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LA RECONNAISSANCE PRÉALABLE DE CULPABILITÉ

Milica Potrebic Piccinato

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LES PRINCIPES QUI DOIVENT GUIDER LE RECOURS À LA RECONNAISSANCE PRÉALABLE DE CULPABILITÉ

La reconnaissance préalable de culpabilité peut malgré tout servir les intérêts de toutes les parties au procès pénal — y compris la poursuite, la défense, l'accusé, la police et la victime — ainsi que ceux de la justice en général.

L'opportunité de ce système au plan des principes découle de la nature même de la justice pénale canadienne. La procédure de type accusatoire donne aux parties une grande influence sur le déroulement des procédures, mais présume en retour que cette influence sera utilisée avec la plus grande intégrité et à bon escient. On s'attend à que les avocats cherchent à régler un certain nombre de points d'un commun accord avant le procès. Pour fonctionner, le système accusatoire doit être souple.

Mais des considérations d'ordre purement pratique tendent aussi à rendre indispensable la reconnaissance préalable de culpabilité. Le coût de la criminalité au Canada est évalué à près de 59 milliards de dollars par année[26]. Ce coût comprend les dépenses effectuées pour la protection[27], celles encourues par les victimes[28] et celles relatives au fonctionnement de la justice. Les dépenses de la justice (police, poursuite, assistance juridique, tribunaux, prisons) représentent à elles-seules 20% du total, soit près de 12 milliards de dollars[29]. Des mesures comme la reconnaissance préalable de culpabilité peuvent donc aider à contenir les coûts. En évitant un procès ou en l'abrégeant, la reconnaissance préalable de culpabilité permet de réduire les dépenses de façon appréciable.

À la vérité, l'immense majorité des condamnations pénales sont obtenues sur reconnaissance préalable de culpabilité. Une étude réalisée en Ontario en 1998 a permis de constater que 91.3% de toutes les affaires pénales étaient réglées sans recourir à un procès[30]. La reconnaissance préalable de culpabilité est donc en fait essentielle au bon fonctionnement de l'appareil judiciaire. Si chaque personne poursuivie exigeait un procès, le système serait vite paralysé[31]. Il ne s'ensuit toutefois pas que de telles considérations doivent être les seules qui guident le fonctionnement de la justice[32].

Les procureurs de l'État ont de lourdes responsabilités dans le système pénal[33], puisqu'ils représentent l'intérêt public au sens le plus large du terme et doivent s'assurer que justice est rendue[34]. Le recours par le procureur au mécanisme de la reconnaissance préalable de culpabilité doit reposer sur plusieurs principes fondamentaux, à savoir l’équité, la transparence, l’exactitude, l’absence de discrimination et l’intérêt du public à ce que le droit pénal soit appliqué de façon efficace et cohérente[35]. En raison de l’avantage que peut retirer l’administration de la justice des plaidoyers de culpabilité, le procureur devrait s’efforcer de faire la meilleure offre possible à l’accusé dès que les circonstances le permettent[36]. Lorsque l'affaire donne lieu à un procès, le procureur doit s'efforcer de préciser autant que possible les points en litige[37]. Les services de poursuite étant le plus souvent surchargés et ne disposant que de ressources limitées, la reconnaissance préalable de culpabilité leur fournit un moyen supplémentaire pour régler une affaire[38].

Tout accusé bénéficie au Canada d'importants droits constitutionnels sous le régime de la Charte canadienne des droits et libertés. L'un de ces droits est celui d'être présumé innocent et d'avoir un procès public et équitable. D'autres garanties s'appliquent au stade de l'enquête. Une garantie qui présente une importance particulière en matière de reconnaissance préalable de culpabilité est celle de la pleine communication de la preuve avant le procès. La poursuite a l'obligation[39] de communiquer à l'accusé ou à son avocat les éléments de preuve sur lesquels elle compte se fonder lors du procès, de même que tout document ou renseignement non soumis au secret professionnel de nature à être utile à l'accusé, qu'elle ait ou non l'intention d'invoquer ce document ou ce renseignement au procès[40]. La communication de la preuve a un double objet, soit de s’assurer que l’accusé connaît les faits à réfuter et est en mesure de présenter une défense pleine et entière, et d’encourager le règlement des questions en litige, notamment, s’il y a lieu, par un plaidoyer de culpabilité au début des procédures[41]. Le fait de porter à la connaissance d'une personne les charges qui pèsent contre elle peut la conduire à admettre sa culpabilité. La reconnaissance de culpabilité doit cependant être non équivoque[42]. Elle doit en outre être totalement libre et volontaire. Elle ne peut résulter de menaces ou de promesses qui auraient pu avoir pour effet d'amener l'inculpé à avouer un acte alors que telle n'était pas son intention[43]. Il est également essentiel qu'au moment d'admettre sa culpabilité, l'inculpé soit disposé à reconnaître la réalité des faits qui lui sont reprochés et l'existence de l'élément intentionnel de l'acte qu'il a commis[44]. Le juge n'est pas tenu par la loi de toujours s'assurer personnellement de la validité de la reconnaissance de culpabilité. Avant de prononcer la peine, le juge a la faculté d'entendre des témoins afin de déterminer si les accusations sont fondées ou de mieux comprendre les faits. S'il ressort de la preuve que l'accusé n'a pas eu l'intention d'admettre un fait qui constitue un élément essentiel de l'infraction, qu'il a mal compris les conséquences d'une reconnaissance de culpabilité ou qu'il n'a jamais eu l'intention d'admettre sa culpabilité, le juge a le pouvoir d'ordonner d'inscrire un plaidoyer de non culpabilité ou de permettre à l'accusé de retirer son premier plaidoyer et d'en présenter un nouveau[45].

La reconnaissance préalable de culpabilité peut présenter un certain nombre d'avantages pour la personne poursuivie. Celle-ci peut en effet, en échange de ses aveux, bénéficier de la part de la poursuite de certaines concessions sur la peine ou encore d'une réduction de la gravité, d'un retrait ou d'une suspension de certaines accusations. Les tribunaux canadiens ont par ailleurs admis qu'une reconnaissance de culpabilité dénote souvent un véritable remord de la part de l'accusé et doit à ce titre être considérée comme une circonstance atténuante lorsque vient le moment de prononcer la peine[46]. La reconnaissance de culpabilité peut également offrir un élément de certitude que n'offre pas le procès. Si les choses se sont déroulées comme il se doit, le procureur, l'avocat de la défense et l'inculpé connaîtront la position de chacun sur ce que devraient être les suites des accusations portées. Il faut cependant noter que le juge conserve son pouvoir d'appréciation quant à la peine à infliger. Il n'est nullement lié par les suggestions que la poursuite et la défense pourraient s'entendre pour faire à cet égard[47]. Ceci dit, le juge ne peut cependant rejeter une proposition conjointe des avocats que si elle est contraire à l'intérêt public et si la peine proposée est susceptible de discréditer la justice[48]. C'est là un critère élevé qui vise précisément à ce que les engagements pris envers l'inculpé en échange de la reconnaissance de sa culpabilité soient normalement respectés par le juge qui déterminera la peine[49].

Lorsque le juge estime que la proposition de peine soumise par les avocats conduirait à prononcer une sanction contraire à la loi, l'accusé ne sera pas admis à retirer sa reconnaissance de culpabilité. Autoriser un tel retrait à ce stade équivaudrait à permettre de choisir son juge[50]. La Cour d'appel de l'Ontario a déclaré ce qui suit sur cette question :

Le pouvoir du juge de première instance de définir la peine ne saurait être limité par la proposition formulée conjointement par les parties, et la proposition conjointe ne saurait permettre aux parties de se soustraire à un juge qui a décidé de ne pas la retenir. (...) Autoriser l'accusé à revenir sur sa reconnaissance de culpabilité dans de telles circonstances équivaudrait à lui permettre de continuer à faire de même jusqu'à ce qu'il trouve un juge disposé à accepter la proposition conjointe. Permettre à l'accusé de retirer sa reconnaissance de culpabilité lorsque la peine ne lui convient pas donnerait l'impression inacceptable que le juge négocie avec l'accusé.[51]

Tout cela est exigeant pour les avocats des deux parties. Le procureur et l'avocat de l'accusé doivent en effet faire preuve de compétence et de rigueur tout au long des discussions sur la reconnaissance de culpabilité afin que l'accusé, qui se fie à leurs connaissances juridiques, ne se fasse pas d'idée fausse sur ce à quoi il peut s'attendre de la part du juge qui décidera de la peine. Les deux avocats doivent donc, entre autres, connaître les principes qui s'appliquent à la détermination de la peine et les limites supérieure et inférieure que les juridictions d'appel ont établies pour les peines applicables à l'acte dont il s'agit[52].

La reconnaissance préalable de culpabilité peut enfin être dans l'intérêt des témoins et des victimes. Témoigner en audience publique peut en effet constituer une expérience traumatisante pour la victime d'un crime violent, tel qu'une agression sexuelle ou une querelle domestique. Une solution qui évite à la victime d'avoir à déposer en justice peut être préférable[53]. Les discussions destinées à régler certaines questions de fond peuvent également éviter de perturber la vie des témoins et permettre de réduire les inconvénients d'une comparution devant le tribunal. La prise en compte des obligations professionnelles ou personnelles de la victime, des témoins ou de l'inculpé est susceptible d'augmenter chez ceux-ci la confiance dans la justice[54].

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