La faillite et l'insolvabilité

Albert Bohémier

Table des matières


INTRODUCTION

Le nouveau Code civil du Québec est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Selon ses dispositions finales, il « remplace le Code civil du Bas-Canada adopté par le chapitre 41 des lois de 1865 de la législature de la province du Canada, Acte concernant le Code civil du Bas-Canada, tel qu'il a été modifié. »

C'est dire que le nouveau Code civil reprend sous leur forme originale ou sous une forme légèrement différente certaines dispositions préconfédérales touchant la faillite et l'insolvabilité, modifie certaines d'entre elles d'une façon plus ou moins substantielle, en abroge[1] d'autres purement et simplement et, aussi, adopte quelques dispositions nouvelles touchant ces sujets.

Rappelons que le Code civil du Bas-Canada a été adopté par l'assemblée législative de la province du Canada-Uni. Ses dispositions ont été maintenues en vigueur par l'article 129 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cet article édicte :

[…] Toutes les lois en force au Canada […] continueront d'exister […] mais […] [elles] pourront néanmoins […] être révoqué[e]s, aboli[e]s ou modifié[e]s par le parlement du Canada, ou par la législature de la province respective, conformément à l'autorité du parlement ou de cette législature en vertu de la présente loi.

Le pouvoir de modifier le droit préconfédéral est donc partagé entre les provinces et le gouvernement fédéral en conformité avec les articles 91 et 92 de la Constitution.

L'article 91(21) de celle-ci reconnaît au parlement fédéral une compétence exclusive en matière de Bankruptcy and Insolvency et une compétence semblable aux provinces sur « La propriété et les droits civils dans la province » (art. 91(13)). Au cours des années, l'expression Bankruptcy and Insolvency a été traduite de diverses façons. Dans certains cas, on a parlé de « Banqueroute et d'insolvabilité » ou de « Banqueroute et de faillite »[2], dans d'autres cas, de « Faillite et d'insolvabilité » ou de « Faillite » tout simplement[3]. L'emploi de cette terminologie particulière s'explique principalement par l'histoire législative anglaise. En Angleterre, on a connu pendant longtemps une dualité de régime : un régime de banqueroute (bankruptcy) pour les commerçants et un régime d'insolvabilité (insolvency) pour les débiteurs insolvables emprisonnés pour dettes. Ces deux régimes ont été fusionnés en 1861 par une loi anglaise An Act relating to Bankruptcy and Insolvency. La même terminologie fut reprise dans la Loi constitutionnelle de 1867.

Dans cette étude, nous référerons à la compétence fédérale en matière de « faillite et d'insolvabilité». Le choix des mots retenus n'a guère d'importance. Car, par cette expression, nous aurons en vue la compétence fédérale telle qu'elle a été définie dans le temps par la doctrine et la jurisprudence.

Dans ce travail, il s'agit de savoir si le gouvernement provincial pouvait, lors de la réforme du Code civil, abroger ou modifier les dispositions préconfédérales du Code civil du Bas-Canada relatives à la faillite et l'insolvabilité. S'agit-il de dispositions se rattachant à la propriété et aux droits civils ou relevant plutît de la compétence fédérale exclusive ? Si l'on retient la première hypothèse, la réforme est inattaquable quant au domaine sous étude. Si la deuxième hypothèse prévalait, on devra considérer que les dispositions préconfédérales, maintenues en vigueur par l'article 129 de la Constitution, le demeurent toujours et n'ont pas pu être valablement abrogées ou modifiées par le nouveau Code civil. Il faudrait alors se demander si le gouvernement fédéral devrait intervenir de quelque façon pour contribuer à l'efficacité de la réforme.

Comme entrée en matière, nous dirons d'emblée que toutes les dispositions préconfédérales mises en cause peuvent se rattacher, sous un aspect à tout le moins, à la compétence provinciale. Pour nous en convaincre, une partie de notre étude est consacrée à un exposé de la compétence fédérale et provinciale. La seconde partie étudie chacune des dispositions préconfédérales abrogées ou modifiées par le nouveau Code ainsi que les nouvelles dispositions qu'il renferme.

I. LA COMPÉTENCE FÉDÉRALE ET PROVINCIALE

Il n'entre pas dans notre propos d'analyser d'une façon systématique et en profondeur l'étendue de la compétence fédérale en matière de faillite et d'insolvabilité. Nous nous proposons de rappeler tout simplement les paramètres généraux qui ont été retenus par la doctrine et la jurisprudence des tribunaux supérieurs. À la lumière des grands principes ainsi énoncés, nous pourrons ensuite analyser plus en détail le sort réservé à chacune des dispositions préconfédérales.

A. La compétence exclusive du Parlement fédérale en matière de faillite et d'insolvabilité[4]

L'article 91(21) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde une compétence exclusive au Parlement fédéral en matière de faillite et d'insolvabilité. Ex hypothesis, c'est dire que cette compétence comporte un «contenu minimal exclusif » [5] qui ne peut être touché par les lois provinciales. C'est dire également que le Parlement fédéral peut adopter en vertu de son pouvoir accessoire nombre de règles en vue d'atteindre les finalités législatives qu'il poursuit. C'est pourquoi, nous brosserons d'abord un bref tableau de l'évolution jurisprudentielle à ce sujet. Nous pourrons ensuite plus facilement établir la marge de manœuvre dont le législateur provincial dispose en matière de droit civil.

Dans un premier temps, à la lumière de l'histoire législative anglaise, les tribunaux canadiens ont été portés à donner une interprétation large au champ de cette compétence exclusive. Ainsi, dès 1868, on a considéré invalide une loi provinciale qui se proposait de venir en aide aux débiteurs insolvables emprisonnés pour dettes[6]. On a jugé qu'une loi semblable en était une d'« insolvency » tel que conçu en droit anglais[7]. Par la suite, l'évolution s'est faite dans le sens d'une interprétation plus restrictive du contenu de la compétence fédérale exclusive. L'histoire du droit canadien de la faillite, l'évolution des conditions économiques générales ainsi que l'élaboration des grandes théories du droit constitutionnel ont influencé les tribunaux dans l'accomplissement de cette tâche. Nous nous permettons de reproduire ici l'exposé que nous avons fait de cette évolution dans notre ouvrage sur la Faillite et l'Insolvabilité[8].

Dans un premier temps, les tribunaux ont plutît eu tendance à définir restrictivement le champ de la compétence fédérale exclusive. À l'époque, cette attitude s'est avérée d'autant plus fonctionnelle qu'elle coïncidait avec le fait que le Parlement fédéral avait à peu près complètement renoncé à l'exercice de sa responsabilité en matière de faillite, de 1880 à 1919.

Dans l'Assignment Case, relative aux cessions volontaires de biens organisées par les législations provinciales, le Conseil privé a plus ou moins défini le droit de la faillite comme un système pourvoyant à la liquidation forcée du patrimoine du débiteur insolvable au profit de ses créanciers. Voilà pourquoi, le Conseil privé a estimé que les législations provinciales relatives aux cessions purement volontaires de biens et qui, au surplus, s'adressaient à tout débiteur, solvable ou non, étaient valides :

But it will be seen that it is a feature common to all the systems of bankruptcy and insolvency to which reference has been made, that the enactments are designed to secure that in the case of an insolvent person his assets shall be rateably distributed amongst his creditors whether he is willing that they shall be so distributed or not. Although provisions may be made for a voluntary assignment as an alternative, it is only as an alternative. In reply to a question put by their Lordships the learned counsel for the respondent were unable to point to any scheme of bankruptcy or insolvency legislation which did not involve some power of compulsion by process of law to secure to the creditors the distribution amongst them of the insolvent debtor's estate.[9]

Outre le vide législatif qui pouvait favoriser cette interprétation, cette définition restrictive de la faillite correspondait en grande partie aux conceptions économiques et sociales de l'époque. Le droit de la faillite y est envisagé comme un droit orienté vers l'intérêt des créanciers. C'est le caractère contraignant du dessaisissement du débiteur qui est retenu comme le trait distinctif du droit de la faillite. Cette conception restrictive de la compétence fédérale pouvait laisser croire que les provinces pouvaient, en l'absence de législation fédérale, intervenir en matière de faillite pourvu que ces interventions se limitent à des mesures de dessaisissement volontaire ou à des techniques ne comportant aucun dessaisissement.

L'évolution s'est chargée de faire éclater les cadres trop restreints de cette conception opportune mais trop restrictive du droit de la faillite, inspirée de l'histoire législative. L'évolution se fera dans le sens d'une extension de la compétence normale ou exclusive du Parlement fédéral.

En effet, dès les années 1920, sous la pression des besoins nouveaux qui commandaient l'adoption de lois plus spécialisées pour venir en aide à diverses catégories particulières de débiteurs insolvables, on a davantage pris conscience de l'impact que pouvait avoir le droit de la faillite sur l'organisation sociale et économique. Certes, le Parlement fédéral avait adopté une loi générale sur la faillite en 1919. Jugeant sans doute cette intervention insuffisante ou peu adaptée à leurs besoins régionaux, des gouvernements provinciaux, notamment ceux des provinces de l'Ouest, se sont montrés très tît particulièrement audacieux et agressifs en la matière.

La guerre, les fluctuations générales du marché mondial, la dépression des années 1930 et suivantes, la sécheresse dans les provinces de l'Ouest, autant de facteurs qui augmentaient les risques d'insolvabilité et qui commandaient des interventions concrètes et rigoureuses. Aussi, en 1915, les provinces canadiennes elles-mêmes commencèrent à adopter diverses lois de moratoires et d'ajustements de dettes[10]. Les provinces de l'Ouest furent particulièrement actives. Ces provinces, dont la principale ressource était l'agriculture, furent sérieusement touchés par la guerre, la dépression et la sécheresse :

The combination of failing prices, drought and rigid costs was disastrous to agriculture in the Prairie Provinces. […] In so far as these expenses could not be paid for in cash they resulted in the accumulation of debt or were met with government assistance. During 1931, 1932 and 1933 there was virtually nothing with which to meet living expenses and the net cash income was not sufficient to meet depreciation of buildings and machinery.[11]

Sur la plan conceptuel, le débat consistait d'abord à se demander si le Parlement fédéral pouvait lui-même adopter directement des lois d'arrangements forcés qui ne comportaient aucun dessaisissement face au débiteur (voir Assignment Case, supra). Outre l'histoire législative qui démontrait que de telles législations formaient une composante naturelle d'un système de banqueroute et d'insolvabilité, les tribunaux ont fait valoir que si la banqueroute référait à une liquidation forcée, l'insolvabilité était une notion beaucoup plus large et pouvait comprendre toutes mesures destinées à remédier à des états d'insolvabilité :

Therefore, if the proceedings under this new Act [Loi fédérale sur les arrangements avec les créanciers des compagnies] of 1933 are not, strictly speaking, « bankcruptcy » proceedings, because they had not for object the sale and division of the assets of the debtor, they may, however, be considered as « insolvency proceedings » […].[12]

En d'autres termes, une législation qui remédie à un état d'insolvabilité par voie de liquidation forcée, par voie d'arrangement ou par tout autre moyen, vise finalement le même objectif et relève de la compétence exclusive du Parlement fédéral :

Further, it cannot be maintained that legislative provisions as to compositions, by which bankruptcy is avoided, but which assumes insolvency, is not properly within the sphere of bankruptcy legislation.[13]

Si la compétence fédérale devait prendre une telle extension, c'était dire que toutes législations provinciales qui se proposaient de remédier directement ou indirectement à des états d'insolvabilité étaient invalides comme ultra vires des pouvoirs des législatures provinciales. C'est ainsi que furent déclarées inconstitutionnelles les lois provinciales d'ajustement de dettes[14], les lois de moratoires ou de médiation qui poursuivaient des buts similaires[15] ainsi que les lois de paiements méthodiques[16].

En conséquence, il apparaît que la compétence exclusive du Parlement fédéral s'étend à toute législation qui se propose de remédier à un état d'insolvabilité d'une façon coercitive. La technique retenue n'a guère d'importance : ce peut être le dessaisissement forcé du débiteur insolvable - considéré un temps comme le propre de la « bankruptcy »-, ce peut être un système d'arrangements, d'ajustements ou de consolidations de dettes. L'essentiel, c'est qu'il y ait un état d'insolvabilité et que des remèdes y soient apportés par la législation. Dès ce moment, il n'y a plus vraiment lieu de chercher à distinguer entre la bankruptcy et l'insolvency, comme on l'avait fait apparemment dans l'Assignment Case[17].

Dans l'évolution ci-haut exposé vers un élargissement de la compétence fédérale, un courant de jurisprudence, qui subsiste encore, a tendance à considérer plus ou moins l'état de faillite ou l'état d'insolvabilité (bankruptcy ou insolvency) comme l'objet même de cette compétence.

En effet, pour certains, cette compétence est devenue en quelque sorte un pouvoir de légiférer sur l'état d'insolvabilité ou l'état de faillite alors que l'on était en droit de croire que ces états n'étaient que des conditions préalables à la légitimité des interventions fédérales.

Dans le sens de cette interprétation extensive, on peut citer l'affaire Wenworth[18]:

« In so far as the Ontario provisions purport to provide a scheme of distribution upon insolvency they are invalid per se. »[19]

De même dans l'affaire Robinson c. Countrywide Factors Ltd.[20], il s'agissait de décider si un paiement préférentiel fait par une personne insolvable plus de trois mois avant sa faillite pouvait être annulé en vertu d'une loi provinciale visant l'annulation de tels paiements[21]. Pour une majorité de cinq juges, la loi provinciale était valide comme partie intégrante d'un système de droit civil. Toutefois, pour les quatre juges dissidents, la législation provinciale en question était invalide comme portant sur l'insolvabilité :

Une législation provinciale visant à l'annulation de préférence accordée à des créanciers par une personne qui était alors insolvable, quand l'insolvabilité est une condition sine qua non de sa nullité, est invalide, car elle constitue un empiétement direct sur la compétence exclusive au fédéral relativement à la faillite et l'insolvabilité.[22]

Dans l'affaire Deloitte Haskins and Sells Ltd.[23], la loi provinciale prévoyait que le Workers' Compensation Board de l'Alberta bénéficiait d'une « charge » sur les biens de l'employeur. Ce dernier ayant fait faillite, le Board prétendait avoir la qualité de créanciers garantis en vertu de l'article 2 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, même si sa réclamation faisait partie des réclamations préférées mais non garanties mentionnées à l'article 136. Selon la Cour suprême, malgré les mots introductifs de l'article 136[24], la liste des réclamations établie par l'article 136 manifestait clairement l'intention du Parlement fédéral d'enlever aux créanciers y mentionnés leur qualité de créancier garanti[25]. Ce qui importe de mettre en évidence ici, c'est le fait que parmi les six juges qui ont adopté cette position, trois d'entre eux ont jugé utile de préciser que la loi provinciale devenait inopérante parce qu'elle venait en conflit avec la loi fédérale alors que les trois autres considéraient tout simplement la loi provinciale comme inapplicable. On retrouve un peu la même ambiguïté dans la décision rendue récemment par la Cour suprême dans l'affaire Husky Oil Operations Ltd.[26].

Il s'agissait de savoir si l'article 133 de The Workers' Compensation Act, S.S. 1979, ch. W-17.1 qui permettait à la Commission de bénéficier d'un certain traitement privilégié par le jeu de la compensation était valide en fonction de l'article 97(3) de la Loi sur la faillite, (1985) ch. B-3 ou, au contraire, venait effectivement modifier l'ordre de priorité établi par celle-ci[27].

Selon l'opinion majoritaire, s'il ne faisait aucun doute que l'article 133 de la loi provinciale en question était valide dans un contexte de droit civil, en cas de faillite, cette disposition ne pouvait recevoir application. Même si l'on devait partager cette opinion, on peut entretenir quelques réserves quant à certains motifs qui y sont invoqués. En effet, selon M. le juge Gonthier, qui rendait jugement au nom de la majorité :

J'ai déjà conclu que la loi attaquée doit être déclarée inapplicable plutît qu'inopérante en matière de faillite. Je devrais peut-être expliquer que cela est préférable pour le simple motif que la faillite est un domaine de compétence fédérale exclusive à l'intérieur duquel les lois provinciales ne s'appliquent pas, ce qui est différent des domaines où il y a compétence concurrente ou chevauchement de compétence, auquel cas la loi fédérale l'emporte et rend la loi provinciale inopérante dans la mesure du conflit.[28]

Ces affirmations peuvent s'entendre de deux façons. Elles peuvent signifier qu'une province ne peut en aucune circonstance réglementer l'ordre de collocation des biens d'un débiteur insolvable, s'agissant d'un domaine réservé à la compétence fédérale exclusive. Toutefois, une lecture différente peut en être faite. Le Parlement fédéral, ayant validement légiféré sur la distribution des biens d'une personne déclarée en faillite, a établi un code complet sur cette question, ce qui exclut alors toute intervention provinciale qui aurait pour effet de modifier cet ordre de distribution[29].

En réalité, en elle-même, cette question de prépondérance ou d'inapplicabilité présente peu d'intérêt pour les fins de cette étude. En effet, comme il l'a été unanimement reconnu dans cette affaire, la législation provinciale, qu'elle soit inopérante ou inapplicable en cas de faillite, elle n'en demeure pas moins valide et intra vires des pouvoirs législatifs de la province, en l'absence d'une telle procédure.

Par exemple, l'article 2726 C.c.Q. confère une hypothèque aux salariés qui ont participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble et cela, jusqu'à concurrence de la plus-value donnée à ce dernier. Au plan constitutionnel, la validité de cette disposition ne saurait être mise en doute[30]. Toutefois, si le propriétaire de l'immeuble est déclaré en faillite, on peut prétendre alors que cette hypothèque n'a plus d'effet, les créances des salariés faisant partie de la liste des réclamations mentionnées à l'article 136 de la L.F.I.[31]. En d'autres mots, ce qui est en jeu essentiellement, ce n'est pas la validité in se de la disposition provinciale mais une question de conflit de lois : la loi provinciale devient-elle inopérante ou inapplicable dans le cadre d'une procédure de faillite ?

Ce long développement nous a paru nécessaire pour insister sur l'idée que l'état d'insolvabilité ne forme pas le contenu même de la compétence fédérale : c'est plutît l'intervention législative en vue de remédier à cet état qui la compose. En d'autres termes, comme l'exprimait M. le professeur Carignan «que les mots 'Bankruptcy and Insolvency' désignent des critères de finalité ou des critères de matière, ils doivent être interprétés […] en stricte référence à un réaménagement général du patrimoine de l'insolvable»[32].

B. Les pouvoirs du législateur provincial

S'il est légitime de reconnaître au Parlement fédéral une marge de manœuvre extensive en matière de faillite dans la poursuite de ses finalités spécifiques, il faut éviter, en revanche, de gêner indûment l'action provinciale législative. La difficulté consiste précisément dans le fait qu'il existe une relation très étroite entre le droit de la faillite et le droit civil. Ces deux branches de droit font partie du droit privé. Il y a insolvabilité parce qu'une personne ne peut respecter les obligations civiles qu'elle a assumées. Le droit de la faillite se superpose ainsi aux règles du droit civil parce que le fonctionnement normal de celles-ci est perturbé par l'insolvabilité du débiteur.

Toutefois, le droit civil ne peut « fermer les yeux » sur le fait que plusieurs débiteurs puissent devenir insolvables. Pour être fonctionnel, il doit tenir compte de cette réalité, dans sa réglementation sur les rapports juridiques unissant les débiteurs et les créanciers. Par là, la législateur provincial poursuit ses fins propres sans envahir le champ législatif réservé au Parlement fédéral et sans que l'on puisse l'accuser de poursuivre des fins législatives qui relèvent des pouvoirs de ce dernier.

C'est ce que mettait clairement en évidence feu M. le juge Beetz dans l'affaire Robinson c. Countrywide Factors Ltd.[33] en montrant que le mot insolvabilité de l'article 91, paragraphe 21, de la Loi constitutionnelle de 1867 ne réfère pas à un état mais au pouvoir de remédier à cet état :

L'insolvabilité a été définie par lord Thankerton dans le renvoi sur la Farmers' Creditors Arrangement Act, Le Procureur général de la Colombie-Britannique c. Le Procureur général du Canada [[1937] A.C. 391], à la page 402 :

[Traduction] Au sens général, insolvabilité signifie incapacité de faire face à ses dettes ou obligations; au sens technique, cela signifie l'état ou le niveau d'incapacité de faire face à ses dettes ou obligations qui, lorsqu'il est atteint, permet au créancier, aux termes de la Loi, d'intervenir, avec l'aide d'un tribunal, pour arrêter l'action individuelle des créanciers et assurer l'administration des actifs du débiteur dans l'intérêt général des créanciers ; la Loi permet aussi généralement au débiteur de demander la même administration.

Le sens premier d'« insolvabilité » à l'article 91.21 de la Constitution est l'insolvabilité au sens technique, non au sens général, comme l'a clairement énoncé lord Thankerton, quelques lignes après le passage précité; à propos de la compétence du Parlement en vertu de l'art. 91.21, il parlait de : [traduction] « … conditions légales d'insolvabilité qui permettent à un créancier ou au débiteur de recourir aux lois sur la faillite…»

La faillite et l'insolvabilité au sens technique sont inconnues en common law; mais les bouleversements résultant de l'insolvabilité, au sens général, devaient nécessairement être pris en considération par les grands systèmes de droit, tels que la common law et le droit civil. L'insolvabilité est au centre des parties de la common law et du droit civil qui traitent notamment d'hypothèque, de nantissement, de gage, de cautionnement et de garantie des créances en général, qui sont implicitement ou explicitement fondées sur le risque d'insolvabilité et qui produisent leur plein effet quand le risque est devenu réalité; il en est ainsi des règles qui déterminent le rang des privilèges et des hypothèques ou qui décident qu'un débiteur insolvable ou failli perdra le bénéfice du terme (art. 1092 du Code civil du Québec). Certains des principes les plus fondamentaux du droit civil sont exprimés dans les art. 1980, 1981 et 1982 du Code civil du Québec : […][34]

En d'autres mots, l'article 91(21) de la Loi constitutionnelle de 1867 veut permettre au Parlement fédéral de réglementer les situations d'insolvabilité mais il n'a pas pour but de stériliser l'action provinciale légitime dans son champ de compétence propre :

Quand le pouvoir exclusif de légiférer en matière de faillite et d'insolvabilité a été attribué au Parlement, on n'avait pas l'intention de supprimer des grands systèmes de droit qui réglementent la propriété et les droits civils une notion capitale, essentielle à leur cohérence. Le but principal était de donner au Parlement compétence exclusive pour établir, par législation, un système particulier réglementant la répartition des actifs d'un débiteur. Toutefois, étant donné la nature des grands systèmes de droit, le Parlement ne peut facilement exercer sa compétence principale et ses pouvoirs accessoires sans un certain degré de chevauchement, auquel cas la loi fédérale prévaut. Par ailleurs, on ne doit pas plus mesurer la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils en fonction de l'étendue possible du pouvoir fédéral en matière de faillite et d'insolvabilité […].[35]

Une illustration particulièrement pertinente des difficultés que nous avons voulu mettre en évidence est l'ensemble des discussions relativement récentes portant sur la validité constitutionnelle des lois dites Personal Property Security Acts (P.P.S.A.) des provinces de juridiction de common law. Ces lois obligent notamment les créanciers qui détiennent une forme quelconque de garantie de se soumettre à un régime de publicité. À défaut, le créancier qui a négligé de parfaire ainsi son titre, voit ses droits subordonnés aux créanciers qui ont respecté les formalités voulues, en particulier et nommément au syndic d'une faillite. D'aucuns ont prétendu que ces lois provinciales étaient ultra vires ou venaient en conflit avec la loi fédérale au motif qu'elles modifiaient les droits de certains créanciers à l'occasion d'une procédure de faillite.

In this article, it is argued that s. 22(1)a)iii) of the PPSA, in so far as it singles out trustees in bankruptcy and purports to confer special right upon them, is in pith and substance, legislation respecting Bankruptcy and Insolvency and, as such, ultra vires the provincial legislation.[36]

[…]

If the provincial legislation expands or diminishes the rights of secured credibors from what would have been had not bankruptcy occured, it is ultra vires.[37]

Cette interprétation n'a pas été retenue - et avec raison à notre avis - par la jurisprudence[38]. En effet, comme d'aucuns l'on fait remarquer, ces lois provinciales ont essentiellement pour but de moderniser la législation sur les droits des créanciers garantis. Elles s'insèrent tout à fait dans le cadre des objectifs que le droit civil peut légitimement poursuivre[39]. Même si ces lois réfèrent expressément au syndic de faillite, elles n'en deviennent pas pour autant invalides in se, non plus qu'en conflit avec la législation fédérale[40].

En guise de conclusion, nous nous permettrons de référer à ce qu'écrivait le professeur Carignan à propos du partage des compétences en matière de faillite et de droit civil :

L'alinéa 13 de l'article 92 permet également aux provinces de légiférer relativement à l'insolvabilité, même si, en l'interprétant, la portée des mots « Property and Civil Rights » doit être amputée de celle qu'ont « Bankruptcy and Insolvency ». Ces derniers, en effet, à cause de l'interprétation restrictive adoptée par les tribunaux dans une perspective historique, doivent être entendus, sous l'unique réserve faite plus haut, en stricte référence à un réaménagement général du patrimoine du débiteur. Par voie de conséquence, les effets civils de l'insolvabilité considérés indépendamment de tel réaménagement relèvent de l'alinéa 13 de l'article 92. Ce point, nous l'avons vu, ressort du jugement rendu récemment par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Robinson.[41]

Il reste à préciser si, outre leur compétence relative aux effets civils de l'insolvabilité, les provinces peuvent, de façon incidente et accessoire, réaménager de façon générale le patrimoine d'un insolvable. Si on aborde le problème dans une optique téléologique, il faut répondre par l'affirmative. En effet, comme l'insolvabilité se répercute de façon marquante sur les rapports juridiques en général, on conçoit mal que les législatures puissent s'acquitter de leurs responsabilités sans se soucier du problème qu'elle pose. À la vérité, si on excepte le principe de la libération du failli, il est difficile d'imaginer une règle du droit de la faillite qu'elles ne pourraient validement adopter à titre incident ou accessoire. Ce résultat, à première vue étonnant, résulte du fait que le droit de la faillite fait partie organique du droit privé dont il ne peut être détaché sans porter atteinte à l'harmonie et à la cohésion de l'ensemble.[42]

II. ANALYSE DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DE LA RÉFORME DU CODE CIVIL

Nous étudierons chacune des dispositions du Code civil du Bas-Canada qui ont été abrogées ou modifiées par le Code civil du Québec. Ces dispositions sont reproduites aux tableaux dressés en annexe. Pour faciliter l'exposé, nous avons regroupé ces dispositions autour de certains thèmes.

Deux observations préliminaires doivent être faites. La seule question à résoudre ici est de savoir si l'abrogation ou la modification résultant de la réforme du Code civil est valide in se ou non. Quoique certaines observations pourront être faites à l'occasion à ce sujet, il n'entre pas dans nos propos de déterminer si une disposition validement modifiée est en fait opérante ou non, au motif qu'elle viendrait en conflit avec la législation fédérale.

A. Définition de la faillite (art. 17(23) C.c.C.)

Cette disposition a été abrogée. Elle définissait « la faillite » comme l'« état d'un commerçant qui a cessé ses paiements »[43]. Cette définition était dans la tradition du droit français qui réservait la faillite aux commerçants. Elle était aussi conforme à l'Acte concernant la faillite de 1864 selon lequel la loi de faillite s'appliquait à tous dans le Haut Canada mais aux commerçants seulement dans le Bas Canada[44].

Le nouveau Code civil ne contient plus de définition de la faillite. Lorsque ce mot est utilisé par le Code, il réfère désormais, selon toute vraisemblance, à l'état de faillite résultant de l'application de la loi fédérale sur la faillite et l'insolvabilité[45].

Sous réserve de ce que nous dirons plus loin (supra, note 69), l'abrogation de l'article 17(23) C.c.C. ne pose, à notre avis, aucune difficulté. Cette disposition, en elle-même, n'est pas normative. Elle n'a de portée qu'en fonction des autres dispositions de ce Code qui y font référence. Si ces dernières, comme nous le verrons, font partie du domaine de la compétence provinciale, il n'y a aucun obstacle à ce que le législateur provincial adopte, modifie ou abroge une définition pour les fins d'application du Code civil. Au surplus, la définition de l'article 17(23) C.c.C. ne référait pas à la loi sur la faillite. Selon cette dernière, la faillite résultait soit d'une cession de biens de la part du débiteur soit de l'émission d'un bref de saisie en liquidation forcée à la demande d'un créancier. À l'article 17(23) C.c.C., la faillite réfère plutît à l'état d'un commerçant qui a cessé ses paiements, indépendamment de toute procédure exercée en vertu de la loi fédérale sur la faillite[46]. Au fond, pour l'application des dispositions du Code civil à un débiteur insolvable, la définition traditionnelle de cet état ne paraissait suffisante. Pour un commerçant, la cessation de paiements est plus déterminante que l'insuffisance des actifs.

En conséquence, dans la mesure où cette définition ne se rapporte qu'à des dispositions qui relèvent de la compétence provinciale, son abrogation ne pose pas de problème réel.

B. Curateur aux biens (art. 347(5) C.c.C.)

Cette disposition a été abrogée. Elle prévoyait que le curateur aux biens était, entre autres, la personne nommée « aux biens délaissés par les commerçants en faillite qui ont fait cession de leurs biens pour le bénéfice de leurs créanciers, ou par les débiteurs arrêtés ou emprisonnés, ou pour cause d'hypothèque ». Le Code civil et le Code de procédure civile obligeaient ce curateur à prêter serment.

Cette disposition référait au commerçant en faillite et aux débiteurs emprisonnés qui avaient fait cession de leurs biens. On a vu (supra, note 7) qu'une décision isolée, rendue en 1868, avait considéré l'emprisonnement pour dettes et l'élargissement du débiteur relevaient de la compétence fédérale, au motif qu'il s'agissait d'une question d'« insolvency »[47].

Toutefois, cette interprétation n'a pas été suivie par la jurisprudence subséquente, au motif que l'emprisonnement pour dettes et les mesures qui venaient en limiter le champ d'application ou en adoucir l'application étaient essentiellement des questions de procédure civile sur lesquelles, en l'absence de législation fédérale, les provinces pouvaient valablement intervenir[48].

D'autre part, quant à la cession de biens elle-même, le Conseil privé a clairement établi que rien n'empêchait la province de légiférer sur les cessions volontaires de biens :

Their Lordships do not doubt that it would be open to the Dominion Parliament to deal with such matters as part of a bankruptcy law and the provincial legislature would doubtless be then precluded from interfering with this legislation in as much as such interference would affect the bankruptcy of the Dominion Parliament. But it does not follow that such subjects as might be properly be treated as ancillary to such a law and therefore within the powers of the Dominion Parliament, are excluded from the legislative authority of the provincial legislature when there is no bankruptcy or insolvency legislation of the Dominion Parliament in existence.[49]

Le Code de procédure civile pouvait donc valablement contenir des dispositions sur les cessions volontaires et sur le capias ad respondendum[50]. Ces procédures particulières ont longtemps été mises en application parallèlement au système de faillite établi par le législateur fédéral[51]. Le capias fut aboli en 1897 et la cession de biens, devenue en grande partie inopérante par l'effet de la loi fédérale sur la faillite de 1919, fut définitivement abrogée par le Code de procédure de 1965.

Pour toutes ces raisons, il ne fait pas de toute dans notre esprit que l'institution du curateur aux biens se rattachait à l'autorité législative provinciale et que l'abrogation de l'article 347(5) C.c.C. ne soulève aucune difficulté.

C. Inhabilités et cessations de fonction (art. 1755(4) C.c.C. ; art. 327, 1355, 1356(1) et 2175(2) C.c.Q.)

L'article 1755(4) C.c.C. énonçait que le mandat se termine par la faillite du mandant ou du mandataire. La même règle est reprise à l'article 2175(2) C.c.Q., mais avec de légères modifi–cations. D'autre part, l'article 327 du nouveau C.c.Q. prévoit qu'un failli est inhabile à être administrateur d'une personne morale tandis que les articles 1355 et 1356(1) C.c.Q. prévoient que les fonctions de l'administrateur du bien d'autrui prennent fin par la faillite de l'administrateur ou du bénéficiaire et que l'administration se termine par la cessation du droit du bénéficiaire sur les biens administrés.

Au plan constitutionnel, ces dispositions ne paraissent pas discutables. Elles portent sur des matières provinciales, soit l'administration d'une personne morale ou celle du bien d'autrui.

Ces fonctions imposent des obligations particulières aux personnes qui les exercent et doivent reposer sur un certain rapport de confiance. Il ne s'agit pas de législation en vue de remédier à un état d'insolvabilité. Il est tout à fait légitime pour la législation provinciale de tenir compte de l'état d'insolvabilité soit pour établir une inhabilité soit pour mettre fin aux fonctions des personnes qui administrent des institutions juridiques créées par le droit provincial.

D. Modifications des obligations des débiteurs solidaires ou des débiteurs tenus à une même dette en cas d'insolvabilité (art. 742, 749, 750, 1118 et 1119, 1184 C.c.C. ; art. 830, 890, 892, 893, 1538 et 1690 C.c.Q.)

Les articles 742, 749 et 750 prévoient comment la dette d'un débiteur insolvable est répartie entre les cohéritiers ou les copartageants. Ces règles sont reprises sous une forme différente par les articles 830, 890, 892 et 892 du C.c.Q.

Les articles 1118 et 1119 établissent des règles du même ordre pour les débiteurs solidaires. Des règles semblables sont reprises à l'article 1538 C.c.Q. Enfin, l'article 1690 (de droit nouveau), s'inspirant de l'article 1184 C.c.C., réglemente l'application particulière de ces règles lorsqu'il y a eu remise accordée par le créancier à l'un des débiteurs solidaires. À l'exception partielle de l'article 1690 C.c.Q., quant au fond, les nouveaux articles, sous une formulation différente, reprennent les mêmes principes que ceux établis par le C.c.C. La recherche d'une répartition égale entre des débiteurs solidaires ou tenus à une même dette du fardeau accru résultant de l'insolvabilité de l'un d'eux relèvent de toute évidence de la compétence provinciale. On ne peut légiférer adéquatement sur les obligations de semblables débiteurs sans envisager que l'un d'eux puisse devenir insolvable.

E. Modifications ou restrictions apportées à certains droits contractuels en cas de faillite ou d'insolvabilité

Nous regroupons sous ce titre diverses règles qui modifient ou restreignent les droits et les obligations des parties en cas de faillite ou d'insolvabilité.

1. Perte du bénéfice du terme (art. 1902 et 1790 C.c.C. ; art. 1514 et 2386(2) C.c.Q.)

L'article 1092 C.c.C. stipule que le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu'il est devenu insolvable ou en faillite. L'article 1514 C.c.Q. est au même effet. L'article 1790 C.c.C., établit une règle de même nature à l'égard de la réclamation du principal de la rente constituée en perpétuel. L'article 2386 C.c.Q. reproduit la même règle sous une forme quelque peu différente. L'article 1092 et 1790 C.c.C. étaient en vigueur en 1867 et, serait-ce pour cette seule raison, leur validité n'est pas discutable.

Mais, ce qui nous paraît plus important, c'est le pouvoir indéniable du législateur provincial de prévoir la perte du bénéfice du terme en cas de faillite et d'insolvabilité. Cette déchéance est tout à fait légitime dans ces circonstances. Dans l'affaire Robinson[52], M. le juge Beetz s'exprimait de la façon suivante :

L'insolvabilité est au centre des parties de la common law et du droit civil qui traitent notamment d'hypothèque, de nantissement […] qui sont implicitement ou explicitement fondées sur le risque d'insolvabilité et qui produisent leur plein effet quand le risque est devenu réalité ; il en est ainsi des règles qui déterminent le rang des privilèges et des hypothèques ou qui décident qu'un débiteur insolvable ou failli perdra le bénéfice du terme […].[53]

Il peut être utile de rappeler en dernier lieu que la Loi sur la faillite et l'insolvabilité contient une règle semblable. Selon l'article 121(3) L.F.I., dans le cas d'une procédure de faillite, « un créancier peut établir la preuve d'une créance qui n'est pas échue à la date de la faillite », sous réserve d'un certain rabais d'intérêt. Sauf ce dernier élément, il n'y a pas de conflit entre le Code civil et la loi de faillite, puisque les deux règles sont au même effet[54].

2. La protection du débiteur lors de l'exercice d'une clause de dation en paiement ou d'un droit hypothécaire (art. 1040b C.c.C. et 2762 C.c.Q.)

L'article 1040b C.c.C. n'est pas une disposition préconfédérale. Ce texte a été adopté en 1964. De toute façon, sa constitutionnalité, comme celle de l'article 2762 C.c.Q., ne peut être mise en doute.

L'article 1040b C.c.C. avait trait à la clause de dation en paiement qui conférait un droit de propriété conditionnel au créancier bénéficiaire. Pour exercer ses droits, ce dernier devait donner au débiteur un avis de 60 jours. En cas d'omission de payer une somme d'argent, de faillite ou d'insolvabilité, le débiteur pouvait alors empêcher l'exercice de la clause de dation en paiement en payant au créancier les arrérages, les intérêts et les frais. L'article 1040a empêchait que toute autre indemnité puisse être réclamée par le créancier.

Le Code civil du Québec prohibe la clause de dation en paiement (art. 1801 C.c.Q.). Toutefois, en cas de préavis d'exercice d'un droit hypothécaire, l'article 2762 C.c.Q. stipule, comme antérieurement, que le créancier n'a droit d'exiger aucune indemnité autre que les intérêts échus et les frais engagés.

Il s'agit d'une règle civile d'ordre public en matière contractuelle. Il ne s'agit pas d'une disposition dont le but est de remédier à un état d'insolvabilité mais plutît d'une règle qui limite tout simplement le droit du créancier hypothécaire dans des circonstances particulières. Cette disposition nous paraît, à cet égard, inattaquable au plan constitutionnel[55].

3. Privilège du locateur (art. 2005 C.c.C.)

Selon l'article 1994(8) C.c.C., le locateur bénéficiait d'un privilège pour garantir le paiement du loyer. L'article 2005 C.c.C. limitait l'étendue de ce privilège « un cas de liquidation des biens d'une personne insolvable ». Cette disposition a été abrogée par le nouveau Code civil.

Nous tenons pour acquis que le législateur provincial peut créer des causes légitimes de préférence et en limiter la portée dans des circonstances particulières, notamment en cas de faillite. La recherche d'une plus grande égalité entre les créanciers justifie l'intervention provinciale[56].

Observons que l'article 2005 C.c.C., devenait inopérant en cas de faillite aux termes de la loi fédérale. En effet, selon les articles 73(4)f) et 136(1) L.F.I., le créancier qui avait saisi pour loyer les biens du failli devait les remettre au syndic; de plus, le locateur perdait sa qualité de créancier garanti pour devenir un simple créancier préféré dans les limites établies à l'article 136(1)f) L.F.I.[57]

4. Le syndic comme bénéficiaire d'un contrat d'assurance (art. 2578 C.c.C. et 2476 C.c.Q.)

L'article 2578 C.c.C., adopté en 1974, prévoyait qu'en cas de faillite[58] de l'assuré, l'assurance continuait au profit du syndic. L'article 2476 C.c.Q. reprend la même règle. Il s'agit manifestement d'une disposition se rattachant, sous un aspect du moins, au contrat d'assurance et que l'autorité provinciale peut légitimement adopter. Observons que l'article 24(2) L.F.I. est du même effet : « Toute assurance couvrant des biens du failli […] devient […] et nonobstant toute loi […] à l'effet contraire […] payable au syndic […] ». La disposition du Code civil, indubitablement valide in se, ne vient donc pas pas en conflit avec la législation fédérale[59].

5. Les droits particuliers du facteur (art. 1754 C.c.C.)

Cette disposition permettait au propriétaire de marchandises confiées à un facteur d'opposer un droit de compensation en cas de faillite du facteur et de rachat des marchandises par le propriétaire. Cette disposition à été abrogée lors de la réforme du Code civil.

La compensation est une institution de droit civil relevant de la compétence provinciale. L'article 1754 C.c.C. établissait des règles spéciales à ce sujet en raison des rapports particuliers existants entre le facteur (art. 1736 C.c.C.) et le propriétaire des marchandises.

La loi de faillite de 1864[60], de 1869[61] de même que celle de 1919[62] reconnaissent indirectement le droit d'un créancier d'opposer au syndic la compensation résultant du droit commun, pourvu que celle-ci ne constitue pas une préférence frauduleuse. Le législateur fédéral se trouvait à reconnaître implicitement de ce fait la validité des règles provinciales relatives à la compensation.

6. Formalités relatives aux jugements en séparation (art. 1313 C.c.C.)

Cette disposition référait aux formalités établies à ce sujet par l'Acte concernant la faillite de 1864. Elle fut abrogée en 1888 (voir le Tableau N° 2 reproduit en annexe).

F. Sort des contrats (cautionnement, société et vente)

Dans sa réglementation relative à certains contrats, le législateur provincial tient compte de l'état de faillite et d'insolvabilité pour déterminer les droits des parties. Cette réglementation fait partie de l'essence même du droit civil. Lorsque le débiteur devient insolvable, le droit civil doit se soucier de protéger adéquatement les droits des créanciers. Certes, le législateur fédéral, dans l'exercice de son pouvoir accessoire, pourrait adopter des règles de même nature. Il s'agirait alors encore une fois d'une question de conflits de lois, sans affecter par ailleurs la validité in se des lois provinciales.

Comme nous l'écrivions déjà :

D'une façon générale, lorsque la législature provinciale légifère sur de telles questions, elle n'adopte pas de règles coercitives mais de simples règles d'interprétation auxquelles les parties demeurent libres de déroger.[63]

Ce sont ces règles particulières qui touchent le contrat de cautionnement, le contrat de société et de vente qui feront l'objet des développements qui suivent. Il s'agit essentiellement de questions de droit civil et elles présentent, au plan constitutionnel, peu de problème de qualification. Même dans les cas exceptionnels où la législation provinciale impose des règles coercitives, celles-ci, dans leur aspect fondamental, ne visent pas à remédier à un état d'insolvabilité mais plutît à réglementer le sort des contrats en cours.

1. Le contrat de cautionnement (art. 1940, 1944, 1946, 1947, 1953(2) C.c.C. ; art. 2337, 2348(2), 2350, 2351, 2359 et 2360 C.c.Q.)

Lorsqu'un débiteur offre ou est tenu de fournir à son créancier une caution, celle-ci doit être solvable. À défaut, la caution doit être remplacée. Lorsque le débiteur invoque le bénéfice de discussion ou qu'une dette est garantie par plusieurs cautions, le Code civil détermine qui du créancier, du débiteur ou des cautions, supportera la perte résultant de l'incapacité de payer du débiteur ou de l'une des cautions et comment celle-ci sera répartie entre les diverses cautions.

De sa nature même, la réglementation concernant le contrat de cautionnement doit tenir compte de la capacité de payer de la caution. L'état de solvabilité de la caution est à la racine même de ce contrat. Outre le fait que ces dispositions existaient avant 1867 et que le nouveau Code n'en a modifié que la forme, il est clair que des textes relatifs à la solvabilité de la caution font partie intégrante, in pith and substance, du droit civil. L'autorité provinciale en la matière ne paraît pas discutable.

2. Le droit des sociétés (art. 1844, 1888a et 1892(4) et (6a) C.c.C. ; art. 2207, 2226, 2248 et 2258 C.c.Q.

Plusieurs de ces règles, en vigueur avant 1867, sont repri–ses intégralement par le nouveau Code civil (1844 C.c.C. et 2207 C.c.Q.) tandis que d'autres ont été modifiées.

Le contrat de société repose sur un rapport de confiance entre les associés. Les causes d'extinction de ce contrat relèvent nécessairement de l'autorité législative qui en réglemente l'existence et le fonctionnement. La compétence provinciale en ce domaine n'a jamais été mise en doute et ne pourrait l'être raisonnablement. Au surplus, cette réglementation, loin de contrecarrer l'action fédérale, en simplifie plutît le déroulement. L'extinction de la société par sa faillite ou la faillite de l'un des associés rend plus efficace l'administration du syndic. En d'autres mots, non seulement l'action provinciale en ce domaine est-elle entièrement légitime mais elle contribue harmonieusement à l'efficacité de la législation fédérale[64].

Même si la société n'est plus dotée de la personnalité juridique (art. 2188 C.c.Q.), celle-ci peut ester en justice tant en demande qu'en défense (art. 2225 C.c.Q.). La loi fédérale prévoit à l'article 2 que la notion de « personne » comprend « une société de personnes ». Ces règles contribuent une fois de plus à l'harmonie des deux législations.

Les articles 1888a (adopté en 1978) et 2248 C.c.Q. imposent des restrictions quant aux droits des commanditaires. En cas d'insolvabilité ou de faillite ou d'insuffisance des biens de la société, pour reprendre la formule utilisée par le nouveau Code, le commanditaire ne peut réclamer comme créancier avant que les autres créanciers de la société n'aient été satisfaits. Cette restriction tient à la nature particulière des droits du commanditaire.

3. Les droits du vendeur (art. 1497, 1543, 1998 et 1999 C.c.C. et 1721, 1741 et 2651(2) C.c.Q.)

Le Code civil du Bas-Canada contenait des règles particulières quant aux droits du vendeur. Une première se rapportait à l'obligation de délivrance, les autres reconnaissaient des droits particuliers du vendeur d'un meuble.

a) L'obligation de délivrance (art. 1497 C.c.C. et 1721 C.c.Q.)

L'article 1496 C.c.C. stipulait que le vendeur n'était pas tenu de délivrer la chose, si l'acheteur n'en payait pas le prix. L'article 1497 C.c.C. précisait que le vendeur n'était pas tenu à cette obligation, même si un délai de paiement avait été accordé à l'acheteur, lorsque ce dernier devenait insolvable. L'article 1721 C.c.Q. énonce la même règle. En cas d'insolvabilité de l'acheteur, le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix. Il est donc normal qu'il soit alors dispensé de son obligation de délivrer.

b) Les droits particuliers du vendeur d'un meuble (art. 1543, 1998 et 1999 C.c.C.; art. 1741 et 2651(2) C.c.Q.

L'article 1543 C.c.C. reconnaissait au vendeur impayé un droit de résolution tandis que les articles 1998 et 1999 lui accordaient un droit de revendication[65] et un droit d'être préféré sur le prix[66]. Le Code civil du Bas-Canada apportait toutefois des restrictions à l'exercice de ces droits en cas de faillite. Ils devaient alors être exercés dans les 15 jours de la livraison. Le nouveau Code (art. 1741) reconnaît un droit semblable au vendeur impayé mais sans restriction particulière pour le cas de faillite. Quant au privilège du vendeur, il a été remplacé par une priorité (art. 2651(2) qui n'a lieu que si le bien a été vendu à une personne qui n'exploite pas une entreprise.

Au point de vue constitutionnel, deux questions se soulèvent. (1E) La province peut-elle reconnaître un privilège ou une priorité à un créancier ? (2E) Peut-elle apporter des restrictions à l'exercice de ce droit ainsi qu'au droit de résolution et de revendication en cas de faillite ?

1° Le privilège ou la priorité du vendeur

Le droit de la province de créer des privilèges ou des priorités au profit de certains créanciers est clairement reconnu. Observons d'ailleurs que la Loi sur la faillite et l'insolvabilité reconnaît au vendeur impayé un droit de reprise de possession (art. 81.1 L.F.I.). Il y est toutefois expressément prévu que « le présent article n'a pas pour effet d'empêcher le fournisseur d'exercer les droits que lui confère le droit provincial ».

Dans l'affaire Husky Oil Operations Ltd.[67], M. le juge Gonthier écrivait à propos de ce que l'on convient d'appeler le « quatuor » des grands arrêts de la Cour suprême :

Compte tenu de cette distinction, on se rendra compte qu'aucun des arrêts du quatuor ne portait sur une législation provinciale déguisée. Il n'était pas question de la validité des lois qui y étaient attaquées.

On n'y laisse aucunement entendre que les lois attaquées étaient autre chose que des lois provinciales d'application générale, qui avaient donc été validement adoptées en vertu de la compétence exclusive des provinces en matière de propriété et de droit civil. Ces arrêts ne portaient plutît que sur l'applicabilité des lois provinciales en matière de faillite, et non sur leur validité.[68]

Une province peut donc valablement créer des privilèges, des hypothèques ou des priorités. Le caractère opératoire ou l'applicabilité de telles législations en matière de faillite constitue une toute autre question. Si la province peut créer de telles préférences, elle peut évidemment les abolir ou les modifier à sa guise. Par conséquent, l'abrogation des articles 1998 et 1999 C.c.C. comme l'adoption de l'article 2651(2) C.c.Q. ne posent pas de problème au plan constitutionnel.

2° Les restrictions apportées en cas de faillite

Comme nous l'avons indiqué plus haut, le vendeur impayé devait exercer ses droits, en cas de faillite, dans un certain délai. À l'origine ce délai était de 15 jours et il a été porté par la suite à 30 jours.

Il convient d'observer que l'Acte concernant la faillite de 1864 établissait une règle semblable (art. 12). On y stipulait que « dans tous les cas de ventes de marchandises à un commerçant […] devenant subséquemment insolvable, l'exercice des droits […] conférés à un vendeur […] est restreint […] à une période de quinze jours ». Ces restrictions contenues dans la loi de faillite furent abrogées subséquemment.

Devant cet état de choses, deux interprétations sont possibles. On peut prétendre que les articles 1543, 1998 et 1999 se rattachaient sous un aspect à la compétence provinciale et, sous un autre, à la compétence fédérale. En suivant cette ligne de pensée, on arriverait à la conclusion que ces dispositions préconfédérales, sous leur aspect fédéral, ont survécu malgré la réforme du Code civil[69].

Quant à nous, nous serions tenté de considérer que ces normes étaient exprimées quant à leur aspect fédéral dans la loi de faillite et, quant à leur aspect provincial, dans le Code civil. La norme dans son aspect fédéral a été abrogée par le Parlement fédéral lui-même. Le législateur provincial peut la supprimer pour ses fins propres.

G. L'égalité des créanciers et la prévention de la fraude : nullité de certains actes et de certains enregistrements (art. 803, 1032 à 1040, 2023, 2085 et 2090 C.c.C. ; art. 1631 à 1636 C.c.Q.)

Toutes ces dispositions ont été abrogées, sauf celles relatives à l'action paulienne qui ont plutît fait l'objet de modifications.

Il est certain que, sous un aspect du moins, ces règles relèvent de la compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils[70].

La difficulté est de savoir si elle ne rattache pas aussi sous un autre aspect à la compétence fédérale.

L'article 803 C.c.C. est sans doute la disposition qui pose le plus de difficultés. Cette disposition prévoyait l'annulation des donations faites par une personne insolvable. Le deuxième alinéa de cet article précisait que « dans le cas de faillite, les donations faites par le failli dans les trois mois qui précèdent la cession ou le bref de saisie en liquidation[71] sont annulables comme présumées en fraude ». Référant directement à la procédure établie par l'Acte concernant la faillite de 1864, il est difficile de prétendre que cette disposition ne renferme pas un élément de compétence fédérale.

Il est est de même mais à un degré moindre des autres dispositions. Les articles 1032 à 1040 réglementaient le recours paulien. Dans leur formulation originale, ils référaient expressément à la loi de faillite. L'article 1037 C.c.C. stipulait notamment :

Des dispositions plus étendues sur la présomption de fraude et la nullité des actes faits en vue de la faillite sont contenues en « l'Acte concernant la faillite, 1864».

Un renvoi semblable se trouvait à la fin des articles 1038 et 1039 C.c.C.[72]

La loi sur la faillite fut complètement abrogée en 1880 (43 Vict. c. 1). Lors de la refonte de 1886, il n'y avait plus de loi sur la faillite. C'est pourquoi dans l'annexe A des Statuts révisés de 1886, les dispositions ci-haut mentionnées apparaissent dans la liste des textes abrogés par le fédéral à compter de l'entrée en vigueur des Statuts révisés du Canada[73].

Les articles 2023 C.c.C. prévoyaient la nullité des hypothèques acquises sur les biens d'un débiteur insolvable dans les 30 jours de sa faillite. L'article 2090 prévoyait la nullité des enregistrements effectués dans les mêmes délais. Ces dispositions étaient de même nature que le recours paulien[74]. Quant à l'article 2085 C.c.C., également abrogé, il disposait qu'un acquéreur ne pouvait invoquer sa priorité d'enregistrement s'il avait acquis l'immeuble d'un failli.

Ce dernier texte ne pose, quant à nous, aucune difficulté. Il s'agit clairement d'une question d'enregistrement et non de faillite. Quant aux autres dispositions mentionnées ci-haut, les solutions paraissent moins certaines. S'agit-il de règles relevant entièrement de la compétence provinciale ou qui se rattachent, sous un aspect, à la compétence fédérale et, sous un autre, à la compétence provinciale. On peut défendre l'une ou l'autre thèse. Malgré tout, et avec certaines hésitations, nous serions enclin à favoriser la première.

Les lois sur la faillite de 1864 (art. 8) et de 1869 (art. 86 et suiv.) contenaient toutes deux des dispositions sur la révocation des donations et sur la nullité des contrats et des paiements frauduleux. Ces lois ne faisaient pas référence aux dispositions du droit civil. Le champ d'application de ces deux régimes était distinct. Les recours visés par les lois de faillite devenaient applicables lorsque le débiteur était déclaré en faillite. Les recours établis par le Code civil pouvaient recevoir application dès qu'un débiteur était insolvable ou qu'un commerçant était en état de cessation de paiement[75].

On peut prétendre que la partie fédérale de ce champ législatif était entièrement contenue dans les lois de faillite tandis que la partie provinciale (sous réserve des articles 1037 et les renvois des renvois aux articles 1038 et 1039 C.c.C.[76]) était exprimés dans les dispositions du Code civil.

[…] Toutefois, le contenu et l'intégrité du Code civil sont indicatifs de l'étendue de la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils […] Le fait qu'il existait un système légal relatif à la faillite et l'insolvabilité auquel le Code se référait expressément comme un corps distinct et précis de lois, sans pour cela diminuer sa portée normale, illustre comment les domaines respectifs de la propriété et des droits civils et de la faillite et de l'insolvabilité étaient envisagés au moment même où l'union fédérale était en discussion ; cela révèle également comment on entendait que le partage des pouvoirs opère en ces domaines.[77]

H. Les nouvelles dispositions du Code civil du Québec

Bien que cette question ne relève pas du sujet traité dans ce texte, il nous a paru utile de les reproduire en annexe dans le Tableau N° 3. Certaines d'entre elles ont été discutées plus haut. Quant aux autres, notamment l'article 1392 sur la caducité d'une offre en cas de faillite, l'article 2159 quant à la responsabilité du mandataire, l'article 2775 quant au maintien de l'administration du créancier hypothécaire même en cas de faillite du débiteur et enfin l'article 2990 relatif à l'attestation présentée par un syndic aux fins de publicité, elles ne posent, quant à nous, aucun problème d'ordre constitutionnel, si ce n'est qu'elles pourraient, en certains cas, venir en conflit avec la législation fédérale.

CONCLUSION

Nous avons analysé chacune des dispositions du C.c.C. touchant la faillite ou l'insolvabilité en vue de déterminer dans quelle mesure certaines d'entre elles avaient survécu, en tout ou en partie, malgré la réforme du Code civil. Dans certains cas, nous avons vu que l'abrogation ou la modification apportées ne soulevaient aucun problème au point de vue du droit constitutionnel. Dans d'autres cas, nous avons vu que la réponse était loin d'être évidente, notamment en ce qui concerne l'article 803 C.c.C. À tort ou à raison, dans tous les cas, nous avons favorisé l'interprétation qui allait dans le sens de la plus grande efficacité de la réforme du Code civil.

On doit toutefois reconnaître que notre opinion repose dans certains cas sur une argumentation quelque peu fragile et qu'elle n'est pas partagée par tous. Si l'on doit rechercher la plus grande certitude et prévenir des conflits judiciaires éventuels, une intervention législative fédérale en la matière serait indiquée. Les intérêts économiques en jeu sont souvent importants. On imagine facilement qu'un syndic puisse être tenté d'invoquer la survie des anciens articles 2023 et 2090 C.c.C. pour attaquer l'hypothèque acquise quelques jours avant le dépît de la requête de faillite[78]. Dans les domaines qui touchent la faillite et l'insolvabilité, une intervention de style « omnibus » nous paraîtrait politiquement la plus appropriée. Par exemple, le fédéral pourrait prévoir que toutes les dispositions préconfédérales touchant la faillite et l'insolvabilité contenues dans le Code civil du Bas-Canada, dans la mesure où elles relèvent de sa compétence, cessent d'avoir application ou sont modifiées, conformément aux dispositions du Code civil du Québec. C'est la proposition que nous avions faites en 1994[79].

APPENDICES