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RAPPORT DE RECHERCHE

Quand les parents se séparent : nouveaux résultats de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes

2004-FCY-6F

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ANALYSE

Les dernières décennies du XXe siècle ont été caractérisées par de profonds changements dans la famille : les taux de fécondité ont diminué, le divorce a gagné du terrain et le mariage n'est plus l'union de choix pour l'établissement d'une union conjugale ni, depuis plus récemment, pour l'établissement d'une famille. Ces changements ont eu une incidence tout aussi marquée sur la vie des enfants canadiens : pour eux, l'évolution de la situation conjugale et parentale de leurs parents est synonyme de transition familiale. Dans cette deuxième phase de l'étude concernant l'incidence des changements familiaux des parents sur l'environnement familial et le bien‑être économique des enfants, l'attention a été portée sur ce qui constitue, pour la plupart des enfants, le premier changement à se produire au cours de l'enfance et probablement le plus important : la séparation de leurs parents. Plus précisément, voici quels étaient les objectifs de la présente étude : a) fournir des renseignements à jour concernant le contexte à la naissance des enfants et son incidence sur leur trajectoire familiale, en accordant une attention particulière à la séparation des parents; b) étudier les ententes prises par les parents séparés au sujet du soutien de leurs enfants, notamment en ce qui à trait à la garde partagée; c) faire une analyse des données récentes sur les ententes que prennent les parents concernant la garde et le soutien financier des enfants.

Les enfants naissent dans différents contextes, selon le moment où ils arrivent dans la vie de leur mère et de leur père. Par exemple, l'arrivée d'un premier enfant peut constituer le premier « événement » dans le parcours familial d'une jeune femme seule. Cela dit, la plupart des enfants arrivent plus tard, lorsque les parents ont fait des choix de vie (par exemple, le choix de se marier avant de fonder une famille) ou qu'ils en sont déjà à leur deuxième ou troisième famille. Le moment où les enfants arrivent dans la vie de leur mère et de leur père a une incidence sur la vie familiale qu'il auront tout au long de leur enfance, quoique la nature de cette incidence n'ait pas été clairement établie. Par exemple, les enfants qui naissent dans une deuxième famille risquent davantage de vivre la séparation de leurs parents que les enfants qui naissent dans une première famille, de même que les enfants nés de parents vivant en union libre sont plus susceptibles de vivre la séparation de leurs parents que ceux nés de parents mariés.

Toutefois, même ces facteurs sont en évolution. Le contexte à la naissance a grandement évolué au cours des deux dernières décennies; à la fin du siècle, près du tiers des enfants canadiens naissaient hors mariage. Par ailleurs, une hausse des naissances chez les couples vivant en union libre a été enregistrée dans toutes les régions du Canada, même si une grande partie de cette hausse est attribuable à la part élevée de couples québécois qui choisissent de vivre ensemble sans se marier. Par exemple, comparativement aux enfants nés au début des années 1980, les enfants nés en Ontario et dans les Prairies à la fin des années 1990 étaient proportionnellement deux fois plus nombreux à être nés de conjoints de fait, et les enfants nés dans l'Est du Canada l'étaient presque trois fois plus. De même, la part des enfants nés dans une deuxième famille créée par leur mère ou leur père est passée de 11 % pour les cohortes les plus vieilles à 18 % pour les plus jeunes.

Globalement, la probabilité que les deux parents se séparent a augmenté rapidement au Canada pour les enfants nés au cours des années 1980, puis est demeurée élevée mais stable pour les enfants nés au début des années 1990. Toutefois, dans les années 1990, la part des naissances hors union a augmenté, de sorte que cette deuxième source de formation de familles monoparentales pourrait prendre de plus en plus d'importance au cours de la prochaine décennie, particulièrement dans les régions où la part des séparations est moins élevée et la part des naissances hors union plus élevée que la moyenne nationale. Dans les régions canadiennes où le taux de séparation est peu élevé, la part des enfants qui vivent dans une famille monoparentale est déjà aussi élevée qu'ailleurs au Canada. Par exemple, la région de l'Atlantique est l'une des seules où les enfants issus d'une union ont trois chances sur quatre de vivre encore avec leurs deux parents à leur dixième anniversaire de naissance. Cependant, une part élevée d'enfants naissent d'une mère seule (un enfant sur six, ou 16 %) dans cette région. Ainsi, la probabilité qu'un enfant vive dans une famille monoparentale au cours de son enfance y est aussi élevée qu'ailleurs au Canada.

Cette évolution est d'autant plus importante que les faits qui ont mené à la vie dans une famille monoparentale ont un lien étroit avec le mode de vie qu'aura un enfant dans ce type de famille. Par exemple, les enfants qui vivent avec leur mère après la séparation ou le divorce de leurs parents ont généralement un niveau de vie plus élevé que les enfants qui naissent d'une mère seule (Péron et coll., 1999). Voilà qui est important pour l'élaboration des politiques sociales. En effet, cela donne à penser que la part des familles monoparentales ayant besoin d'une aide financière pourrait être plus élevée dans certaines provinces que dans d'autres.

De nombreuses mères seules doivent, en l'absence du père, assurer elles‑mêmes le soutien physique et économique de leur enfant. À l'opposé, lorsqu'un couple se sépare, le partage des responsabilités doit être renégocié, et généralement, des ententes sont prises concernant la garde et le soutien financier de l'enfant. Un des problèmes mentionnés précédemment est le fait que les statistiques publiées sur le divorce ne permettent pas de suivre l'évolution des modalités d'habitation prises pour les enfants dont les parents sont séparés. Récemment, dans sa Stratégie de justice familiale axée sur l'enfant, le ministère de la Justice a suggéré de remplacer les termes « garde » et « droit de visite » par un nouveau modèle axé sur les responsabilités des parents. Conformément à ce modèle, les parents séparés ou divorcés sont tous deux responsables du bien‑être de leurs enfants. De plus, les ententes prises par les parents prévoiraient, d'une part, un calendrier indiquant le temps passé par l'enfant chez chacun des parents et, d'autre part, le partage des responsabilités concernant les décisions liées à la santé et à l'éducation, entre autres. La clarification des différents éléments associés à la garde des enfants après la séparation des parents et la consignation des décisions concernant la garde physique et légale des enfants pourraient grandement contribuer à améliorer la qualité des renseignements disponibles sur l'évolution des ententes en matière de garde etde modalités d'habitation.

De plus en plus de parents choisissent de partager la garde physique de leur enfant lorsqu'ils se séparent, malgré le fait que ce type d'entente soulève nécessairement des inconvénients. Bien que la garde partagée semble difficile à maintenir à long terme et qu'elle se transforme souvent en garde exclusive, il semble qu'elle jette les bases d'une relation continue à long terme entre les enfants et leurs deux parents. La garde partagée peut également être un bon moyen d'établir une relation rassurante entre un enfant et son père ou sa mère qui n'en a pas la garde physique, en permettant tant aux parents qu'à l'enfant d'établir de nouvelles bases pour la relation. Cela dit, les ententes de garde partagée ne sont pas toujours possibles, étant donné qu'une grande collaboration entre les parents est requise, que deux résidences familiales doivent être offertes à l'enfant, ce qui entraîne des coûts additionnels que de nombreux parents ne peuvent assumer, et que les parents doivent habiter à proximité l'un de l'autre. Selon les résultats de recherches menées aux États‑Unis, les parents qui ne participent pas à la garde physique de leur enfant sont plus présents dans la vie de cet enfant si la garde « légale » est partagée (Seltzer 1991, 1998). Ainsi, même si un des parents n'a pas les moyens de contribuer à la garde physique de son enfant, le fait qu'il participe à certains aspects de sa vie peut être favorable à la relation parent‑enfant.

Bien que la structure du questionnaire ait limité la portée des analyses, les questions qui ont été ajoutées au cycle 3 concernant la garde et le soutien des enfants ont permis de tirer des conclusions intéressantes sur l'état de la situation à la fin des années 1990. Une des questions qui font actuellement l'objet de discussions est celle de savoir si les enfants devraient participer davantage aux décisions concernant leur avenir dans le cadre des procédures de divorce. Les instances juridiques hésitent à exposer les enfants aux conflits qui opposent leurs parents ou à demander aux enfants de « choisir » entre leurs deux parents. Néanmoins, l'analyse présentée dans le présent rapport indique que la majorité des parents d'enfants âgés de plus de 7 ou 8 ans consultent leurs enfants lorsqu'ils se séparent, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une entente privée et non d'une entente ordonnée par la cour. Autrement dit, les parents consultent bel et bien leurs enfants; ils considèrent que les enfants ont droit à leur opinion et ils en tiennent compte. D'aucuns pourraient dire que de ne pas donner voix au chapitre aux enfants dont les parents n'arrivent pas à s'entendre hors cour les pénalise encore davantage.

Les questions ajoutées au questionnaire ont permis d'obtenir de nouveaux renseignements concernant les pensions alimentaires. Ces questions avaient pour but de déterminer : a) si le versement d'une pension alimentaire avait été prévu dans les ententes concernant le soutien; b) la part des pensions alimentaires qui avaient été reçues. Les résultats de l'analyse indiquent que la grande majorité des versements sont réguliers et effectués dans les délais prescrits, du moins pendant la période relativement courte qui a suivi les séparations ayant fait l'objet de l'analyse. Il semble que les problèmes touchent essentiellement la négociation des ententes, et non leur mise en œuvre. Le fait que des ententes sont conclues de plus en plus souvent et de plus en plus rapidement donne à penser que les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, adoptées en 1997, ont dans une certaine mesure aidé les parents à partager les responsabilités financières liées à leurs enfants. Néanmoins, il reste du chemin à faire, notamment pour résoudre la question peut-être la plus urgente, soit celle des coûts exorbitants que doivent assumer les parents qui n'arrivent pas à conclure une entente, question susceptible de nuire à l'intérêt de l'enfant en bout de ligne.

En dernier lieu, le caractère distinct du Québec a été mentionné à plusieurs reprises dans le texte. Ce caractère distinct n'est pas seulement lié aux unions libres, mais également à la façon dont les parents séparés partagent leurs responsabilités. Les ententes de garde partagée et les gardes exclusives accordées au père sont plus fréquentes au Québec; les gardes partagées y sont plus durables; les ententes concernant la garde et les droits de visite y sont généralement mises en œuvre plus rigoureusement; les enfants y sont consultés plus souvent au moment de conclure une entente de garde partagée. Comment expliquer cela? Est‑ce le résultat du traitement différent réservé à la séparation et au divorce dans la législation québécoise (voir ministère de la Justice, 2002)? Est‑ce plutôt un phénomène social? Est‑ce que les rôles familiaux sont moins définis selon le sexe au Québec? Est‑ce que la cohérence entre la parole et les actes observée chez des couples de parents séparés de Montréal qui partagent la garde physique de leur enfant (Côté, 2000) est plus prononcée au Québec qu'ailleurs au Canada? Voilà une question qui mériterait qu'on s'y attarde, de même que celle de savoir si les différences entre le Québec et le reste du Canada concernent également la façon dont les enfants vivent la séparation de leurs parents.


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Mise à jour : 2005-10-28 Haut de la page Avis importants