ou les renseignements à partir desquels l’identité peut être établie sont invoqués dans une instance qui porte sur le droit à la liberté d’une personne, telle que dans une poursuite pénale ou dans celles liées à certaines instances engagées sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Plus particulièrement, l’interdiction pourrait faire intervenir l’équité procédurale prévue à l’article 7.

Les facteurs suivants appuient la conformité de l’interdiction avec l’article 7 de la Charte. Dans le cas d’une instance pénale, l’identité d’une personne ou d’une entité qui a aidé ou qui aide le CST peut être communiquée lorsqu’il est essentiel de démontrer l’innocence de l’accusé. Cette mesure est semblable au privilège relatif aux indicateurs de police établi par le droit coutumier, qui a été déclaré constitutionnel puisqu’il est lié aux droits à un procès équitable protégés par la Charte. De plus, l’article 38.14 de la Loi sur la preuve au Canada s’appliquerait afin de donner aux juges de première instance le pouvoir d’ordonner toute mesure en vue de protéger le droit de l’accusé à un procès équitable, lorsque le droit à la confidentialité est invoqué. Si le droit de l’accusé à un procès équitable est compromis par l’application de la disposition de l’article 38, le juge peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour mettre un terme à la poursuite.

Dans le cadre de certaines instances en vertu de la Section 9 (Certificats et protection de renseignements) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le juge de la Cour fédérale a l’obligation de garantir la confidentialité de l’information portant sur l’identité de la personne ou de l’entité concernée. Le juge devrait remplir cette obligation tout en veillant à ce que la personne nommée dans un certificat de sécurité soit raisonnablement informée de la cause en question. Cette obligation pourrait être remplie, par exemple, en présentant un résumé des renseignements, sans communiquer l’identité de l’entité ayant prêté assistance au CST ou tout renseignement qui permettrait de découvrir cette identité.

Partie 4 : Modifications à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité

Ensembles de données

La capacité d’obtenir, de conserver et d’analyser les données est importante pour permettre au SCRS de remplir son mandat. Les ensembles de données, constitués d’information personnelle sauvegardée et regroupée par sujet, peuvent comprendre des renseignements qui ne sont pas directement liés à des menaces envers la sécurité du Canada. L’analyse de ces ensembles de données peut néanmoins contribuer de manière considérable aux enquêtes du SCRS sur ces menaces.

Une décision récemment rendue par la Cour fédérale, X (Re) (2016), indique que les dispositions en vigueur de la Loi sur le SCRS ne donnent pas au Service le pouvoir de recueillir et de conserver des données qui n’ont pas un lien direct avec une menace envers la sécurité. La Cour a cependant indiqué que la Loi pourrait commencer à être désuète et a suggéré que l’on examine les outils dont le SCRS a besoin pour mener ses activités. 

Les amendements proposés aux articles 94, 96-97 et 107-108, modifieraient la Loi sur la SCRS pour donner au SCRS le pouvoir de recueillir, de conserver et d’utiliser les ensembles de données. Le paragraphe 11.05(1) donne au SCRS le pouvoir général de recueillir des ensembles de données contenant des renseignements personnels qui ne portent pas directement et immédiatement sur des activités constituant une menace envers la sécurité du Canada. Lorsqu’un ensemble de données est accessible au public, le paragraphe 11.11 donne le pouvoir général de  conserver et d’utiliser les données et de conserver les résultats de son utilisation. Des exigences supplémentaires s’appliquent aux ensembles de données qui ne sont pas accessibles au public. 

Si les renseignements personnels d’un ensemble de données portent principalement sur des Canadiens ou des non-Canadiens à l’intérieur du Canada (« ensembles de données canadiens »), les articles 11.03, 11.07(2), 11.08 et 11.12(2) stipulent qu’ils ne peuvent être conservés que s’ils relèvent d’une catégorie autorisée par le ministre de la Sécurité publique et approuvée par le commissaire au renseignement indépendant et quasi-judiciaire. De plus, les articles 11.12-11.15 stipulent que la conservation d’ensembles de données canadiens nécessite une autorisation judiciaire. Si les renseignements personnels d’un ensemble de données portent sur des non-Canadiens à l’extérieur du Canada (« ensembles de données étrangères »), leur conservation nécessite l’autorisation du ministre de sécurité publique et de la protection civile ou de son délégué et l’approbation du commissaire au renseignement, tel que prévu par les articles 11.16-11.19.

D’autres mesures s’appliquent au pouvoir de conserver des ensembles de données sur les Canadiens et les ressortissants étrangers. Celles-ci comprennent l’exigence de supprimer tout renseignement sur la santé physique ou mentale et, pour les données portant sur les Canadiens, tout renseignement assujetti au privilège avocat-client, à l’article 11.1. Elles comprennent également l’exigence de retirer des ensembles de données étrangères tout renseignement portant sur des Canadiens et des personnes au Canada.

Outre les exigences liées à la conservation des données, des conditions s’appliquent quant à l’utilisation des ensembles de données canadiennes et étrangères. L’article 11.2 stipule que l’utilisation des ensembles de données en réponse à des demandes précises (sur une personne ou une entité) ou à des fins d’exploitation (analyse des tendances) doit être jugée « strictement nécessaire » ou servir à aider le ministre de la Défense ou la ministre des Affaires étrangères en vertu de l’article 16 en vigueur de la Loi sur le SCRS (concernant l’information ou le renseignement sur des États étrangers et sur des personnes qui ne sont ni Canadiens, ni résidents permanents du Canada). Les ensembles de données étrangères pourraient également être utilisées dans la mesure où cela est « strictement nécessaire » pour les fins de l’article 15 du mandat du SCRS (habilitation de sécurité). Des normes analogues s’appliquent à la communication et à la conservation des résultats de cette utilisation. En vertu du paragraphe 11.24(3), le SCRS doit prendre des mesures raisonnables pour veiller à ce que les employés désignés communiquent l’information contenue dans un ensemble de données ou résultant de la recherche ou de l’exploitation d’un ensemble de données, seulement de manière conforme à la Loi sur le SCRS. L’utilisation d’ensembles de données avant l’obtention d’une autorisation de conservation n’est permise que dans certaines circonstances exceptionnelles strictement établies, présentées aux articles 11.22-11.23, pour préserver la vie ou la sécurité d’une personne ou pour obtenir des renseignements d’une importance considérable pour la sécurité nationale et qui, autrement, seraient perdus ou réduits par les délais.

L’article 11.24 établirait des exigences, pour le SCRS, relatives à la tenue de dossier pour l’interrogation et l’exploitation d’un ensemble de données canadiennes ou étrangères et des résultats de son usage; cet article obligerait également le SCRS à mettre en œuvre ces exigences pour l’exploitation des ensembles de données accessible au public et des résultats de recherche et d’exploitation de ces ensembles de données. L’information doit être accessible à l’OSASNR. Si l’OSASNR juge que la recherche ou l’exploitation des ensembles de données par le SCRS sont contraires à des exigences juridiques ou à la Charte, l’article 27.1 exige du directeur qu’il fournisse une copie de ce rapport au juge en chef de la Cour fédérale. La Cour doit examiner l’information soumise afin de déterminer si l’utilisation de l’ensemble de données par le SCRS est conforme à la loi. La Cour pourrait rendre une directive ou une ordonnance ou prendre toute mesure qu’elle juge appropriée.

De plus, l’article 102, qui modifie l’article 21 de la Loi sur le SCRS, permettrait de conserver l’information recueillie de façon fortuite dans le cadre d’un mandat existant émis en vertu de l’article 21 sous une autorisation judiciaire et d’être qualifiée d’ensemble de données recueillies; cependant, cette information serait alors assujettie aux autres exigences de la Loi en matière de conservation et d’utilisation.     

Les mesures proposées concernant les ensembles de données pourraient toucher les droits à la vie privée protégés par l’article 8 de la Charte.

Les facteurs suivants appuient la conformité des dispositions relatives aux ensembles de données avec la Charte. Le caractère raisonnable du régime d’ensembles de données doit être examiné dans le contexte qui l’entoure, c’est-à-dire la collecte de renseignements à des fins de sécurité nationale (et non d’application de la loi). Les nouvelles dispositions offrent au SCRS le pouvoir clair de recueillir des ensembles de données portant sur son mandat et lient leur conservation et leur utilisation à divers mécanismes de responsabilisation et d’examen. Le pouvoir de collecte initial obligerait le SCRS à évaluer les droits à la vie privée touchés par les ensembles de données. Pendant cette période d’évaluation, les ensembles de données ne peuvent être utilisés, sauf lors de circonstances exceptionnelles. Autrement, l’information contenue dans les ensembles de données est strictement gardée à part pendant cette période, et l’accès à celle-ci n’est autorisé qu’aux employés désignés du SCRS menant l’évaluation. La conservation des ensembles de données sur les Canadiens doit faire l’objet d’une autorisation judiciaire. La conservation des ensembles de données sur les ressortissants étrangers doit faire l’objet d’une autorisation ministérielle. La distinction établie entre le processus d’autorisation relatif aux ensembles de données canadiennes et aux ensembles de données étrangères est comparable au modèle établi de collecte d’information étrangère par le CST, qui est également abordé dans la Partie 3 du projet de loi C-59. Les mesures de contrôle sur la conservation s’appuient également sur le rôle d’approbation joué par le commissaire au renseignement indépendant et quasi-judiciaire. 

Bien que l’utilisation des ensembles de données ne soit pas assujettie à une préautorisation judiciaire, elle doit, selon le cas, être jugée « strictement nécessaire » aux mandats de collecte de renseignements ou de réduction des menaces confiés au SCRS. L’information sur l’utilisation est transmise à l’OSASNR. Si l’OSASNR formule une observation ou une recommandation selon laquelle les gestes du SCRS vont à l’encontre des lois ou la Charte, les mesures relatives aux ensembles de données stipulent que le directeur doit remettre cette partie du rapport à la Cour fédérale, qui pourra alors examiner la question et offrir une réparation. Les contrôles principaux, y compris un rôle judiciaire et des exigences en matière de responsabilisation, sont donc intégrés dans les dispositions relatives aux ensembles de données en vue de limiter les effets sur le droit à la vie privée. 

Mesures de réduction des menaces

Le projet de loi C-51 adopté par une législature antérieure (S.C. 2015, c. 20) offrait au SCRS un nouveau pouvoir afin de prendre des mesures de réduction des menaces envers la sécurité du Canada. Cela comprenait l’exigence suivante, au paragraphe 12.1(3) de la Loi sur le SCRS : « La prise par le Service de mesures pour réduire une menace envers la sécurité du Canada est subordonnée à l’obtention d’un mandat au titre de l’article 21.1 s’il s’agit de mesures qui porteront atteinte à un droit ou à une liberté garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ou qui seront contraires à d’autres règles du droit canadien ». L’article 21.1 a également été adopté par le projet de loi C-51  pour fournir l’autorisation d’émettre un tel mandat.

Ces dispositions ont été perçues comme accordant potentiellement les pouvoirs nécessaires pour obtenir des mandats qui autoriseraient la violation de la Charte ou d’autres lois canadiennes. Les articles 98 et 99 proposent des modifications aux dispositions de la Loi sur la réduction des menaces afin de préciser l’intention de sorte que toutes mesures de réduction des menaces entreprises par le SCRS respectent la Charte, et, telles qu’autorisées sous mandat, elles respectent les autres lois canadiennes. 

Pour ce faire, une nouvelle disposition serait ajoutée en vue d’affirmer que la Charte est la loi suprême au Canada et que toutes les mesures de réduction des menaces du SCRS doivent se conformer à la Charte. De plus, la disposition actuelle relative à la surveillance judiciaire des mesures de réduction des menaces sera renforcée grâce à une disposition relative aux mandats plus précise qui indique que le SCRS doit obtenir un mandat avant de prendre des mesures qui limiteraient un droit ou une liberté garanti par la Charte ou serait autrement contraire à d’autres lois canadiennes. Avant de décerner un mandat, le juge doit être convaincu que les mesures autorisées sont conformes à la Charte. Ces nouvelles dispositions se trouvent aux paragraphes 12.1(3.1) à 12.1(3.4) de la Loi sur le SCRS.

En vue de renforcer les protections de la Charte, la disposition concernant les mandats à l’article 21.1 serait également modifiée par l’article 103. En vertu de l’article 21.1 actuel, le juge doit être convaincu du caractère raisonnable et de la proportionnalité des mesures. Le nouveau paragraphe 21.1(1.1) ajouterait une nouvelle exigence qui restreignait expressément les mesures qui peuvent être prises dans le cadre d’un mandat à celles figurant sur une liste définie.

De nouvelles exigences supplémentaires s’appliquent à toutes les mesures de réduction des menaces – qu’elles soient prises en vertu d’un mandat ou non – notamment, au paragraphe 12.1(2), une exigence (qui fait partie du critère de la raisonnabilité et la proportionalité) pour le SCRS de tenir compte des effets prévisibles sur les droits de tierces parties, dont leur attente à la vie privée. De plus, il y a une nouvelle exigence de consulter, le cas échéant, d’autres ministres et organismes fédéraux relativement à leur capacité de réduire la menace.

La liste des mesures de réduction des menaces expressément interdites au paragraphe 12.2(1) serait élargie afin d’inclure les actes de torture ou les actes cruels, inhumains ou dégradants, la détention d’une personne, et le fait de causer la perte de biens ou des dommages graves à la propriété qui compromettrait la sécurité d’une personne.  

Les dispositions de réduction des menaces pourraient potentiellement toucher divers droits et libertés prévus par la Charte, dont la liberté d’expression (alinéa 2(b)) et le droit à la liberté de circulation (article 6).

Les considérations suivantes appuient la concordance du régime de réduction des menaces avec la Charte. Les nouvelles restrictions qui seraient imposées selon le type de mesures de réduction des menaces envisagées limiteraient considérablement la possibilité que les mesures de réduction des menaces aient une incidence sur les droits et libertés protégés par la Charte. S’il est possible que les mesures envisagées de réduction des menaces limitent les droits et les libertés, leur portée serait clairement restreinte par le paragraphe 21.1(1.1). Enfin, l’exigence d’obtenir une autorisation judiciaire préalable s’applique et exige que, d’un point de vue judiciaire, les mesures respectent la Charte conformément à la norme de base relative au caractère raisonnable et à la proportionnalité.

Cadre pour justifier les activités du SCRS

Les employés du SCRS qui participent à la collecte d’information et de renseignements touchant la sécurité nationale, et ceux qui travaillent sous leurs ordres, peuvent parfois adopter un comportement qui constituerait une infraction à moins d’être autorisé par la loi.

Le projet de loi C-59 créerait une autorité législative qui permettrait au SCRS de mener des activités raisonnables et proportionnelles de cette nature. Le nouveau pouvoir serait semblable en nature à l’article 25.1 du Code criminel, mais adapté au contexte de la sécurité nationale.

En ce qui concerne les agents de police et les autres agents d’exécution de la loi, ainsi que les personnes sous leur direction, l’article 25.1 du Code criminel prévoit un régime de justification réglementaire pour les activités « raisonnables et proportionnelles » qui constitueraient par ailleurs des infractions. Le régime ne s’applique pas aux employés du SCRS ainsi qu’à ceux sous leur direction. Actuellement, le SCRC s’appuie sur l’immunité de la Couronne comme fondement à de telles activités.

L’article 101 créerait un régime proposé de justification liée à la sécurité nationale. Les paragraphes 20.1(6) et 20.1(7) permettent au ministre de la Sécurité publique de désigner les employés qui mènent des activités dans le cadre du régime. En situation d’urgence, des désignations temporaires pourraient être faites par le directeur du SCRS ou un cadre supérieur désigné en vertu des paragraphes 20.1(8)-20.1(9). Les catégories d’actes et d’omissions qui pourraient être justifiées en vertu du régime doivent être déterminées au préalable par le ministre et approuvées par le nouveau commissaire au renseignement indépendant et quasi-judiciaire au titre des articles 20.1(3)-20.1(5). 

Le paragraphe 20.1(11) contient la disposition générale qui énonce le régime de justification applicable aux employés désignés. L’employé désigné doit participer à une activité de collecte d’information et de renseignements et avoir des motifs raisonnables de croire que la commission de l’acte ou l’omission est raisonnable et proportionnelle.

Des exigences analogues s’appliquent à un employé désigné qui enjoint à une autre personne de commettre un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction (paragraphe 20.1(15)). Donner la directive de commettre un tel acte ou une telle omission doit également être autorisé par le directeur du SCRS ou un cadre supérieur désigné. En outre, la personne qui a reçu la demande devrait avoir des motifs raisonnables de croire que l’employé lui donnant les directives a les pouvoirs nécessaires de le faire.

Des catégories précises de comportement qui ne pourraient jamais être justifiées sont indiquées au paragraphe 20.1(18) :

Les paragraphes 20.1(21) et (22) précisent également que rien ne dispense un employé d’une exigence d’obtenir un mandat ni autorise la violation d’un droit ou d’une liberté protégé par  la Charte.

Afin d’accroître la responsabilisation et la transparence, le régime de justification comprend des dispositions relatives à la production de rapports et à l’examen aux paragraphes 20.1(23)-20.1(26). Les employés désignés doivent faire rapport au directeur ou à un cadre supérieur désigné chaque fois qu’ils commettent un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction ou qu’ils donnent l’ordre de le faire. Un rapport public annuel doit être réalisé dans lequel seraient indiqués des renseignements généraux sur l’utilisation du régime de justification. Un avis doit être transmis à l’OSASNR sur les questions cernées. À l’instar des autres pouvoirs prévus par la Loi sur le SCRS, la justification des mesures est sujette à l’examen par l’OSASNR et du pouvoir de ce dernier de faire rapport sur les activités prises en vertu de ces mesures. 

L’article 100 établirait des exemptions distinctes applicables aux employés du SCRS et aux personnes agissant sous leur direction relativement à des infractions précises. Aucun employé ne serait coupable d’une infraction du seul fait, dans le cadre de ses fonctions et uniquement dans le but d’établir une identité secrète, l’employé fait une fausse déclaration au sujet de l’identité secrète ou prend des mesures précisées relativement à un faux document. L’exemption analogue s’applique aux personnes sous la direction d’un employé du SCRS. Une exemption connexe de de l’article 368.1 du Code criminel est prévue pour la possession et autres mesures précisées relativement à des instruments, à des appareils ou à autres choses utilisées pour la commission d’un faux.  

Le nouveau régime de justification pourrait toucher aux garanties prévues à l’article 7 de la Charte du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, et du fait qu’il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Les considérations suivantes appuient la constitutionnalité des mesures concernant la justification. La nature de tout effet possible sur les droits et libertés prévus par la Charte serait limitée par l’établissement d’une liste des activités qui ne pourraient jamais être justifiées. La justification semblable pour les agents d’exécution de la loi prévue à l’article 25.1 du Code criminel existe depuis de nombreuses années et a été confirmée comme étant constitutionnelle. Notamment, dans l’affaire R. c. Lising  (2010), la cour d’appel de la Colombie-Britannique a conclu que la Charte n’exige pas d’autorisation judiciaire préalable pour garantir la constitutionnalité du régime de justification. La portée du régime de justification proposé est également restreinte.  Le régime intègre les principales limites du régime actuel prévu à l’article 25.1, ainsi que des mesures supplémentaires de restriction et de responsabilité pertinentes dans le contexte de la sécurité nationale.

Partie 5 : Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada

Le projet de loi C-59 propose d’apporter des modifications à la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, entre autres afin de préciser la définition d’une « activité portant atteinte à la sécurité du Canada », de clarifier et de renforcer l’autorisation de communication, ainsi que d’accroître la responsabilité en ce qui a trait aux activités réalisées en vertu de la Loi.

La Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada prévue par le projet de loi C-51, dont le nom anglais deviendrait Security of Canada Information Disclosure Act, celui en français demeurant identique, adopte une approche pangouvernementale de diffusion de renseignements que le gouvernement du Canada possède déjà, dans le cadre de laquelle ladite diffusion aiderait à intervenir contre les activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada. La Loi vise à corriger les lacunes des fondements juridiques, ainsi qu’à simplifier et à encourager la communication responsable d’information au sein du gouvernement fédéral, aux fins de sécurité nationale. Pour ce faire, le Parlement a adopté une autorisation expresse de communiquer de l’information, dans des circonstances particulières, aux institutions du gouvernement fédéral responsables de traiter les activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada.

L’alinéa 115(4) modifierait l’article 2 de la Loi afin de préciser que les activités « de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ou d’expression artistique » ne constituent pas en soi « une activité qui porte atteinte à la sécurité du Canada ». Elles constituent uniquement des activités préoccupantes lorsqu’elles sont réalisées conjointement à d’autres activités comprises dans cette définition. Cette modification préciserait que l’information concernant uniquement des activités « de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ou d’expression artistique » ne serait pas assujettie à une divulgation en vertu de la Loi.

L’alinéa 118 modifierait l’article 5 de la Loi, qui demeure la disposition clé. L’article 5 autorise une institution du gouvernement du Canada à communiquer de l’information en sa possession à une autre institution du gouvernement du Canada dotée de pouvoirs ou de responsabilités relativement à des activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada. Cet alinéa préciserait qu’une institution gouvernementale peut communiquer de l’information si on estime que cela « contribuerait » à l’exercice du pouvoir ou des responsabilités du destinataire. En outre, cette modification imposerait une nouvelle obligation dans le cadre de la divulgation d’information en vertu de l’article 5, indiquant que l’institution gouvernementale doit estimer que ladite communication d’information « ne toucherait pas le droit à la vie privée de quiconque plus que ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. » Finalement, l’alinéa 118 exigerait à l’institution qui communique l’information d’indiquer au destinataire l’exactitude des renseignements en question ainsi que la fiabilité de la façon dont on les a recueillis.

L’alinéa 119 obligerait les institutions communiquant l’information de tenir des dossiers connexes, de créer et de conserver les dossiers de chaque divulgation effectuée en vertu de la Loi, en plus d’exiger qu’on fournisse annuellement tous ces dossiers au Comité de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. En vertu de l’article 39 de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, l’OSASNR serait obligé de rendre compte annuellement des activités en vertu de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, selon les dossiers que lui remettent les institutions qui communiquent de l’information. Ces dossiers seraient rendus publics par l’entremise de leur dépôt au Parlement par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada.

Dans la mesure où une activité d’expression peut également constituer une « activité qui porte atteinte à la sécurité du Canada », la communication, au sein du gouvernement, d’information portant sur une telle activité peut potentiellement faire intervenir l’alinéa 2(b) de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité de la Loi quant à la Charte. L’alinéa 115(4) préciserait que seule l’information concernant une activité d’expression qui est autrement comprise dans la définition d’une « activité qui porte atteinte à la sécurité du Canada » est susceptible d’être divulguée. Cela réduirait clairement le nombre d’activités d’expression qui pourraient se voir diffuser au sein du gouvernement. On ne considérerait pas que la communication d’information au sujet d’une activité d’expression qui prend une forme violente ou étroitement connectée à la violence limite le droit protégé à l’alinéa 2(b), car ces types d’activités ne sont pas protégés par la Charte. L’information que possède le gouvernement du Canada au sujet de toute activité d’expression réalisée « conjointement à une activité qui porte atteinte à la sécurité du Canada » et qui fait intervenir la protection de l’alinéa 2(b) serait susceptible d’être divulguée au sein du gouvernement dans le but important de protéger la sécurité du Canada. Seule la divulgation d’information contribuant à l’atteinte de cet objectif serait donc autorisée.

Il se peut également que la loi fasse intervenir l’article 8 de la Charte, car elle continuerait d’autoriser la communication, au sein du gouvernement, de toute information pertinente au besoin de répondre aux activités qui peuvent miner à la sécurité du Canada. Cela pourrait inclure des renseignements qui seraient le sujet d’une attente raisonnable en matière de respect de la vie de la part de certains individus.

Les considérations suivantes appuient la conformité de ces pouvoirs envers la Charte. L’objectif de la Loi est de nature très impérieuse, à savoir, permettre de communiquer de l’information pertinente au sein du gouvernement en vue de contrer des activités qui menacent la sécurité du Canada, afin de la rendre disponible aux institutions gouvernementales dont le mandat est d’intervenir contre les menaces envers la sécurité du Canada. La Loi ne procure à aucune institution quelque nouvelle autorité que ce soi de recueillir ce type d’information et, suite au projet de loi C-59, la loi continuerait de n’autoriser que la divulgation d’information que le gouvernement possède déjà. Par conséquent, la Loi ne touche potentiellement que le droit résiduel à la protection de la vie privée qui pourrait demeurer à la suite du recueil licite d’information en vertu des autorités qui ne relèvent pas de la Loi.

Bien que la Loi permettrait toujours la communication d’information sans autorisation judiciaire ou quasi judiciaire préalable, les modifications proposées préciseraient et renforceraient le pouvoir de divulgation selon l’article 5. Plus particulièrement, l’institution qui communique l’information devrait estimer que la divulgation ne touche pas le droit à la vie privée de quiconque plus que ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances, minimisant ainsi l’incidence sur la protection des renseignements personnels. De plus, les nouvelles mesures redditionnelles proposées dans l’alinéa 119 et dans la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement permettraient à OSASNR externe et indépendant de réaliser des activités d’examen en vertu de la loi, afin de vérifier la licéité des actions et en vue de signaler toute occurrence de non-conformité au Parlement.

Partie 6 : Modifications à la Loi sur la sûreté des déplacements aériens

La Loi sur la sûreté des déplacements aériens (LSDA) vise à assurer la sécurité des transports aériens et à empêcher les déplacements des personnes souhaitant mener des activités terroristes. Ces modifications auraient pour effet principal de centraliser le processus de collection des renseignements sur les passagers afin de faciliter l’identification et le contrôle des personnes soupçonnées de menacer la sûreté des transports aériens, tout en améliorant le respect de la vie privée.

Les articles 127 (nouveaux paragraphes 6(2) et (3)) et 130 (paragraphe 10.2(a)) du projet de loi C-59 modifieraient la LSDA en vue de permettre au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de recueillir de l’information de transporteurs aériens et, dans certains cas, d’exploitants de systèmes de réservation de vols, au sujet de chaque personne qui est ou sera vraisemblablement à bord d’un aéronef, pour tout vol prévu par règlement, en vue de dépister et d’identifier les personnes figurant dans la liste établie en vertu de la LSDA. Les renseignements visés sont  le nom et les prénoms, la date de naissance, le genre et tout autre renseignement prescrit.

L’article 127 (paragraphe 6(4)) modifierait la LSDA afin de permettre au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, au ministre des Transports ou toute autre personne ou entité mentionnée aux alinéas 10b) à f) de la LSDA de demander à un transporteur aérien ou, dans certains cas, à un exploitant de système de réservation de services aériens des renseignements sur une personne qui est ou sera vraisemblablement à bord d’un aéronef. Les paragraphes 6(5) et 6(6) limiteraient ce qui peut être demandé selon que la demande émane de l’un des ministres ou d’une autre personne ou entité.

L’article 134 changerait la présomption actuelle quant à une décision réputée de maintenir une personne sur la liste établie en vertu de la LSDA. La personne qui demande la  radiation de son nom de la liste bénéficierait maintenant d’une présomption que son nom est réputé radié dans les 120 jours suivant sa demande, sauf si le ministre prend une des mesures contemplées.

L’article 8 de la Charte protège contre les fouilles, perquisitions ou saisies « abusives ». Comme cette partie du projet de loi s’applique à la collecte, à la communication et à la rétention  de renseignements personnels, elle pourrait toucher des intérêts de nature privée et faire intervenir l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la conformité de ces dispositions à la Charte. La centralisation du processus de contrôle pour identifier les personnes inscrite permettrait d’atteindre l’objectif important du Parlement, soit assurer la sécurité du transport aérien. La centralisation accroîtrait également la confidentialité de la liste et assurerait une meilleure protection de la vie privée, puisque la liste ne serait plus transmise systématiquement aux compagnies aériennes pour qu’elles contrôlent et identifient elles-mêmes les personnes inscrites. En outre, la centralisation pourrait assurer une application plus uniforme du processus de contrôle. Cela réduirait le nombre de personnes qui sont identifiées erronément comme étant inscrites et qui, de ce fait, subissent des retards dans leur déplacement aérien.

Les modifications proposées établiraient des règles supplémentaires pour protéger les intérêts de nature privée. En ce qui concerne les renseignements recueillis en vertu des paragraphes 6(2) et 6(3), le ministre pourrait uniquement communiquer les renseignements pour obtenir de l’aide pour identifier une personne inscrite qui est ou sera vraisemblablement à bord d’un aéronef, si les renseignements concernent une personne dont le ministre a des motifs de croire qu’elle est une personne inscrite (alinéa 10.3(1)a). De même, en vertu du paragraphe 10.3(2), le ministre  pourrait communiquer les renseignements fournis en vertu des paragraphes 6(2) et 6(3) afin d’assurer la sécurité des transports ou de prévenir le déplacement d’une personne qui compte commettre un acte terroriste, si les renseignements concernent une personne inscrite.

Quant aux autres renseignements obtenus en vertu de la LSDA, l’article 11 autoriserait seulement le ministre à communiquer des renseignements pour assurer la sécurité du transport aérien et empêcher le déplacement d’une personne qui  compte commettre une infraction de terrorisme. En outre, l’article 12 autoriserait le ministre à conclure une entente écrite avec un État étranger ou une organisation internationale concernant la divulgation de tout renseignement que le ministre est autorisé à communiquer en vertu du paragraphe 10.3(2) et de l’article 11.

L’article 134 servirait à renforcer le caractère raisonnable et l’équité procédurale en ce qui concerne le processus administratif pour les personnes qui considèrent qu’elles ont été inscrites sur la liste par erreur, car elles auront maintenant accès à un processus plus efficace et transparent.

Enfin, l’article 136 créerait un nouvel article 18 qui exigerait la destruction de tout document registre ou fichier contenant des renseignements recueillis en vertu des paragraphes 6(2), 6(3) et 6(4) à moins que les renseignements soient raisonnablement requis aux fins de la LSDA. Autrement, les renseignements doivent être détruits dans les sept jours après le départ ou l’annulation du vol.

Partie 7 : Modifications au Code criminel

Conseiller la perpétration d’une infraction de terrorisme

L’article 143 modifierait l’infraction consistant à préconiser ou à fomenter la perpétration d’infractions de terrorisme en général en créant une infraction générale mais plus ciblée, consistant à conseiller une infraction de terrorisme, qu’une infraction de terrorisme précise soit perpétrée ou conseillée ou non.

L’article 7 de la Charte garantit à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Comme l’infraction révisée donne lieu à une possibilité d’emprisonnement, elle  porte atteinte à l’article 7 et doit donc respecter ces principes. Parmi ces principes, les lois ne doivent pas être arbitraires, à portée excessive ou exagérément disproportionnées. 

Les considérations suivantes appuient la conformité de ces dispositions à l’article 7. L’infraction consistant à conseiller la perpétration d’une infraction exige qu’objectivement, les déclarations visées encouragent activement la perpétration de l’infraction de terrorisme qu’elles décrivent. Les tribunaux sont familiers avec le terme « conseiller » dans le contexte du droit pénal de façon à ce que le terme ne soit pas vague.  La Cour suprême du Canada l’a interprété comme l’encouragement délibéré ou l’incitation active à perpétrer une infraction criminelle. En outre, l’accusé doit avoir voulu que l’infraction conseillée soit commise ou sciemment conseiller sa perpétration alors qu’il était conscient du risque injustifié qu’elle serait vraisemblablement commise en conséquence de sa conduite. En précisant que l’infraction consiste à conseiller une infraction de terrorisme, on s’assure que l’infraction est soigneusement adaptée à l’objectif du gouvernement de décourager et de punir une conduite qui présente un risque de préjudice à la société canadienne. 

L’infraction révisée pourrait toucher la liberté d’expression protégée par l’alinéa 2(b) de la Charte dans la mesure où elle interdit des communications d’une personne. Toutefois, une forme d’expression violente ou dirigée à la violence, ou qui y est étroitement liée, n’est pas protégée par l’alinéa 2(b). Dans l’arrêt R. c. Khawaja (2012), la Cour suprême a clairement statué que cela comprend des menaces de violence. Les déclarations visées par cette infraction révisée peuvent, dans bien des cas, être considérées comme visées par l’exception fondée sur la violence à la liberté d’expression garantie par la Charte. Pour toute autre déclaration qui pourrait être visée par l’infraction, l’interdiction peut être considéré comme  une réponse proportionnelle à l’objectif  de combattre la menace que présentent les infractions de terrorisme.

Propagande terroriste

L’article 144 modifierait la définition de propagande terroriste présentée au paragraphe 83.222(8) pour qu’elle corresponde au libellé de la nouvelle infraction consistant à conseiller une infraction de terrorisme à l’article 83.221. La capacité d’un juge à délivrer un mandat autorisant la saisie de toute publication pour laquelle le juge est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il s’agit de propagande terroriste resterait dans le Code criminel.

Les dispositions pourraient potentiellement porter atteinte aux activités d’expression parce que les dispositions viseraient tout écrit, signe ou représentation visible qui correspond à la définition de « propagande terroriste ».  Toutefois, comme cette définition se restreindra aux écrits, signes ou représentations qui conseillent de perpétrer une infraction de terrorisme, ces écrits, signes ou représentations pourront, dans bien des cas, être considérées comme visés par l’exception fondée sur la violence à la liberté d’expression garantie par la Charte. Pour toute autre déclaration qui pourrait être visée par l’infraction, l’interdiction peut être considérée comme une réponse proportionnelle à l’objectif  de combattre la menace que présentent les infractions de terrorisme.

Engagement assorti de conditions et arrestations préventives

L’article 146 modifierait les dispositions relatives à l’engagement assorti de conditions du paragraphe 83.3 du Code criminel afin d’exiger qu’un agent de la paix ait des motifs raisonnables de soupçonner que l’engagement « est nécessaire » pour prévenir une activité terroriste. Cela ramènerait le seuil à ce qu’il était avant le projet de loi C-51.

Le paragraphe concernant une arrestation sans mandat exigerait qu’un agent de la paix, avant d’arrêter une personne sans mandat, ait des motifs raisonnables de soupçonner que la mise sous garde de la personne « est nécessaire » afin de l’empêcher de se livrer à une activité terroriste. La modification permettrait de revenir au seuil pour les arrestations préventives tel qu’il était avant le projet de loi C-51.

Une personne qui est sujet à un engagement est tenue de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite ainsi que d’observer toute autre condition raisonnable imposée par le juge, y compris l’exigence de rester dans une région désignée ou de rendre son passeport. Un manquement aux conditions d’un engagement peut être punissable d’un emprisonnement. L’engagement peut être d’une durée maximale de 12 mois, à moins que la personne ait déjà été condamnée pour une infraction de terrorisme. Dans un tel cas, l’engagement peut être valide jusqu’à deux ans.

Une loi qui impose des restrictions ou des interdictions influant sur la liberté physique d’une personne – y compris un engagement – pourrait faire entrer en jeu le droit à la liberté qui est protégé par l’article 7 de la Charte. De plus, toute interdiction de nature criminelle pouvant donner lieu à un emprisonnement suppose le droit à la liberté garanti par l’article 7. Toute privation de liberté doit être conforme aux principes de justice fondamentale qui englobent les notions de caractère arbitraire, de portée trop grande et de disproportion totale. Ces principes comprennent aussi le principe selon lequel le libellé des lois ne doit pas être vague.

Les facteurs suivants appuient la conformité de l’objet révisé à l’article 7 de la Charte. L’objet de l’engagement vise à permettre aux forces de l’ordre de prendre des mesures préventives plus tôt dans le processus d’enquête, contre des actes terroristes, et de protéger la sécurité de la population canadienne. Pour qu’un juge rende une ordonnance d’engagement, la preuve doit être fondée sur la prépondérance des probabilités à l’effet qu’il y a) des motifs raisonnables de croire qu’une activité terroriste est en voie de se produire et b) que l’imposition d’un engagement est nécessaire pour empêcher que cette activité soit accomplie. Ces conditions sont bien définies en droit pénal canadien, et les cours peuvent interpréter et appliquer ces dispositions tout en respectant la Charte. L’objectif urgent de prévention, ainsi que le fardeau qui incombe à l’agent de la paix pour obtenir une ordonnance, font que les dispositions sont élaborées avec minutie pour cibler uniquement les personnes qui pourraient réellement commettre (inclut la participation) un acte terroriste.

Par ailleurs, l’imposition d’un seuil de « nécessité » pour les arrestations préventives sans mandat reflète les critères qui s’appliquent à la délivrance de l’engagement et garantit que seules les personnes qui posent un risque substantiel de commettre un acte terroriste sont arrêtées sans mandat.

Mesures de protection des témoins

L’article 154 modifierait le Code criminel pour indiquer qu’un tribunal peut exiger toute aide au témoignage, tout interdit de publication ou toute autre mesure prévue aux articles 486 à 486.5 et 486.7 pour protéger un témoin ou un participant lors d’une audience sur un engagement avec conditions ou un engagement à ne pas troubler l’ordre public. Le Code criminel prévoit déjà ce genre de mesures pour protéger les témoins dans le cadre de poursuites criminelles, y compris celles relatives à la sécurité nationale ou aux renseignements en matière de sécurité ou de criminalité. Ils comprennent des dispositions pour protéger l’identité des témoins, permettre aux témoins de témoigner derrière un écran ou exclure le public de la salle d’audience.

Cette modification permettrait le recours à ces mesures lors d’audiences sur les engagements de ne pas troubler l’ordre public ou les engagements, y compris les audiences sur les engagements de ne pas troubler l’ordre public qui ne concernent pas la sécurité nationale ou le crime organisée. Ceci faciliterait la recherche de la vérité au cours de ces processus, tout en assurant également une meilleure protection de la sécurité des témoins qui bénéficieront de la disponibilité plus large de ces mesures.

L’alinéa 2b) de la Charte protège la liberté d’expression, notamment le principe de la publicité des débats. D’après ce principe, il y a présomption selon laquelle l’instance devant le tribunal est ouverte et que le public et les médias devraient y avoir accès. Le recours aux mesures de protection du témoin qui limitent cette ouverture ou cet accès pourrait faire intervenir l’alinéa 2b).

Les facteurs suivants appuient la conformité de toute mesure limitant l’accès aux audiences de la Cour à la Charte. Sauf lorsque de telles mesures sont obligatoires, comme lorsque la victime est âgée de moins de 18 ans (paragraphe 486.4(2.2) du Code criminel), la décision relative aux mesures à prendre, le cas échéant, pour protéger les témoins, serait laissée à l’appréciation du tribunal. Pour décider si des mesures de protection des témoins peuvent être utilisées, le tribunal devra faire la part des choses entre les intérêts divergents en jeu et considérer que l’ordonnance est nécessaire à une bonne administration de la justice. Pour déterminer s’il doit rendre une ordonnance, le tribunal prend en considération un certain nombre de facteurs, notamment : le droit à un procès public et équitable; la nature de l’infraction; la nécessité de l’ordonnance pour protéger le témoin et son identité; l’existence dans les circonstances d’autres moyens efficaces que celui de rendre l’ordonnance; et les effets bénéfiques et préjudiciables de l’ordonnance demandée. Toute ordonnance du tribunal devra aussi tenir compte des jugements de la Cour suprême (Dagenais c. Société Radio-Canada (1994) et R. c. Mentuck (2001)), qui régissent la décision discrétionnaire d’imposer des mesures qui pourraient porter atteinte au principe de l’audience publique, comme un interdit de publication.

Les mesures de protection des témoins servent à faciliter la fonction de recherche de la vérité de la Cour et à encourager les témoins à se manifester sans crainte de représailles. Cela peut s’avérer particulièrement important dans les cas de menaces à la sécurité nationale et de terrorisme, même si ces mesures s’appliqueraient également dans les cas qui ne concernent pas la sécurité nationale ou le crime organisé (p.ex. violence conjugale).

L’article 7 de la Charte peut aussi entrer en jeu lorsque sont utilisées des mesures de protection des témoins lors d’audiences relatives à des ordonnances d’engagement ou d’engagement à ne pas troubler l’ordre public, car ces audiences peuvent donner lieu à une restriction de la liberté du défendeur, comme expliqué ci-dessus. Toute atteinte au droit à la liberté doit respecter le principe de justice fondamentale, qui comprend le droit à une audience équitable, la possibilité de connaître la substance des actes reprochés, la possibilité de produire des éléments de preuve et le droit à une décision sur les faits et le droit.

Les facteurs suivants appuient la conformité de ces mesures de protection des témoins à l’article 7. L’utilisation de mesures de protection des témoins vise à assurer la sûreté et la sécurité des témoins, y compris celles des personnes qui travaillent dans le domaine de la sécurité nationale. Ceci faciliterait une bonne administration de la justice en permettant à une cour de prendre une décision au sujet d’un engagement à ne pas troubler l’ordre public ou d’un engagement en se basant sur un dossier complet. Le défendeur pourrait encore contre-interroger le témoin afin de vérifier la fiabilité de la preuve pour s’assurer que la Couronne s’est acquittée du fardeau de la preuve. Le tribunal conserverait le pouvoir de veiller à ce que le droit d’une personne à une audience équitable est protégé lorsqu’il doit décider d’accorder ou non diverses mesures de protection des témoins.

Partie 8 : Modifications à la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents

Le projet de loi C-59 apporterait un certain nombre de modifications à la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents (LSJPA) pour que tous les adolescents qui se retrouvent dans l’appareil de justice pénal pour comportement lié au terrorisme aient accès à la protection procédurale accrue ou autre de la LSJPA. Conformément aux obligations du Canada en matière du droit international des droits de la personne en vertu de traités tels que la Convention relative aux droits des enfants des Nations Unies, la LSJPA reconnait que les jeunes personnes ne possèdent pas le même degré de maturité que les adultes et prévoit des règles et des mesures correspondantes à ce degré de maturité. La LSJPA encourage l’utilisation de mesures à l’extérieur du processus formel judiciaire pour les infractions moins sérieuses, car ces mesures sont souvent les plus appropriées et les plus efficaces pour répondre aux infractions juvéniles. Lorsque des accusations formelles sont déposées et qu’une jeune personne est déclarée coupable, la LSJPA offre de la flexibilité dans la détermination de la peine, incluant la possibilité de le réprimander, ainsi que de limiter la durée de la rétention de son dossier criminel et l’utilisation de celui-ci.

L’article 167 modifierait LSJPA pour permettre en particulier un accès aux casiers judiciaires d’adolescents aux fins de l’administration du Programme de passeport. Le Décret sur les passeports canadiens considère que les passeports peuvent être refusés ou révoqués en cas d’infractions criminelles ou de préoccupations pour la sécurité nationale. Par exemple, l’article 10.1 du Décret stipule que le ministre de la Sécurité publique et de la protection civile peut décider qu’un passeport ne doit pas être délivré ou qu’il doit être révoqué s’il a des motifs raisonnables de croire que cela est nécessaire pour prévenir la commission d’une infraction de terrorisme ou pour la sécurité nationale du Canada ou d’un pays ou État étranger.

L’article 8 de la Charte prévoit que chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies « abusives ». Étant donné que la divulgation du casier judiciaire d’un adolescent pourrait contrevenir aux droits à la vie privée de ce dernier, l’article 8 pourrait déclencher l’application de l’article 8.

Les facteurs suivants appuient la conformité de ces pouvoirs avec la Charte. Les nouvelles dispositions préciseraient que l’information tirée du casier judiciaire d’un adolescent ne pourrait être partagé qu’aux fins de l’administration du Décret sur les passeports canadiens. Cette limitation permet d’équilibrer les droits à la vie privée en litige et les intérêts de l’État de protéger la sûreté et la sécurité de la population canadienne ainsi que l’intégrité du Programme de passeport. Elle permettrait aussi au Canada de participer plus efficacement à la lutte mondiale contre le terrorisme, notamment lorsque des jeunes voyagent dans le but de prendre part à des activités terroristes.