Remarques d’ouverture de la sous-ministre du ministère de la Justice devant le Comité de la Chambre des communes sur la justice et les droits de la personne

Discours

Le 6 mars 2019

Nathalie G. Drouin, Sous-ministre de la Justice et sous-procureure générale du Canada

Priorité au discours prononcé

Introduction

J’aimerais remercier les membres du Comité de me permettre de faire ces remarques d’ouverture. Mes remarques porteront sur mon rôle et mes responsabilités en tant que sous-ministre de la Justice et sous-procureure générale du Canada, mes relations professionnelles avec l’honorable Jody Wilson-Raybould et exposeront ma chronologie des évènements. 

À titre de sous-ministre et sous-procureure générale du Canada, j’appuie le ou la ministre de la Justice et procureur général ainsi que le gouvernement dans le développement de leurs politiques. Dans l’exercice de mes fonctions, ma vision a toujours été de fournir au gouvernement des services juridiques de grande valeur.

S’appuyant sur le rôle traditionnel des juristes, j’encourage le personnel juridique du ministère de la Justice du Canada à instaurer une alliance stratégique avec les clients afin de travailler en partenariat à la recherche de solutions et l’obtention de résultats. 

Dans mon rôle, j’ai le privilège de travailler avec des personnes impressionnantes et hautement compétentes. 

L'ancienne ministre de la Justice et procureur général du Canada et moi avions une relation professionnelle positive. Je la félicite pour tout ce qu’elle a apporté et continue d’apporter au Canada dans le cadre de ses fonctions publiques. Je peux vous confirmer que j’ai beaucoup appris en travaillant avec elle, surtout par rapport aux questions relatives aux Autochtones ainsi qu’en matière d’élaboration des lois.  En fait, nous poursuivons le travail qu'elle a entrepris au ministère de la Justice Canada en adoptant une nouvelle approche en matière de litiges autochtones.

Mon personnel et moi-même respectons les normes les plus élevées en matière de conseil non partisan. Mon rôle de soutien auprès du ministre et du procureur général exige que je défende les valeurs et l’éthique qui sont attendus de moi, à la fois en tant que fonctionnaire qu’en tant qu’avocate. 

Je voudrais commencer par décrire le double rôle de sous-ministre de la Justice et de sous-procureure générale du Canada. J’occupe cette position depuis juin 2017. 

Dans ces deux rôles, j’appuie le ministre de la Justice et procureur général du Canada dans l’accomplissement de ses responsabilités.

Mes fonctions incluent:

  • Fournir des conseils juridiques et coordonner les conseils juridiques donnés par le ministère de la Justice
  • Soutenir le développement de dispositions législatives et de politiques qui s’inscrivent dans le portfolio du ministère de la Justice 
  • Agir en tant que représentante officielle de la Couronne dans tous les litiges civils qui impliquent le gouvernement du Canada.

Le procureur général du Canada est aussi appuyé par la directrice des poursuites pénales qui est aussi une sous-procureure générale du Canada. La DPP et moi ne nous rapportons pas l’une à l’autre. Il ne m’appartient pas de discuter de poursuites spécifiques avec elle, et je n’ai pas discuté du contenu de la poursuite de SNC-Lavalin avec elle.  

Cependant, je fourni des conseils au procureur général du Canada dans sa prise de décision quant à l’émission ou non de directives à la directrice des poursuites pénales ou pour assurer la conduite d’une poursuite criminelle fédérale. Dans de telles situations, mon approche consiste à fournir des conseils juridiques de la même façon que je le ferais en donnant des conseils sur toute autre loi, mais avec une attention particulière à la distinction entre mon travail et celui de la DPP.

Chronologie

M. le Président, comme le permet le décret rendu par la Gouverneure générale en conseil le 25 février 2019, je voudrais maintenant fournir au Comité un compte-rendu détaillé de mes interactions dans ce dossier. 

Je vous fournis ce compte-rendu au meilleur de mes connaissances.  Pour ce faire, j’ai examiné mes courriels, mes dossiers et mon agenda. Je n'ai pas consulté madame Wilson-Raybould ou le ministre Lametti, ni leur personnel, ni quiconque en dehors du ministère au sujet des faits qui me sont propres. 

Mon compte-rendu inclura notamment les détails des discussions que j’ai eues avec l’ancienne procureure générale du Canada concernant l’exercice de ses pouvoirs en vertu de la Loi sur le directeur des poursuites pénales ainsi que sur les poursuites intentées contre SNC-Lavalin. 

Le 4 septembre

Le 4 septembre 2018, le ministère a eu connaissance de la position de la directrice de continuer la poursuite intentée contre SNC-Lavalin. J’aimerais préciser que je ne sais toujours pas comment ni quand la position de la directrice fut partagée avec SNC-Lavalin. 

Le 5 septembre

Comme je l’ai mentionné, j’ai examiné mon agenda au meilleur de mes capacités. Mon agenda indique que le 5 septembre, j’ai eu une conversation téléphonique avec Paul Rochon, sous-ministre des Finances. Toutefois, je ne peux me souvenir si nous avons parlé de ce dossier, d’un autre dossier, ou des deux. 

De plus, d’après mes souvenirs, la première discussion que j’ai eue avec madame Wilson-Raybould sur ce dossier a eu lieu le 5 septembre en fin d’après-midi. Le sujet de l’appel était de discuter d’un autre dossier, mais je me souviens que SNC a aussi été évoqué. L’ancienne procureure générale était à Fiji et il y avait un décalage horaire de 17 heures. 

Deux employées de son bureau, Jessica Prince, chef de cabinet et Emma Carver, attachée politique, se sont jointes à l’appel. Nous avons convenu que le ministère fournirait des conseils sur le rôle du procureur général, aux fins d’examen par la procureure générale. Je leur ai dit que le ministère avait commencé à travailler sur cet avis la veille. 

Les 6 et 7 septembre

Les 2 jours suivants, mes fonctionnaires et moi-même avons élaboré l’avis écrit. J’ai aussi fourni des conseils verbaux aux membres du personnel de la PG, Emma Carver et François Giroux, sur les pouvoirs du procureur général sous la Loi sur le directeur des poursuites pénales.

J’ai indiqué qu’il serait très important que la procureure générale se sente à l’aise avec la position de la directrice de ne pas négocier un accord de réparation. J’ai souligné que la procureure générale était en droit de recevoir toute information qu’elle jugerait nécessaire de la part de la directrice.  

Au cours de mes discussions avec Emma Carver et François Giroux, ils m’ont lu des extraits de la lettre en vertu de l’article 13 adressée à la procureure générale de la part de la directrice des poursuites pénales au sujet de la poursuite contre SNC-Lavalin. 

Pour clarifier, une lettre de la directrice des poursuites pénales en vertu de l’article 13, est adressée à  la PG en temps opportun et vise à informer de toute poursuite ou intervention envisagée par le DPP qui soulève des questions d’intérêt général. 

Comme je l’ai expliqué au Comité, en honorant mon rôle de sous-procureure générale, je fais très attention de séparer mon rôle et mes responsabilités de ceux de mon homologue, la directrice des poursuites pénales. Comme je l’ai mentionné, je n’ai aucun rôle à jouer dans les poursuites pénales spécifiques et je ne suis au courant d’aucun élément de preuve. C’est pourquoi j’ai refusé de réviser et de recevoir la lettre en vertu de l’article 13.  

C’est au cours de cette même conversation qu’Emma Carver m’a informée qu’elle était en train de rédiger un document qu’elle comptait fournir à ses homologues du bureau du premier ministre (Elder Marques et Amy Archer). On m’a aussi dit que la procureure générale n’était pas enthousiaste à l’idée d’exercer son autorité sous la Loi du DPP.  

Dans son témoignage, l’ancienne ministre mentionne que j’ai transmis des informations du ministère des Finances.  Je précise que le 7 septembre, j’ai parlé avec le sous-ministre des Finances, Paul Rochon. Il avait des questions concernant le processus de prise de décision, sur les rôles et la relation de la PG et de la directrice des poursuites pénales. 

Aussi le 7 septembre, j’ai parlé à l’ancienne chef de cabinet de la procureure générale, Jessica Prince, et je lui ai fourni un compte rendu verbal de l’avis que nous étions en train de rédiger pour la PG. 

Le 8 septembre

Le 8 septembre, j’ai fourni un avis préliminaire au bureau de l’ancienne procureure générale. 

L’avis est intitulé « Le pouvoir du procureur général de donner des directives et d’assurer la conduite des procédures. » L’avis débute avec une discussion sur l’indépendance du procureur général et sa responsabilité ultime quant aux poursuites criminelles. Il décrit le rôle de la DPP de manière très semblable à celle que j’ai expliquée devant ce Comité. Il y est aussi décrit le pouvoir d’assurer la conduite d’une poursuite et le pouvoir de donner des directives. 

L’avis fournit aussi des conseils pour la PG sur le rôle de la DPP et l’informe que la PG est habilitée à recevoir toute information provenant de la DPP pour pouvoir comprendre une décision. 

Différentes options sont décrites dans le cas où la PG ne souscrit pas à la position de la directrice ou souhaite évaluer davantage la décision. Ces options incluent l’émission de directives qui ordonnent le réexamen ou la nomination d’un procureur spécifique pour réévaluer la décision.   

Une autre option qui est décrite dans l’avis est que le PG décide d’assumer la conduite d’une poursuite, détermine si les conditions légales pour les accords de réparation sont remplies et, le cas échéant, nomme un mandataire pour négocier un tel accord.

L’avis juridique envisage également la possibilité de solliciter un avis externe concernant les pouvoirs conférés au PG en vertu de la Loi et du Code criminel afin de déterminer si les conditions nécessaires à la conclusion d’un accord de réparation sont réunies.

L’avis juridique indique que le cadre constitutionnel et réglementaire pertinent donne la priorité à l’indépendance et à la transparence et que toutes les décisions du PG sont «les siennes à prendre, indépendamment des considérations ou processus politiques.»

Il y a aussi un court exposé sur le respect par les tribunaux du pouvoir discrétionnaire du poursuivant, qui peut être révisé pour abus du processus. 

Je voudrais apporter un peu plus de contexte à cette partie de mes remarques. Bien que je suis au ministère de la  Justice Canada depuis presque trois ans, vous savez que j'ai également travaillé au Québec dans des rôles similaires. Durant cette période, j'ai acquis une expertise dans ce domaine, puisque j'ai été confrontée à des situations similaires dans lesquelles les décisions du DPCP ont été contestées publiquement et où le procureur général a été interpelé. J'ai judicieusement mis cette expérience professionnelle et cette expertise au service de l’avis que mon ministère a fourni à la procureure générale dans cette affaire.

Le 10 septembre

Le lendemain, le 10 septembre, le Ministère a répondu à deux questions complémentaires que nous avions reçues du bureau de la procureure générale à la suite de l’avis préliminaire. 

Le 11 septembre

Le 11 septembre, le chef par intérim du Cabinet de la procureure générale, François Giroux, m’a informée par courriel que la procureure générale n’avait pas l’intention d’intervenir dans le dossier et qu’elle était disponible pour en discuter.  

Le 12 septembre

Le lendemain, le 12 septembre, le ministère des Finances m'indique que SNC-Lavalin était toujours en discussion avec le DPP. J’en ai donc compris que la position du DPP d’inviter SNC à négocier un accord de réparation n’était pas définitive. 

Le 12 ou le 19 septembre, j’ai eu une discussion avec le greffier en marge du déjeuner des sous-ministres qui est une réunion hebdomadaire à laquelle les sous-ministres participent.

Je me souviens que j’ai eu une discussion avec le greffier durant laquelle nous avons discuté des options qui étaient disponibles à la PG, son rôle, le rôle de la DPP et mon rôle.

16 septembre

Le 16 septembre, j’ai eu un appel avec le BCP lors duquel nous avons discuté de l’avis sur le rôle du PG et des options. 

17 septembre

Si je me souviens bien, ma première rencontre en face à face avec l’ancienne procureure générale dans ce dossier a eu lieu le 17 septembre et je pense que nous n'en avons peut-être parlé que brièvement en marge d'une autre réunion.

J’ai aussi vu la ministre le 18 et le 19 septembre.

18 septembre

Le 18 septembre, la ministre a fourni un compte-rendu de sa discussion de la veille avec le premier ministre.  Ce fut le seul but de cette discussion.  Je ne me souviens pas de ses mots exacts, mais je me souviens qu’elle m’a dit que le greffier était présent. Elle m’a aussi dit qu’elle n’était pas à l’aise avec le contenu de cette conversation. 

Le 19 septembre

Lors de ma rencontre bilatérale du 19 septembre en après-midi avec l’ancienne ministre et procureure générale, elle m’a dit qu’elle venait d’avoir une discussion avec le greffier.  Durant cette rencontre, je me souviens précisément que l’ancienne PG m’a dit que c’était la dernière fois que nous discutions de l’affaire SNC-Lavalin. Elle m’a aussi donné comme instructions de ne pas avoir de discussion avec la DPP.

Après le 19 septembre

Je tiens à préciser qu’au meilleur de mes souvenirs, je n’ai plus eu d’interactions avec la ministre ou son personnel au sujet de ce dossier après le 19 septembre sauf à deux exceptions près. 

Le 19 octobre 

La première exception a eu lieu le 19 octobre, lorsque la demande de contrôle judiciaire de la décision de la DPP a été déposée devant la Cour fédérale. Comme ce serait le cas pour les procédures régulières dans lesquelles une demande de contrôle judiciaire est présentée à la Cour, les fonctionnaires de mon ministère ont discuté avec la DPP au sujet de qui devrait comparaître au nom de la Couronne.

La deuxième exception s'est produite vers la fin du mois d'octobre. Je n’ai pas la date exacte. Le Bureau du Conseil privé a demandé un avis à mon ministère sur les conséquences possibles pour SNC-Lavalin d’une condamnation au criminel. Mon ministère avait élaboré un projet d’avis juridique. Cet avis n’a pas été fourni au BCP à la demande du bureau de la ministre. 

Finalement, avant de compléter ma chronologie, je voudrais retourner rapidement au moment où j’ai eu pour la première fois connaissance du remaniement du 14 janvier. 

Le 11 janvier

Le vendredi 11 janvier, le greffier du Conseil privé m’a appelée pour m’informer du remaniement à venir. Je n’ai pas été informée de l’identité du prochain ou de la prochaine ministre. J’ai demandé au greffier quels domaines ou quels dossiers je devrais préparer pour en informer le nouveau ou la nouvelle ministre. 

Le greffier a identifié que le besoin prioritaire serait d’abord d’informer le nouveau ministre et procureur général sur ses rôles et ses responsabilités. Cela m’a indiqué qu’il s’agissait d’un ministre débutant. 

Le greffier a aussi recommandé que j’informe le nouveau ministre de dossiers relatifs aux Autochtones, puisqu’il était possible que le premier ministre demande à cette personne d’assister à une rencontre avec des organisations autochtones au début de la semaine suivante. 

Il a aussi recommandé d’informer le ministre sur des enjeux en cours, incluant les accords de réparation et SNC. Comme vous le savez, SNC-Lavalin avait fait une demande de contrôle judiciaire de la décision de la DPP et c’était une question d’actualité qui devait être communiquée au nouveau ministre. Pour informer le nouveau ministre, j’ai développé, avec mon équipe rapprochée, un manuel informatif que je vous présente aujourd’hui. 

Vous remarquerez que les accords de réparations sont inclus dans le cahier d’informations à l’intention du ministre, parmi d’autres dossiers. C’est dans ce contexte que, l’après-midi du 11 janvier, j’ai informé Jessica Prince qui, je croyais, allait demeurer chef du cabinet, des dossiers sur lesquels j’informerais le nouveau ministre. 

Conclusion

Je vous remercie de votre attention.

Je suis maintenant disposée à répondre à vos questions. Merci.



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