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ID : 30550
Ajouté le : 2003-05-28 9:43
Mis à jour le : 2004-10-29 23:45
Refreshed: 2006-01-26 15:19

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LES SEMENCES DU MONDE / Chapitre 2 : L'approche
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Ronnie Vernoooy

Chapitre 2

L'approche

Le rôle central des collectivités locales

L'agrobiodiversité est un domaine complexe qui comporte de multiples aspects, mais essentiellement il s'agit de nourriture. Une nourriture plus abondante et de meilleure qualité, la sécurité et les disponibilités alimentaires pour tous. Toutefois, si l'on veut éviter de répéter les erreurs passées, il faut que les collectivités rurales, où l'on trouve la diversité, soient au cœur de l'action. Il faut amener les membres de ces collectivités à participer à part entière à une approche plus vaste de l'utilisation durable de l'agrobiodiversité.

La détermination du rôle central des collectivités locales repose sur un raisonnement scientifique: ce sont principalement ces collectivités rurales qui prennent en charge la plus grande part de la biodiversité de la planète. C'est dans les collectivités que se trouvent les compétences et le savoir qui ont contribué à la préservation de si nombreuses variétés de plantes, d'animaux, de poissons et de micro-organismes qui, pour elles comme pour nous, sont source de nourriture et de sécurité. Ce sont les collectivités qui façonnent et entretiennent les milieux qui soutiennent cette diversité.

Des hautes terres andines aux contreforts de l'Himalaya, en passant par les zones arides de l'Afrique et du Moyen-Orient, des agriculteurs qui n'ont jamais entendu parler d'agrobiodiversité ont compris que la sélection et la conservation des meilleures semences, des souches les plus robustes, sont d'une extrême importance. Les agriculteurs et les membres des collectivités rurales -- les femmes et les hommes en charge -- valorisent l'agrobiodiversité parce qu'elle représente leur survie, certes, mais aussi pour une foule de raisons socioculturelles. D'autres s'intéressent à l'agrobiodiversité à cause de sa valeur écologique, économique et politique. Aussi est-il essentiel qu'avant de donner suite à toute mobilisation en vue de renforcer l'agrobiodiversité mondiale, on définisse clairement ce que signifie l'agrobiodiversité -- et pour qui.

L'agrobiodiversité est un vaste concept qui englobe toutes les facettes de la diversité biologique: des écosystèmes agricoles aux variétés végétales, en passant par le profil génétique des espèces végétales et animales. Du point de vue écologique, l'agrobiodiversité soutient et protège la vie humaine; elle fournit les ressources nécessaires à son évolution; elle accroît la capacité de production des écosystèmes. Appauvrir l'agrobiodiversité réduit la robustesse du système et sa capacité d'adaptation au changement. Les options qui s'offrent aux collectivités pour gérer leurs terres et leurs ressources se trouvent alors limitées. Et voilà perdue l'occasion de créer et de recréer le savoir et les expériences des agriculteurs -- les processus mêmes sur lesquels reposent la conservation, l'évolution et l'amélioration de l'agrobiodiversité.

Il est essentiel de mettre fin à la perte de diversité. La participation des collectivités à cette entreprise est tout aussi fondamentale. Pour contrer efficacement le dépérissement de l'agrobiodiversité, il faut d'abord évaluer l'importance des ressources biologiques pour le gagne-pain des gens, en particulier dans les collectivités marginalisées. Ce sont souvent dans ces milieux marginaux que la concurrence et les conflits à l'égard des ressources sont les plus âpres. Il faut ensuite donner à ces collectivités l'occasion de participer à part entière aux démarches visant à favoriser l'utilisation durable de l'agrobiodiversité.

C'est sur cette double visée que se fonde l'approche adoptée par le CRDI pour la recherche sur la phytosélection participative -- une approche axée sur trois objectifs précis:

  • favoriser l'utilisation, la gestion et l'amélioration du savoir, des innovations et des pratiques des populations autochtones et des collectivités locales en matière de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité;
  • élaborer des mesures incitatives, des méthodes et des politiques qui facilitent, d'une part, la conception de stratégies axées sur la conservation et l'amélioration de la biodiversité agricole in situ et, d'autre part, la participation des collectivités à leur conception et mise en œuvre;
  • appuyer l'élaboration de politiques et de lois qui reconnaissent le droit des populations autochtones et des collectivités locales aux ressources génétiques et garantissent le partage équitable des avantages que procure l'utilisation de ces ressources.

Il ne s'agit pas là d'un point de vue isolé. Cette approche et ces objectifs s'inscrivent dans un contexte mondial dans le droit fil de l'article 12 de la Convention sur la diversité biologique, lequel porte sur la recherche et la formation. Ils se rapportent également à plusieurs autres articles de la Convention comme ceux qui traitent de conservation et d'utilisation durable, de conservation in situ, d'accès aux ressources génétiques et de coopération technique et scientifique, pour n'en citer que quelques-uns, ainsi qu'à d'autres accords internationaux.


La phytosélection participative exige une étroite collaboration entre les chercheurs, les agriculteurs et les éventuels intervenants pour améliorer la génétique végétale.

De toute évidence, la question de la conservation de l'agrobiodiversité est loin d'être simple. Il est urgent d'élaborer des méthodes qui tiennent compte des aspects biologiques et des facteurs sociaux qui composent ces systèmes complexes. Elles doivent aussi mettre à profit les liens entre les composantes locales et les structures économiques et politiques, plus vastes. La phytosélection participative est une approche qui exige une étroite collaboration entre les chercheurs, les agriculteurs et les éventuels intervenants pour améliorer la génétique végétale. La phytosélection participative couvre le cycle complet des activités de développement et de recherche associées à l'amélioration des ressources phytogénétiques, soit:

  • la détermination des objectifs de la sélection;
  • la production de variabilité génétique, ou diversité;
  • la sélection au sein de populations variables pour mettre au point des matériels expérimentaux;
  • l'évaluation de ces matériels (ce qu'on appelle l'évaluation variétale participative ou la sélection participative de variétés);
  • la distribution des matériels;
  • la production et la distribution de semences.

Cette approche comprend également l'évaluation des politiques et/ou mesures législatives en vigueur, et l'élaboration de nouvelles dispositions, au besoin. Les agriculteurs et les sélectionneurs, et d'autres intervenants comme les commerçants, les fabricants, les distributeurs et les consommateurs, sont appelés à jouer différents rôles à divers moments, mais ils travaillent tous en collaboration pour apporter des changements.

Les questions pertinentes

Toute recherche commence par une question et poser les questions pertinentes, c'est déjà avoir fait la moitié du travail. La recherche sur la phytosélection participative ne porte pas uniquement sur la génétique et la pathologie végétale; elle s'intéresse aussi aux aspects économiques, anthropologiques et sociologiques comme à la production, à la commercialisation et, bien sûr, aux connaissances pratiques des agriculteurs. La définition des questions n'est pas une tâche simple, ce n'est que le début. Le véritable défi consiste à trouver des réponses appropriées au contexte dans lequel se déroule la recherche; des réponses susceptibles de s'appliquer dans d'autres situations.

Les projets sur l'agrobiodiversité et la phytosélection participative sur lesquels porte le prochain chapitre tentent tous, d'une façon ou d'une autre, d'apporter une réponse à trois types de questions:

Des questions relatives au savoir et aux pratiques en matière de conservation in situ et d'amélioration des ressources agricoles.

Que savent les agriculteurs des propriétés et des utilisations des ressources génétiques, y compris la conservation et l'amélioration ? Comment nous assurer du respect de ces connaissances et de leur utilisation appropriée et équitable tant pour les collectivités locales que pour l'ensemble de la société ?

Nous sommes à une époque de changements agroécologiques et socioéconomiques. Quelles pratiques de gestion viables, quels mécanismes équitables de partage des coûts et avantages et quelles mesures incitatives utiles faudrait-il adopter pour faire progresser la conservation in situ et améliorer les ressources agricoles étant donné les changements qui se produisent ?

Comment peut-on favoriser l'adoption de modèles participatifs au regard de la conservation et de l'amélioration des ressources phytogénétiques -- des modèles qui entraînent des bénéfices mutuels, encouragent les échanges entre agriculteurs, et renforcent les liens entre le secteur structuré de la recherche et du développement et l'expérimentation agricole ?

Des questions qui ont trait à la participation.

  • Que peut-on faire pour inciter les gardiens de la biodiversité agricole à une participation significative à la recherche, au développement et à la prise de décisions ?
  • Quelles conditions ou modifications politiques et législatives pourraient être favorables à un tel projet ?

Des questions qui portent sur l'accès, la propriété et la rétribution.

  • Qu'en est-il des changements politiques ou législatifs ? Faut-il adopter de nouveaux règlements, de nouvelles mesures incitatives ou de nouvelles lois pour que les agriculteurs marginalisés puissent avoir un accès équitable à l'information et aux ressources dont ils ont besoin pour conserver et améliorer l'agrobiodiversité ?
  • Quels sont les effets des droits de propriété intellectuelle relatifs aux organismes vivants sur l'expérimentation et les innovations des agriculteurs ? Les agriculteurs ont-ils un accès équitable aux avantages qui découlent de ces processus ?
  • Comment faire en sorte que les intervenants en arrivent à des ententes sur l'accès équitable et la rétribution, avant que les interventions n'aient lieu ?

Ces questions témoignent d'une approche dynamique de la conservation et de l'amélioration des cultures qui englobe à la fois le recours à une méthode de recherche axée sur la phytosélection participative -- comprenant des éléments comme l'analyse sociale ou des sexospécificités et la prise en compte de la dimension politique -- et la formulation de politiques et de mesures législatives de remplacement.

La quête de solutions

À titre d'organisme de développement qui appuie la recherche sur la phytosélection participative et l'agrobiodiversité partout dans le monde, le CRDI a accumulé une vaste base de données bien étoffées. La recherche qui a produit ces résultats comporte plusieurs des éléments exposés ci-dessus; bon nombre de projets sont toujours en cours.

Au cours des dix années à l'étude, la recherche sur la phytosélection participative et l'agrobiodiversité s'est étendue plus ou moins également aux pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et des Caraïbes, et du Moyen-Orient. Elle a consisté en divers projets mondiaux menés dans des sites de recherche sur tous les continents. Plusieurs projets ont été réalisés en collaboration avec d'autres organismes, notamment des centres affiliés au Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), des organisations non gouvernementales (ONG), des systèmes nationaux de recherche agricole et des universités.

Les projets de recherche sont aussi divers que les organismes participants. Ils portent sur les trois grands types de propagation des cultures en s'attardant aux principales cultures de base: le riz, les haricots et le maïs et, dans une moindre mesure, au sorgho. Bon nombre de ces projets étudient deux cultures ou plus, en particulier des combinaisons de variétés végétales à pollinisation libre, à pollinisation directe ou reproduites par clonage, outre les légumes et les fruits. Les systèmes d'exploitation agricole reposant sur des cultures multiples et les jardins privés ont aussi fait l'objet de recherches.

La plupart des projets de recherche ont été réalisés dans des agroécosystèmes défavorables. En l'occurrence, on entend par « défavorables » des régions agroécologiques caractérisées, en tout ou en partie, par des conditions climatiques difficiles, des sols pauvres ou un paysage accidenté. Certains travaux sont menés également dans des sites plus favorables afin de comparer les résultats et d'évaluer si les méthodes de sélection employées peuvent être utiles dans des conditions plus propices. Toutefois, le présent ouvrage est centré sur la recherche effectuée dans des conditions défavorables.

Naturellement, la productivité et la diversité font, ensemble ou séparément, l'objet d'au moins la moitié des projets. Mais le renforcement de l'autonomie est aussi le thème de bon nombre de recherches. L'expression n'est pas utilisée ici simplement parce qu'elle est à la mode. Il s'agit d'une action réelle qui a pour but de faire des agriculteurs -- et même de collectivités entières -- de véritables partenaires de recherche. Elle vise aussi à améliorer les compétences techniques des agriculteurs-phytogénéticiens et à réitérer le droit des populations locales à l'exploitation de leurs ressources génétiques et aux avantages qui en découlent.


Le renforcement de l'autonomie vise à faire des agriculteurs de véritables partenaires de recherche et à réitérer le droit des populations locales à l'exploitation de leurs ressources génétiques et aux avantages qui en découlent.

L'approche participative peut prendre la forme de consultations ou d'une collaboration. Dans le premier cas, des spécialistes provenant du secteur officiel de la recherche consultent les agriculteurs et les autres intervenants, mais ceux-ci n'ont que peu ou pas d'influence directe sur le projet et ne prennent aucunement part aux décisions concernant l'orientation des travaux. Autrement dit, quoique le projet soit dit participatif, les chercheurs gardent la mainmise sur les décisions. Il est encourageant de constater, toutefois, que dans le cadre de certains projets récents, menés véritablement en collaboration, les chercheurs et les agriculteurs ont participé à part entière aux décisions et aux discussions sur toutes les étapes de la recherche.

L'analyse en fonction des utilisateurs, surtout lorsqu'il s'agit des hommes et des femmes, fait généralement partie des éléments essentiels à toute recherche sérieuse dans le domaine de l'agriculture. Ce type d'analyse étudie les résultats selon une gamme de facteurs qui tiennent compte des inéquités économiques et de pouvoir de même que des écarts sociaux: sexe, âge, éducation, classe, caste et origine ethnique. Ainsi, les chercheurs ont constaté que les femmes sélectionnent les semences d'après des critères différents de ceux des hommes. En outre, différents groupes ethniques d'une même région peuvent avoir des préférences distinctes pour certains attributs alimentaires, comme la saveur, par exemple, ou le mode de cuisson.

L'analyse des politiques est aussi un important volet de bien des projets d'amélioration des cultures. Par exemple, les politiques gouvernementales sur l'établissement des prix et la mise en marché peuvent être déterminantes du mode de gestion adopté par les exploitants agricoles. L'importance d'autres enjeux, notamment les droits de propriété intellectuelle et la certification des produits biologiques, s'accroît parallèlement à l'augmentation de la demande mondiale d'aliments biologiques.

Il importe de bien comprendre la relation entre l'agrobiodiversité et les gens qui en font usage, en prennent soin et en sont tributaires si l'on veut favoriser les interactions qui permettent d'améliorer et de conserver cette diversité. Le chapitre qui suit présente six « récits » de phytosélection participative: des exemples de projets qui aident précisément à mieux comprendre ce rapport. La réalisation de ces projets repose sur des méthodes de recherche novatrices qui ont pour but d'accroître la production alimentaire et semencière au profit de l'humanité tout entière.





Éditeur : CRDI

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