Ministère de la Justice Canada / Department of Justice CanadaGouvernement du Canada
Éviter le premier menu Éviter tous les menus
   
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil Justice Plan du site Programmes et initiatives Divulgation proactive Lois
Page d'accueil, Recherche et statistiques
Recherche et statistiques, image graphique

Publications

JusteRecherche no. 11
PROFIL DE RECHERCHES

Un fardeau pour le tribunal? Les accusés qui se représentent eux-mêmes devant les tribunaux pénaux du Canada

Ab Currie, chercheur principal, Division de la recherche et de la statistique


Page précédente | Table des matières | Page suivante

Introduction

On soutient souvent que les accusés qui se représentent eux-mêmes constituent un fardeau pour les tribunaux. Ce fardeau a deux aspects principaux. D’une part, il y a le rôle que jouent normalement les juges et les poursuivants dans le contexte d’un débat contradictoire. On remarque fréquemment que les juges et les poursuivants doivent s’écarter de leur façon de faire normale pour venir en aide aux accusés qui se représentent eux-mêmes. En effet, les accusés qui se représentent eux-mêmes ne savent pas comment défendre leur cause et peuvent mettre leurs droits indûment en péril. Les juges et, dans une certaine mesure, les poursuivants sont donc obligés d’intervenir d’une manière qui n’est pas conforme aux règles d’un débat contradictoire parce qu’ils sont agents du tribunal et qu’ils doivent veiller à ce que le processus soit équitable.

On dit aussi que les accusés qui se représentent eux-mêmes ralentissent le processus judiciaire. À l’étape des procédures préparatoires au procès, le processus judiciaire pénal se déroule très rapidement. La comparution ne dure généralement que quelques minutes, le tribunal devant faire face à des rôles chargés. L’« efficacité » du tribunal dépend de la présence de poursuivants et d’avocats de la défense bien formés qui connaissent à fond les procédures judiciaires. À l’exception peut-être de criminels endurcis qui comparaissent souvent devant les tribunaux, les accusés qui se représentent eux-mêmes ne sont pas au fait de la loi et des procédures judiciaires. Par rapport à la population en général, on constate plus fréquemment chez les accusés qui comparaissent devant un tribunal pénal un faible taux d’alphabétisation et d’instruction, des troubles mentaux ainsi que diverses limites sur le plan du fonctionnement cognitif, ces troubles et limites étant souvent liés à une consommation excessive d’alcool et d’autres drogues; ces facteurs font que les accusés qui se représentent eux-mêmes sont moins à même de s’insérer seuls sans anicroches dans le processus judiciaire. Par conséquent, les accusés qui se représentent eux-mêmes ne savent pas trop quelles accusations pèsent contre eux ni quelles en sont les suites possibles; ils ignorent tout du processus judiciaire, ne savent pas quand ni comment inscrire leur plaidoirie ou encore parlent trop longtemps et s’écartent de leur sujet quand ils s’adressent à la Cour. Le fait que les juges doivent intervenir et expliquer le processus aux accusés qui se représentent eux-mêmes ralentit davantage le processus judiciaire dans un cas de ce genre.

Selon ces arguments, on devrait observer que la cause des accusés qui se représentent eux-mêmes prend plus de temps à passer par les étapes du processus judiciaire. L’hypothèse selon laquelle ces accusés représentent un fardeau pour les tribunaux devrait être soutenue par un certain nombre de mesures. Si les accusés qui se représentent eux-mêmes ralentissent le processus judiciaire, on s’attendrait à ce que leurs plaidoyers soient inscrits plus tard au cours de l’instance, à ce que la durée de la comparution soit plus longue, à ce qu’il y ait un plus grand nombre de comparutions par affaire et à ce qu’il faille plus de temps pour rendre une décision, par rapport à ce qui se passe dans le cas des accusés qui sont représentés par un avocat.

Méthode

À la lumière de données tirées d’une étude récente sur les accusés qui se représentent eux-mêmes devant les tribunaux pénaux du Canada (Hann, Nuffield, Meredith et Svoboda, 2003), on peut examiner chacune de ces propositions. Dans le cadre de l’étude sur les accusés qui se représentent eux-mêmes, on a recueilli des données sur neuf tribunaux provinciaux du Canada, lesquels ont été choisis dans le but de représenter une panoplie de villes et d’accusés. Seule l’Île-du-Prince-Édouard n’était pas incluse. Dans le cas du Manitoba, l’une des neuf provinces qui participaient à l’étude, les données n’étaient pas suffisamment détaillées pour être intégrées à la recherche. L’étude de l’information tirée des huit autres bases de données nous permet d’examiner l’hypothèse selon laquelle les accusés non représentés sont un fardeau pour les tribunaux, et ce, au moyen d’indicateurs applicables à chaque variable proposée ci-dessus. Deux mesures sont retenues pour chaque variable, l’observation médiane et l’observation relative au 75 e percentile. Chaque fois, on compare le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes à celui des accusés qui sont représentés par un avocat de service de l’aide juridique et à celui des clients qui sont représentés par d’autres avocats. Pour tous les tribunaux, on a pu déterminer quand il s’agissait d’avocats de service de l’aide juridique, qu’ils proviennent du secteur privé ou qu’ils soient avocats-conseils à l’interne. Cependant, à l’exception de deux tribunaux, il n’a pas été possible de faire la distinction entre les accusés qui étaient représentés par un avocat de l’aide juridique et ceux qui l’étaient par un avocat du secteur privé. Dans cette dernière catégorie, on trouve donc différents types d’avocats de l’aide juridique, qu’ils soient avocats-conseils à l’interne ou avocats du secteur privé agissant en vertu d’un certificat d’aide juridique, et des avocats du secteur privé dont les services ont été retenus pas l’accusé. Lorsqu’on a pu faire la distinction entre les avocats de l’aide juridique et les avocats du secteur privé autres que les avocats de service, on a indiqué ces deux catégories dans les tableaux.

Les données utilisées dans cette analyse sont tirées d’échantillons d'affaires pour lesquelles une décision a été rendue; elles figurent dans une base de données des huit tribunaux. La taille de l’échantillon et la façon de recueillir les données varient d’un tribunal à l’autre en fonction de facteurs qui concernent uniquement la base de données d’un tribunal donné. Voici la taille des échantillons retenus : à St. John’s, un échantillon aléatoire de 501 affaires; à Halifax, un échantillon aléatoire de 509 affaires; à Bathurst, 250 affaires pour lesquelles une décision a été rendue à la fin de 2001; à Sherbrooke, 250 affaires pour lesquelles une décision a été rendue à la fin de 2001, un échantillon aléatoire de 495 affaires pour lesquelles une décision a été rendue entre septembre et novembre 2001; à Brandon, 2 761 affaires pour lesquelles une décision a été rendue entre octobre et décembre 2001; à Regina, 10 000 affaires pour lesquelles une décision a été rendue en 2001; à Edmonton, 623 affaires pour lesquelles une décision a été rendue à la fin de 2000 et au début de 2001; et enfin, à Kelowna, 1 020 affaires pour lesquelles une décision a été rendue en 2001[1]. Les données représentent les comparutions devant une cour pénale, de la première comparution à la comparution finale, lors de laquelle la décision a été rendue.

Résultats

Moment où le plaidoyer est inscrit

C’est là l’indicateur le moins sûr pour ce qui est de déterminer le fardeau pour le tribunal. On a demandé aux avocats interviewés dans le cadre de l’étude sur les tribunaux d'identifier les erreurs que commettent fréquemment les accusés qui se représentent eux-mêmes. Ils ont indiqué que, au moment de la première comparution, les accusés qui se représentent eux-mêmes ne savaient pas quand plaider coupable et que, dans certains cas, ils avaient tendance à [ traduction ] « mettre à l’épreuve la patience des juges en cherchant à obtenir de multiples remises d’audience » (Hann et al., 2003a, p. 19). Ces observations indiquent qu’il se peut que les accusés plaident coupable vers la fin (et non vers le début) de la procédure judiciaire. Toutefois, les avocats ont également affirmé que les accusés qui se représentent eux-mêmes ont tendance à plaider coupable pour « en finir », qu’ils plaident coupable dès qu’un cautionnement leur est refusé de manière à ne pas aller en prison, avant de prendre connaissance de la divulgation et ce même s’ils disposent d’une défense viable (Hann et al., 2003a). Ces observations laissent entendre que les accusés qui se représentent eux-mêmes auraient tendance à plaider coupable au début du processus. Bien qu’il y ait des arguments qui vont en sens contraire, on peut conclure que, en moyenne, les accusés qui se représentent eux-mêmes ont tendance à plaider coupable au début de la procédure judiciaire, ce qui signifie donc qu’ils ne seraient pas un lourd fardeau pour le tribunal.

Tableau 1a
Médiane des comparutions où l’on a inscrit un plaidoyer
  Lieu où se trouve le tribunal
  SJ H B SH SC R E K
Accusé qui se représente lui-même 1 2 1 1 7 2 2 2
Avocat de service 4 3 1 -- 2 6 2 2
Avocat du secteur privé ou avocat-conseil à l’interne 3 5/3 3 3 7 6/16 4 4
  • SJ=St. John’s (Terre-Neuve); H=Halifax (Nouvelle-Écosse); B=Bathurst (Nouveau-Brunswick); SH=Sherbrooke (Québec); SC=Scarborough (Ontario); R=Regina (Saskatchewan), E=Edmonton (Alberta); K=Kelowna (Colombie-Britannique).
  • À Halifax et à Regina, le premier chiffre renvoie au nombre d’avocats de l’aide juridique et le deuxième, au nombre d’avocats du secteur privé

Tableau 1b
Comparutions dans le cadre desquelles 75 % des accusés plaident coupable
  Lieu où se trouve le tribunal
  SJ H B SH SC R E K
Accusé qui se représente lui-même 3 3 2 1 13 5 3 3
Avocat de service 6 4 1 -- 4 9 2 3
Avocat du secteur privé ou avocat-conseil à l’interne 6 7/5 4 6 10 9 5 7
  • SJ=St. John’s (Terre-Neuve); H=Halifax (Nouvelle-Écosse); B=Bathurst (Nouveau-Brunswick); SH=Sherbrooke (Québec); SC=Scarborough (Ontario); R=Regina (Saskatchewan), E=Edmonton (Alberta); K=Kelowna (Colombie-Britannique).
  • À Halifax, le premier chiffre renvoie au nombre d’avocats de l’aide juridique et le deuxième, au nombre d’avocats du secteur privé.

Si l’on étudie les données qui figurent au tableau 1a et au tableau 1b, on remarque que, dans quatre villes, les accusés qui se représentent eux-mêmes plaident coupable plus tôt que ceux qui sont représentés par un avocat : soit à St. John’s, Halifax, Regina et Sherbrooke. Tous les accusés plaident coupable à peu près au même moment à Bathurst, à Edmonton et à Kelowna. Ce n’est qu’au tribunal de Scarborough que les accusés qui se représentent eux-mêmes plaident coupable plus tard que les accusés qui sont représentés par un avocat.

Les accusés qui se représentent eux-mêmes ne sont pas un lourd fardeau pour les tribunaux en ce qui concerne le moment où le plaidoyer est inscrit. Il se peut que, dans le cas de ces accusés, les juges soient tenus de passer du temps à les aider. On ne trouve dans cette recherche aucune donnée à ce sujet. Il reste cependant que les données sur le nombre et la durée des comparutions pourraient nous indiquer s’ils représentent un fardeau.

Durée de la comparution

Si les accusés qui se représentent eux-mêmes sont un lourd fardeau pour les tribunaux, il se peut que les comparutions durent plus longtemps. Au tableau 2a et au tableau 2b, on trouve la durée médiane des comparutions en minutes et la durée des comparutions en minutes pour 75 % des cas.

Tableau 2a
Durée médiane des comparution en minutes
  Lieu où se trouve le tribunal
  SJ H B SH SC R E K
Accusé qui se représente lui-même 2/4 2 4 1 2 2 1 1
Avocat de service 4 6 1 -- 2 2 1 3
Avocat du secteur privé ou avocat-conseil à l’interne 3 2 3 5 2 2 1 2
  • SJ=St. John’s (Terre-Neuve); H=Halifax (Nouvelle-Écosse); B=Bathurst (Nouveau-Brunswick); SH=Sherbrooke (Québec); SC=Scarborough (Ontario); R=Regina (Saskatchewan), E=Edmonton (Alberta); K=Kelowna (Colombie-Britannique).
  • À St. John’s, le premier chiffre renvoie à la première comparution et le deuxième, aux comparutions hors-procès devant le tribunal de première instance.

Tableau 2b
Durée des comparutions en minutes pour 75 % des cas
  Lieu où se trouve le tribunal
  SJ H B SH SC R E K
Accusé qui se représente lui-même 4/8 3 7 2 2 2 1 4
Avocat de service 12 7 2 -- 4 6 3 6
Avocat du secteur privé ou avocat-conseil à l’interne 10/7 3 6 10 4 6 2 5
  • SJ=St. John’s (Terre-Neuve); H=Halifax (Nouvelle-Écosse); B=Bathurst (Nouveau-Brunswick); SH=Sherbrooke (Québec); SC=Scarborough (Ontario); R=Regina (Saskatchewan), E=Edmonton (Alberta); K=Kelowna (Colombie-Britannique).
  • Sous « Accusé qui se représente lui-même » à St. John’s, le premier chiffre renvoie à la première comparution et le deuxième, aux comparutions hors-procès devant le tribunal de première instance.
  • Sous « Avocat du secteur privé ou avocat-conseil à l’interne » à St. John’s, le premier chiffre renvoie au nombre d’avocats de l’aide juridique et le deuxième, au nombre d’avocats du secteur privé.

Le seul tribunal où la comparution des accusés qui se représentent eux-mêmes est plus longue que celle des accusés représentés d’une façon quelconque est celui de Bathurst. C’est le cas pour les mesures médianes et les mesures relatives aux percentiles. Il est donc clair que les accusés qui se représentent eux-mêmes ne prennent pas plus de temps devant le tribunal.

Nombre de comparutions

Si les accusés qui se représentent eux-mêmes sont un lourd fardeau pour les tribunaux pénaux, on devrait remarquer une différence dans le nombre de comparutions par affaire, comparativement à ce qui se passe lorsque les accusés sont représentés par un avocat. Au tableau 3a et au tableau 3b, on trouve le nombre médian de comparutions par affaire et le nombre de comparutions pour la tranche de 75 % des cas qui requièrent moins de temps devant les tribunaux.

Tableau 3a
Nombre médian de comparutions par affaire tranchée
  Lieu où se trouve le tribunal
  SJ H B SH SC R E K
Accusé qui se représente lui-même 2 2 2 1 6 2 2 4
Avocat de service 5 3 1 -- 3 5 2 3
Avocat du secteur privé ou avocat-conseil à l’interne 5 5/4 4 4 7 5 4 7
  • SJ=St. John’s (Terre-Neuve); H=Halifax (Nouvelle-Écosse); B=Bathurst (Nouveau-Brunswick); SH=Sherbrooke (Québec); SC=Scarborough (Ontario); R=Regina (Saskatchewan), E=Edmonton (Alberta); K=Kelowna (Colombie-Britannique).
  • À Halifax, le premier chiffre renvoie au nombre d’avocats de l’aide juridique et le deuxième, au nombre d’avocats du secteur privé.

Tableau 3b
Nombre de comparutions pour 75 % des affaires tranchées
  Lieu où se trouve le tribunal
  SJ H B SH SC R E K
Accusé qui se représente lui-même 3 4 3 1 11 5 3 9
Avocat de service 8 5 2 -- 5 9 2 6
Avocat du secteur privé ou avocat-conseil à l’interne 7 8/7 5 7 10 9 6 16
  • SJ=St. John’s (Terre-Neuve); H=Halifax (Nouvelle-Écosse); B=Bathurst (Nouveau-Brunswick); SH=Sherbrooke (Québec); SC=Scarborough (Ontario); R=Regina (Saskatchewan), E=Edmonton (Alberta); K=Kelowna (Colombie-Britannique).
  • À Halifax, le premier chiffre renvoie au nombre d’avocats de l’aide juridique et le deuxième, au nombre d’avocats du secteur privé.

Il y a trois tribunaux où le nombre de comparutions relatif à la médiane et au 75 e percentile est plus élevé dans le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes, par rapport à ceux qui sont représentés par un avocat de service. Il s’agit des tribunaux de Bathurst, Scarborough et Kelowna pour ce qui est du nombre médian de comparutions et de ceux de Bathurst, Edmonton et Kelowna en ce qui concerne le nombre de comparutions relatif aux affaires tranchées jusqu’au 75 e percentile. Il y a également trois tribunaux, soit ceux de St. John’s, de Halifax et de Regina, où le nombre de comparutions dans le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes est inférieur, par rapport aux accusés représentés par un avocat de service. À Edmonton, le nombre de comparutions est égal dans les deux cas. Si l’on applique la mesure relative au percentile, on constate que le nombre de comparutions pour 75 % des affaires est inférieur à St. John’s, Halifax et Regina. Par contre, le nombre de comparutions pour la tranche de 75 % des cas qui requièrent moins de temps devant les tribunaux est supérieur à Bathurst, Scarborough, Edmonton et Kelowna.

Dans l’ensemble de ces tribunaux, à l’exception d’un seul, le nombre de comparutions dans le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes est inférieur, par rapport à ce qu’on constate dans le cas des accusés représentés par des avocats de l’aide juridique et des avocats du secteur privé. L’exception se trouve à Scarborough où, selon l’indicateur relatif au percentile, on constate que le nombre de comparutions dans le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes est supérieur, par rapport aux accusés représentés par un avocat de service et d’autres avocat.

Si l’on compare le nombre de comparutions relatif aux affaires tranchées dans le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes et dans celui des accusés représentés par un avocat, rien ne permet de soutenir que les accusés qui se représentent eux-mêmes représentent un lourd fardeau pour les tribunaux.

Laps de temps écoulé jusqu’à ce que la décision soit rendue

Si les accusés qui se représentent eux-mêmes sont un fardeau pour les tribunaux pénaux, il se peut que davantage de temps s’écoule jusqu’à ce que la décision les concernant soit rendue, par rapport à ce qui se passe dans le cas des accusés représentés par un avocat. Au tableau 4a et au tableau 4b, on trouve des données relatives au laps de temps médian écoulé et au laps de temps écoulé pour le 75 e percentile des affaires tranchées.

Tableau 4a
Laps de temps médian écoulé pour des affaires tranchées, en semaines
  Lieu où se trouve le tribunal
  SJ H B SH SC R E K
Accusé qui se représente lui-même 1 14 7 13 24 4 8 1
Avocat de service 21 5 2 -- 5 15 2 --
Avocat du secteur privé ou avocat-conseil à l’interne 18 29/25 13 19 24 15/25 13 4
  • SJ=St. John’s (Terre-Neuve); H=Halifax (Nouvelle-Écosse); B=Bathurst (Nouveau-Brunswick); SH=Sherbrooke (Québec); SC=Scarborough (Ontario); R=Regina (Saskatchewan), E=Edmonton (Alberta); K=Kelowna (Colombie-Britannique).
  • À Halifax et Regina, le premier chiffre renvoie au nombre d’avocats de l’aide juridique et le deuxième, au nombre d’avocats du secteur privé.

Tableau 4b
Laps de temps écoulé pour 75 % des affaires tranchées, en semaines
  Lieu où se trouve le tribunal
  SJ H B SH SC R E K
Accusé qui se représente lui-même 8 29 12 23 39 24 18 7
Avocat de service 43 21 9 -- 14 40 12 3
Avocat du secteur privé ou avocat-conseil à l’interne 41 54/47 18 37 42 46 21 11
  • SJ=St. John’s (Terre-Neuve); H=Halifax (Nouvelle-Écosse); B=Bathurst (Nouveau-Brunswick); SH=Sherbrooke (Québec); SC=Scarborough (Ontario); R=Regina (Saskatchewan), E=Edmonton (Alberta); K=Kelowna (Colombie-Britannique).
  • À Halifax, le premier chiffre renvoie au nombre d’avocats de l’aide juridique et le deuxième, au nombre d’avocats du secteur privé.

La preuve fondée sur le laps de temps écoulé jusqu’à ce que la décision soit rendue est mixte pour ce qui est de déterminer si les accusés qui se représentent eux-mêmes sont un lourd fardeau pour le tribunal. À Halifax, Bathurst, Scarborough et Edmonton, le laps de temps médian écoulé jusqu’à ce que la décision soit rendue est supérieur dans le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes, par rapport à ce qui se passe dans le cas des accusés représentés par un avocat de service. Par contre, à St. John’s et Regina, ce laps de temps est inférieur. On ne dispose d’aucune donnée dans le cas de deux tribunaux. Le laps de temps médian écoulé jusqu’à ce que la décision soit rendue est inférieur dans le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes, par rapport à ce qu’on constate dans celui des accusés représentés par des avocats autres que des avocats de service : cela est vrai pour l’ensemble des tribunaux, à l’exception de celui de Scarborough, où 24 semaines s’écoulent dans les deux cas.

Si l’on compare le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes à celui des accusés représentés par un avocat de service de l’aide juridique, le laps de temps écoulé jusqu’à ce que la décision soit rendue pour ce qui est de 75 % des affaires tranchées est supérieur pour le premier groupe à cinq tribunaux, soit ceux de Halifax, de Bathurst, de Scarborough, d’Edmonton et de Kelowna. Il est inférieur aux tribunaux de St. John’s et de Regina. Si l’on compare le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes à celui des accusés représentés par un avocat autre qu’un avocat de service de l’aide juridique, le laps de temps écoulé est inférieur pour l’ensemble des tribunaux. Toutefois, ce laps de temps est à peu près le même à Scarborough et à Edmonton.

Lorsqu’un avocat de service se charge d’une affaire jusqu’à ce que la décision soit rendue, il a tendance à vouloir régler l’affaire rapidement. Il règle l'affaire plus rapidement que les accusés qui se représentent eux-mêmes, mais pas aussi vite que les accusés représentés par d’autres avocats. Il est probable que la complexité de l’affaire explique en partie le modèle que l’on observe à partir de ces données.

Il se peut que les avocats de service soient fortement motivés à passer à d’autres dossiers, bien que les avocats-conseils à l’interne et les avocats du secteur privé dont le nom est inscrit sur la liste relative aux avocats de service ont vraisemblablement des raisons différentes de vouloir un règlement rapide. Les avocats-conseils à l’interne, qui peuvent être affectés pendant plus longtemps aux tâches d’un avocat de service, souhaitent peut-être que l’instance soit réglée rapidement parce qu’ils ont un horaire chargé, la cour de première comparution, les séances en vue du règlement de l’instance, les séances préliminaires et les séances de libération sous caution ayant lieu chaque jour. Les avocats du secteur privé qui agissent en tant qu’avocat de service aux termes d’une liste de services ne font peut-être ce travail que pendant une semaine et ils souhaiteraient probablement régler l'affaire rapidement pendant leur affectation.

Conclusion

Les données tirées de l’étude sur les accusés adultes qui comparaissent devant les cours pénales provinciales du Canada ne soutiennent pas la déclaration selon laquelle les accusés qui se représentent eux-mêmes sont un fardeau pour les tribunaux parce qu’ils retardent le déroulement du processus judiciaire et minent l’efficacité de la cour. À la lumière de presque toutes les données, on peut conclure qu’il faut rejeter cette hypothèse. Les données sur le laps de temps écoulé jusqu’à ce que la décision soit rendue démontrent que ce laps de temps a tendance à être plus long dans le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes, par rapport à celui des accusés représentés par un avocat de service. Cependant, cet état de choses pourrait être expliqué par le fait que les affaires traitées par les avocats de service sont moins complexes, puisqu’on observe la situation contraire dans le cas des accusés qui sont représentés par tous les autres avocats, ceux-ci s’occupant vraisemblablement de dossiers plus complexes que ceux qui sont confiés aux avocats de service.

Bien que les données n’indiquent pas que le tribunal doit supporter un fardeau plus lourd dans le cas des accusés qui se représentent eux-mêmes, le fait que ces accusés ont tendance à inscrire plus tôt un plaidoyer de culpabilité, qu’ils font l’objet de moins de comparutions, que chaque comparution dure moins longtemps et, par rapport au cas des accusés représentés par un avocat de service, qu’il faut attendre plus longtemps avant que l'affaire soit réglée, permet de croire que le fardeau incombe aux accusés. Même aux étapes qui précèdent l’instruction, les tribunaux pénaux fonctionnent selon un mode contradictoire, en fonction d’une série de règles complexes et dans un environnement structuré. Les rôles d’audience sont chargés et les tribunaux travaillent très rapidement, les comparutions ne durant que quelques minutes. Bien que les accusés qui se représentent eux-mêmes aient le choix de procéder sans être représentés par un avocat, la preuve qualitative que nous fournissent les entrevues menées avec les avocats nous porte à conclure qu’ils agissent ainsi pour des motifs inappropriés. Ainsi, ils se représentent eux-mêmes parce qu’ils estiment qu’ils ne peuvent attendre qu’un avocat plaide leur cause (Hann et al., 2003a). De plus, il n’y a pas seulement le fait qu’ils choisissent peut-être de se représenter eux-mêmes pour des motifs inconsidérés, mais aussi que les conséquences qui découlent de ce choix sont regrettables, comme dans le cas de l’accusé qui accepte des conditions de mise en liberté irréalisables (Hann et al., 2003a).

Il se peut que les juges passent plus de temps à conseiller les accusés qui se représentent eux-mêmes mais, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les données sur les tribunaux ne portaient pas sur cet aspect de la question. Cependant, si l’on s’appuie sur la preuve quantitative, le manque de représentation juridique devant les cours pénales ne semble pas imposer un fardeau aux tribunaux. Au contraire, ce fardeau semblerait être beaucoup plus lourd pour les accusés; il ressort de cette étude que le besoin d’offrir une représentation juridique devant les cours pénales n’en est que plus marqué.

Références

Hann, R., Nuffield, J., Meredith, C. et Svoboda, M. (2003). Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales : Partie I – Vue d’ensemble. Ottawa (Ontario) : Division de la recherche et de la statistique, ministère de la Justice du Canada.

Hann, R., Nuffield, J., Meredith, C. et Svoboda, M. (2003). Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales : Partie II – Rapport des études sur le terrain. Ottawa (Ontario) : Division de la recherche et de la statistique, ministère de la Justice du Canada.


[1] Pour de plus amples renseignements sur les échantillons, voir Hann et al. (2003a) et Hann et al. (2003b).

Page précédente | Table des matières | Page suivante

 

Haut de la page Avis importants