Réponse du gouvernement du Canada au rapport de la commission d’examen de la rémunération des juges 2007

Le cadre constitutionnel de la rémunération et des avantages des juges

L’établissement de la rémunération des juges est régi par des principes constitutionnels conçus pour assurer la confiance de la population dans l’indépendance et l’impartialité de la magistrature. À l’échelon fédéral, l’article 100 de la Constitution prévoit que le Parlement doit déterminer la rémunération et les avantages des juges. Outre les mesures de protection de l’article 100, la Cour suprême du Canada a établi une exigence constitutionnelle prévoyant la mise sur pied d’une commission « indépendante, objective et efficace » dont l’objet est de dépolitiser le processus de rémunération des juges et de préserver ainsi l’indépendance de la magistrature[1].

En 1998, la Loi sur les juges a été modifiée afin de prévoir l’établissement, tous les quatre ans, d’une commission d’examen de la rémunération des juges pour faire enquête sur la suffisance de la rémunération et des avantages pécuniaires des juges[2]. La Loi sur les juges énonce des facteurs précis qui régissent l’examen par la Commission, le gouvernement et le Parlement du caractère « satisfaisant » de la rémunération. Ces facteurs sont les suivants :

Le 30 mai 2008, la Commission d’examen de la rémunération des juges de 2007 a présenté son rapport au ministre de la Justice comme l’exige la Loi. Ses recommandations clés comprennent[3] :

La réponse du gouvernement a été retardée afin de permettre au gouvernement d’examiner le Rapport de la commission compte tenu des changements importants relatifs à un critère clé en vertu duquel la commission a fait ses recommandations, soit l’état de l’économie au Canada, y compris le coût de la vie ainsi que la situation économique et financière globale du gouvernement.
Le gouvernement conclut que, compte tenu de la détérioration importante de l’état de l’économie au Canada et la position financière du gouvernement, il ne serait pas raisonnable de mettre en œuvre les recommandations de la Commission. La présente réponse fournit l’explication et la justification publiques de cette décision, comme l’exige la Constitution, compte tenu du critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Bodner c. Alberta[4] .

Changement dans les conditions économiques

Les conditions économiques globales et la position financière du gouvernement se sont détériorées considérablement depuis que la Commission a conclu son enquête et soumis son rapport au ministre de la Justice le 30 mai 2008. La détérioration des perspectives économiques, son incidence sur les revenus du gouvernement et la nécessité pour le gouvernement d’adopter des mesures extraordinaires pour répondre à une menace économique immédiate tout en garantissant la croissance et la prospérité à long terme du Canada, ont été soulignées dans le Budget de 2009 – Le plan d’action économique du Canada, annoncé le 27 janvier 2009.

Le Budget de 2009 – Le plan d’action économique du Canada, a annoncé des mesures pour stimuler l’économie, protéger les Canadiens et Canadiennes en cette période de récession mondiale et investir dans la croissance à long terme.  Il a aussi souligné des mesures pour gérer les dépenses, y compris des mesures pour limiter les dépenses discrétionnaires des ministères et agences fédérales ainsi que le dépôt de textes de loi qui garantiront la prévisibilité de la rémunération du secteur public fédéral pendant cette période de difficulté économique.  Les textes de loi ont maintenant été déposés pour mettre en place des augmentations salariales annuelles pour l’administration publique fédérale (y compris les cadres supérieurs de la fonction publique, les détenteurs de charge publique et les députés) de 2,3 % en 2007-2008 et de 1,5 % pour les trois années suivantes.

De l’avis du gouvernement, le public pourrait raisonnablement s’attendre à ce que les juges soient assujettis à des mesures de restriction similaires. La Cour suprême du Canada a établi que c’est en vue d’assurer la confiance du public dans la magistrature que la rémunération des juges devrait être assujettie aux mesures touchant les salaires de toutes les autres personnes rémunérées sur les fonds publics. Dans le Renvoi relatif à la rémunération de la cour provinciale (Î.-P.-É), le juge en chef Lamer avait fait remarquer que l’égalité de traitement aide « à maintenir la perception d’indépendance de la magistrature précisément parce qu’on ne réserve pas un traitement distinct aux juges »[5]. Voici l’explication qu’il avait donnée :[6]

À mon avis, le risque d’ingérence politique exercée par le biais de la manipulation financière est nettement plus grand lorsque les juges sont traités différemment des autres personnes rémunérées sur les fonds publics. Voilà pourquoi notre Cour s’est attachée principalement aux mesures de discrimination dans Beauregard. Comme l’a affirmé le professeur Renke, op. cit., dans le contexte des présents pourvois (à la p. 19) :

[traduction] [...] si on épargnait aux juges les réductions de rémunération touchant les autres groupes du secteur public, une personne raisonnable pourrait fort bien conclure que les juges ont fait des pressions dans les coulisses. Le fait que les juges soient exemptés pourrait être perçu comme le résultat de pactes occultes ou d’engagements secrets à favoriser l’État. Le fait d’exempter les juges de coupures salariales généralisées risque tout autant de soulever des doutes quant à l’indépendance de la magistrature que la diminution de la rémunération des juges dans le contexte de réductions générales applicables au secteur public.

Le gouvernement convient que la rémunération des juges est assujettie à certaines exigences uniques qui ne s’appliquent pas à d’autres personnes rémunérées sur les fonds publics. Tout particulièrement, il est nécessaire d’assurer que la rémunération des juges ne tombe pas sous le « minimum » requis pour protéger la sécurité financière, notamment par l’érosion de la rémunération au fil des ans. L’objet de ce minimum est d’éviter que les juges soient perçus comme étant vulnérables aux pressions politiques exercées par le biais de la manipulation financière comme cela s’est produit dans bon nombre de pays[7].  Les juges des Cours supérieures du Canada sont protégés contre l’érosion des niveaux de rémunération par l’indexation annuelle prévue par la loi, laquelle sera maintenue, et par le mécanisme d’examen quadriennal de la rémunération des juges. 

Le gouvernement est conscient du caractère unique du processus quadriennal d’examen de la rémunération des juges qui limite la possibilité de rajustement intérimaire durant la période quadriennale.  Toutefois, si les conditions économiques actuelles s’amélioraient avant la prochaine commission d’examen justifiant ainsi des améliorations salariales, ces circonstances pourraient être prises en considération par la commission.

ANNEXE A

Les recommandations de la troisième Commission d’examen de la rémunération des juges