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ID : 30551
Ajouté le : 2003-05-28 9:45
Mis à jour le : 2004-10-29 23:46
Refreshed: 2006-01-26 15:19

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LES SEMENCES DU MONDE / Chapitre 3 : Les expériences sur le terrain
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Ronnie Vernooy

Chapitre 3

Les expériences sur le terrain

Les six projets sur lesquels porte ce chapitre donnent un aperçu des nombreuses études sur l'agrobiodiversité et la phytosélection participative qui ont reçu l'appui du CRDI au cours de la dernière décennie. Ces projets ont été choisis parce qu'ils constituent un échantillon représentatif de la recherche au regard des systèmes de culture, des objectifs de la recherche, du type de participation et de la portée méthodologique. Les travaux ont été menés à bien par des centres affiliés au Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), par les systèmes nationaux de recherche agricole et par des organisations non gouvernementales (ONG). Les projets se sont déroulés en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient ainsi qu'en Amérique latine; un seul est d'envergure internationale. Certains ont commencé il y a plusieurs années, d'autres ont débuté plus récemment mais les six initiatives sont toujours en cours. Le CRDI en a publié une description plus étoffée, sur papier et en ligne à www.crdi.ca/semences.

La participation des agriculteurs à l'amélioration de l'orge en Afrique du Nord et au Moyen-Orient


Éléments clés

Culture : Orge
Objectifs (par ordre de priorité) : Productivité / diversité / prise en charge
Participation : En collaboration; travaux dirigés par les chercheurs
Analyse sociale : Sexospécificité
Dimension politique : De plus en plus importante (politiques de recherche; amélioration génétique; mise en circulation des variétés)

Une nouvelle façon de travailler avec les agriculteurs
des régions arides

Dans bien des régions de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, le rendement de certaines cultures (comme l'orge, qui est une plante à pollinisation directe) est faible, bon an, mal an, et les récoltes déficitaires sont fréquentes. La malnutrition est généralisée dans les régions les plus pauvres et la famine est une menace constante. Les programmes de sélection classiques destinés à améliorer les cultures sont restés pratiquement sans effet, en grande partie parce que la majorité des agriculteurs ont refusé d'adopter de nouvelles variétés.

L'approche traditionnelle, centralisée et hiérarchisée, ne tient guère compte des conditions réelles auxquels les agriculteurs doivent faire face. Que penser d'un programme de sélection décentralisé, qui prévoie la participation des agriculteurs dès le départ, incite les phytogénéticiens et les agriculteurs à travailler ensemble pour apprendre les uns des autres et qui tienne compte de ce que les agriculteurs ont à dire ? Voilà une idée révolutionnaire sans doute, mais qui a donné des résultats probants.

À la fin des années 1990, des chercheurs du Centre international de recherches agricoles dans les régions sèches (ICARDA) ont été les premiers à proposer une nouvelle façon de travailler avec les agriculteurs dans les zones de pluies peu productives du Maroc, de la Syrie et de la Tunisie. Financée par le CRDI, l'Italie et le MBZ/GTZ [ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement/Agence de coopération technique (Allemagne)], cette initiative a réuni des agriculteurs et des phytogénéticiens ayant pour objectif commun de répondre aux besoins des gens qui doivent vivre et travailler dans les conditions difficiles caractéristiques de ces régions.

En Syrie, par exemple, les agriculteurs «hôtes» de neuf collectivités ont été jumelés à deux stations de recherche. Ces agriculteurs et leurs voisins se sont chargés des essais sur les lignées expérimentales fournies par la station de recherche et sur les variétés sélectionnées par les agriculteurs eux-mêmes. Les agriculteurs et les phytogénéticiens ont évalué indépendamment les résultats d'essais successifs, qui ont eu lieu entre 1997 et 1999, et qui ont permis d'identifier plusieurs nouvelles variétés prometteuses.


La sélection décentralisée dans les champs des agriculteurs évite d'avoir à rejeter des lignées utiles parce qu'elles affichent un piètre rendement dans les stations expérimentales, où les conditions sont certainement plus favorables.

Il est vite apparu que les critères de sélection des agriculteurs, en grande partie fondés sur des facteurs écologiques, sont fort différents de ceux utilisés par les programmes de sélection nationaux. Les sélections faites par les agriculteurs sont au moins aussi efficaces que celles des sélectionneurs, ce qui en a surpris plusieurs. Les rendements se sont améliorés là où la sélection végétale avait échoué auparavant. Devant ces résultats, les sélectionneurs n'ont pas hésité à adopter de nouvelles idées et attitudes, et à devenir partisans de l'approche participative.

Conclusion: les premiers programmes de phytosélection n'ont pas eu d'effet sur les terres marginales parce que les critères de sélection employés tenaient rarement compte des caractéristiques jugées importantes par les agriculteurs.

Corollaire: La sélection décentralisée dans les champs des agriculteurs évite d'avoir à rejeter des lignées utiles parce qu'elles affichent un piètre rendement dans les stations expérimentales -- où les conditions sont certainement plus favorables grâce à la fertilisation ou à l'irrigation, par exemple. La sélection décentralisée, conjuguée à la participation des agriculteurs dès les premières étapes du processus, est une méthode efficace qui peut être adaptée aux espèces cultivées dans différentes conditions biophysiques et socioéconomiques et qui tient compte des besoins et des connaissances des agriculteurs.

Veiller aux besoins et aux intérêts des agriculteurs

Les chercheurs ont tiré d'autres leçons décisives de ce projet, par exemple que les agriculteurs peuvent s'occuper d'un grand nombre de lignées et/ou de populations. Ainsi, dans la deuxième phase des travaux effectués en Syrie, le nombre des lignées évaluées est passé d'environ 200 à 400 (voir le tableau 1). De fait, les agriculteurs ont volontiers saisi l'occasion de sélectionner un grand nombre de lignées. Certains ont même commencé à multiplier des semences de variétés sélectionnées, qu'ils partagent avec d'autres agriculteurs, ce qui réduit d'autant leur dépendance à l'égard des semences fournies par les phytogénéticiens. Ces nouvelles pratiques ont ouvert la voie à un processus plus dynamique d'amélioration des obtentions végétales puisque les nouveaux matériels génétiques peuvent désormais passer d'un agriculteur à un autre.

En outre, lorsqu'ils ont constaté que les critères de sélection des femmes étaient différents de ceux des hommes, les chercheurs ont fait valoir l'importance de déterminer dans quelles conditions et pour quelles raisons ils diffèrent. Ils se sont aussi rendu compte qu'en participant à la recherche, les agriculteurs se sentent investis d'un nouveau pouvoir qui leur donne suffisamment confiance pour prendre des décisions relatives à la création variétale de certaines espèces ou même à la dimension des parcelles et au nombre de sites d'essais.

Les chercheurs ont fait une autre découverte, sans doute tout aussi importante pour eux: le projet a mis en lumière la nécessité d'une formation particulière dans des domaines comme les protocoles d'expérimentation et l'analyse de données appropriées à des situations dont ils ne peuvent être maîtres comme c'est le cas dans les stations de recherche; par exemple, un champ dont un agriculteur est propriétaire et qui est géré par celui-ci.

Le prolongement du succès

Cette approche novatrice a eu un tel succès que les agriculteurs ont demandé aux sélectionneurs de l'adopter et de travailler en collaboration avec eux à l'amélioration d'autres cultures. Elle a aussi fait son chemin dans d'autres pays de la région. L'ICARDA appuie des programmes de phytosélection participative en Égypte, en Érythrée, en Jordanie et au Yémen. Au Bangladesh, en Syrie, en Turquie et au Yémen, la même approche est mise en application dans la recherche sur les lentilles. En outre, l'ICARDA a amorcé des travaux de recherche participative sur la gestion des ressources naturelles, en particulier sur la gestion durable des terres dans les régions arides.

Partout, le succès a été le même. Au Yémen, par exemple, un projet qui avait commencé dans trois villages seulement dans les hautes terres septentrionales s'est étendu en peu de temps à trois autres villages du plateau intérieur. L'approche participative a été reprise par d'autres projets réalisés par l'Agricultural Research and Extension Authority (AREA), organisme de recherche national, partenaire de l'ICARDA. Autre exemple: en Jordanie, les organismes officiels de recherche agricole ont commencé à transformer le programme national d'amélioration génétique de l'orge en un programme participatif, décentralisé, et à appliquer la phytosélection participative au froment et au blé dur.

Les comités locaux de recherche agricole en Amérique latine


Éléments clés

Cultures : Haricots, maïs, manioc, pommes de terre, fruits
Objectifs (par ordre de priorité) : Productivité / prise en charge / diversité
Participation : En collaboration; travaux dirigés par les agriculteurs
Analyse sociale : Variable
Dimension politique : Secondaire


Expérimentation et apprentissage en commun

Dans les pays du Nord, soumettre un problème à un comité équivaut trop souvent à une échappatoire aux mesures qui s'imposent. Rien de tel en Amérique latine: le comité, qui regroupe agriculteurs et chercheurs, est devenu une plaque tournante où se font l'évaluation, l'adaptation et la diffusion des nouvelles technologies. Qui plus est, le comité est aussi le point de départ de projets de développement rural comme la formation de groupes de crédit et de commercialisation. Les comités locaux de recherche agricole (Comité de Investigación Agrícola Local ou CIAL, pour reprendre l'acronyme espagnol) se sont répandus dans toute l'Amérique latine et ils obtiennent des résultats qui étonnent les scientifiques des organismes de recherche traditionnels.

Les cial rassemblent les agriculteurs et les chercheurs en un processus d'expérimentation et d'apprentissage conjoint. Les comités locaux, dont la formule a d'abord été proposée par le Centre international d'agriculture tropicale (CIAT), en Colombie, se sont rapidement multipliés. L'Amérique latine compte aujourd'hui environ 250 CIAL très actifs. S'ils diffèrent par leur taille et leurs caractéristiques, ils partagent tous le même objectif: constituer un lien direct entre les organisations locales d'agriculteurs et les systèmes officiels de recherche agricole. Le CRDI appuie des comités locaux de recherche agricole, directement et indirectement, en Colombie, en Équateur, au Honduras et au Nicaragua.


L'établissement d'un réseau de comités locaux de recherche agricole expérimentés dans une région réduit de beaucoup la nécessité d'y organiser des travaux de recherche et des services de vulgarisation à grande échelle.

La majorité des CIAL accordent une attention prioritaire à l'évaluation des variétés locales améliorées et à l'essai de nouvelles obtentions végétales pouvant être adaptées aux conditions locales. Bon nombre des nouvelles variétés testées par un comité local de recherche agricole proviennent de la collectivité; le maïs à pollinisation libre en est un exemple. D'autres, comme les hybrides, sont fournies par le secteur officiel de la recherche. Parfois, les variétés éprouvées sont produites par les deux systèmes. Les comités s'intéressent également à la lutte contre les parasites et les maladies ainsi qu'à la gestion des sols, de l'eau et des nutriments. Les cultures vivrières de base -- haricots, maïs, pommes de terre et manioc -- représentent plus de 80 % des recherches en milieu réel entreprises par les comités locaux (voir le tableau 2).

L'établissement d'un réseau de comités locaux de recherche agricole expérimentés dans une région réduit de beaucoup la nécessité d'y organiser des travaux de recherche et des services de vulgarisation à grande échelle, étant donné que les collectivités rurales s'occupent elles-mêmes des essais et de l'adaptation des technologies.

Les membres de la collectivité choisissent le thème de la recherche qui sera menée par le comité local lors d'une réunion publique, et ils fondent leur décision sur des critères comme les possibilités de succès, le nombre et les groupes de bénéficiaires, et les coûts probables de la recherche. Vient ensuite l'étape de la planification où le CIAL et le reste de la collectivité déterminent les objectifs de l'expérimentation, les traitements et les mesures de contrôle, les matériels et les méthodes qui seront utilisés, les facteurs de production requis, les données à recueillir et les critères d'évaluation des résultats.

En règle générale, l'expérimentation est faite par des membres de la collectivité (des innovateurs chevronnés, par exemple), puis à l'issue de l'expérimentation le comité local rencontre le facilitateur (par exemple, un agronome associé à une ONG locale) avec qui il évalue les données recueillies. Lors de l'analyse des résultats, les membres du CIAL demandent aux intervenants de préciser ce qu'ils ont appris de l'expérience. Cette étape revêt une importance cruciale surtout lorsque l'essai de nouvelles variétés échoue ou que l'expérimentation donne des résultats inattendus.

Enfin, à l'occasion d'une des réunions publiques régulières de la collectivité, le CIAL fait le point sur les activités, les résultats et les dépenses engagées dans le cadre de ses travaux et sollicite la réaction des membres de l'assemblée. Le comité local peut également faire des recommandations fondées sur les résultats de ses travaux, mais c'est la collectivité qui décide s'il doit poursuivre l'expérience, aborder un nouveau thème ou cesser ses activités. Le graphique en escalier de la figure 2 illustre les huit étapes du processus d'expérimentation des CIAL.

Figure 2. Graphique en escalier de l’intervention des CIAL (source: Ashby et al., 2000).

L'expérience du Nicaragua

Voilà ce qu'est, en théorie, la façon de procéder des comités locaux de recherche agricole. En pratique, le processus est habituellement très dynamique et connaît des hauts et des bas. Voici comment ces comités sont nés dans la région montagneuse de Matagalpa, au Nicaragua, en 1997. Une équipe de chercheurs du Centre international d'agriculture tropicale (CIAT), en collaboration avec le personnel du programme Campesino a Campesino (un ONG), a fait connaître le CIAL à quatre collectivités du bassin hydrographique de la rivière Calico, dans le cadre d'un vaste projet de recherche sur la gestion des ressources naturelles financé par le CRDI et la Direction du développement et de la coopération (DDC, Suisse).

À Wibuse, village défavorisé en amont du bassin, un comité formé d'hommes et de femmes de la collectivité a fait l'essai de nouvelles variétés de haricots. À El Jicaro, à mi-chemin du bassin hydrographique, deux comités se sont formés. Le premier, qui regroupe des villageois et des villageoises, a testé de nouvelles variétés de maïs et de haricots; le second, composé uniquement de femmes, a fait porter l'expérience sur les légumes et l'utilisation d'engrais organiques. À Piedras Largas, village situé en aval, un quatrième CIAL s'est aussi intéressé à de nouvelles variétés de haricots.

Plusieurs expériences ont échoué à cause de conditions météorologiques défavorables (dont un ouragan), des catastrophes naturelles, des parasites et des maladies végétales outre, parfois, une gestion déficience du projet. Malgré tout, les collectivités ont estimé que, dans l'ensemble, les résultats étaient positifs. À Wibuse et à El Jicaro, les comités locaux, aidés par PROFRIJOL, réseau d'étude sur la production de légumineuses en Amérique centrale, et deux organismes nationaux de recherche agricole, ont organisé une nouvelle expérience sur diverses souches de haricots. L'essai a porté sur 90 lignées prometteuses et une variété déjà mise en circulation au Honduras. Cette diversité a impressionné les agriculteurs et devait leur donner plus de choix de production qu'auparavant. En outre, les agriculteurs étaient désormais en mesure d'effectuer leur sélection à partir de matériels génétiques beaucoup plus nombreux. Les deux CIAL se sont partagé la gestion de la parcelle à Wibuse et ont réussi à obtenir de l'organisation nationale de recherche qu'elle détache du personnel sur le terrain: une première dans la région de San Dionisio.


L'expérience de Matagalpa a montré que les points forts des comités locaux de recherche agricole dépassent largement les quelques faiblesses qui pourraient exister.

L'année suivante, les membres des quatre comités locaux, en collaboration avec l'équipe du CIAT, ont organisé une réunion de tous les habitants du bassin hydrographique afin d'échanger les connaissances acquises, planifier les futures activités et déterminer les besoins en matière de formation et d'aide technique. Plusieurs agriculteurs de collectivités voisines qui avaient entendu parlé des comités locaux de recherche agricole ont assisté à la réunion et, par la suite, certains d'entre eux ont pris part au second stage pratique organisé par le CIAL, à l'échelle nationale. Quatre nouveaux comités locaux ont ainsi été créés et deux des agriculteurs (un homme et une femme), qui avaient suivi le cours, sont devenus para-técnicos, ou para-techniciens. Ils ont tous deux prêté main-forte aux CIAL, déjà établis ou de création récente et, en 1999, ils ont contribué à la formation de deux autres comités locaux dans la région. En 2002, 14 CIAL expérimentent dans la région de San Dionisio.

Certes, le processus des CIAL n'est pas parfait. La majorité des comités connaissent une évolution en dents de scie en raison du renouvellement de l'effectif, de l'engagement des gens dans des projets plus gratifiants dans l'immédiat et de l'inégalité du soutien technique. Il est encore parfois difficile d'obtenir la participation des femmes. Dans certains CIAL, ce sont presque toujours les mêmes qui mettent la main à la pâte, soit les membres les plus engagés de la collectivité sur lesquels on peut généralement compter pour prendre part à ce genre d'activités. Mais, surtout, l'expérience de Matagalpa a montré que les points forts des comités locaux de recherche agricole dépassent largement les quelques faiblesses qui pourraient exister.

À Matagalpa, plusieurs comités ont poussé plus loin l'expérience pour se pencher sur de nouveaux aspects des problèmes qui se posent à la collectivité tels que la fertilité du sol. Des agriculteurs, dont un bon nombre de femmes, ont ainsi pris la direction des opérations et, le cas échéant, des comités locaux de recherche agricole établissent entre eux des relations étroites afin d'échanger des idées et de se faire part des résultats obtenus au sein du bassin hydrographique et au-delà -- à l'occasion des réunions annuelles des CIAL au Honduras, par exemple. Ils tissent aussi des liens avec le secteur officiel, notamment avec les organismes de recherche et les organisations à vocation technologique.

L'innovation agricole à Cuba


Éléments clés

Cultures : Haricots et maïs
Objectifs (par ordre de priorité) : Diversité / productivité / prise en charge
Participation : En collaboration; travaux dirigés par les chercheurs
Analyse sociale : Sexospécificité
Dimension politique : De plus en plus importante (politiques sur les semences)

La recherche de solutions de rechange viables

Cuba a vu naître des regroupements assez semblables aux CIAL. Ces groupes d'expérimentation agricole (ou GIC) sont l'une des composantes essentielles d'un projet d'innovation agricole entrepris à Cuba.

Mis à part l'industrie touristique, l'agriculture constitue toujours la pierre angulaire de la précaire économie cubaine. La crise économique qui a marqué l'île a entraîné, entre autres conséquences, le recul de la production agricole par rapport à un modèle industrialisé, axé sur l'exportation et fondé sur les monocultures, qui exige des apports agricoles considérables. La nécessité pousse les producteurs agricoles à adopter des systèmes d'exploitation plus diversifiés, exigeant moins de facteurs de production et centrés sur les marchés locaux. La crise a aussi occasionné la rapide détérioration du système classique, centralisé, sur lequel reposaient la production, l'amélioration et la distribution des semences.

Ces circonstances imprévues ont incité les chercheurs agricoles et les décideurs à explorer des solutions de rechange viables pour la production, l'amélioration et la distribution des semences, exploration qui a mis en lumière l'urgence de changements en profondeur du secteur agricole du pays.

En 2000, un groupe pluridisciplinaire de chercheurs enthousiastes de l'Instituto Nacional de Ciencias Agrícolas (INCA), spécialisés en biologie, en agronomie, en biochimie et en sociologie, a lancé un projet visant à améliorer la qualité et le rendement du maïs et du haricot. Ils s'attendent à ce que ce projet, qui met à profit les efforts conjugués de tous les intervenants en vue d'accroître la diversité des variétés et de renforcer les organisations locales d'agriculteurs, améliore considérablement la sécurité alimentaire à Cuba.


Le renforcement des regroupements d'agriculteurs accroît leur capacité d'expérimentation et d'innovation, et raffermit leur position lorsqu'ils adressent une demande au secteur officiel de la recherche agricole.

Ce projet novateur a pour objet de renforcer la biodiversité agricole à Cuba pour mettre à la disposition des agriculteurs, des établissements de recherche agricole et des consommateurs une gamme d'obtentions végétales plus variée et de meilleure qualité. L'équipe de l'INCA a arrêté plusieurs objectifs précis en ce sens. D'abord, arriver à mieux saisir les connaissances qu'ont les agriculteurs locaux de la gestion et de la circulation des semences de maïs et de haricots. Ensuite, élaborer une méthode de sélection des variétés de maïs et de haricots en collaboration avec les GIC. Enfin, diffuser les résultats obtenus par les GIC en matière de sélection, de production et de distribution de semences améliorées de maïs et de haricots.

Les chercheurs ont aussi un but secondaire quoique tout aussi important: améliorer la capacité de recherche des divers organismes intéressés -- notamment l'INCA, les GIC, les semenciers et le personnel de plusieurs universités -- grâce à l'apprentissage par l'action. L'équipe du projet estime également que le renforcement des regroupements d'agriculteurs accroît leur capacité d'expérimentation et d'innovation, et raffermit leur position lorsqu'ils adressent une demande au secteur structuré de la recherche agricole.

Les foires des semences et les journées agricoles éducatives: l'occasion d'accroître l'accès à la diversité

Les chercheurs ont recours aux foires des semences pour faire connaître aux agriculteurs de nouvelles variétés ou des souches moins répandues. Ces foires, organisées par des sélectionneurs, ont eu lieu au centre de recherche de l'INCA. Elles se sont avérées si populaires que des agriculteurs ont décidé d'organiser des expositions semblables dans leur collectivité. Ces événements donnent aux agriculteurs, aux phytogénéticiens et aux vulgarisateurs l'occasion de se côtoyer, d'évaluer les variétés végétales et de sélectionner celles qui leur paraissent les meilleures. Les sélectionneurs aident les agriculteurs dans la préparation du protocole expérimental, mais tous les essais sont adaptés au contexte local.


Les résultats révèlent que les femmes et les hommes sélectionnent des semences différentes.

Pour en savoir davantage sur les préférences des agriculteurs, l'équipe du projet organise régulièrement des journées agricoles éducatives où les agriculteurs, hommes et femmes, ont l'occasion de faire part de leurs préférences. L'information recueillie lors de ces journées sur le terrain est d'une importance cruciale car elle permet aux phytogénéticiens d'identifier les plantes-mères disponibles et de déterminer les critères de sélection. Il est intéressant de constater que les résultats révèlent que les femmes et les hommes sélectionnent des semences différentes. Les agricultrices sélectionnent les semences pour leur rendement, les propriétés culinaires des variétés végétales et les caractéristiques esthétiques de la plante (la couleur, la forme ou l'éclat, par exemple). La préférence des hommes va au rendement, à la résistance aux maladies et à la grosseur de la cosse. Les semences qui ont été sélectionnées parmi les «préférées» sont remises aux agriculteurs quelques semaines après l'événement.

Comme à Cuba on ne connaissait pas d'approches participatives de ce genre, les chercheurs du projet ont servi de personnes-ressources à d'autres chercheurs intéressés par ce type de démarches. L'équipe s'est aussi penchée sur l'analyse génétique en collaboration avec les biotechnologues de l'Institut national de sciences agronomiques de Cuba.

Cuba vit incontestablement une situation particulière, mais il est fort possible qu'un effondrement semblable du secteur industriel agricole se produise avant longtemps ailleurs dans la région, et dans le monde. Dans bien des pays, les pratiques culturales actuelles reposent largement sur le recours à des technologies et des fertilisants chimiques coûteux, outre diverses subventions publiques; à longue échéance, ces pratiques sont loin d'être durables. L'expérience cubaine aura vraisemblablement une incidence sur d'autres pays.

L'enrichissement du maïs et du riz au Népal


Éléments clés

Cultures : Riz et maïs
Objectifs (par ordre de priorité) : Diversité / productivité / prise en charge
Participation : En collaboration; travaux dirigés par les agriculteurs
Analyse sociale : Sexospécificité; origine ethnique
Dimension politique : De plus en plus importante (mise en circulation des variétés; droits de propriété intellectuelle)

La diversité des cultures locales et les moyens de subsistance dans les régions rurales

Malgré toute sa splendeur himalayenne, le Népal est un pays à peine plus grand que l'île de Cuba; il occupe moins de 0,1 % des terres émergées du globe. Pourtant, plus de 2 % des plantes à fleurs du monde poussent dans ses montagnes et ses vallées. Le pays compte également, sur le plan des terres arables, une très forte densité de population: environ cinq personnes par hectare. La majorité des gens possèdent de très petites parcelles de terrain, et la diminution de la fertilité des sols conjuguée au morcellement des terres (en raison du patrimoine héréditaire) a entraîné un fort recul de la productivité. Dans les montagnes, les terres sont marginales dans les conditions les plus favorables et, depuis toujours, les agriculteurs y cultivent une gamme d'espèces végétales suffisante pour survivre.

C'est dans ce contexte qu'une ONG sans but lucratif, appelée LI-BIRD (Local Initiatives for Biodiversity, Research and Development), œuvre pour favoriser la gestion durable des ressources naturelles renouvelables et améliorer le gagne-pain des Népalais. Créée en 1995, LI-BIRD a son siège dans la ville de Pokhara, à 200 km à l'ouest de Katmandou, où elle contribue à la conservation et à l'utilisation durable de la biodiversité grâce à ses projets de recherche participative et à ses initiatives de développement, dont un bon nombre sont financés par le CRDI et par d'autres donateurs nationaux et internationaux.

LI-BIRD s'engage dans des activités diversifiées, dont les suivantes:

  • renforcer le fondement scientifique de la conservation in situ de l'agrobiodiversité en milieu réel dans diverses régions agroécologiques;
  • faire valoir l'importance des jardins privés pour la conservation à la ferme de ressources phytogénétiques afin d'améliorer les moyens de subsistance des agriculteurs défavorisés;
  • appuyer l'application de programmes participatifs d'amélioration des cultures aux principales céréales dans des systèmes de production à rendement élevé;
  • mettre au point et perfectionner des outils et des techniques visant à sensibiliser les populations locales -- par exemple, des foires et des séminaires itinérants sur la diversité ou des concours d'art dramatique et de chansons populaires;
  • effectuer des recherches stratégiques sur des sujets comme la réglementation des semences, les politiques publiques sur la vulgarisation et le crédit, les politiques sur l'agrobiodiversité et la gestion foncière afin d'aider les décideurs à prendre des décisions éclairées.

Le Népal possède, outre une riche diversité de riz cultivé et d'espèces sauvages apparentées au riz, jusqu'à 2 000 cultivars traditionnels. Différentes variétés de riz sont cultivées à diverses fins: pour la consommation domestique, les festivals, la vente, comme produit d'accueil et même comme médicament. Aussi n'est-il pas étonnant que plusieurs des projets entrepris par LI-BIRD et financés par le CRDI portent sur l'amélioration de la riziculture grâce à la phytosélection participative.


Même en l'absence d'un système officiel de distribution, les variétés végétales peuvent être disséminées sur de longues distances, surtout grâce à des relations personnelles et aux réseaux.

Dès 1985, le personnel de LI-BIRD (alors embauché par le Centre de recherche agricole de Lumle) innovait en adoptant la phytosélection participative lors d'essais décentralisés de variétés de riz résistant au froid dans le village de Chhomrong, en très haute altitude. Un grand nombre de projets de sélection participative du riz et du maïs ont été menés par la suite, tant dans des régions favorables où le rendement est meilleur que dans des régions
où les conditions défavorables ne permettent qu'un rendement moindre. Ces projets visaient soit plusieurs buts généraux, dont l'accroissement de la productivité; la mise en valeur de la biodiversité; le renforcement des capacités de sélection des agriculteurs; la modification des politiques, soit certains objectifs particuliers (voir le tableau 3).

Le village de Chhomrong figure au nombre des collectivités installées en haute altitude qui ont pris part à un projet de suivi de la propagation des variétés de riz, dans le cadre des programmes de phytosélection participative. Les chercheurs ont constaté que même en l'absence d'un système structuré, les variétés végétales peuvent être disséminées sur de longues distances, surtout grâce à des relations personnelles et aux réseaux. Cependant, le système de dissémination non structuré est très lent; en règle générale, les agriculteurs n'échangent ou ne vendent de nouvelles semences à l'extérieur de leur village qu'au bout de quatre ans. Le projet a mis en lumière la nécessité d'élaborer une méthode efficace pour mieux échelonner la dissémination dans l'intérêt de la collectivité tout entière.

Un autre projet a porté sur le riz pluvial, connu localement sous le nom de riz ghaiya, qui se cultive sur les plateaux, les terrasses ou les versants des coteaux de forêts récemment déboisées et qui est alimenté en eau par les pluies. Ce sont surtout les agriculteurs pauvres qui s'adonnent à cette culture sur d'anciens cônes alluviaux non irrigués, appelés tars. Le ghaiya occupe une place très importante dans le système de culture, et les exploitants le préfèrent au maïs pour sa valeur nutritive et la provende fournie par les pailles de riz.

L'étude a révélé que les cultivateurs de ghaiya possèdent une grande richesse de savoir sur la gestion des sols qui leur permet de maximiser le rendement des cultures. Les agriculteurs ont aussi démontré que la culture mixte du ghaiya et du maïs donne des rendements supérieurs et comporte un avantage pratique puisque quelques rangs de maïs plantés à plat dans les tars facilitent une répartition plus uniforme du ghaiya. Certains paysans, toutefois, préfèrent planter le maïs après le ghaiya, estimant que le sol y gagne en fertilité. La diversité règne toujours parmi les variétés indigènes de ghaiya, quoique le nombre de variétés cultivées varie selon les dimensions des terrains: plus les parcelles sont grandes, plus les variétés sont nombreuses. Dans la majorité des régions à l'étude, les agriculteurs cultivent au moins deux variétés dont la vitesse de maturation diffère.

Dans la vallée de Pokhara, où le riz représente à la fois une culture vivrière et une culture marchande, un autre projet subventionné par le CRDI a étudié les milieux de riziculture et l'état des variétés indigènes de riz, pluvial et aromatique. Les agriculteurs qui ont participé à cette étude ont souligné qu'il existe plus de 75 cultivars traditionnels locaux, mais que seuls 11 d'entre eux sont cultivés à grande échelle. Les semences de tous ces cultivars ont été recueillies à des fins de conservation, d'étude et, éventuellement, de promotion.

Informations et réalisations

Au fil des ans, les travaux précurseurs de LI-BIRD dans diverses régions agroécologiques du Népal ont permis de recueillir de précieuses informations et ont donné lieu à d'importantes réalisations. En voici quelques exemples:

  • La participation directe des agriculteurs a souvent permis de définir de nouveaux objectifs de sélection; d'où l'importance d'une méthode cyclique et adaptative plutôt que linéaire et rigide. Les foires des semences, les trousses d'information sur la biodiversité et les registres des collectivités sont des moyens utiles pour solliciter la participation des agriculteurs.
  • La participation des agriculteurs à la planification permet de fixer des objectifs en matière de sélection végétale qui répondent beaucoup mieux à leurs besoins et intérêts.
  • Dans les régions plus vastes et à forte productivité, il existe différents créneaux correspondant aux diverses préférences des utilisateurs; il faut envisager d'autres mécanismes qui tiennent compte de cette réalité biophysique et sociale.
  • La phytosélection participative a le pouvoir d'accroître la diversité. Elle accélère les changements en introduisant des gènes et des génotypes comme facteurs de production dans le processus constant de la conservation in situ des cultures.
  • Il n'existe pas de modèle qui dicte dans quelle mesure et sous quelle forme les agricultrices et les agriculteurs doivent prendre part à la sélection végétale. Toutefois, pour gérer ou orienter convenablement ce processus, il est essentiel de s'entendre sur les responsabilités de chacun et de les définir clairement.

L'amélioration du maïs dans le sud-ouest de la Chine


Éléments clés

Cultures : Maïs
Objectifs (par ordre de priorité) : Diversité / productivité / prise en charge
Participation : En collaboration; travaux dirigés par les chercheurs
Analyse sociale : Sexospécificité
Dimension politique : Politiques de recherche; amélioration génétique; politiques sur les semences

Lier agriculteurs et chercheurs

Dans les hautes terres éloignées et hostiles du sud-ouest de la Chine, les paysans doivent lutter ferme pour arriver à subsister, contrairement aux plus favorisés qui peuvent s'adonner à l'agriculture dans les plaines septentrionales: la «ceinture du maïs» de la Chine. Pourtant, c'est dans cette région isolée que les premiers champs de maïs ont été plantés. Les agriculteurs y cultivent le maïs dont ils sont tributaires depuis d'innombrables générations. Ils conservent la diversité des ressources génétiques et des variétés de semences de maïs beaucoup plus nombreuses que ce qui se fait ailleurs au pays. Aujourd'hui, les hautes terres du sud-ouest de la Chine recèlent un trésor de diversité génétique, essentiel à l'avenir de la culture du maïs en Chine.

Le maïs est devenu la culture fourragère la plus importante de Chine et la troisième culture vivrière du pays. C'est aussi le principal aliment de consommation courante des populations rurales défavorisées des hautes terres du Sud-Ouest. Le gouvernement chinois a adopté une approche moderne, axée sur la technologie, qui repose surtout sur le système officiel de production et de dissémination des semences. La mise au point et la distribution de variétés modernes -- hybrides pour la plupart -- des trois principales cultures vivrières de première nécessité (le riz, le blé et le maïs) ont été les tâches les plus importantes et les objectifs prioritaires du système officiel, chargé d'assurer la sécurité alimentaire nationale.

La culture de variétés hybrides de maïs se fait aujourd'hui dans environ 80 % des zones de production de cette céréale en Chine, en particulier dans les plaines septentrionales, région de culture uniforme et à haut rendement. L'instauration d'une économie de marché a donné naissance à un système de production et d'approvisionnement de semences de plus en plus axé sur les profits.

L'amélioration des variétés hybrides et la production de semences hybrides attirent plus que jamais l'attention et les investissements. En revanche, une étude effectuée dans une des provinces du Sud-Ouest, Guangxi, révèle que plus de 80 % des approvisionnements en semences proviennent des systèmes de production des agriculteurs, si bien que la conservation de la diversité qui en découle sert les intérêts de tous les cultivateurs et leur assure un gagne-pain durable.

Le patrimoine génétique du maïs amélioré en Chine a considérablement diminué au cours des dix dernières années. Bien que la collection nationale de germoplasme de maïs contienne environ 16 000 entrées, seules cinq grandes variétés hybrides de maïs couvrent 53 % de l'ensemble des zones de culture du maïs du pays. Dans la province de Guangxi, la collection de germoplasme de maïs regroupe environ 2 700 entrées; de ce nombre, plus de 1 700 sont des cultivars traditionnels venant de cette région. Toutefois, l'utilisation de ces matériels génétiques dans la phytosélection est très restreinte. Seuls trois principaux produits de croisement sont utilisés et les 14 hybrides qui ont été produits au cours des vingt dernières années sont, à divers degrés, de la même lignée consanguine. Entre-temps, dans plusieurs provinces, les cultivars traditionnels qu'on trouve dans les champs des agriculteurs se dégradent et disparaissent sous l'effet de la propagation continue des variétés modernes.

Certes, la croissance économique en Chine est impressionnante, mais la pauvreté persiste dans bien des régions rurales, notamment la province de Guangxi, touchant en particulier les femmes et les ménages dont le chef est une femme. Une croissance rapide va de pair avec une dégradation accrue des ressources naturelles. Les changements de politiques sont beaucoup plus lents. La planification et la prise de décisions venant du sommet sont encore la norme dans plusieurs ordres de gouvernement. Mais même là, on commence à déceler une certaine ouverture.


Il est urgent d'établir un rapport de collaboration et de complémentarité entre les institutions et les collectivités si l'on veut que la Chine puisse résoudre les problèmes auxquels elle fait face en matière de sécurité alimentaire et de biodiversité.

Voilà le cadre dans lequel s'inscrit un projet de recherche entrepris en 1999 par le Centre for Chinese Agricultural Policy (CCAP) en collaboration avec le Guangxi Maize Research Institute (GMRI). Ce projet s'inspire d'une étude financée par le Centre international d'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) et est mené par une universitaire chinoise, candidate au doctorat, Yiching Song. Dans son évaluation de l'incidence du germoplasme de maïs fourni par le Centre international sur les paysans pauvres du sud-ouest de la Chine, elle s'est penchée en particulier sur le développement technologique et les processus de diffusion du système institutionnel et des collectivités.

Entre autres constatations, l'étude indique qu'il est urgent d'établir un rapport de collaboration et de complémentarité entre les institutions et les collectivités, au lieu de laisser libre cours à la situation actuelle de fonctionnement distinct et de conflit, si l'on veut que la Chine puisse résoudre les problèmes auxquels elle fait face en matière de sécurité alimentaire et de biodiversité.

Ce projet de recherche, financé par le CRDI et la Fondation Ford, a pour but de déterminer et d'évaluer les moyens de former un partenariat mutuellement avantageux entre les systèmes formel et informel en vue de mettre au point une variété de maïs propre à la région du Sud-Ouest. Les chercheurs visaient, en particulier, les deux objectifs suivants:

  • mieux mettre en valeur et utiliser les techniques permettant aux collectivités autochtones locales de conserver la biodiversité;
  • trouver des moyens d'amener ces collectivités à prendre part à la conception et à la mise en œuvre des programmes de conservation in situ de la biodiversité.

Les membres de l'équipe proviennent de divers groupes et organismes; spécialisés dans différents domaines, ils peuvent intervenir sur plusieurs plans. Cinq groupes d'agricultrices, six villages, six centres de vulgarisation agricole, deux centres de sélection du secteur institutionnel et le CCAP ont participé directement à la conception et à la mise en œuvre du projet. Au cours de la deuxième étape, qui vient de débuter, le projet tentera de lier plus étroitement la recherche-action communautaire et les processus de prise de décisions, en mettant tout en œuvre pour solliciter la participation directe des principaux décideurs chargés de l'élaboration des politiques sur le maïs, à l'échelle provinciale et nationale.


Les essais sur le terrain se sont révélés un moyen efficace de renforcer l'interaction, les communications et la collaboration parmi les intervenants.

À des fins de comparaison, les essais sur le terrain ont été dirigés soit par les chercheurs, soit par les agriculteurs, selon l'objectif visé par la recherche. Plus de 40 variétés ont été choisies comme cibles pour les essais de phytosélection participative et de sélection participative de variétés à la station du GMRI et dans cinq villages. Parmi ces 40 variétés, trois ont été sélectionnées par les agriculteurs pour des raisons agronomiques, culturelles et économiques. Elles ont reçu l'approbation officielle et sont utilisées dans les villages où les essais ont eu lieu ainsi que dans les collectivités environnantes. En outre, cinq variétés exotiques fournies par le CIMMYT ont été adaptées aux conditions locales et cinq cultivars traditionnels provenant des villages à l'étude ont été améliorés grâce aux efforts communs des agriculteurs et des sélectionneurs. Une variété améliorée (pour ce qui est de l'adaptation aux conditions locales et des préférences des agriculteurs), sélectionnée par des agricultrices, a été testée et homologuée par l'institution de sélection officielle; depuis, elle est utilisée dans toute la région du projet. Les sélectionneurs gouvernementaux ont identifié des matériels d'amélioration et des lignées consanguines très utiles, dont le vaste patrimoine génétique provient de cultivars traditionnels fournis par les agriculteurs.

Le projet comporte aussi d'autres avantages. Les essais sur le terrain se sont révélés un moyen efficace de renforcer l'interaction, les communications et la collaboration parmi les intervenants. Ils ont aussi permis de consolider la capacité organisationnelle et décisionnelle des agriculteurs locaux. Qui plus est, il s'est produit parmi les phytogénéticiens du secteur officiel un remarquable changement d'attitude, si bien que les institutions de sélection tiennent compte dorénavant des besoins et des intérêts des agriculteurs dans leurs programmes d'amélioration et leurs priorités de recherche. D'autre part, les décideurs provinciaux et nationaux sont de plus en plus nombreux à reconnaître les efforts et le savoir des agriculteurs en ce qui a trait à la gestion de la biodiversité génétique.

Le succès de ce projet a incité l'Institut de recherche sur le maïs de Guangxi à combiner la conservation des banques de gènes et la conservation in situ des cultivars traditionnels. De son côté, l'Institut phytotechnique de Chine ajoutera à son programme national d'élargissement du patrimoine génétique les travaux effectués à Guangxi en matière de conservation de germoplasme. Quant au Centre de politique agricole de Chine, il a joué un rôle de premier plan en diffusant les résultats du projet à l'échelle nationale, accroissant ainsi ses répercussions et son influence. Par exemple, le projet a été présenté et a fait l'objet de discussions lors d'un colloque national sur la planification des politiques coordonné par le CCAP et le CIMMYT, à Beijing, en mars 2002. Cette importante conférence a réuni pour la première fois 40 éminents décideurs nationaux du secteur de l'agriculture et des chercheurs intéressés à l'amélioration du maïs, leur donnant l'occasion de discuter de l'adoption de l'approche participative comme solution de rechange et méthode complémentaire dans l'amélioration des cultures et la gestion de l'agrobiodiversité.

Le programme mondial Recherche participative et analyse du genre


Éléments clés

Cultures : Cultures à pollinisation libre, à pollinisation croisée et à propagation végétative
Objectifs (par ordre de priorité) : Productivité / prise en charge / diversité
Participation : Variable; consultations; en collaboration
Analyse sociale : Variable; sexospécificité
Dimension politique : Variable; droits de propriété intellectuelle; politiques sur les semences; mise en circulation des variétés; politiques de recherche

La mise en valeur du rôle des femmes

Le programme le plus important à l'appui de la phytosélection participative à l'échelle mondiale est sans doute celui que subventionne le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI). Ce programme, appelé Recherche participative et analyse du genre (RPAG), a pour objectif de favoriser les innovations institutionnelles, d'évaluer et d'élaborer des méthodes de recherche participative qui tiennent compte des sexospécificités, et de les mettre en application dans la sélection végétale et la gestion des cultures et des ressources naturelles.

La RPAG est coparrainée par quatre des centres internationaux de recherche agricole; ses activités sont financées par les gouvernements nationaux et divers donateurs, dont le CRDI. Les systèmes nationaux de recherche agricole, des ONG et des universités de divers coins du globe y participent. Comme son nom l'indique, le programme Recherche participative et analyse du genre met en valeur le rôle des femmes des régions rurales dans la gestion des ressources phytogénétiques.


Partout dans le monde en développement, les femmes ont des connaissances précises des caractéristiques particulières des diverses cultures et des préférences marquées à cet égard.

Après vingt années d'efforts pour faire en sorte que la science réponde davantage aux besoins des paysans pauvres, il est logique de mettre en évidence le rôle et les besoins des femmes. Les femmes jouent des rôles multiples -- culture, récolte, entreposage des plantes cultivées, et préparation des aliments. Mais sans doute n'y a-t-il pas de rôle plus important que celui qu'elles jouent dans le domaine de la sélection végétale. Les agricultrices sont non seulement des sélectionneurs prolifiques et compétentes, mais aussi les principales gestionnaires des ressources naturelles comme le sol et l'eau. Elles domestiquent les espèces sauvages et jouent un rôle capital dans la sélection et l'entreposage des semences des prochaines plantations. Partout dans le monde en développement, les femmes ont des connaissances précises des caractéristiques particulières des diverses cultures et des préférences marquées à cet égard. Des études révèlent que souvent les attentes et le savoir des hommes et des femmes diffèrent en matière de cultures, différences dont la recherche et les politiques devraient tenir compte.

Les projets menés dans le cadre du programme mondial RPAG appuient l'élaboration et l'évaluation des méthodes de recherche participative qui prennent en compte les sexospécificités. Ce soutien vise à faire adopter des démarches éprouvées par les centres internationaux de recherche agricole et, éventuellement, par les programmes nationaux. Bon nombre des activités décrites dans ce chapitre vont dans le même sens que la RPAG. Ainsi en est-il des travaux des comités locaux de recherche agricole en Amérique latine, de la recherche sur l'orge menée par le Centre international de recherches agricoles dans les régions sèches (ICARDA) au Moyen-Orient et de celle de LI-BIRD dans les hautes terres du Népal. Des équipes de chercheurs en Chine (CCAP) et à Cuba (INCA) ont aussi noué des liens avec les responsables de la RPAG.

Entre autres stratégies pour faire progresser la phytosélection participative au regard des sexospécificités, la RPAG offre un programme d'octroi de petites subventions par concours. Au Pérou, par exemple, une subvention de ce genre a permis à des femmes de prendre part à la sélection de nouveaux clones de pommes de terre et, du coup, d'avoir leur mot à dire dans les décisions et la gestion des ressources. Comme ailleurs, ces femmes ont fait des choix différents de ceux des hommes. L'approche participative mise en application en Ouganda a donné lieu à une plus grande collaboration entre les hommes et les femmes et, au Kenya, elle a permis d'augmenter le nombre de femmes membres des comités de gestion locaux.

Si les petites subventions représentent la principale composante de la recherche participative et analyse du genre sur le terrain, le personnel du programme entreprend également des recherches de pointe. Ainsi, une étude sur l'épineuse question de l'attribution des droits de propriété intellectuelle est née de la collaboration entre des chercheurs et des collectivités agricoles. Ces travaux viennent combler une grave lacune sur la scène internationale où les accords en vigueur attirent certes l'attention sur les droits des phytogénéticiens et des agriculteurs, mais n'abordent pas la répartition des avantages qui découlent du travail fait en collaboration.

Les avantages de la recherche participative sont bien connus, mais pour convaincre un plus grand nombre de chercheurs et de directeurs de recherche d'intégrer cette approche à leurs activités, il est essentiel de pouvoir comparer l'approche participative à d'autres démarches, plus traditionnelles. Le personnel du programme a mis au point et en application des outils pour la réalisation d'études d'impact empiriques tant dans le domaine de la phytosélection participative que dans celui de la gestion des ressources naturelles. L'étude a porté à la fois sur les incidences et les coûts, en accordant une attention spéciale aux effets de différents types de recherche participative ainsi qu'aux répercussions de la participation des agriculteurs à différents stades de la recherche.

Les résultats préliminaires laissent entendre que le fait de permettre aux agriculteurs de participer plus étroitement à la recherche et la plus grande marge de manœuvre ainsi obtenue a eu des effets favorables à plusieurs égards, dont l'accroissement de leurs revenus. Les résultats empiriques indiquent aussi que la recherche participative réduit les coûts en évitant la mise au point de techniques que les utilisateurs visés ne sont pas susceptibles d'adopter. Par exemple, la réaction de cultivateurs indonésiens peu après le début d'une recherche sur les patates douces a poussé les chercheurs à modifier la technologie proposée.


Permettre aux agriculteurs de participer plus étroitement à la recherche et leur donner une plus grande marge de manœuvre a eu des effets favorables à plusieurs égards, dont l'accroissement de leurs revenus.

Pour faire valoir et faciliter davantage le recours à l'approche participative, le personnel de la RPAG a créé un réseau de pratiques et de savoirs regroupant, entre autres, des ONG, les systèmes nationaux de recherche agricole et les centres internationaux de recherche agricole. Des listes de diffusion favorisent les échanges continus de savoir-faire partout dans le monde tandis que des colloques internationaux rassemblent des centaines de spécialistes de tous les pays. Le personnel du programme a créé trois bases de données, accessibles au public, sur les projets reposant sur l'approche participative axée sur les sexospécificités, un réseau de contacts et des centres de liaison dans toutes les stations du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale. Il a aussi organisé de nombreux ateliers de formation sur les méthodes de recherche participative et analyse du genre, auxquels il a également participé, et publié plusieurs manuels d'instruction.

Qu'avons-nous accompli ?

Le tableau 4 résume les principaux résultats des six projets décrits précédemment. Le chapitre 4, quant à lui, montre comment ces projets et leurs résultats s'inscrivent dans le cadre général du programme de recherche du CRDI sur la biodiversité.





Éditeur : CRDI

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