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Analyse des services d'avocats de garde requis selon l'arrêt Brydges


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8.9   Les obstacles susceptibles de s'opposer au changement

Les résultats du projet de recherche montrent que la mise en œuvre d'autres méthodes rencontrerait une forte résistance : en fait, la majorité des agents de la justice pénale interrogés - et en particulier, les avocats - se sont abstenus de faire des suggestions au sujet d'autres méthodes de prestation des services Brydges. On pourrait déduire de ce résultat que les répondants sont favorables à la préservation du statu quo. Il est par conséquent raisonnable de prévoir que n'importe quel projet de réforme du système actuel de prestation des services d'aide juridique fera face à une opposition relativement forte (Currie, 1999, p. 4). Manifestement, la plupart des principaux acteurs du système de justice pénale ont intérêt à ce que le régime d'aide juridique soit préservé sous sa forme actuelle (2000, p. 4).

Il est possible d'établir certains parallèles avec les situations examinées dans le cadre d'une étude effectuée par McDonald (2000). En   fait, la citation qui suit illustre très bien la façon dont l'intérêt professionnel des avocats peut influencer la façon dont ils perçoivent les besoins de leurs clients :

Je pense que la plupart des avocats ne remettent pas en question leur façon de travailler. Les avocats qui représentent les personnes défavorisées, même s'ils sont sensibles au fait que ces personnes éprouvent un sentiment d'impuissance, tiennent pour acquis que ces clients se sont rendus de leur propre gré dans un bureau d'avocats et sont donc en mesure de protéger leurs intérêts une fois rendus. Je pense également que les avocats ont en général une attitude paternaliste à l'égard de ces clients et qu'ils croient vraiment qu'ils détiennent les solutions. Les avocats ne sont pas tous conscients de leur position dominante, ni de la dépendance qui marque le rapport avocat/client ou, s'ils sont sensibles au caractère néfaste de cette relation, ils y voient un mal nécessaire qu'ils doivent accepter pour faire leur travail.

McDonald affirme en outre plus loin :

À cause de leur formation juridique, de leur image dans la population et de la position dominante de leur profession dans le domaine du droit, pour les avocats, seul le droit permet d'introduire une certaine justice sociale.

Par contre, il est important de ne pas exagérer l'effet de l'intérêt de la profession sur l'évolution des politiques et des pratiques de l'aide juridique. C'est un aspect qui a été souligné par les spécialistes du système d'aide juridique en Angleterre et au pays de Galles. En fait, Wall (1996, p. 549) estime que dans ce pays, les réformes apportées au régime d'aide juridique vers le milieu des années 1990 étaient inspirées par l'idée erronée que les avocats étaient eux-mêmes les principaux « responsables de l'augmentation fulgurante de la demande de services d'aide juridique et aussi des dépenses d'aide juridique par le truchement, par exemple, de la surfacturation ». Cependant, d'après Wall, « la dynamique commerciale de la pratique privée du droit » n'est pas la seule cause de l'augmentation des coûts de l'aide juridique et ce chercheur lance une mise en garde (1996, p. 564) à l'égard des propositions principalement conçues pour « exercer un contrôle sur la prestation des services d'aide juridique pénale, car elle risque de menacer les fonctions les plus utiles de l'aide juridique et d'aggraver la crise de légitimité que traverse actuellement la justice pénale ». En fin de compte, pour certains commentateurs, il y a toujours le danger que les valeurs populaires que sont la protection du « consommateur » et l'« efficacité » portent atteinte aux valeurs plus traditionnelles de l'équité procédurale et de la justice : comme Raine et Wilson (1996, p. 507) l'ont déclaré : « il est essentiel que les considérations liées à la consommation ou aux aspects administratifs ne l'emportent pas (et ne paraissent pas l'emporter) sur les considérations liées à la justice et à l'intérêt public ».

8.10 Le modèle de prestation des services d'aide juridique 24 heures par jourmis en œuvre en Angleterre et au pays de Galles

Le tout nouveau modèle mis en œuvre en Angleterre et au pays de Galles pour la prestation des services d'aide juridique 24 heures par jour constitue manifestement un point de départ utile pour modifier les divers systèmes d'avocats de garde offerts à l'heure actuelle au Canada. Voici les principales caractéristiques qui méritent d'être notées :

1. Élargissement important du rôle de l'avocat de garde, possibilité de choisir accordée au client et centre d'appels indépendant :

  • Les services d'aide juridique sont fournis, à l'échelon national, 24 heures par jour.
  • Les avocats de garde fournissent de plus en plus souvent « les services Brydges » en se rendant en personne dans les postes de police.
  • Les avocats de garde assistent automatiquement à l'interrogatoire de leurs clients.
  • Les suspects peuvent demander de consulter un avocat privé de leur choix ou un avocat de garde - gratuitement.
  • Les policiers communiquent avec un centre d'appels indépendant qui désigne un avocat de garde à partir d'un répertoire ou d'une liste.
  • 2. Les suspects atteints de déficience ont droit à une aide supplémentaire :

  • Un médecin de la police visite régulièrement les postes de police et décide si les personnes qu'il examine sont capables de comprendre leurs droits et peuvent subir un interrogatoire.
  • Les dispositions relatives à « l'adulte approprié » ont été mises en œuvre : elles prévoient la présence d'un travailleur social, d'un membre de la famille ou d'un ami lorsque la police interroge un suspect atteint de troubles mentaux ou de déficience intellectuelle et cette personne est chargée de suivre le déroulement du processus et, d'une façon générale, d'assister le suspect.
  • 3. Autres mesures mises en œuvre :

  • L'assistance et les conseils juridiques peuvent également être fournis par des « représentants juridiques » qui ne sont pas des avocats.
  • Les représentants juridiques doivent subir une formation rigoureuse et obtenir l'agrément d'un organisme indépendant.
  • 8.11 La transmission de renseignements concernant les droits constitutionnels aux suspects en détention

    Notre projet de recherche soulève des questions troublantes au sujet de l'efficacité des méthodes qu'utilisent les policiers pour transmettre les informations juridiques aux suspects qui ont été récemment arrêtés ou détenus. Il y aurait peut-être lieu de s'intéresser en particulier à l'élaboration de méthodes plus efficaces et novatrices pour transmettre l'information juridique aux suspects qui sont détenus par les services de police.

    Compte tenu des éléments indiquant que la plupart des accusés souffrent de problèmes qui les empêchent de bien comprendre les mises en garde données verbalement par les policiers, il serait peut-être utile d'explorer la possibilité de montrer aux suspects un vidéo dans lequel la mise en garde exigée par la loi est expliquée simplement et de façon exhaustive. Cette solution aurait l'avantage de permettre aux personnes arrêtées ou mises en détention   de regarder cette vidéo à la vitesse désirée et de revoir les passages qui ont été mal compris la première fois. On pourrait également envisager une approche moins axée sur la haute technologie et remettre aux accusés une carte sur laquelle est imprimé un texte expliquant, en termes simples, les droits garantis par la Charte. Les méthodes de l'enregistrement vidéo et de la carte pourraient être adaptées pour être présentées dans différentes langues.

    Ces autres méthodes susceptibles de transmettre des renseignements concernant le droit à l'assistance d'un avocat pourraient être facilement utilisées dans les postes de police. Évidemment, elles ne pourraient remplacer la mise en garde donnée dans une voiture de police ou dans la rue. Chaque fois que cela est possible, il serait néanmoins bon que les policiers répètent la mise en garde, lorsque le suspect est amené au poste de police. L'enregistrement vidéo ou la carte pourraient alors être utilisés dans ce lieu peu de temps après l'arrivée du suspect.

    En se basant sur les éléments essentiels du régime d'aide juridique permanent qui a été récemment mis sur pied en Angleterre et au pays de Galles, il serait souhaitable d'explorer la faisabilité - dans le contexte canadien - du déploiement des avocats de garde de façon à ce qu'ils se rendent en personne dans les postes de police très achalandés   et soient en mesure d'offrir personnellement une assistance et des conseils juridiques à leurs clients. Il faudrait également se demander si l'avocat de garde ne devrait pas assister à l'interrogatoire de son client (pratique courante en Angleterre et au pays de Galles).

    En tant que question générale d'intérêt social, il serait peut-être approprié de mettre sur pied un programme destiné à informer le plus de citoyens possible de leurs droits et de leurs obligations. Si les citoyens parvenaient à se familiariser avec la nature et la portée de leurs droits, ils devraient être en mesure - jusqu'à un certain point - d'utiliser cette connaissance lorsqu'ils sont   arrêtés ou mis en détention par la police. Par exemple, il est possible de diffuser par Internet des renseignements concernant le droit à l'assistance d'un avocat et l'accès à l'aide juridique et à un avocat de garde 24 heures par jour. La B.C. Legal Services Society (2002/2003, p. 14) a, par exemple, proposé de créer des sites Web qui permettent aux citoyens d'avoir accès à des documents d'information, à localiser les organismes offrant des services communautaires et à participer à des stages de formation : à l'heure actuelle, ce projet concerne uniquement le domaine du droit familial. Un autre projet novateur, parrainé par le B.C. Law Courts Education Society, consiste à aider « les accusés qui se représentent eux-mêmes » en leur remettant - au palais de justice - des documents qui expliquent en termes simples des notions comme l'interpellation, la déjudiciarisation, les enquêtes sur le cautionnement, etc. (Verdun-Jones et Tijerino, 2001).

    Dans le contexte particulier de l'arrêt Brydges, il serait utile d'imprimer des brochures conviviales qui expliqueraient, clairement et simplement, les droits à l'assistance d'un avocat que garantit l'alinéa 10b) aux suspects. Ces brochures pourraient également fournir les numéros permettant d'appeler les bureaux de l'aide juridique ainsi que les numéros sans frais utilisables 24 heures par jour (lorsqu'un tel service existe). Les policiers devraient accorder aux suspects un temps suffisant pour lire - et comprendre - le contenu d'une telle brochure avant de poursuivre leur enquête. Enfin, cette brochure pourrait offrir un avantage supplémentaire, celui d'être rédigée en plusieurs langues.

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