Ministère de la Justice Canada / Department of Justice CanadaGouvernement du Canada
Éviter le premier menu Éviter tous les menus
   
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil Justice Plan du site Programmes et initiatives Divulgation proactive Lois
Page d'accueil, Recherche et statistiques
Recherche et statistiques, image graphique

Publications

JusteRecherche


Page précédente | Table des matières | Page suivante

Revues

L'Efficacité de la John School

 Wortley, S., Fischer, B. & Wester, C. (2002). « Vice lessons: A survey of prostitution offenders enrolled in the Toronto John School Diversion Program », Canadian Journal of Criminology and Criminal Justice, 44(4), 369-403.

Résumé de : Alessandra Iozzo, agente de recherche

"Le programme a essentielle-ment pour but de sensibiliser les participants aux dangers liés au commerce du sexe et de les informer au sujet de la prostitution en général."


Les politiciens, les spécialistes des politiques, les chercheurs et les services sociaux s'efforcent par tous les moyens de lut-ter contre les conséquences graves de la prostitution depuis des décennies. Une solution non législative a vu le jour récemment, à savoir le Toronto First Offender Prostitution Diversion Program, couramment appelé la John School. Cet article propose une description et une évaluation de ce programme. Les auteurs ont réalisé une évaluation multicritères indépendante de la Toronto John School de 1998 à 2001. L'article se concentre sur un volet précis de cette étude, soit les sondages menés auprès des intéressés avant et après leur participation. Inspirée du modèle de San Francisco, la Toronto John School a été mise sur pied en 1996 pour offrir une solution de rechange aux « clients de la prostitution » accusés en vertu de l'article 213 du Code criminel (communication à des fins de prostitution), après leur mise en accusation mais avant leur procès. Le programme est mis en oeuvre conjointement par le bureau du Procureur général de l'Ontario, le Groupe de travail du maire sur la prostitution, le service de police de Toronto et l'Armée du salut. Après la création de l'école, le programme a été implanté dans plusieurs autres villes canadiennes dont Ottawa, Hamilton et Vancouver.

Le programme a essentiellement pour but de sensibiliser les participants aux dangers liés au commerce du sexe et de les informer au sujet de la prostitution en général. Au moment de son arrestation, le participant se fait assigner une date de comparution, et s'il présente un plaidoyer de culpabilité, sous réserve de l'approba-tion du procureur de la Couronne, on l'inscrit à un cours d'une journée. Après le cours, on retire l'accusation. Les « frais de sco-larité », assumés par le participant, s'élèvent à 400 $. Le cours comporte des exposés sur la place des prostitués et prostituées dans le commerce du sexe ainsi que sur les conséquences pour le participant (maladies, répercussions sociales, risques physiques). La John School s'inspire des sept objectifs suivants :

  1. responsabiliser le participant;
  2. lui faire connaître la loi en matière de prostitution;
  3. l'informer de la réalité des victimes de la prostitution de rue;
  4. l'informer des dangers de la prostitution;
  5. lui faire prendre conscience que ses actes pourraient dénoter des problèmes sexuels;
  6. modifier son attitude envers la prostitution;
  7. le dissuader de participer à des activités liées à la prostitution.

Les auteurs constatent que le programme s'avère fructueux sur certains plans. Ainsi, la comparaison des questionnaires remplis avant et après la participation montre que les répondants sont plus susceptibles d'assumer la responsabilité de leurs actes, de reconnaître qu'ils pourraient avoir un problème de dépendance sexuelle et de percevoir le commerce du sexe dans une perspective moins favorable.

Toutefois, on constate aussi que l'aptitude du programme à induire un changement d'attitude envers la prostitution s'avère « minime et statistiquement non significative ». D'ailleurs, les auteurs font état de réserves importantes au sujet du modèle de la John School, notamment une certaine confusion en ce qui concerne le caractère vague chez les intervenants au sujet des objectifs du programme ainsi que les ambiguïtés relevées dans la tenue des dossiers. De plus, le profil démographique des participants indique que le programme touche principalement les immigrants et la classe ouvrière. Ainsi, les descentes menées à la suite d'une opération d'infiltration se font dans la rue et non dans les salons de massage ni auprès des services d'escorte. La langue pose aussi un problème, car bon nombre de participants ne parlent pas assez bien l'anglais pour profiter des présentations faites pendant ce cours d'une journée. Enfin, l'obligation de plaider coupable pourrait compromettre l'application régulière de la loi, car bon nombre de participants craignaient de devoir subir un procès et croyaient que le programme constituait leur seule option valide.

Les auteurs concluent que les maigres avantages du programme n'en justifient pas les graves lacunes opérationnelles. Compte tenu de la représentation inégale des classes sociales et des races touchées par les opérations d'infiltration, ainsi que des limites structurelles indissociables de ce programme de déjudiciari-sation, les auteurs ajoutent qu'il pourrait être plus utile de mener une analyse comparative entre les quatre villes canadiennes qui ont institué ce programme.


L'effet dissuasif

 Pogarsky, G. et Piquero, A. (2003).

« Can punishment encourage offending? Investigating the "resetting" effect », Journal of Research in Crime and Delinquency, 40(1), 95-120.

Résumé de : David Greenwood, adjoint à la recherche

"...le châtiment ne décourage nullement la récidive."

 Maints systèmes de justice pénale reposent sur la prémisse voulant que le châtiment décourage la récidive. Or, plusieurs études récentes remettent en question ce principe, révélant que les contrevenants qui ont reçu un châtiment craignent souvent moins que les autres d'être sanctionnés à nou-veau. Ayant fait état de deux théories qui visent à expliquer ce constat, Pogarsky et Piquero se proposent de vérifier si elles s'avèrent justes. Sans arriver à une réponse concluante, ils réus-sissent à jeter un doute sur l'efficacité du châtiment comme moyen de dissuasion.

Les deux théories présentées qui remettent en question l'effet dis-suasif sont la « sélection » et la « remise à zéro » (resetting). La première veut que le châtiment ne soit qu'un moyen de reconnaître les contrevenants « convaincus » qui sont prêts à courir des risques de plus en plus grands. Par exemple, un voleur à l'étalage « professionnel » « accepte la prison et ses inconvénients comme un des risques du métier ». Autrement dit, le châtiment ne décourage nullement la récidive. Selon la seconde théorie, non seulement le châtiment ne dissuade pas le délinquant, mais il peut aller jusqu'à l'encourager. Ce phénomène serait attribuable à l'« illusion du joueur » dont sont l'objet de nombreux criminels, à savoir que le fait d'être capturé est consid-éré par eux comme une malchance qui ne peut se reproduire indéfiniment. Autrement dit, le criminel juge qu'après avoir été capturé une fois, ses chances de l'être à nouveau diminuent.

Pour vérifier ces théories, on a demandé à 253 étudiants d'« une grande université publique du Sud-Ouest des États-Unis » de remplir un questionnaire sur la conduite en état d'ébriété. Les étu-diants devaient indiquer, sur une échelle de 0 à 100, la probabilité qu'ils prennent le volant en état d'ébriété et celle qu'ils se fassent arrêter dans cet état. On leur demandait aussi s'ils avaient une expérience de châtiment, en l'occurrence s'ils avaient déjà été « arrêtés par la police à un moment où ils croyaient que leur alcoolémie était supérieure à la limite ». On a analysé les réponses pour calculer l'appréciation personnelle du risque d'être sanctionné. Ensuite, les auteurs ont voulu classer les étudiants selon la probabilité qu'ils contreviennent à la loi. Pour ce faire, ils se sont basés sur les réponses concernant la consommation d'al-cool, les antécédents judiciaires (de toutes sortes), les caractéris-tiques personnelles telles que le sexe et l'impulsivité, ainsi que l'influence de l'entourage. Ils ont ainsi défini quatre groupes selon deux dimensions (probabilité d'infraction faible ou élevée, et sanction ou absence de sanction antérieure) et comparé la moyenne des appréciations du risque d'être sanctionné afin de vérifier chaque théorie.

Bien que la moyenne des appréciations du risque de sanction soit significativement plus élevée chez les personnes à faible risque n'ayant jamais été sanctionnées, ni la théorie de la sélection, ni celle de la remise à zéro n'est prouvée de manière concluante. Par exemple, la remise à zéro ne s'observe que chez les contrevenants à faible taux de récidive, ce qui confirmerait, selon les auteurs, les résultats d'études récentes selon lesquelles les contrevenants d'expérience ne tiennent pas compte du tout du risque d'être capturé. Il n'en reste pas moins que la moindre certitude d'une sanction chez les contrevenants à risque élevé ou à faible risque qui ont déjà été châtiés remet en question l'efficacité du châtiment comme moyen de dissuasion. Les auteurs suggèrent en conclusion que l'on approfondisse davantage le principe de la « punition vicariante », qui consiste à capturer les contrevenants les plus convaincus et à « les traiter de manière à dissuader les autres ».


L'exposition des jeunes aux documents sexuels non sollicités sur Internet

 Mitchell, K. J., Finkelhor, D. et Wolak, J. (2003). « The exposure of youth to unwanted sexual material on the Internet: A national survey of risk, impact, and prevention », Youth & Society, 34(3), 330-358.

Résumé de : Steven Kleinknecht, analyste de recherche

"...25 % des jeunes ayant utilisé régulièrement Internet avaient vu une ou plusieurs images sexuelles non sollicitées en ligne."

"La police n'a été informée, que ce soit par leur jeune ou par ses parents, dans aucun des cas."

"...18 % des jeunes ayant déclaré qu'un logiciel de filtrage et de blocage avait été installé ont tout de même indiqué qu'ils avaient vu des documents sexuels non sollic-ités sur leur ordinateur à la mai-son."

 La réglementation d'Internet fait l'objet d'un vif débat où s'op-posent souvent liberté d'expression et protection des renseignements personnels d'une part, et sécurité et préven-tion du crime d'autre part, le consensus voulant que l'on cherche le juste milieu. Cependant, le débat se complique lorsqu'on tient compte du bien-être des enfants et des adolescents. Un des prob-lèmes, à cet égard, concerne l'exposition des jeunes à des documents sexuellement explicites non sollicités. Les auteurs de l'article résumé ici se penchent sur une série de questions qui sont au cœur de ce débat. Par exemple : les jeunes sont-ils exposés à des documents sexuels non sollicités sur Internet? Qui sont les jeunes les plus susceptibles de l'être? Quelle est leur réaction émotive immédiate le cas échéant? L'utilisation d'un logi-ciel de filtrage et de blocage et la supervision des parents permet-tent-ils de réduire le risque?

Pour tenter de répondre à cette question, les auteurs ont analysé les résultats de l'American Youth Internet Safety Survey.

L'échantillon se composait de 1 501 jeunes internautes de 10 à 17 ans représentatifs des jeunes fréquentant Internet aux États-Unis. Il a été choisi au moyen d'un autre grand sondage auprès d'un échantillon représentatif de ménages à l'échelle nationale, la

Second National Incidence Study of Missing, Abducted, Runaway, and Thrownaway Children. Les réponses ont été recueillies grâce à des entrevues téléphoniques effectuées auprès de jeunes que l'on savait être des utilisateurs réguliers d'Internet. Était consid-érée comme une utilisation régulière d'Internet « le fait d'avoir util-isé Internet au moins une fois par mois au cours des six derniers mois, que ce soit à la maison, à l'école, dans une bibliothèque, chez quelqu'un d'autre ou ailleurs ». Les chercheurs définissaient la mise en présence de documents sexuellement explicites non sollicités comme « le fait de voir une image représentant des per-sonne nues ou des personnes ayant des relations sexuelles, et ce sans l'avoir cherché et sans s'y attendre, en faisant une recherche, en naviguant sur le Web, en ouvrant un message élec-tronique ou en cliquant sur un lien contenu dans un message électronique »1. Dans l'année qui a précédé le sondage, 25 % des jeunes ayant utilisé régulièrement Internet avaient vu une ou plusieurs images sexuelles non sollicitées en ligne. Dans 73 % des cas, l'image était apparue pendant une recherche ou une navigation sur l'inter-net. Dans 67 % des cas, l'événement est arrivé à la maison. La majorité des images représentaient simplement des personnes nues; cependant, 32 % montraient des personnes ayant des relations sexuelles, et 7 % exposaient une scène à la fois de violence et de nudité. En raison de la subjectivité entrant en ligne de compte dans la détermination de l'âge des protagonistes ou d'autres caractéristiques des images, l'étude ne comporte aucune donnée sur la pornographie juvénile.

Si les garçons sont presque six fois plus nombreux à indiquer qu'ils ont regardé volontairement des documents sexuellement explicites, on n'observe aucune différence significative entre les sexes pour ce qui est de l'exposition involontaire. Les résultats montrent en outre que les jeunes plus âgés sont plus susceptibles que les autres à être exposés involontairement à ce genre de document. En effet, 60 % des cas sont déclarés par des jeunes de 15 ans et plus, contre 7 % pour les jeunes de 11 ou 12 ans, et aucun par les jeunes de 10 ans. Les auteurs indiquent que ces chiffres pourraient s'expliquer par le fait que les jeunes enfants sont davantage encadrés lorsqu'ils utilisent Internet.

Sont les plus susceptibles de tomber involontairement sur un document sexuellement explicite les jeunes qui utilisent beaucoup Internet, qui le font à la maison, qui font du clavardage et qui utilisent le courriel. Les jeunes qui parlent à des étrangers et qui se livrent à d'autres activités risquées (comme le harcèlement ou la visite intentionnelle de sites érotiques), de même que ceux qui disent avoir subi des mauvais traitements physiques ou sexuels ou une période de dépression sont aussi plus susceptibles que les autres d'être exposés à ce genre de document sans l'avoir cherché.

En ce qui concerne la réaction, 57 % des répondants disent en avoir parlé à quelqu'un. Les parents l'ont appris d'eux-mêmes ou parce que le jeune leur en a parlé, dans 39 % des cas. Dans 30 % des cas, le jeune en a parlé à un ami ou à un frère ou une sœur. Les jeunes sont peu enclins à aviser une figure d'autorité de ce genre d'incident. Parmi les personnes avisées, 3 % étaient un professeur ou une personne ayant une responsabilité à l'école, et

4 % étaient des fournisseurs de services Internet. La police n'a été informée, que ce soit par leur jeune ou par ses parents, dans aucun des cas.

Parmi les jeunes qui ont été en contact avec des documents sex-uels non sollicités, 24 % ont déclaré avoir été très perturbés ou extrêmement perturbés. Vingt et un pour 100 (21 %) ont déclaré avoir été très gênés ou extrêmement gênés sur le moment. Dix-neuf pour cent ont fait état d'au moins un symptôme de stress (nervosité, irritabilité, insomnie, etc.) à un degré supérieur à léger ou en permanence pendant les jours ayant suivi l'événement. À peine moins du tiers (31 %) des jeunes déclarent que leur famille a installé un logiciel de filtrage et de blocage, ce qui réduit de 40 % l'exposition aux documents sexuels non sollicités. Cependant, 18 % des jeunes ayant déclaré qu'un logiciel de filtrage et de blocage avait été installé ont tout de même indiqué qu'ils avaient vu des documents sexuels non sollicités sur leur ordinateur à la maison. Les chercheurs ne peuvent dire cependant si le logiciel avait été installé avant ou après l'événe-ment.

La supervision parentale ne réduit pas les risques d'exposition. Certaines mesures de prévention (surveiller l'historique de navigation, demander au jeune ce qu'il fait sur Internet, regarder l'écran pendant que le jeune est branché) sont en fait associées à une augmentation du nombre de cas. On pourrait expliquer ce phénomène par le fait que les parents qui surveillent leur enfant plus étroitement sont ceux qui savent que celui-ci a un comportement téméraire. Par ailleurs, le fait qu'un enfant ait été exposé une fois à ce genre d'images pourrait aussi inciter les parents à être plus vigilants.

Cette étude apporte une contribution importante au débat de fond concernant la réglementation et l'exposition des enfants à des images sexuelles non sollicitées. Selon les chercheurs, la question du choix et de l'intrusion constitue un des éléments fondamentaux devant guider les décisions en cette matière. Ils formulent ainsi une de leurs conclusions importantes à cet égard : « Les décideurs pourraient juger qu'il existe un consensus au sujet de la possibilité d'adopter des mesures de réglementation qui empêchent l'exposition non volontaire et intempestive à ce genre d'image sur Internet, y compris des sanctions ou des recours contre les personnes qui attirent l'internaute par des moyens détournés ou qui envoient des pourriels (messages élec-troniques non sollicités envoyés en nombre) comportant un con-tenu sexuel. » Les auteurs suggèrent plusieurs pistes de recherche pour essayer de valider ces résultats et améliorer l'état des connaissances en vue d'aider les décideurs. Par exemple, ils préconisent la tenue de recherches sur les effets à long terme des expositions non sollicitées, sur l'efficacité de l'encadrement parental et sur l'utilisation et l'efficacité concrètes des logiciels de filtrage et de blocage.


La dynamique des transactions illégales d'armes à feu

Morselli, C. (2002). « The relational dynamics of illegal firearm transactions », Revue canadienne de criminologie, 44(3), 255-277.

Résumé de : Damir Kukec, statisticien principal


 Cette étude porte sur le nombre d'armes à feu en circulation (soit le taux de possession d'armes à feu dans les ménages pour un pays) et sur la façon dont certains détenus à Montréal obtiennent des armes à feu. Les auteurs contestent essentiellement l'idée qu'il existe un lien entre le simple nombre d'armes à feu en circulation et les tendances dans l'acquisition illégale d'armes à feu. L'étude donne à penser qu'il y a lieu d'examiner plus attentivement la population des propriétaires d'armes à feu et les relations entre les intéressés et les propriétaires d'arme à feu pour mieux comprendre la prévalence de l'acquisition illégale d'armes à feu et la manière dont on se procure des armes à feu illégalement.

MÉTHODE

Cette étude a été effectuée au moyen d'entrevues menées auprès de 21 volontaires adultes de sexe masculin détenus dans des établissements fédéraux à Montréal et dans les environs. Les entrevues ont été effectuées de mars 1995 à août 1995 auprès de détenus qui ont déclaré avoir « participé directement à au moins une transaction illégale mettant en cause une arme à feu dans la région montréalaise depuis 1980 » (p. 6). Soulignons que plus de la moitié des détenus interrogés ont indiqué qu'ils « se livraient, dans une certaine mesure, au commerce ou à la consommation de drogue » (p. 6). Il importe également de mentionner que l'utili-sation criminelle d'une arme à feu ne faisait pas partie des critères de sélection et que seulement sept détenus « avaient déjà été déclarés coupable d'une utilisation criminelle d'arme à feu » (p. 6). On ne dit pas si certains de ces détenus purgeaient au moment de l'enquête une peine liée à l'utilisation criminelle d'une arme à feu ou à une autre infraction aux lois canadiennes sur le contrôle des armes à feu. L'unité d'analyse était le fait que les répondants avaient déclaré s'être livrés à une transaction illé-gale mettant en cause une arme à feu. Pour chaque transaction illégale, les auteurs se penchent sur le lien entre le fournisseur et l'acquéreur (en l'occurrence la personne interrogée), ainsi que sur les modalités de la transaction.

CONCLUSIONS

Les auteurs ont constaté que la plupart des détenus faisaient état de transactions qui avaient eu lieu « plusieurs années avant leur incarcération, et même avant leur arrestation » (p. 6). Les person-nes interrogées ont fait état de 57 transactions illégales « mettant en cause l'acquisition de 71 armes : 45 armes de poing, 18 armes de chasse et 8 armes automatiques » (p. 7). Elles ont aussi fait "...il n'est pas obligatoire d'avoir des contacts « personnels » pour obtenir une arme à feu illégalement..." état de 12 vols (6 armes de poing et 14 armes de chasse), mais l'analyse n'en tient pas compte. Appliquant les typologies de relations interpersonnelles et les modèles de Boissevain2, les auteurs dressent une typologie des transactions illégales qui comprend « deux grandes zones de contact », soit « le contact de premier ordre » et « la zone étendue », décrivant « la durée, la fréquence et la multiplexité des relations » (p. 7). Sous la rubrique « contact de premier ordre », les auteurs définissent quatre zones secondaires reliées par un continuum dont un extrême est carac-térisé par un lien personnel ou social étroit entre le fournisseur et l'acquéreur et l'autre par une relation plus « fonctionnelle », « utili-taire » ou « distante ».

Ces quatre zones secondaires sont les suivantes : 1) le noyau des relations personnelles, 2) le cercle des intimes, 3) la zone effective, 4) la zone nominale. Les entrevues révèlent que la plu-part des transactions se déroulent dans le cercle des intimes (n=18) et dans la zone effective (n=19). Le noyau des relations personnelles (n=4) et la zone nominale (n=7) concernent moins de transactions. Les auteurs font aussi remarquer que « 9 des 57 transactions ont eu lieu dans la zone étendue », ce qui indique qu'il n'est pas obligatoire d'avoir des contacts « personnels » pour obtenir une arme à feu illégalement (p. 8).

Les auteurs se sont aussi penchés sur la façon dont la transaction s'est amorcée. On établit ici deux catégories : les recherches et les offres. L'analyse montre que les transactions qui ont lieu dans le « cercle des intimes » commencent plus souvent par une « offre », c'est-à-dire que le fournisseur propose une arme à l'ac-quéreur. On observe le contraire dans la « zone effective », où la majeure partie des transactions débutent par une « recherche ». Le « noyau des relations personnelles » et la « zone nominale » sont semblables à cet égard : les « offres » y sont plus fréquentes que les « recherches ». La recherche est plus fréquente dans le cas des armes spécialisées telles que « fusils d'assaut, mitraillettes et autres armes très puissantes ». La présence d'un intermédiaire entretenant avec le fournisseur et le chercheur une relation de « premier ordre » constitue un élément essentiel d'une transaction réussie entre une personne du « premier ordre » et une autre de la « zone étendue ». L'intermédiaire vient la plupart du temps du « cercle des intimes » ou de la « zone effective » puisque ces zones regroupent normalement un plus grand nombre de personnes de la zone de premier ordre considérées comme dignes de confiance. Le « noyau des relations personnelles » est certes considéré comme fiable, mais il peut être trop restreint pour permettre de trouver un fournisseur; quant à la « zone nominale », si elle peut être tendue, elle ne comprend pas uniquement des personnes dignes de confiance.

Les auteurs se sont penchés sur quatre types de transactions. Le type le plus fréquent nécessitait un paiement au comptant. Cependant, certaines transactions comportaient l'échange de biens illégaux comme de la drogue. Dans certains cas, la transaction comprenait un échange de « faveurs ». Encore une fois, il semble y avoir un lien entre la nature de la relation et celle de la transaction (argent comptant, biens illégaux, faveurs, etc.). On trouve surtout des transactions sans échange dans le « noyau des relations personnelles », et l'inverse est généralement vrai des transactions qui se passent dans la « zone étendue ». Les auteurs font aussi remarquer que certains fournisseurs prêtent des armes et que la plupart de ces transactions ont lieu entre individus du même « noyau de relations personnelles ».

COMMENTAIRES

 "Il est évident que si le nombre général d'armes à feu dans un secteur donné peut avoir une influence sur la facilité avec laquelle on peut s'en procurer, les relations jouent aussi un rôle important."

Les auteurs font remarquer, à juste titre, que les conclusions ne doivent pas être considérées comme représentatives de « l'ensemble de la population des détenus ni des contrevenants »(p.16). De plus, les données « accordent une importance

prépondérante aux réussites » et laissent croire que les informations sur les transactions ratées seraient tout aussi importantes pour comprendre le rôle que jouent les relations dans l'acquisition illégale d'armes à feu (p. 16). Malgré ces limites, l'étude fournit des informations nouvelles et des renseignements utiles sur le rôle des relations personnelles dans l'acquisition illégale d'armes à feu. Il est évident que si le nombre général d'armes à feu dans un secteur donné peut avoir une influence sur la facilité avec laquelle on peut s'en procurer, les relations jouent aussi un rôle important. Il serait intéressant d'examiner de plus près l'origine des armes à feu (y compris les armes volées) vendues sur le marché noir, les motifs d'acquisition de ces armes et le résultat (utilisation effective de l'arme) des transactions entre contrevenants.

Harcèlement criminel

 Sheridan, L., Gillett, R., Davies, G.M., Blaauw, E. et Patel, D. (2003). « There's no smoke without fire: Are male ex-partners perceived as more "entitled" to stalk than acquaintance or stranger stalkers? », British Journal of Psychology, 94, 87-98.Résumé de : Susan McDonald, analyste de recherche


Le harcèlement avec menaces ne constitue un acte criminel que depuis peu. La première loi à cet égard a été adoptée en Californie en 1990. Au Canada, l'article 264 du Code criminel, qui traite de ce comportement, est entré en vigueur le 1er août 1993 et les peines qui lui sont associées ont été modifiées par le projet de loi 15A, adopté à l'été 2002. Le harcèle-ment avec menaces est considéré comme criminel en Angleterre et au pays de Galles depuis 1997.

Cette étude a eu lieu en Angleterre et portait sur l'incidence que peuvent avoir l'existence d'une relation antérieure et le sexe des protagonistes sur les perceptions concernant la culpabilité et les conséquences pour les personnes en cause. La question posée était la suivante : « A-t-on plus tendance à blâmer la victime si celle-ci a déjà été partenaire du harceleur que si celui-ci n'est qu'une simple connaissance de la victime ou un parfait étranger? »

L'article dresse un bilan des travaux portant sur cette question. Les auteurs expliquent en détail l'origine de l'hypothèse du « monde juste » et des diverses études effectuées pour l'étayer. Selon l'hypothèse du « monde juste » (Lerner and Simmons, 1966), les gens réinterprètent une situation injuste afin de préserver leur croyance en un « monde juste » et maîtrisable. En effet, les gens ont tendance à croire que l'on récolte ni plus ni moins que ce que l'on a semé et que par conséquent, lorsqu'il y a déjà eu une relation entre la victime et son agresseur, il est plus facile de blâmer la victime.

Les auteurs ont utilisé une méthode quantitative qui consistait à employer des prévisions issues de recherches antérieures. Cent soixante-huit (168) étudiants du premier cycle en psychologie à l'Université de Leicester ont répondu au questionnaire, soit 129 dans une salle de cours et 39 par Internet. On a réparti au hasard entre les étudiants des fiches décrivant chacune un cas typique de harcèlement dans lequel l'agresseur était, selon le cas, une ancienne relation intime de la victime, une simple connaissance de cette dernière ou un inconnu. Le sexe de l'un et de l'autre vari-ait également, ce qui donnait au total six scénarios différents. Après avoir eu cinq minutes pour lire la fiche, les participants devaient donner leur opinion sur sept questions suivant une échelle Likert de 11 points.

L'expérience a donné lieu à plusieurs observations intéressantes. Premièrement, les perceptions n'étaient pas conformes à la réal-ité, à savoir que les ex-partenaires intimes sont les cas qui présentent le plus grand risque de violence pour une victime potentielle. Par exemple, on considérait que la victime était plus responsable d'avoir encouragé le comportement de l'agresseur lorsque les deux avaient déjà eu une relation intime, et par ailleurs, on estimait que l'intervention de la police était surtout nécessaire lorsque l'agresseur était un étranger.

En ce qui concerne le sexe de l'agresseur, on constate ce qui suit : les risques de lésions corporelles sont considérés comme plus grands lorsque l'agresseur est un homme; l'intervention de la police est jugée plus nécessaire lorsque l'agresseur est un homme; les victimes masculines sont considérées comme plus responsables que les victimes féminines d'avoir encouragé le comportement de leur agresseur; enfin, on estime qu'une victime masculine aura moins de mal à régler son problème qu'une victime féminine.

Bien que toutes les hypothèses n'aient pas été confirmées, les observations dénotent l'existence de certaines idées reçues au sujet de la culpabilité et des conséquences pour les personnes en cause. Les études comme celle-ci mettent en évidence l'importance capitale d'informer et de sensibiliser les profession-nels du milieu pénal ainsi que le grand public. L'évolution des mentalités est un processus graduel qui peut demander plus d'une génération. Comme le montre le cas de la conduite en état d'ébriété, la loi à elle seule n'est que d'un secours très limité pour régler des problèmes sociaux complexes.

Actuellement, la Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice du Canada mène une étude de la documentation portant sur les recherches récentes en sciences sociales semblables à celle qui est présentée dans cet article. Cette recherche permettra de mieux connaître la dynamique sociojuridique du harcèlement criminel. Ce genre d'entreprise peut aider à élaborer les mesures appropriées en matière de loi, de politiques et de programmes.

La réaction des enfants dans les situations de violence domestique

Edleson, J. L., Mbilinyi, L. F., Beeman, S. K. et Hagemeister, A. K. (2003). « How children are involved in adult domestic violence: Results from a four-city telephone survey », Journal of Interpersonal Violence, 18(1), 18-32.

Résumé de : Kelly E. Morton-Bourgon, agente de recherche

"Selon les réponses des mères, 52 % des enfants avaient au moins crié occasionnellement d'une autre pièce, et 23 % sont intervenus physiquement."

"...l'étude indique que les enfants qui sont témoins de violence famil-iale entretiennent une fois adultes des relations marquées par la violence..."

Cette étude avait pour objet de connaître la réaction des enfants qui voient que leur mère est victime de violence familiale ainsi que les facteurs susceptibles d'influer sur cette réaction. Les auteurs ont mené des entrevues téléphoniques anonymes auprès de 114 femmes battues qu'ils ont jointes grâce à quatre programmes d'intervention en violence domestique dans quatre grandes villes aux États-Unis. On posait aux femmes des questions sur la réaction de leur(s) enfant(s) en situation de violence familiale au cours des douze derniers mois. On leur posait aussi des questions de nature démographique telles que leur degré de scolarité, leur situation du point de vue du logement, leur situation sur le marché du travail et la nature de leur lien avec l'agresseur. Les entrevues duraient environ 75 minutes et les répondantes touchaient 20 $ pour leur participation.

La moyenne d'âge des répondantes était de 34 ans, et la moyenne de l'âge qu'elles avaient au début des actes de violence, 25 ans. Les femmes de race blanche représentaient 45,6 % de l'échantillon, suivies des Afro-Américaines (33,3 %), des femmes d'origine latino-américaine (11,4 %) et des autres groupes ethniques (9,6 %). La plupart des femmes vivaient dans un logement de transition (54 %); les autres vivaient dans des maisons ou des appartements, achetés ou loués. Cinquante-cinq pour cent (55 %) des femmes ont déclaré que leur agresseur était leur conjoint ou ex-conjoint, et 39 % que c'était leur petit ami ou ex-petit ami. Les 114 femmes avaient au total 285 enfants, et 71,8 % en avaient au moins deux.

Plusieurs mesures ont été utilisées pour connaître la durée, la fréquence et la gravité des actes de violence, la perception des femmes en ce qui concerne les effets de cette violence sur leurs enfants, et les caractéristiques démographiques des répondantes. On a bâti une « échelle d'intervention » à partir des réponses don-nées aux questions portant sur les actions manifestées par l'en-fant pendant un incident de violence familiale, du simple fait de crier depuis une autre pièce jusqu'à l'intervention physique.

Environ la moitié des enfants ont tenté d'intervenir dans une situation de violence domestique au cours des douze mois ayant précédé l'enquête. Selon les réponses des mères, 52 % des enfants avaient au moins crié occasionnellement d'une autre pièce, et 23 % sont intervenus physiquement. Seulement 21 % des enfants auraient appelé quelqu'un pour obtenir de l'aide pendant la crise. Une analyse bidimensionnelle permet de constater que l'intervention des enfants est la plus importante lorsque :

  • la mère était au chômage ou vivait dans un lieu de transition au moment de l'entrevue;
  • la mère n'était pas mariée;
  • l'enfant vivait seul avec la mère ou avec la mère et son agresseur au moment de l'agression;
  • la mère était peu scolarisée;
  • l'agresseur n'avait pas de lien de parenté avec l'enfant; 
  • l'abuseur était plutôt âgé.

Par ailleurs, plus les agressions et leurs conséquences sur la mère étaient graves sur le plan physique ou émotif, plus l'enfant était susceptible d'intervenir physiquement. Une analyse de régression multiple a permis de constater que plusieurs facteurs accroissent la probabilité de voir l'enfant intervenir, à savoir les suivants :

  • intensité de la violence physique et gravité des effets physiques sur la mère;
  • âge de l'agresseur au moment des premiers incidents (plus âgé); 
  • lien entre l'enfant et l'agresseur (pas de lien biologique);
  • fait de vivre avec la mère et avec l'agresseur.

Il y a plusieurs réserves à émettre au sujet de cette étude. Premièrement, les mères répondaient en fonction de leur souvenir, ce qui peut fausser les informations. Les auteurs font aussi remarquer que selon d'autres études, le taux d'intervention des enfants obtenu quand on interroge les mères est inférieur à celui qu'on obtient quand on interroge les enfants. Deuxièmement, les renseignements portant sur la situation économique et la situation en matière de logement concernaient la situation au moment de l'entrevue, alors que les informations concernant la réaction des enfants portaient sur les douze mois précédents. Il y aurait lieu de mener d'autres études en recueillant des données portant sur la même période afin de déterminer si les résultats de cette étude sont reproductibles. Enfin, les répon-dantes ont été recrutées en passant par un refuge pour femmes; par conséquent, l'échantillon n'est représentatif que des femmes qui ont, ne serait-ce que temporairement, échappé à une relation violente.

L'étude laisse croire qu'il y aurait lieu d'accroître les services des-tinés aux femmes violentées et aux enfants. Le plus important, dans ces situations, est de protéger la mère et de l'enfant. Un enfant qui intervient physiquement lorsque sa mère se fait battre risque de se faire blesser. On peut supposer en effet que le fait de s'interposer au milieu d'un incident de violence augmente le risque pour l'enfant. Évidemment, cela pose la question de savoir si la réaction de l'enfant peut accroître le risque pour la mère. Puisque l'étude indique que les enfants qui sont témoins de violence familiale entretiennent une fois adultes, des relations mar-quées par la violence, il est de la plus grande importance de protéger ces enfants des effets physiques et émotionnels de la violence familiale pour briser le cercle vicieux. Il est capital de pouvoir offrir aux mères et aux enfants un endroit où se réfugier. De plus, l'étude a permis de constater que les mères qui faisaient le moins état d'une intervention de l'enfant étaient les femmes mariées, scolarisées et ne vivant pas dans un lieu de transition. Ainsi, il se peut que la stabilité familiale et économique réduise la possibilité de voir un enfant intervenir en cas de violence, et réduise ainsi les risques pour l'enfant. Il y aurait lieu de mener d'autres recherches sur les effets d'une intervention pour l'enfant, pour la mère et ses conséquences sur l'escalade de la violence.

Page précédente | Table des matières | Page suivante

 

Haut de la page Avis importants