La pratique du droit de la famille au Canada : Résultats des sondages menés dans le cadre du Colloque national sur le droit de la famille 2018

Introduction

Le présent rapport souligne les principales conclusions tirées des sondages nationaux sur le droit de la famille menés en 2018 auprès de professionnels du droit de la famille au Canada. Les données donnent un aperçu des expériences, des pratiques et des enjeux chez les professionnels du droit qui travaillent dans le système de justice familiale au Canada.

Depuis 1998, le ministère de la Justice du Canada (le Ministère) mène des sondages bisannuels auprès d’avocats et de juges qui travaillent en droit familial au CanadaNote de bas de page 1. Ces sondages visent à recueillir des renseignements sur les caractéristiques de leurs dossiers en droit de la famille et à obtenir leurs commentaires sur les questions de droit de la famille en fonction de leurs connaissances et de leur expertise. Ces renseignements peuvent contribuer à l’élaboration des politiques et des programmes liés au droit de la famille au Canada.

Les sondages de 2018 ont été menés auprès des participants au Colloque national sur le droit de la famille (CNDF), puis distribués par l’intermédiaire de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada (FOPJC) aux barreaux de tout le pays. Le CNDF est une conférence biennale qui attire beaucoup l’attention et qui est organisée par la FOPJC; des centaines d’avocats et de juges de partout au pays y participent.

Méthodologie

Deux versions du sondage ont été élaborées : l’une pour les avocats et l’autre pour les juges. Elles ont été menées au moyen d’une plateforme de sondage en ligne. Le sondage mené auprès des avocats comportait dix parties, tandis que celui mené auprès des juges en comptait neuf. Les deux sondages comportaient des questions sur les caractéristiques démographiques des participants, les caractéristiques des dossiers, les services en droit de la famille, la garde et le droit d’accèsNote de bas de page 2, les pensions alimentaires pour enfants et pour époux, les points de vue des enfants, la violence familiale, l’exécution des ordonnances alimentaires et les tribunaux unifiés de la famille (TUF). Le sondage mené auprès des avocats comportait une section supplémentaire sur les mandats à portée limitée.

Afin d’élargir le bassin de répondants potentiels, une seconde méthode de distribution a été utilisée pour la version 2018 des sondages. En plus de distribuer les sondages aux participants au CNDF, le Ministère a également transmis des liens vers les sondages en ligne avec la FOPJC pour qu’elle les distribue par voie électronique aux professionnels du droit de la famille au Canada par l’intermédiaire des barreaux.

Principales constatations

Caractéristiques des répondantsNote de bas de page 3

Parmi les répondants aux sondages, on retrouve 612 avocats et 23 juges. La majorité des avocats travaillait en cabinet privé (82 %), suivie d’une plus faible proportion qui travaillait pour un gouvernement ou un organisme (7 %) ou dans une clinique (6 %). La plus grande proportion d’avocats (39 %) a dit pratiquer depuis 20 ans ou plus. La plupart des avocats ont déclaré travailler au Québec (44 %) ou en Colombie-Britannique (20 %). Les réponses des juges démontraient que leur expérience de travail se situait surtout dans l’Ouest canadien (50 %), suivi du Centre du Canada (33 %).

Caractéristiques des dossiers

Plus des deux tiers des avocats (69 %) et environ quatre juges sur dix (42 %) ont déclaré qu’entre 75 et 100 % de leur charge de travail concernait des questions de droit de la famille. La majorité des avocats (62 %) ont dit que l’autre partie se représentait elle-mêmeNote de bas de page 4 dans moins de 25 % de leur charge de travail. Près de la moitié des juges (45 %) ont répondu qu’une partie ou les deux parties se représentaient elles-mêmes dans 25 à 49 % des dossiers qu’ils ont instruites au cours de la dernière année. Une proportion légèrement plus faible (41 %) a déclaré que les parties se représentaient elles-mêmes dans 50 à 74 % des dossiers. Plus de la moitié des avocats (55 %) ont déclaré que des enfants étaient concernés dans 75 à 100 % de leurs dossiers. Près des trois quarts (74 %) des avocats ont déclaré que 25 à 74 % de leurs dossiers donnaient lieu à une modification d’une ordonnance ou d’une entente déjà en place.

Services en droit de la famille au Canada

Le ministère de la Justice du Canada fournit du financement par l’intermédiaire du Fonds canadien de justice familiale (FCFJ) pour faciliter l’accès au système de justice familiale aux familles qui vivent une séparation ou un divorce. La majorité des juges (78 %) et un peu moins de la moitié des avocats (43 %) étaient d’accord ou tout à fait d’accord pour dire que le FCFJ favorise l’accès à la justice pour les familles vivant une séparation ou un divorce. Près de la moitié des avocats (49 %) ont déclaré que le recours aux services de justice familiale augmentait la probabilité de régler le dossier hors cour. Les deux tiers des avocats (66 %) ont mentionné que les services de justice familiale sont offerts dans la langue officielle du choix de leur client.

Les points de vue des enfants

Près de la moitié des avocats (46 %) ont déclaré qu’ils sollicitent à l’occasion le point de vue des enfants dans leurs dossiers en droit de la famille, et environ le tiers (31 %) ont répondu qu’ils sollicitent souvent ou toujours le point de vue des enfants. Parmi les avocats qui ont fourni des détails sur les raisons pour lesquelles ils ne sollicitent pas le point de vue des enfants dans les dossiers en droit de la famille, la préoccupation la plus fréquente était le tort qui peut être causé aux enfants s’ils se retrouvent mêlés au conflit entre les parents. Certaines des raisons supplémentaires de ne pas solliciter le point de vue des enfants étaient liées à la capacité de l’enfant et à l’insuffisance des ressources. Sept juges sur dix (70 %) ont déclaré que le point de vue d’un enfant leur est présenté dans moins de la moitié des dossiers en droit de la famille qu’ils instruisent.

Déménagement

Environ les deux tiers des avocats (67 %) et des juges (65 %) ont déclaré que le déménagement est un problème dans moins de 25 % de leurs dossiers. La raison la plus courante du déménagement est une occasion d’emploi, chose qui se produit dans 50 à 74 % des dossiers de près du tiers des avocats (32 %). La seconde raison la plus courante du déménagement important d’un parent est pour emménager avec un nouveau partenaire (50 à 74 % des causes de 31 % des avocats).

Garde et droit d’accès

Presque tous les avocats (93 %) et les juges (92 %) ont déclaré que les trois quarts de leurs dossiers portaient sur des ententes de garde physique partagéeNote de bas de page 5.

Près de la moitié des avocats (49 %) ont déclaré qu’ils demandaient ou rédigeaient souvent ou toujours des ordonnances relatives aux enfants en utilisant des termes autres que « garde » et « droit d’accès ». En outre, près de la moitié d’entre eux (47 %) ont indiqué qu’ils utilisaient souvent ou toujours des termes autres que « garde » et « droit d’accès » dans les ententes. Enfin, plus de la moitié des juges (52 %) ont indiqué qu’ils utilisaient des termes autres que « garde » et « droit d’accès » dans 75 % à 100 % de leurs dossiers.

Pension alimentaire pour enfants

Près de neuf avocats sur dix (87 %) et une proportion similaire des juges (88 %) ont répondu que la détermination du revenu est souvent la question la plus litigieuse dans les dossiers de pension alimentaire pour enfants. Près de neuf juges sur dix (88 %) et près des trois quarts des avocats (74 %) ont répondu que la divulgation du revenu et des renseignements financiers était une question litigieuse dans les dossiers de pension alimentaire pour enfants qui leur sont présentées.

Les raisons les plus courantes de la non-divulgation du revenu comprenaient la divulgation incomplète ou inexacte du revenu de travail autonome (avocats = 88 % et juges = 91 %); le défaut de produire une déclaration de revenus (avocats = 73 % et juges = 91 %); et le refus de fournir les relevés de paie, le relevé d’impôt ou d’autres renseignements financiers (avocats = 64 % et juges = 61 %). Les avocats et les juges pouvaient préciser d’autres motifs de non-divulgation du revenu dans les dossiers de pension alimentaire pour enfants. Bien que peu d’autres raisons aient été mentionnées, les répondants ont souligné qu’il est possible que les gens ne divulguent pas de renseignements sur le revenu parce qu’ils se sentent intimidés par le processus ou qu’il y a des divergences d’opinions sur ce qui constitue un revenu, par exemple dans le cas des fiducies.

Un avocat sur quatre (25 %) et plus de deux juges sur cinq (43 %) ont déclaré que le revenu est imputé dans 75 à 100 % des cas de non-divulgation du revenu. Trois avocats sur dix (29 %) ont répondu que le revenu est imputé dans 50 à 74 % des cas de non-divulgation du revenu. Plus de la moitié des avocats (54 %) ont déclaré que dans au moins la moitié des dossiers, l’une des deux parties ne se conforme pas à l’obligation continue de fournir des renseignements sur le revenu dans les années suivant une ordonnance alimentaire pour enfants.

Pension alimentaire pour époux

Près des trois quarts (73 %) des avocats et près des deux tiers des juges (65 %) ont déclaré que la pension alimentaire pour époux est un problème dans moins de la moitié de leurs dossiers. Un tiers des avocats (33 %) et deux juges sur cinq (41 %) ont répondu que, dans une proportion de 25 à 49 % de leurs dossiers touchant la question de la pension alimentaire pour époux, la divulgation des revenus et des états financiers représentait un problème. Plus de la moitié des juges (59 %) et près de deux avocats sur cinq (37 %) ont déclaré que, dans plus de la moitié de leurs dossiers touchant la question de la pension alimentaire pour époux, la divulgation des revenus et des états financiers représentait un problème.

On a posé des questions aux avocats et aux juges au sujet des Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux (LDFPAE)Note de bas de page 6. Plus de la moitié des avocats (56 %) utilisent les LDFPAE, dans une proportion de 75 à 100 % du temps. La grande majorité des juges (82 %) utilisent les LDFPAE, dans une proportion de 75 à 100 % du temps. Lorsqu’on leur a demandé quel effet les LDFPAE avaient eu sur la détermination de la pension alimentaire pour époux dans leurs dossiers en droit de la famille, les avocats ont répondu le plus fréquemment que les lignes directrices offraient un point de départ, aidaient à la négociation, prévoyaient les résultats et encourageaient le règlement par la négociation. De même, les juges ont déclaré le plus fréquemment que les LDFPAE constituent un point de départ, qu’elles fournissent une aide lors des conférences préalables et qu’elles aident les parties à régler les questions de pension alimentaire pour époux.

Violence familiale

La moitié des avocats interrogés (50 %) ont dit effectuer un dépistage de la violence familiale dans une proportion de 75 à 100 % de leurs dossiers; cependant, une majorité importante d’avocats (63 %) a déclaré ne pas utiliser de questionnaire normalisé ou d’autre outil. Plus de trois avocats sur cinq (63 %) et plus de la moitié des juges (52 %) ont répondu que la violence familiale était un problème dans moins de 25 % de leurs dossiers. De très faibles proportions d’avocats (10 %) et de juges (13 %) ont déclaré que la violence familiale est un problème dans plus de 50 % de leurs dossiers. Près de neuf avocats sur dix (89 %) ont déclaré qu’ils connaissent les services auxquels ont droit leurs clients lorsqu’ils vivent de la violence familiale.

Exécution des ordonnances alimentaires

Tant pour les avocats que pour les juges, la majorité de leurs dossiers ne comporte pas des questions relatives à l’exécution des ordonnances alimentaires. Sept avocats sur dix (71 %) et près de neuf juges sur dix (89 %) ont répondu que l’exécution des ordonnances alimentaires est un problème dans moins de la moitié de leurs dossiers.

Mandats à portée limitée

Les mandats à portée limitée désignent la prestation de services juridiques dégroupés, c’est-à-dire que des avocats peuvent être engagés pour fournir un service juridique particulier ou des services juridiques à une fin précise. Par exemple, il peut s’agir de représenter une personne devant un tribunal pour la totalité ou une partie d’une audience; de représenter un client pour la totalité ou une partie d’une conférence préalable ou d’une conférence de règlement; de rédiger des documents à utiliser dans le processus de litige; de fournir des conseils juridiques sur une séparation ou un accord semblable. Environ la moitié (51 %) des avocats ont offert des services avec un mandat à portée limitée, tandis que l’autre moitié (49 %) ne l’a pas fait.

Tribunaux unifiés de la famille

Les tribunaux unifiés de la famille (TUF) sont conçus pour permettre aux familles de régler les questions juridiques en suspens dans un seul espace, en offrant un guichet unique pour les services en droit de la famille qui unifie les compétences fédérales et provinciales en matière de droit de la famille en un seul tribunal. Parmi les principales caractéristiques d’un modèle de TUF, mentionnons l’utilisation de procédures simplifiées, un environnement convivial, la présence de juges spécialistes et la prestation d’une gamme complète de services de soutien professionnels et communautaires.Note de bas de page 7

Plus de quatre juges sur dix (43 %) et le quart (25 %) des avocats ont répondu avoir de l’expérience relativement aux TUF dans leur rôle actuel. Parmi les répondants qui avaient de l’expérience relativement aux TUF, un peu plus de la moitié (54 %) des avocats et la majorité des jugesNote de bas de page 8 ont répondu qu’ils étaient satisfaits ou très satisfaits de la qualité globale des services de règlement des différends familiaux offerts dans les TUF.