Idéalement, le conseil d'administration de toute société
sans but lucratif devrait être composé de personnes qui font
intervenir un large éventail de compétences et de connaissances
spécialisées dans leur travail de gestion. Ainsi, c'est
peut-être à propos si, lors de l'élaboration de ce
document, nous avons pu profiter d'une gamme exceptionnelle de talent
et d'expérience.
Le Guide à l'intention des administrateurs des sociétés
sans but lucratif a été commandité par le Centre
canadien de philanthropie, dans le cadre du travail de consultation d'Industrie
Canada sur la réforme de la Loi sur les corporations
canadiennes. Le projet a bénéficié de la contribution
de nombreux employés d'Industrie Canada travaillant sous la direction
de Lee Gill, dans un premier temps, puis de Gilles Gauthier. Eva Fried,
Nicolas Lavoie et Veronica Wessels ont apporté leur soutien et
donné une rétroaction, contribuant à ce que le texte
soit aussi complet, accessible et exact que possible.
Le nom des collaborateurs figure au début de chaque chapitre.
Cependant, ces mentions ne font peut-être pas justice à l'effort
de collaboration qui a présidé à la réalisation
de plusieurs chapitres. Collectivement, notre but était de produire
le texte le plus convivial et détaillé que possible. Ce
faisant, certaines sections qui avaient d'abord été élaborées
pour figurer dans un chapitre se sont inévitablement retrouvées
ailleurs dans l'ouvrage. Le fait que les personnes ayant oeuvré
au projet aient accepté sans hésitation que l'on procède
ainsi, sans exiger une reconnaissance individuelle de ces modifications,
témoigne de leur professionnalisme et de leur engagement envers
le projet.
La version définitive du texte qui se trouve devant vous n'aurait
pu voir le jour sans la participation de Norah McClintock et David Stevens.
L'oeil attentif de Norah a permis que le texte ne s'enlise jamais dans
le jargon juridique, tandis que la perspicacité de David a fait
en sorte que notre désir d'employer un langage simple ne compromette
jamais l'intégrité juridique du document. De même,
Paul Martel a enrichi le texte de renseignements essentiels sur le traitement
des sociétés sans but lucratif et de leurs administrateurs
en vertu du droit civil du Québec. Wioletta Wesolowski a signé
la conception graphique impeccable de l'ouvrage.
Enfin, je voudrais souligner le dévouement de Peter Broder, mon
collègue du Centre canadien de philanthropie, et coordonnateur de
la rédaction de cet ouvrage, ainsi que le travail de Michael Anderson
et Robert MacKenzie, respectivement de la Canadian Association of Society
Executives et directeur de la Section du droit des organismes de bienfaisance
et à but non lucratif, de l'Association du Barreau canadien, pour
leur contribution et leur appui dans l'obtention du parrainage de cette
publication auprès de leur organisation respective.
- Gordon Floyd
Vice-président, Affaires publiques
Centre canadien de philanthropie
Juin 2002
Introduction
LE BUT DU PRÉSENT OUVRAGE
Les administrateurs des sociétés sans but lucratif représentent,
à l'instar des organisations qu'ils servent, un groupe diversifié.
Les deux caractéristiques qu'ils ont probablement le plus souvent
en commun sont qu'ils manquent de temps et qu'ils sont bien intentionnés.
Cet ouvrage a été élaboré en gardant à
l'esprit ces deux facteurs. Nous avons tenté de rédiger
un texte qui aidera les administrateurs à faire du bon travail,
tout en se protégeant contre les réclamations pouvant résulter
de leurs actes ou de leurs décisions. Nous avons aussi tenté
de le faire dans un style convivial qui ne nécessite pas une étude
approfondie mais qui fait ressortir les aspects essentiels de ce que le
lecteur devrait savoir.
Des questions et des listes de vérification sont incluses dans
chaque chapitre pour aider le lecteur à assimiler les questions
abordées dans le texte.
S'il atteint son objectif, cet ouvrage :
- fournira aux administrateurs des sociétés sans but lucratif
des orientations qui, à la fois, les informeront sur leurs droits
et obligations fondamentaux en vertu de la loi et mettront à
leur disposition quelques outils simples pour les aider à exercer
ces droits et à s'acquitter de ces obligations;
- permettra aux administrateurs éventuels d'acquérir une
bonne compréhension de leurs responsabilités futures s'ils
acceptent de siéger au conseil d'administration d'une société
sans but lucratif, de même que des conseils sur les questions à
poser afin de prendre une décision informée quant à
l'opportunité d'accepter ou non cette responsabilité;
- fournira au personnel et aux bénévoles travaillant auprès
d'un conseil d'administration un aperçu du rôle des administrateurs
d'une société sans but lucratif, ainsi qu'un outil facile
d'accès qu'ils pourront partager avec les membres de leur conseil
d'administration et leurs collègues pour assurer une interprétation
commune de qui fait quoi, comment et pourquoi.
Tout au long de cet ouvrage, nous avons visé à
:
- employer une formulation aussi simple et non technique que possible;
- structurer l'information d'une façon accessible, en sections
brèves et facilement assimilables;
- maintenir la concision du texte;
- faire tout ce qui précède sans compromettre l'intégrité
de l'information présentée.
Cet ouvrage porte principalement sur les entités sans but lucratif
constituées en société. Cela comprend, sans toutefois
s'y limiter, des entités telles que les associations commerciales
et communautaires, les clubs sportifs, les organismes de services de santé
et de services sociaux, les organisations environnementales, les groupes
artistiques, les congrégations religieuses, les organismes de développement
international et les groupes de défense des droits de la personne
et des libertés civiles. Sont toutefois exclus, les innombrables
groupes informels, associations, fiducies, coopératives et autres
entités qui sont constitués hors du cadre des lois fédérales
ou provinciales sur les sociétés sans but lucratif.
Nonobstant les activités de la société qu'ils servent,
les administrateurs des organismes constitués en société
ont en commun l'obligation de superviser la gestion de leur société.
De plus, ils sont soumis à d'autres obligations qui dépendent
de la portée et de la nature des activités de leur société,
ainsi que des obligations d'origine législative ou de common law
liées à ces activités.
TERMES EMPLOYÉS DANS CET OUVRAGE
Définitions
Différents termes peuvent avoir des significations différentes
pour différentes personnes. Par souci de clarté, le présent
guide utilise les termes et définitions suivants :
- « Société sans but lucratif » signifie les
entités constituées en société en vertu
de la législation fédérale ou provinciale sur les
sociétés sans but lucratif. Dans certains cas, mais pas
toujours, ces sociétés sont des organismes de bienfaisance.
L'alinéa 149(1)(l) de la Loi de l'impôt sur le revenu
fédérale donne une définition des « organismes
sans but lucratif », mais celle-ci exclut les organismes de bienfaisance
[enregistrés] qui sont définis dans un autre article.
Afin d'éviter toute confusion, nous n'utilisons pas, en règle
générale, l'expression « organisme sans but lucratif
». L'expression « sans but lucratif » devrait être
interprétée comme s'appliquant à l'aspect corporatif
(sociétal), plutôt que fiscal, de l'organisation.
- Nous traitons principalement des sociétés créées
en vertu des lois sur les sociétés sans but lucratif adoptées
par les gouvernements fédéral et provinciaux. De nombreuses
autres organisations ayant un caractère sans but lucratif ont été
créées en vertu de lois spéciales, de lois d'intérêt
privé ou d'autres textes de loi. Bien que certains des principes
et des conseils présentés dans cet ouvrage puissent s'appliquer
à ces organisations, leur gouvernance est aussi réglementée
par les lois en vertu desquelles elles ont été créées.
Les sociétés constituées en vertu de ces textes
de loi sortent du cadre du présent texte.
- « Organisme de bienfaisance » signifie soit des entités
qui ont été reconnues aux fins d'enregistrement comme
oeuvre de bienfaisance en vertu de la Loi de l'impôt sur le
revenu, soit des entités dont les objets inciteraient les
tribunaux à les traiter comme une oeuvre de bienfaisance aux
fins de la loi. Bien que l'enregistrement d'une entité par l'Agence
des douanes et du revenu du Canada déterminera si cette dernière
a le droit d'émettre des reçus aux fins de l'impôt
pour des dons, il est tout de même possible que les entités
soient des « organismes de bienfaisance » pour d'autres fins,
même si elles ne sont pas enregistrées. Si les tribunaux
déterminent qu'à la lumière de leurs objets et activités,
certaines entités sont des organismes de bienfaisance, leurs
activités peuvent alors être assujetties aux lois provinciales
réglementant les organismes de bienfaisance et aux règles
de common law traitant de ces organismes.
- « Lettres patentes » signifie le(s) document(s) établissant
les objets ou buts, déposé(s) auprès du gouvernement
de la sphère de compétence où est établie la
société.
- « Organisation » est un terme non juridique; de façon
générale, il est employé pour désigner une
association de personnes constituée aux fins de poursuivre un
(des) but(s) commun(s). Une organisation peut être structurée
légalement sous la forme d'une société, d'une fiducie,
d'une coopérative ou d'une autre entité légale,
ou encore être une association non constituée en personne
morale. Étant donné que cet ouvrage est destiné aux
administrateurs de sociétés, à moins d'indication
contraire, l'emploi du terme organisation dans le texte devrait
être interprété comme désignant les organisations
non constituées en société.
- « Règlements administratifs » signifie les règles
fondamentales de gouvernance d'une société. Dans certaines
sphères de compétence, mais non toutes, le dépôt
de ces règlements auprès du gouvernement est obligatoire.
- « Conseil d'administration » ou « conseil » signifie
l'organe directeur de la société. Certaines institutions
ou organisations peuvent utiliser des termes ou des titres différents
pour identifier les personnes qui supervisent la gestion de la société.
Cependant, « conseil d'administration » est l'expression la
plus largement reconnue et acceptée.
- « Administrateur » signifie un membre d'un conseil d'administration.
Le terme « administrateur » devrait être interprété
comme signifiant tout membre du conseil dûment élu ou nommé.
La plupart des lois sur les sociétés envisagent la possibilité
que les administrateurs soient nommés d'office ou à titre
honoraire. Certaines sociétés incorporent à leurs
structures de gouvernance des dispositions restreignant les pouvoirs
ou les attributions, par exemple le droit de voter, de certaines personnes
affiliées à leur conseil d'administration. Étant
donné que ces personnes demeurent éventuellement assujetties
à la responsabilité, aucune distinction n'est faite entre
elles et les autres « administrateurs » dans le texte.
- « Président(e) » signifie la personne qui préside
le conseil d'administration ou un comité.
- « Directeur général » signifie la personne
qui dirige les activités quotidiennes d'une société.
- « Membre » signifie une personne détenant des droits
de vote dans une société.
- « Intéressés » signifie les membres d'une
société et les autres groupes concernés par celle-ci.
Cela peut englober (sans s'y limiter) les donateurs, le personnel, les
bénévoles, les diplômés et les clients. Encore
une fois, selon les pratiques de votre société, vous pourriez
être familiarisé avec d'autres termes désignant certaines
de ces fonctions.
Notions juridiques
Les lecteurs trouveront utile de se familiariser avec certaines notions
juridiques que l'on retrouve tout au long du présent ouvrage.
- « Lois » ou « législation » est le terme
généralement employé pour désigner les lois
et règlements, fédéraux ou provinciaux, qui régissent
la conduite de la société.
- « Common law » est l'expression désignant les conclusions
des tribunaux qui régissent la conduite au-delà des exigences
d'origine législative. Puisque la common law est constituée
par les décisions collectives des juges, elle change et évolue
sans cesse.
- « Jurisprudence » est le terme employé pour désigner
les conclusions des tribunaux sur des points de droit particuliers ou,
de façon plus générale (et contrairement au droit
d'origine législative), à l'ensemble des conclusions judiciaires.
- « Responsabilité solidaire et conjointe » est l'expression
décrivant deux façons distinctes dont peut s'appliquer la
responsabilité (dont celle de payer des dommages-intérêts).
Cela signifie que les administrateurs sont responsables, conjointement
avec un ou plusieurs autres administrateurs, de même qu'individuellement,
de verser des dommages-intérêts. Lorsque ce genre de responsabilité
s'applique, une partie qui remporte un procès peut poursuivre un,
certains ou l'ensemble des administrateurs pour faire exécuter
le jugement.
À moins d'indication contraire, lorsque nous mentionnons une règle
dans cet ouvrage, nous faisons référence à la législation
fédérale sur les sociétés sans but lucratif,
en l'occurrence la Loi sur les corporations canadiennes, et/ou
les règles de common lawqui s'appliquent aux sociétés
constituées en vertu de cette loi. Chaque province possède
son propre texte de loi sur les sociétés sans but lucratif
et même si, de façon générale, ces lois sont très
similaires, elles comportent d'importantes différences. Il est
donc souvent impossible d'énoncer de façon catégorique
une règle qui s'applique dans toutes les sphères de compétence.
NOTRE APPROCHE
Exigences légales
Une partie de cet ouvrage porte sur ce que les administrateurs
doivent faire, tandis qu'une grande partie a trait à ce que les
administrateurs devraient faire; de plus, nous traitons à l'occasion
de ce que les administrateurs peuvent faire. La jurisprudence concernant
les sociétés sans but lucratif est relativement peu commune.
Ainsi, même si de nombreux jugements ont été rendus
sur des questions de conflits d'intérêts mettant en cause
des administrateurs de sociétés à but lucratif, peu
de jugements ont été rendus sur cette question dans le contexte
des sociétés sans but lucratif. Cela signifie qu'il y a
une importante zone grise où la ligne de démarcation entre
ce qu'un administrateur doit faire et ce qu'il est autorisé à
faire n'est pas claire. Ainsi, nous ne pouvons énoncer, de façon
définitive, la norme juridique qui s'applique lorsqu'un administrateur
d'un organisme de bienfaisance sans but lucratif est partie à une
transaction touchant aux avoirs de la société. Lorsque la
loi a été clarifiée - soit dans un texte de
loi soit par les jugements des tribunaux - nous nous sommes efforcés
de l'indiquer.
Bonnes pratiques en matière de gouvernance
Un récent rapport de l'Institut sur la gouvernance affirme
qu'une bonne gouvernance comporte l'atteinte des résultats recherchés
d'une façon compatible avec les valeurs démocratiques et la
justice sociale. Le rapport énonce les éléments d'une
bonne gouvernance :
... La vision (envisager l'avenir), l'orientation
(définir des objectifs et préciser un « cheminement
» général), les ressources (obtenir
les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs ou
suivre la voie tracée), la surveillance (s'assurer
périodiquement que le véhicule organisationnel est
bien entretenu, progresse vers sa destination) et ce, à l'intérieur
des limites de la loi, l'obligation de rendre compte (s'assurer
que les ressources sont employées de façon efficiente,
et faire rapport aux intéressés sur les progrès
et les écarts observés)1.
|
Ce processus va manifestement bien au-delà du respect des exigences
légales. Comment une société met en oeuvre ces divers
éléments dépend de son mandat et de ses caractéristiques.
Cependant, on peut dire qu'une société ne pourra avoir de
bonnes pratiques en l'absence d'un engagement, d'une prise de décision
compétente et d'une évaluation périodique.
Dans une procédure judiciaire, le respect d'une bonne pratique
en matière de gouvernance n'offre pas nécessairement une défense
complète. Cependant, lorsqu'une société ou un administrateur
peut démontrer qu'il a suivi une pratique établie, conforme
à une saine gouvernance, ou qu'il a choisi d'agir dans le but d'en
arriver à une bonne gouvernance, cela constitue souvent un argument
très persuasif en faveur de la société ou de l'administrateur.
Intendance
Les sociétés sans but lucratif peuvent jouir d'un
traitement fiscal spécial, tandis que les organismes de bienfaisance
enregistrés bénéficient d'un traitement fiscal encore
plus généreux. Cela signifie que le public considère
souvent qu'il a droit de regard sur la façon dont ces sociétés
fonctionnent. Les préoccupations peuvent englober la concurrence
déloyale que livre une société sans but lucratif
à une entité à but lucratif, ou une mauvaise utilisation
des dons reçus par un organisme de bienfaisance. Le cadre juridique
et réglementaire pertinent traite, jusqu'à un certain point,
de ces questions. Cependant, le conseil et les administrateurs doivent
aussi être conscients que ces aspects donnent à leur société
une image publique qu'elle n'aurait pas autrement.
De nombreuses sociétés sans but lucratif - et, en
particulier, les organismes de bienfaisance - bénéficient
d'une grande crédibilité auprès du public2.
À vrai dire, cette crédibilité est l'un des points
forts du secteur. L'engagement d'une société à faire
preuve de transparence est essentiel au maintien et au renforcement de
la confiance du public à l'égard du secteur.
C'est lors de la défaillance d'une société que l'impact
des décisions prises par le conseil d'administration sur la confiance
du public ressort le plus nettement - nous pouvons tous citer des
cas fortement médiatisés qui ont eu un retentissement négatif
ces dernières années. Une plus grande ouverture n'aurait pas
réglé les problèmes sousjacents dans plusieurs de ces
cas, mais l'absence de divulgation a presque invariablement amplifié
les dommages causés à la société.
Peu d'organismes sans but lucratif peuvent survivre à long terme
s'ils n'ont pas le soutien d'au moins un segment du public. Outre les
exigences légales, il y a une raison très pratique pour que
les administrateurs de sociétés sans but lucratif agissent
prudemment et avec toute la diligence nécessaire, et pour que les
sociétés prennent l'engagement de faire preuve de la plus
grande transparence possible dans leurs activités. La plupart du
temps, le dynamisme à long terme d'une société dépendra
de l'efficacité avec laquelle elle a su préserver la confiance
du public.
Conclusion
Il n'est jamais risqué pour un administrateur de chercher
à se conformer à l'esprit de la loi lorsque la lettre de
la loi n'est pas assez claire, en agissant conformément aux bonnes
pratiques de gouvernance ou en étant conscient de la façon
dont une action ou une décision particulière serait perçue
par le public. En réalité, cela est nécessaire pour
que les sociétés sans but lucratif répondent aux
exigences croissantes qui leur sont imposées sur les plans de l'intégrité,
de la transparence et de l'obligation de rendre compte.
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