Ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF) : Expressions utilisées en matière de dépistage, d’évaluation et de diagnostic

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Charlotte Fraser, Division de la recherche et de la statistique

2011

Objectif

Le présent document vise à informer le Comité de coordination des hauts fonctionnaires du Comité directeur (Justice pénale) sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF) ainsi que les groupes de travail fédéraux, provinciaux et territoriaux sur les expressions communément utilisées en matière de dépistage, d’évaluation et de diagnostic de l’ETCAF. Le présent document définit ces expressions, sans chercher à répondre à l’ensemble des problèmes en matière de justice criminelle.

Définitions

Dans les discussions sur l’ETCAF, on utilise communément les expressions ci-après indiquées.

1. Ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF)

L’ETCAF est un terme générique ne constituant pas un diagnostic, qui est utilisé pour résumer trois diagnostics médicaux causés par l’exposition prénatale à l’alcool (syndrome d’alcoolisation fœtale, syndrome d’alcoolisation fœtale partiel, et trouble neurologique du développement liés à l’alcool (TNDLA)Note de bas de page 1. On pose les diagnostics en vue d’établir une distinction entre les différents types de conséquences néfastes que peut causer l’exposition prénatale à l’alcool. Ces diagnostics sont tous aussi graves.

L’ETCAF se traduit principalement par des retards de croissance, des malformations physiques (principalement les traits faciaux) et des séquelles du système nerveux central, qui varient en fonction des personnes atteintes de l’ETCAF. Toutes les régions du cerveau peuvent être atteintes, causant ainsi des problèmes au niveau de l’acquisition des connaissances, de l’adaptation, de l’attention, de la cognition, des fonctions exécutives, de la mémoire, des réactions motrices et sensorielles et de la communication (Lang 2006).

Les spécialistes dans le domaine de l’ETCAF soulignent la complexité du diagnostic :

« On doit considérer un adulte atteint de l’ETCAF comme une personne souffrant d’une lésion cérébrale » (Chudley et al. 2007, p. 269).

1.1 Syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF)

Le diagnostic du SAF se fonde sur trois principaux critères : des retards de croissance prénataux et/ou postnataux, des anomalies faciales (lèvre supérieure mince, petits yeux (de petites fentes palpébrales), un espace lisse entre la lèvre supérieure et le nez), et des séquelles importantes du système nerveux central dans au moins trois régions du cerveau (p. ex., la mémoire, les fonctions exécutives, l’attention, etc.). Il n’est pas nécessaire de confirmer une exposition prénatale à l’alcool pour poser un diagnostic du SAF puisqu’on a établi que les anomalies faciales découlaient exclusivement de l’exposition prénatale à l’alcool.

1.2 Partial Fetal Alcohol Syndrome (pFAS)

Le SAFp s’appelait autrefois les effets de l’alcool sur le fœtus (EAF). Pour poser un diagnostic de SAFp, il faut confirmer une exposition prénatale à l’alcool. Les personnes atteintes du SAFp, souffrent de certaines anomalies faciales et de retards de croissance qui sont moins importantes que ceux du SAF. Les personnes atteintes du SAFp souffrent de troubles importants du système nerveux central dans au moins trois régions du cerveau.

1.3 Trouble neurologique du développement lié à l’alcool (TNDLA)

Pour poser un diagnostic de TNDLA, il faut confirmer une exposition prénatale à l’alcool. Le TNDLA ne se traduit généralement par aucune anomalie physique, ou s’il y en a, elles sont minimes. Les personnes atteintes de TNDLA souffrent de troubles importants du système nerveux central dans au moins trois régions du cerveau. La prévalence du TNDLA est plus élevée que celle du SAF et du SAFp (Chudley et al. 2005).

2. Incapacités primaires et secondaires

Les incapacités primaires liées à l'ETCAF se traduisent par des troubles du système nerveux central causés par une exposition prénatale à l'alcool. L'expression « incapacités secondaires » s'entend par des difficultés supplémentaires qui ne sont pas présentes à la naissance mais qui sont susceptibles de se développer au cours de la vie d'une personne atteinte de l'ETCAF.  Les incapacités secondaires peuvent se traduire par les problèmes suivants :

3. Dépistage de l’ETCAF et rendez-vous pour évaluation

Le dépistage de l’ETCAF ainsi que son évaluation sont un processus visant à déterminer les personnes qui risquent de souffrir de l’ETCAF. Dans ce contexte, les personnes « à risque » sont celles qui ont des comportements ou des caractéristiques considérés comme étant propres à l’ETCAF, et qui pourraient bénéficier d’une évaluation de l’ETCAF. Si une personne a des comportements ou des caractéristiques propres à l’ETCAF, il est parfois possible de la considérer comme souffrant de symptômes liés à l’ETCAF au moyen de divers outils d’évaluation (p. ex., de la considérer « à risque »). Cela ne signifie pas qu’elle souffre de l’ETCAF, mais plutôt qu’on devrait faciliter le processus d’évaluation de l’ETCAF en vue de déterminer si elle en souffre réellement, ou si elle est atteinte d’une autre déficience. Selon les lignes directrices canadiennes concernant le diagnostic, « Le dépistage consisterait à faciliter le renvoi à une clinique de diagnostic » (Chudley et al. 2005, p. s6). Il n’y a aucun outil de dépistage validé cliniquement qui permettent de déterminer les personnes qui « risquent » de souffrir de l’ETCAF; toutefois, il en existe tout un éventail (Goh et al. 2008).

4. Évaluation de l’ETCAFNote de bas de page 2

Par évaluation de l'ETCAF, on entend l'évaluation multidisciplinaire d'une personne sur le plan de la croissance, des caractéristiques faciales, du fonctionnement du système nerveux central et des antécédents d'exposition prénatale à l'alcool. Contrairement aux évaluations de troubles mentaux qui sont souvent menées par un professionnel de la santé (médecin de famille, psychiatre ou psychologue), une évaluation de l'ETCAF nécessite l'expertise et l'intervention d'un médecin (généralement un pédiatre ou un généticien) et d'un neuropsychologue. On recommande également la participation d'autres professionnels, notamment d'un orthophoniste et d'un ergothérapeute.

Étant donné le taux élevé de personnes qui souffrent de l'ETCAF et de problèmes de santé mentale, certaines cliniques d'évaluation de l'ETCAF ont également un psychiatre au sein de leur équipe. Les professionnels doivent bien connaître l'ETCAF et les critères diagnostiques liés à cette déficience.

L'évaluation de l'ETCAF consiste également à réunir les renseignements existants concernant les antécédents physiques, psychologiques, comportementaux, environnementaux, historiques et génétiques d'une personne. Ces renseignements peuvent provenir de diverses sources, notamment d'actes de naissance, de dossiers médicaux, correctionnels, scolaires et des services à l'enfance et à la famille, ainsi que des entrevues avec la personne et les membres de la famille.

L'évaluation de l'ETCAF cherche à établir l'étiologie (la cause) des comportements et des caractéristiques d'une personne. Il ne s'agit pas d'un diagnostic, (que ce soit le SAF, le SAFp ou le TNDLA) lequel constitue l'un des éléments d'une gamme de résultats susceptibles de découler d'une évaluation. Une fois le processus d'évaluation terminé, on peut poser de nombreux diagnostics, autres que celui de l'ETCAF.

Par exemple, on pourrait conclure aux résultats suivants :

4.1 Diagnostic différentiel

On ne peut procéder à une analyse sanguine aux fins d’une évaluation et d’un diagnostic de l’ETCAF. Le processus d’évaluation de l’ETCAF comprend ce qu’on appelle, « un diagnostic différentiel »,  ce qui signifie, que l’équipe chargée de l’évaluation doit en premier lieu trouver d’autres explications possibles, comme des problèmes génétiques ou de santé, le niveau de développement, les antécédents familiaux, les facteurs environnementaux, etc., dans tous les cas de troubles du système nerveux central et d’anomalies physiques. En fin de compte, pour établir s’il s’agit de l’ETCAF, il faut se fonder en grande partie sur les éléments de preuve établissant des antécédents de consommation d’alcool par la mère pendant sa grossesse (Badry et Bradshaw 2010, p. 43).

4.2 Planification du traitement

Comme susmentionné, l’ETCAF peut se traduire par trois diagnostics : le SAF, le SAFp et le TNDLA. Les évaluations de l’ETCAF prévoient un plan de traitement, si un diagnostic en découle. Il y a plusieurs plans de traitement qui varient selon la force, les problèmes et les besoins de chacun. Selon les lignes directrices canadiennes concernant le diagnostic de l’ETCAF, « La planification et la mise en œuvre d’un traitement adapté expressément aux besoins spécifiques d’une personne et de sa famille constituent une partie importante du diagnostic » (Chudley et al. 2005, p. s14)

Dans les cas où il est établi qu’une personne souffre de troubles neurocognitifs (mais non de l’ETCAF) (p. ex., de problèmes liés à la mémoire ou aux fonctions exécutives et de trouble d’apprentissage), un plan de traitement peut également être mis en place.

5. Évaluation fonctionnelle

Les évaluations fonctionnelles constituent un processus systématique qui vise à examiner le fonctionnement global d’une personne afin d’établir son niveau de capacités sociales, professionnelles et psychologiques. En d’autres termes, les évaluations fonctionnelles visent à déterminer la capacité d’une personne à s’acquitter de ses tâches quotidiennes, et se concentrent moins sur l’étiologie (la cause) des comportements et des caractéristiques. Il y a divers types d’évaluations fonctionnelles, lesquelles ne visent pas toutes à déterminer si une personne souffre de troubles cognitifs. L’évaluation fonctionnelle générique ne peut établir si une personne souffre de l’ETCAF; il faut pour cela procéder à une évaluation de l’ETCAF.

L'évaluation de l'ETCAF chez les adultes au CanadaNote de bas de page 3

On procède à des évaluations de l'ETCAF chez les adultes au Canada en suivant les mêmes lignes directrices que celles relatives aux enfants. On se réfère aux lignes directrices canadiennes concernant le diagnostic (Chudley et al. 2005). Le nombre de cliniques d'évaluation de l'ETCAF est limité au Canada. Ces cliniques fonctionnent en principe selon un système d'honoraires, et elles ne sont pas visées par les régimes d'assurance-maladie provinciaux et territoriaux. Dans un rapport récent publié par l'Agence de santé publique du Canada, Badry et Bradshaw ont déclaré : « Il est difficile de poser un diagnostic chez les adultes sans avoir une infrastructure de politiques et de pratiques qui appuie ce besoin communautaire » (2010, p. 48).

Les évaluations d'adultes sont plus difficiles que celles des enfants, pour deux principales raisons :

Malgré ces difficultés, bon nombre de cliniques d'évaluation de l'ETCAF ont été en mesure de reconnaître des personnes atteintes de l'ETCAF. Par exemple, à Whitehorse, sur les 28 adultes ayant fait l'objet d'une évaluation de l'ETCAF, 26 ont été diagnostiqués d'un trouble causé par l'alcoolisation fœtale (Badry et Bradshaw 2010).  En Alberta, une clinique d'évaluation de l'ETCAF chez les adultes en a conclu de même. Les 41 personnes visées par les évaluations ont toutes été diagnostiquées d'un trouble causé par l'alcoolisation fœtale (Badry et Bradshaw 2010).

Les spécialistes dans le domaine prônent continuellement la nécessité et les avantages des évaluations de l'ETCAF. Par exemple, selon Chudley et al. (2007) « un diagnostic peut atténuer la progression ou les incapacités secondaires, fournir aux personnes une réponse sur le plan de leurs incapacités et de leurs échecs, et accroître leurs chances de bénéficier des interventions et des services adaptés à l'ETCAF chez les adultes (p. 270) ».

De plus, selon Badry et Bradshaw (2010), « il est pertinent de poser un diagnostic chez ces adultes étant donné que des services de soutien peuvent alors être planifiés et fournis individuellement afin de les aider à faire face à ces défis tout en vivant dans leur collectivité (p.17) ». « Même si les services sont limités dans la collectivité, on ne devrait pas refuser à une personne une évaluation aux fins d'un diagnostic ou d'un traitement.  Souvent, le diagnostic constitue la motivation qui conduit au développement des ressources » (Chudley et al. 2005, p. s11).

Références

Notes de bas de la page