![]() ![]() |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Profil et analyse des délinquants membres d’un gang dans la population carcérale fédérale 2004 No R-154 Mark Nafekh Direction de la recherche
RÉSUMÉLes organisations criminelles et leurs membres sont un facteur qui contribue de façon importante à la violence et aux activités criminelles au Canada. Les organismes d’application de la loi continuent d’adopter des mesures visant à freiner la progression de la criminalité attribuable aux gangs. En bout de ligne, l’accroissement des activités des gangs et les interventions de la justice pénale contre le crime organisé sont deux facteurs qui, combinés, entraînent une augmentation du nombre de délinquants incarcérés appartenant à des gangs. La présente étude porte sur les délinquants de sexe masculin sous responsabilité fédérale reconnus comme membres ou proches d’une organisation criminelle. Le rapport décrit le processus utilisé pour reconnaître et évaluer ces délinquants et examine les tendances en ce qui concerne leur incarcération. L’étude avait notamment pour objet de déterminer le profil des membres des gangs, d’élaborer le profil type du délinquant selon les différents sous-groupes de gangs (motards, crime organisé traditionnel, carcéraux, de rue et asiatiques) et d’examiner les incidences opérationnelles de la présence d’un gang dans un établissement fédéral. Points saillants :
REMERCIEMENTSLes auteurs du présent rapport tiennent à remercier Mme Vanessa Bottiglia, qui a assuré la mise en forme du document, et Mme Shelley Brown, Ph.D., pour ses observations touchant la rédaction du rapport.
TABLE DES MATIÈRESLISTE DES TABLEAUXTableau 2 : Proportion des délinquants incarcérés appartenant à un groupe du crime organisé mesurée un jour quelconque (1996-2003) Tableau 3 : Origine ethnique des délinquants appartenant à un gang (1996-2003) Tableau 4 : Localités où les membres de gangs ont commis leurs infractions Tableau 5 : Classification des secteurs statistiques où ont été commises les infractions Tableau 6 : Infractions à l'origine de la peine actuelle : délinquants appartenant à un gang et autres délinquants Tableau 7 : Évaluation initiale Tableau 8 : Évaluation initiale des facteurs dynamiques : facteurs définis Tableau 9 : Antécédents criminels des délinquants appartenant à un gang et des autres délinquants Tableau 10 : Relation entre la présence de délinquants appartenant à un gang et les incidents dans les établissements Tableau 11 : Relation entre la présence de membres de gangs et les incidents dans les établissements, selon le niveau de sécurité Tableau 12 : Participation directe aux incidents dans les établissements Tableau 13 : Nouvelles infractions commises par les délinquants appartenant à un gang et les autres délinquants Tableau 14 : Conditions spéciales de mise en liberté imposées aux délinquants appartenant à un gang et aux autres délinquants LISTE DES FIGURESFigure 2 : Proportion des délinquants incarcérés appartenant à un groupe du crime organisé (1996-2003) INTRODUCTIONLes sondages démontrent que pour la majorité des citoyens, le crime organisé est un problème grave au Canada (Léger Marketing, 2001). Cela n’est pas surprenant, car au Canada les actes criminels commis par les membres du crime organisé et les stratégies d’intervention visant à réprimer leurs activités viennent en tête dans les questions de justice pénale et les comptes rendus des médias. Le Code criminel définit de la manière suivante (article 467.1) les caractéristiques d’une organisation criminelle :
Il faut toutefois noter qu’aucune définition du crime organisé ne fait encore consensus. Le débat, très vif, porte sur les caractéristiques propres à cette notion, et les divers organismes canadiens utilisent plusieurs définitions. Pour le Service correctionnel du Canada (SCC), une organisation criminelle est « une association ou un groupe qui est continuellement impliqué dans des activités criminelles. Comprend les groupes, les organisations et les associations qui étaient établis dans la collectivité avant que certains de leurs membres ne soient incarcérés ainsi que les groupes qui se forment dans nos établissements » (Service correctionnel du Canada, 2003). On observe aussi des différences entre les activités des gangs et celles du crime organisé. Il y a plusieurs années, les activités des gangs et celles du crime organisé étaient différentes et motivées par des objectifs différents. Depuis quelques années toutefois, cette différence tend à s’estomper (Kenney et Finckenauer, 1995). Pour le SCC, les gangs et le crime organisé ne sont pas deux notions mutuellement exclusives; elles se distinguent plutôt par la complexité et le degré d’intégration des activités criminelles. En d’autres termes, les activités des gangs et celles du crime organisé diffèrent seulement par leur ampleur et non pas nécessairement par la nature des infractions commises (Service correctionnel du Canada, 1996). C’est pourquoi les termes « gang » et « crime organisé » seront utilisés indifféremment dans le présent rapport. Les progrès de la technologie et la mondialisation de l’économie ont fait évoluer le crime organisé. Les activités traditionnelles et de bas niveau du crime organisé, comme le vol, le trafic de drogue, la prostitution et le jeu, ont pris de l’ampleur et comprennent maintenant des activités criminelles à grande échelle comme l’immigration clandestine, la fraude bancaire et le blanchiment d’argent (Service canadien du renseignement de sécurité, 2000). Cette progression se reflète sur les tendances de la criminalité au Canada. En effet, de 1992 à 1998, le nombre de fraudes a augmenté de façon considérable au Canada, plus particulièrement dans le domaine du marketing, des prêts, des cartes de crédit, du télémarketing, de l’usurpation d’identité et de la fraude par Internet. De plus, les fonds obtenus au moyen de ces activités criminelles ont été utilisés pour financer la prostitution et le trafic d’armes et de drogues (Groupe de travail binational sur les fraudes transfrontalières par marketing de masse, 2003). De 1993 à 2001, la quantité de marijuana saisie par la police au Canada a augmenté de six fois, surtout en raison de l’accroissement de la culture à grande échelle (Gendarmerie royale du Canada, 2002). Comme dans le cas de la fraude, les revenus tirés de la culture de la marijuana ont servi à financer d’autres activités illicites comme l’importation d’Ecstasy, d’huile de haschich et de cocaïne (Gendarmerie royale du Canada, 2002). Au Canada, les importations de pseudoéphédrine (PSE), l’élément principal servant à la fabrication de la méthamphétamine, ont triplé de 1997 à 1998 et ne cessent d’augmenter depuis ce temps (Bureau for International Narcotics and Law Enforcement Affairs, 2001). Plus les activités du crime organisé se multiplient au Canada, plus les organisations criminelles risquent d’entrer en conflit les unes avec les autres. Cette multiplication des conflits a engendré une aggravation de la violence liée aux gangs, qui se traduit par des meurtres, des tentatives de meurtre, des incendies criminels et des attentats à la bombe. Bien qu’il soit difficile de mesurer empiriquement l’augmentation de la violence liée aux gangs au Canada1, on dispose néanmoins de certains indices. De 1995 à 2000, par exemple, le nombre d’homicides liés aux gangs au Canada a plus que triplé, passant de 21 à 71 (Statistique Canada, 2002, Juristat, vol. 23, no 8).
Dans le passé, le Canada a mis sur pied des initiatives antigangs pour déstabiliser le milieu du crime organisé. En 2001, la police a effectué une série de raids visant les activités des groupes du crime organisé liées au trafic de cocaïne. Cette opération d’envergure a mené à l’arrestation de plus de 200 dirigeants, membres et associés du crime organisé. Ces raids ont aussi permis de saisir de la cocaïne et du haschich, des précurseurs chimiques2, de l’argent liquide, des véhicules, divers biens et des armes à feu. Par la suite, en 2001 et 2002, le nombre d’homicides liés aux gangs au Canada a chuté considérablement et le nombre de meurtres commis avec une arme à feu a diminué (Statistique Canada, 2002, Juristat, vol. 23, no 8). Le Canada a aussi adopté des politiques dans le but d’appuyer les initiatives des organismes d’application de la loi contre le crime organisé. En 2002, le Code criminel a été modifié pour y inclure trois nouvelles infractions et des peines plus lourdes pour les délinquants appartenant au crime organisé. On a aussi ajouté au Code criminel de nouvelles mesures destinées à protéger contre l’intimidation les personnes (avocats, policiers, personnel du système de justice pénale) et les membres de leur famille qui participent aux poursuites contre les membres du crime organisé. Cette même année, le Canada a adopté la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui vise à prévenir le trafic de personnes et qui prévoit des peines d’incarcération à perpétuité et des amendes pouvant aller jusqu’à un million de dollars pour les infractions de cette nature. D’autres mesures ont aussi été adoptées, comme la création du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), pour combattre le blanchiment d’argent, et la Loi sur l’extradition (1999), qui s’attaque à la fraude par télémarketing et par Internet. La politique antigang du Canada cible aussi les délinquants associés aux groupes du crime organisé. En 1999, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été modifiée de telle sorte que cette catégorie de délinquants ne soit plus admissible à la procédure d’examen expéditif3.
Les incidences et les conséquences de l’incarcération des membres des gangs dans les établissements correctionnels fédéraux créent une situation de plus en plus préoccupante pour le SCC. En effet, les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé sont à l’origine de divers problèmes aigus pour le SCC, comme l’intimidation, l’extorsion, la distribution de drogue dans le milieu carcéral, le recrutement et la corruption du personnel et les actes de violence dans les populations incarcérées et les populations sous surveillance dans la collectivité (Guide de l’orateur du SCC, 2004). En réponse à ces problèmes de plus en plus préoccupants, le SCC a adopté une politique définissant la procédure d’identification et de gestion des renseignements de sécurité relatifs aux organisations criminelles (SCC, Directive du commissaire no 576, 1996). Cette politique a été révisée par la suite pour tenir compte des changements apportés aux diverses lois qui régissent le SCC et pour rehausser le degré de conformité de tout le personnel du Service. Les objectifs de la politique actuelle du SCC précisent que les organisations criminelles, leurs membres et leurs associés constituent un risque important et une menace sérieuse pouvant compromettre la gestion et le fonctionnement sûrs, ordonnés et efficients des établissements carcéraux et des unités opérationnelles dans la collectivité (SCC, DC no 568-3, 2003). Pour réduire ce risque, la politique vise à empêcher les membres d’organisations criminelles et leurs associés d’exercer une influence et un pouvoir dans les établissements et dans la collectivité, et à encourager les membres des organisations criminelles et leurs associés à rompre leurs liens avec ces groupes et à les aider dans leurs efforts. La présente étudeL’objet de la présente étude consiste à fournir au SCC de l’information qui l’aidera à déterminer les tendances, les profils et les incidences opérationnelles des membres des gangs au sein de la population carcérale masculine sous responsabilité fédérale. Des analyses détaillées des facteurs de risque statique et dynamique et de la conduite correctionnelle de ce groupe de délinquants pourraient aider le SCC à trouver un juste équilibre entre les interventions auprès des délinquants et leurs efforts de réinsertion sociale, d’une part, et la gestion sûre et efficace des opérations des établissements carcéraux et des unités dans la collectivité, d’autre part. L’étude porte sur les délinquants qui appartiennent à cinq groupes de criminels, soit les groupes du crime organisé traditionnel, les bandes de motards, les gangs de rue, les gangs asiatiques et les gangs carcéraux. Les analyses ont été effectuées à diverses étapes du processus de la justice pénale, à partir du lieu de l’infraction jusqu’au résultat après la mise en liberté. L’étude présente tout d’abord un profil des délinquants sous responsabilité fédérale qui appartiennent à l’un ou à l’autre des groupes mentionnés ci-dessus. Nous avons examiné les données démographiques et chronologiques se rapportant à ces groupes de délinquants, ce qui inclut les antécédents criminels, le lieu où la sentence a été prononcée, l’âge au moment de la première incarcération dans un pénitencier, le groupe ethnique et la durée de la peine. Nous avons aussi examiné les résultats des évaluations effectuées au cours du processus d’évaluation initiale des délinquants, ce qui inclut l’évaluation du risque statique et du risque dynamique, les éléments de l’Échelle de classement par niveau de sécurité (ECNS) relatifs à l’adaptation au milieu carcéral et à la cote de risque pour la sécurité, les cotes de l’Échelle d’information statistique sur la récidive (ISR-R1), le degré de motivation et le potentiel de réinsertion sociale. Les comparaisons ont été établies en fonction d’une cohorte appariée à chacun des groupes. Chaque groupe a été apparié selon l’origine ethnique afin que les résultats soient le reflet de l’appartenance à un gang plutôt que de caractéristiques pouvant être associées à un facteur démographique particulier de la population carcérale. Le rapport examine ensuite les répercussions de la présence de membres des gangs sur les opérations du SCC. Le rapport entre les incidents dans les établissements et l’appartenance des détenus à un gang présente un intérêt particulier. Enfin, nous examinons les résultats obtenus après la mise en liberté (nouvelle condamnation ou non) chez les délinquants ayant fait l’objet d’un suivi de trois ans. L’analyse a porté notamment sur la nature des nouvelles condamnations pour déterminer si les délinquants membres de gangs s’étaient de nouveau livrés à des activités propres au crime organisé. MÉTHODEÉchantillonLa présente étude a porté sur 1 955 délinquants de sexe masculin qui, selon le Système de gestion des délinquants (SGD) du SCC, étaient membres ou proches d’une organisation criminelle. Selon la Directive du commissaire no 568-3, Identification et gestion des organisations criminelles (Service correctionnel du Canada, 2003), une procédure bien déterminée sert à établir si un délinquant fait partie d’une organisation criminelle. En premier lieu, un agent de renseignements de sécurité recueille des renseignements relatifs à l’appartenance ou à l’association soupçonnée d’un délinquant à une organisation criminelle. Ces renseignements peuvent provenir de diverses sources, comme les services de police, le procureur de la Couronne, les tribunaux, les déclarations personnelles du délinquant, le personnel des services correctionnels ou toute autre source digne de confiance. Par la suite, on prépare une fiche d’information indiquant que le délinquant est un membre ou un associé d’une organisation criminelle et on lui présente cette fiche. Cette fiche indique les sources des renseignements et les preuves de la participation du délinquant à une organisation criminelle, ce qui comprend toute preuve se rapportant à des affaires de corruption, de monopole et de violence. Cette fiche d’information, accompagnée des documents à l’appui et d’une lettre d’opposition du délinquant, le cas échéant, est ensuite transmise au directeur de l’établissement ou au directeur de district, qui examine les renseignements. Finalement, une fois que le directeur de l’établissement ou le directeur de district a approuvé l’identification du délinquant comme membre d’une organisation criminelle, les renseignements pertinents (groupe dont le délinquant fait partie, situation de membre ou d’associé au sein du groupe, etc.) sont inscrits dans le SGD. Avant l’adoption de cette procédure, qui date de janvier 2003, les délinquants étaient déclarés membres ou associés d’une organisation criminelle selon la Directive du commissaire no 576, Gestion des gangs et des organisations criminelles (Service correctionnel du Canada, 1996). Selon cette Directive, les membres et associés des gangs étaient désignés comme tels au cours du processus d’admission des délinquants et l’agent de sécurité préventive en établissement devait vérifier le bien-fondé de cette désignation d’après les critères établis dans la Directive. Ces critères comprenaient l’identification par une source sûre (comme un membre incarcére ou un membre d’un gang rival), des renseignements fournis par la police, des preuves tangibles, une déclaration personnelle d’appartenance, l’arrestation au cours d’une participation avec d’autres membres reconnus du gang, la participation aux activités du gang, une décision judiciaire confirmant que le sujet était membre d’un gang et des marques habituelles ou symboliques confirmant l’appartenance à un gang (par exemple des tatouages ou des signes distinctifs). Dans la présente étude, ces renseignements ont été utilisés pour déterminer si les délinquants sous responsabilité fédérale admis dans un établissement entre 1996 et 2003 étaient « membres » ou « non membres » d’une organisation criminelle. En ce qui concerne toutes les admissions dans un établissement fédéral entre janvier 1993 et octobre 2003, le SGD contenait des renseignements sur 1 955 délinquants de sexe masculin qui faisaient partie de l’un ou l’autre des cinq sous-groupes de gangs. Parmi ces délinquants, 46,6 % (911) faisaient partie d’une bande de motards, 24,5 % (478) faisaient partie d’un gang de rue, 17,7 % (345) d’un groupe du crime organisé traditionnel, 8,5 % (166) d’un gang asiatique et les 2,8 % restants (55) faisaient partie d’un gang carcéral. Le nombre total de délinquants membres d’un gang a été apparié à un échantillon de délinquants admis dans un établissement fédéral au cours de la même période. Dans l’échantillon composé au hasard, 80 % des délinquants ont été appariés avec l’échantillon des délinquants membres d’un gang pour ce qui est de l’origine raciale. Par exemple, comme 828 (91 %) des 911 délinquants membres d’une bande de motards étaient de race blanche, 828 délinquants non membres d’un gang ont été choisis au hasard dans un ensemble de délinquants de sexe masculin et de race blanche, tandis que les autres ont été choisis au hasard dans un groupe de délinquants de sexe masculin qui n’étaient pas de race blanche. Ce genre d’appariement avait pour but de faire en sorte que les comparaisons reflètent l’appartenance à un gang plutôt que les caractéristiques ethniques associées à un groupe démographique particulier de la population carcérale. Instruments de mesureL’évaluation initiale des délinquantsL’Évaluation initiale des délinquants (EID; Motiuk, 1997; Instructions permanentes 700-04, 2003) constitue une évaluation complète et intégrée du délinquant, que l’on effectue au moment de son admission dans le système pénitentiaire fédéral. Cette évaluation consiste à recueillir et à analyser des renseignements sur les antécédents criminels et de santé mentale de chaque délinquant, sur sa situation matrimoniale, son niveau d’instruction et d’autres facteurs servant à déterminer ses besoins et le risque criminel qu’il représente. L’EID se compose de deux éléments principaux, soit l’Évaluation du risque statique et l’Instrument de définition et d’analyse des facteurs dynamiques (IDAFD). L’évaluation initiale porte aussi sur le risque de suicide, mesuré au moyen de neuf indicateurs. L’Échelle d’information statistique sur la récidive révisée 1 (ISR-R1)L’ISR-R1 (Nuffield, 1982; Nafekh et Motiuk, 2002) est un instrument d’évaluation en 15 points qui permet d’établir la probabilité qu’un délinquant récidive au cours des trois années suivant sa mise en liberté. En mesurant les facteurs démographiques et les antécédents criminels du délinquant, l’ISR-R1 donne un score total qui varie de –30 (risque élevé) à +27 (risque très faible) et qui est ensuite réduit à cinq cotes allant de très bon (4 délinquants sur 5 ne récidivent pas dans les trois années suivant leur mise en liberté) à médiocre (1 délinquant sur 3 ne récidive pas dans les trois années suivant sa mise en liberté). L’Échelle de classement par niveau de sécurité (ECNS)L’ECNS est un instrument actuariel dérivé empiriquement qui comprend 12 points permettant de déterminer à l’admission s’il faut attribuer à un délinquant le niveau de sécurité minimal, moyen ou maximal. Les points de l’échelle sont divisés en deux groupes, soit la sous-échelle de l’adaptation au milieu carcéral (5 points) et la sous-échelle du risque pour la sécurité (7 points). Les cotes des points de chacune des sous-échelles sont additionnées et donnent la cote totale. Le niveau de sécurité obtenu augmente en fonction de l’augmentation de l’une ou de l’autre des cotes des sous-échelles. Profil du potentiel de réinsertion socialeLe profil du potentiel de réinsertion sociale (PRS) des délinquants non autochtones de sexe masculin est dressé à leur admission. Il est obtenu automatiquement d’après les résultats des trois instruments de classement décrits ci-dessus, soit les évaluations générales des facteurs statiques et dynamiques de l’EID, le risque selon l’ISR-R1 et l’Échelle de classement par niveau de sécurité. Les diverses combinaisons des trois mesures ainsi obtenues génèrent automatiquement une cote faible, modérée ou élevée du potentiel de réinsertion sociale. Par exemple, un détenu qui obtient une cote « faible » pour le risque statique et dynamique, une cote « bon » à l’ISR-R1 et une cote « minimal » à l’ECNS obtiendrait un PRS élevé, tandis que des cotes « élevé », « médiocre » et « maximal » respectivement pour ces trois mesures donneraient un PRS faible. Dans le cas des délinquants autochtones et des délinquantes, le PRS est obtenu à l’aide des évaluations générales des facteurs statiques et dynamiques de l’EID et de l’Échelle de classement par niveau de sécurité seulement; on n’utilise pas l’ISR-R1. Degré de motivationLe degré de motivation générale d’un délinquant à l’admission (faible, moyen ou élevé) en vue des interventions est déterminé par l’agent d’évaluation initiale et tient compte de divers facteurs comme le fait que le délinquant reconnaît ou non l’existence d’un problème dans son mode de vie et son comportement et les conséquences qui en résultent, le sens des responsabilités, la volonté de changer et la maîtrise des connaissances et des aptitudes nécessaires au changement ainsi que le degré de soutien externe qu’il peut obtenir de sa famille, de ses amis ou des autres membres de la collectivité. Façon de procéderPour les besoins de la présente étude, toutes les données disponibles sur les délinquants purgeant une peine de ressort fédéral ont été extraites du Système de gestion des délinquants (SGD), base de données automatisée du SCC. Les tendances à l’admission dans un établissement fédéral ont été établies d’après la proportion entre le nombre d’admissions sur mandat de dépôt de délinquants membres d’un gang et le nombre total de délinquants admis de 1996 à 2003. Des analyses du khi carré et des tests t ont servi à établir des comparaisons entre chaque sous-groupe de membres de gangs et son échantillon apparié respectif d’après un certain nombre de facteurs de risque statiques et dynamiques évalués à l’admission, comme les attitudes, les fréquentations et l’interaction sociale, l’emploi et la scolarité, la toxicomanie, la situation familiale et conjugale, le fonctionnement dans la collectivité, l’orientation personnelle et affective, les antécédents criminels et la gravité de l’infraction, de même que des facteurs démographiques comme l’âge à l’admission, la durée de la peine et les catégories d’infractions principales. Nous avons étudié les coefficients de corrélation simples de Pearson pour déterminer s’il y avait une relation entre les incidents dans les établissements et la présence de délinquants incarcérés appartenant à un gang. De plus, des analyses du khi carré ont été effectuées pour déterminer si les membres des gangs avaient participé directement à un plus grand nombre d’incidents dans les établissements que les délinquants du groupe apparié correspondant. Enfin, des analyses du khi carré et des analyses de régression logistique ont servi à déterminer s’il existait des différences notables entre les groupes en ce qui concerne certaines mesures de résultats, notamment les résultats après la mise en liberté. Le Fichier de conversion des codes postaux (FCCP) de Statistique Canada a servi à déterminer le lieu des infractions. Pour ce faire, nous avons rapproché les codes postaux des tribunaux qui ont imposé les peines et leur FCCP correspondant pour déterminer la région, la province, la ville et la classification des secteurs statistiques (CSS) de l’infraction. Les CSS correspondent à des zones géographiques établies d’après le nombre d’habitants et la densité de la population selon les données du Recensement du Canada de 2001. Ces zones sont classées en tant que composantes d’une région métropolitaine de recensement (RMR), d’une agglomération de recensement (AR), d’une zone d’influence ou d’un territoire. Dans la présente étude, nous nous sommes servis des CSS pour déterminer dans quelle ville l’infraction avait été commise et si elle avait été commise dans un milieu urbain ou rural ou ailleurs. Ce classement géographique suppose que les délinquants ont été condamnés par le tribunal situé le plus près de l’endroit où l’infraction a été commise.
RÉSULTATSTendances chronologiques des admissions et des incarcérations dans les établissements fédérauxNous avons examiné, pour la période de 1996 à 2003, la proportion d’admissions sur mandat de dépôt de délinquants membres d’un gang dans les établissements fédéraux. Les résultats montrent qu’en général le nombre d’admissions de membres de gangs a diminué régulièrement de 1996 à 1999, s’est ensuite élevé jusqu’à un sommet en 2002, puis s’est remis à décroître en 2003. L’augmentation observée de 2000 à 2002 a été plus forte dans le sous-groupe des bandes de motards. Bien qu’elle soit principalement attribuable au sous-groupe des bandes de motards, la tendance des admissions sur mandat de dépôt dans les établissements fédéraux est aussi influencée par les sous-groupes des gangs de rue et des gangs asiatiques (voir le tableau 1 et la figure 1). Fait intéressant, la tendance des admissions des membres du crime organisé traditionnel est typiquement opposée à la tendance générale et elle a augmenté de 2001 à 2003.
Figure 1 : Proportion des nouvelles admissions de membres des groupes du crime organisé (1996-2003)
Analyse de la situation quotidienneNous avons effectué une analyse instantanée afin d’avoir une idée plus précise de la situation à n’importe quel jour au cours de la période de 1996 à 2003. Dans l’ensemble, la proportion de délinquants incarcérés appartenant à un groupe du crime organisé a augmenté jusqu’en 1999, a diminué légèrement en 2000 et 2001 et a augmenté de nouveau en 2002 et 2003 (voir le tableau 2 et la figure 2). Cette situation peut être attribuée à l’addition progressive des délinquants appartenant à un gang dans le système carcéral. Ces délinquants purgent généralement des peines plus longues que ceux qui n’appartiennent pas à un gang. De plus, selon la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, les délinquants appartenant à un gang ne sont pas admissibles à la procédure d’examen expéditif. Le portrait général des délinquants membres d’un gang est similaire dans le cas des bandes de motards et des groupes du crime organisé traditionnel. Par contre, la proportion des délinquants membres d’un gang asiatique a augmenté de 1996 à 1998, est restée stable pendant quelques années et a diminué en 2003. La proportion des délinquants incarcérés appartenant à un gang de rue a diminué constamment de 1996 à 1999, puis est demeurée stable jusqu’en 2003, tandis que la proportion de délinquants incarcérés appartenant à un gang carcéral est restée stable pendant toute la période considérée.
Figure 2 : Proportion des délinquants incarcérés appartenant à un groupe du crime organisé (1996-2003)
Profil ethniqueLes membres des gangs étaient surtout de race blanche (67,9 %), les bandes de motards, les gangs carcéraux et les groupes du crime organisé traditionnel étant composés en majorité d’individus de race blanche (voir le tableau 3). Comparativement au groupe des gangs carcéraux, qui étaient composés uniquement de détenus de race blanche et de détenus autochtones, on observe plus de diversité ethnique dans les gangs de rue, composés de délinquants afro-canadiens (37,1 %), de délinquants de race blanche (28,7 %) et de délinquants autochtones (20,4 %). Notons que les délinquants afro-canadiens, qui représentent 6,4 % de toutes les admissions sur mandat de dépôt de 1993 à 2003, constituaient 10,1 % des délinquants appartenant à un gang et 37,1 % des délinquants appartenant à un gang de rue admis au cours de la même période.
Profil géographiqueL’endroit où la sentence a été prononcée a servi de variable proximale pour déterminer à quel endroit les délinquants appartenant à un gang ont commis leurs infractions. Dans l’ensemble, 80 % des crimes commis par des membres de gangs au Canada l’ont été dans 20 localités (grandes et petites villes, etc.; voir le tableau 4). Les résultats de cette analyse montrent que les membres des gangs ont commis leurs infractions dans de grandes villes qui, on peut supposer, correspondent à la région où ils étaient le plus susceptibles de commettre leurs infractions. Ainsi, les membres des bandes de motards et les membres des groupes du crime organisé traditionnel ont commis la plupart de leurs infractions dans les villes de Montréal et de Québec. Plus de la moitié (55,9 %) des infractions commises par les membres de gangs l’ont été dans la région du Québec; viennent ensuite, dans l’ordre, les régions des Prairies (19,9 %), de l’Ontario (13,2 %), du Pacifique (6,8 %) et de l’Atlantique (4,2 %). Les comparaisons entre les sous-groupes de gangs et les échantillons qui leur sont respectivement appariés font ressortir des différences importantes dans les schémas d’infractions à l’échelle régionale. Les membres des bandes de motards et des groupes du crime organisé traditionnel étaient plus susceptibles que les délinquants n’appartenant pas à un gang d’avoir commis leurs infractions au Québec (70,1 % contre 25,3 %, χ² (1, N = 1 323) = 284,32, p<0,001 et 88,0 % contre 23,7 %, χ² (1, N = 529) = 237,31, p<0,001, respectivement). Les membres des gangs asiatiques étaient plus susceptibles d’avoir commis leurs infractions dans les régions du Pacifique et du Québec (28,9 % contre 15,8 % et 13,2 % contre 3,8 %, χ² (1, N = 317) = 32,95, p<0,001). Les membres des gangs de rue étaient beaucoup plus susceptibles d’avoir commis leurs infractions dans les régions des Prairies et du Québec (38,6 % contre 26,9 % et 33,7 % contre 12,9 %, χ² (1, N = 805) = 103,05, p<0,001). Aucune différence significative ne ressort de la comparaison entre les membres des gangs carcéraux et les délinquants qui n’en étaient pas membres en ce qui concerne la région où a été commise l’infraction.
Par la suite, les données de Statistique Canada ont été utilisées pour déterminer s’il y avait un rapport entre le lieu où l’infraction avait été commise et la taille et la densité de la population. Pour les besoins de cette analyse, trois regroupements géographiques ont été créés d’après la classification des secteurs statistiques (CSS) : les régions métropolitaines de recensement (RMR), dont la population recensée compte au moins 100 000 habitants, les agglomérations de recensement (AR), dont la population recensée compte moins de 100 000 habitants, mais plus de 10 000, et les régions rurales, dont la population recensée compte moins de 10 000 habitants. Comparés aux délinquants des groupes appariés, les membres des gangs étaient plus susceptibles d’avoir commis des infractions dans des secteurs géographiques où la population est plus nombreuse et plus dense (voir le tableau 5).
Nota : degré de liberté pour chaque test = 2. *p <0,05, **p < 0,01, ***p <0,001 Profil démographiqueComparativement aux délinquants non membres d’un gang, ceux qui appartenaient à un gang étaient plus jeunes quand ils ont été admis pour la première fois dans un établissement fédéral (Mgang==31, Mnongang==33 ans; t (3908) = 5,51, p<0,001) et devaient purger des peines plus longues (Mgang=4,4, Mnongang==3,3 ans; t (3908) = -12,08, p<0,001). L’examen de chacun des cinq sous-groupes de gangs fait ressortir une variation entre eux et des différences avec leur échantillon apparié respectif. On constate plus particulièrement que les délinquants appartenant aux gangs asiatiques et aux bandes de motards étaient plus jeunes à l’admission (29 contre 31, t (330) = 1,85, p>0,05 et 33 contre 34, t (1820) = 2,55, p<0,05 respectivement) et devaient purger en moyenne des peines plus longues d’une année comparativement à leur groupe apparié (4,9 contre 3,9, t (330) = -2,45, p<0,05 et 4,0 contre 3,2, t (1820) = -7,00, p<0,001, respectivement). En comparaison, les membres d’un groupe du crime organisé traditionnel étaient plus âgés (40 contre 34, t (692) = -8,27, p<0,001) et devaient purger des peines plus de deux fois plus longues que les délinquants du groupe apparié (6,3 ans contre 3,0 ans, t (692) = -12,53, p<0,001). Les délinquants membres des gangs de rue et des gangs carcéraux, pour leur part, étaient beaucoup plus jeunes que les délinquants des groupes appariés (23 contre 31, t (950) = 16,69, p<0,001 et 25 contre 34, t (108) = 5,57, p<0,001, respectivement). Cette différence peut être attribuable à la proportion élevée de délinquants autochtones dans ces groupes. En effet, la population autochtone du Canada est beaucoup plus jeune que la population non autochtone (les médianes sont de 24,7 ans contre 37,7 ans; Statistique Canada, 2001). Cette situation s’observe aussi dans l’ensemble de la population carcérale sous responsabilité fédérale, où les médianes sont de 28,4 ans contre 31,3 ans. Il n’y a, par contre, aucune différence significative en ce qui concerne la durée des peines des délinquants appartenant aux gangs de rue et aux gangs carcéraux. Infraction à l’origine de la peine actuelleL’examen des données sur les infractions à l’origine de la peine actuelle de ressort fédéral montre que les délinquants appartenant à un gang étaient plus susceptibles que les délinquants des groupes appariés d’avoir été condamnés pour trafic de drogue (38,3 % contre 19,8 %, p<0,001), pour possession de drogue (9,0 % contre 6,2 %, p<0,01) et pour des infractions liées aux armes (19,6 % contre 5,4 %, p<0,001). Les délinquants appartenant à un gang étaient aussi moins susceptibles d’avoir déjà été condamnés pour des agressions sexuelles. Il n’y a pas de différence entre les deux catégories de délinquants en ce qui concerne les homicides (voir le tableau 6). Nous avons aussi étudié les différences des types d’infractions commises par les délinquants appartenant à chacun des sous-groupes et par les délinquants des échantillons appariés respectifs. Dans l’ensemble, les délinquants de chacun des sous-groupes étaient moins susceptibles d’avoir été condamnés pour une agression sexuelle que les délinquants des échantillons correspondants. Les analyses ont aussi fait ressortir des différences dans les catégories d’infractions selon les sous-groupes, ce qui laisse supposer que ces sous-groupes se spécialisent dans certains types d’actes criminels. Ainsi, les délinquants appartenant aux gangs de rue étaient plus susceptibles d’avoir été condamnés pour des infractions avec violence, comme l’homicide, le vol qualifié et des infractions commises avec une arme. Les délinquants membres d’un gang carcéral étaient aussi plus susceptibles d’avoir été condamnés pour des infractions avec violence, comme le vol qualifié. Les délinquants membres d’une bande de motards, pour leur part, ont des activités criminelles plus diversifiées et étaient plus susceptibles d’avoir été condamnés pour trafic de drogue, possession de drogue et des infractions liées aux armes. Les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel étaient plus de deux fois plus susceptibles d’avoir été condamnés pour une infraction liée au trafic de drogue que les délinquants du groupe apparié, mais ils étaient nettement moins susceptibles d’avoir été condamnés pour une infraction avec violence (voir le tableau 6). Le fait que les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel soient nettement plus susceptibles d’avoir été condamnés pour trafic de drogue, combiné à la tendance suivant laquelle le taux d’incarcération de ces délinquants est en hausse, comme nous l’avons mentionné précédemment, confirme que les initiatives antigangs comme le CANAFE parviennent à déstabiliser ce groupe dans ses activités de blanchiment des produits du trafic des drogues illicites.
Nota : degré de liberté pour chaque test = 1. *p<0,05, **p<0,01, ***p<0,001. Évaluation initialeDans l’ensemble, comparativement aux délinquants n’appartenant pas à un gang, les délinquants membres d’un gang étaient plus susceptibles d’obtenir une cote faible pour leur potentiel de réinsertion sociale et une cote faible pour leur degré de motivation (23,3 % contre 18,7 %, p<0,01 et 21,6 % contre 13,6 %, p<0,001, respectivement). Les membres d’un gang étaient aussi moins susceptibles d’obtenir une cote de risque élevée à l’échelle d’ISR-R1 (21,0 % contre 25,6 %, p<0,01). Il n’y avait pas de différence entre les délinquants appartenant à un gang et les délinquants n’appartenant pas à un gang en ce qui concerne les cotes de sécurité maximale et les degrés de risque statique et dynamique (voir le tableau 7). Les cotes attribuées aux délinquants de chaque sous-groupe de gangs ont été comparées à celles des délinquants du groupe apparié correspondant. Ces comparaisons ont donné des résultats qui confirment que le profil d’un délinquant membre d’un gang dépend dans une large mesure du fait qu’il appartient à un gang. Par exemple, les membres d’un gang de rue étaient plus susceptibles d’obtenir des cotes de risque statique et de risque dynamique plus élevées que les délinquants non membres d’un gang. Leur degré de motivation et leur potentiel de réinsertion sociale à l’admission étaient aussi plus faibles. De plus, les délinquants membres d’un gang de rue étaient nettement plus susceptibles d’obtenir une cote de sécurité maximale à l’ECNS et une cote de risque de récidive plus élevée à l’échelle d’ISR-R1. L’analyse des données sur les délinquants appartenant à un gang carcéral donne des résultats similaires (voir le tableau 7). Ce n’est pas étonnant, car les résultats précédents ont montré que ces sous-groupes étaient nettement plus susceptibles de purger une peine de ressort fédéral pour une infraction accompagnée de violence. Inversement, les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel étaient beaucoup plus susceptibles d’obtenir une cote de risque statique et de risque dynamique nettement plus faible, une cote du potentiel de réinsertion sociale plus élevée et une cote de risque de récidive peu élevée à l’échelle d’ISR-R1. C’est un résultat auquel on pouvait s’attendre, étant donné la nature statique de ces évaluations et le peu d’antécédents criminels des membres de ce sous-groupe. En effet, ceux-ci étaient moins susceptibles d’avoir commis des infractions avec violence et d’avoir des antécédents criminels comprenant des condamnations par des tribunaux pour adolescents ou pour adultes (voir la section portant sur l’évaluation des facteurs statiques). Comme les délinquants membres d’une bande de motards avaient des habitudes criminelles semblables à celles des gangs de rue, des gangs carcéraux et des groupes du crime organisé traditionnel, il n’a pas été étonnant de constater qu’il y avait des différences significatives constantes entre ces sous-groupes et leurs groupes de comparaison appariés en ce qui concerne les cotes générales du risque statique et du risque dynamique, les cotes de l’ECNS et les cotes du degré de motivation. Enfin, la comparaison de ces facteurs chez les délinquants appartenant à un gang asiatique a montré que ceux-ci étaient nettement plus susceptibles que les délinquants du groupe de comparaison apparié d’obtenir des cotes plus élevées pour le risque statique et le risque dynamique. La comparaison des autres facteurs n’a fait ressortir aucune différence significative.
Nota : degré de liberté pour chaque test = 1. *p<0,05, **p<0,01, ***p<0,001.
Définition et analyse des facteurs dynamiquesL’instrument de définition et d’analyse des facteurs dynamiques sert à évaluer les délinquants selon sept facteurs dynamiques, soit l’emploi et la scolarité, les relations familiales et conjugales, les fréquentations et l’interaction sociale, la toxicomanie, le fonctionnement dans la collectivité, l’orientation personnelle et affective et l’attitude. Chaque facteur dynamique est évalué selon une échelle à trois ou quatre cotes qui vont de « aucun besoin immédiat d’amélioration » à « besoin manifeste d’amélioration ». Les délinquants qui obtiennent les cotes « besoin modéré » ou « besoin manifeste » dans un domaine ou un autre reçoivent généralement un traitement visant à répondre à ce besoin. Le tableau 8 montre les résultats de la comparaison des cotes d’évaluation des facteurs de risque dynamiques à l’admission attribuées aux délinquants appartenant à un gang en général, divisés ensuite par sous-groupe de gangs. En général, les délinquants membres d’un gang étaient nettement plus susceptibles d’éprouver des besoins dans le domaine des fréquentations et de l’interaction sociale (88,9 % contre 61 %, p<0,001) et de l’attitude (72,7 % contre 51,9 %, p<0,001). Ils étaient aussi nettement moins susceptibles d’éprouver des besoins dans le domaine de l’emploi et de la scolarité (50,6 % contre 57,2 %, p<0,01), des relations familiales et conjugales (25 % contre 41,3 %, p<0,001), de la toxicomanie (43,6 % contre 61,6 %, p<0,001), du fonctionnement dans la collectivité (29,2 % contre 38,8 %, p<0,001) et de l’orientation personnelle et affective (68,9 % contre 51,9 %, p<0,001). Les besoins dans le domaine des « fréquentations » et de l’« attitude » étaient uniformes dans toutes les comparaisons avec les groupes appariés. Les analyses des différents sous-groupes de gangs ont montré que les besoins définis différaient de ceux des gangs considérés dans leur ensemble. Les délinquants appartenant aux gangs de rue et aux gangs carcéraux étaient plus susceptibles d’éprouver des besoins dans le domaine de l’emploi et de la scolarité que les délinquants des groupes appariés correspondants. Fait intéressant, les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel étaient nettement moins susceptibles d’éprouver des besoins dans le domaine de l’emploi et de la scolarité, des relations familiales et conjugales, de la toxicomanie, du fonctionnement dans la collectivité et de l’orientation personnelle et affective que les délinquants du groupe de comparaison apparié. Les délinquants appartenant à une bande de motards présentaient des tendances similaires, tandis que les délinquants membres d’un gang de rue éprouvaient moins de besoins dans le domaine du fonctionnement dans la collectivité et de l’orientation personnelle et affective.
Nota : degré de liberté pour chaque test = 1. *p<0,05, **p<0,01, ***p<0,001.
Évaluation des facteurs statiquesL’évaluation initiale des délinquants permet de recueillir des renseignements détaillés sur les antécédents criminels de chaque délinquant (condamnations par les tribunaux pour adolescents et les tribunaux pour adultes) et sur ses antécédents d’infractions avec violence. Dans l’ensemble, il n’y avait pas de différence notable entre les délinquants appartenant à un gang et les délinquants des groupes appariés en ce qui concerne un grand nombre d’infractions; les différences étaient plus susceptibles de se manifester dans le domaine des antécédents de jeune contrevenant. L’analyse détaillée de chacun des sous-groupes de gangs permet de faire ressortir plusieurs différences en ce qui concerne les antécédents criminels des délinquants (voir le tableau 9). En particulier, les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel étaient nettement moins susceptibles d’avoir des antécédents d’infractions avec violence et d’avoir été condamnés par les tribunaux pour adolescents ou pour adultes que les délinquants du groupe de comparaison apparié. Il en était de même pour les délinquants appartenant à un gang de rue. Par contre, les délinquants appartenant à un gang carcéral étaient plus susceptibles d’avoir des antécédents d’infractions avec violence et d’avoir été condamnés par les tribunaux pour adolescents que les délinquants du groupe de comparaison apparié. Enfin, les délinquants appartenant à une bande de motards étaient nettement plus susceptibles d’avoir déjà été condamnés par les tribunaux pour adultes, tandis qu’il y avait peu de différence en cette matière entre les délinquants membres d’un gang asiatique et ceux du groupe de comparaison apparié.
Nota : degré de liberté pour chaque test = 1. *p<0,05, **p<0,01, ***p<0,001.
Influence des membres de gangs sur les incidents dans les établissementsDans cette étude, nous avons aussi examiné le rapport entre la fréquence des incidents dans les établissements et la proportion de délinquants incarcérés appartenant à un gang afin d’évaluer dans quelle mesure la présence de membres de gangs pouvait exercer une influence sur les incidents. À cette fin, nous avons comparé le pourcentage mensuel d’agressions contre le personnel et les autres détenus, de saisies d’alcool/broue et d’objets interdits liés aux drogues à la proportion de détenus appartenant à un gang, le premier jour de chaque mois, de janvier 1996 à octobre 2003. Comme il n’est pas possible d’établir si les membres de gangs étaient directement ou indirectement impliqués dans ces incidents, nous avons analysé l’importance du rapport entre les incidents dans les établissements et la présence de gangs en général, d’une part, ainsi que le degré de participation directe des membres de gangs à ces incidents, d’autre part. Nous avons calculé les coefficients de corrélation simples de Pearson au moyen d’analyses globales dans lesquelles le nombre d’incidents dans les établissements et la proportion de délinquants membres de gangs représentaient les événements survenus au cours d’une période de six ans. Les résultats ont montré qu’il existait une forte relation entre les incidents importants dans les établissements et la proportion de délinquants membres d’un gang qui étaient incarcérés au même moment (voir le tableau 10). La force de cette relation varie cependant selon les sous-groupes de gangs. Il y avait une relation positive entre les saisies d’objets interdits liés aux drogues et la proportion de délinquants appartenant à une bande de motards et à un groupe du crime organisé traditionnel, respectivement. Cette relation n’existait pas dans le cas des autres sous-groupes de gangs, mais dans le cas de ces derniers il y avait une relation de même nature en ce qui concerne les saisies d’alcool/broue. Il est important de souligner que le rapport entre les agressions et la proportion de membres d’un gang, dans le cas du sous-groupe du crime organisé traditionnel, était contraire à celui de tous les autres sous-groupes. Plus précisément, il y avait une relation inverse avec les agressions contre les détenus ou les membres du personnel dans le cas de ce sous-groupe, tandis que la relation était positive dans le cas de tous les autres sous-groupes (voir le tableau 10). Cette situation s’explique peut-être par le fait que les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel étaient moins susceptibles d’obtenir une cote de sécurité maximale à l’admission.
Nota : * p<0,05, ** p<0,01, *** p<0,001 Conformément à la mission qui lui est confiée, le SCC a recours aux mesures le moins restrictives possible tout en assurant la protection de son personnel et des délinquants. C’est pourquoi les délinquants auxquels on attribue une cote de risque faible aux sous-échelles de l’adaptation au milieu carcéral et du risque pour la sécurité de l’ECNS sont généralement incarcérés dans un établissement à sécurité minimale. Par conséquent, on devrait normalement s’attendre à ce que les agressions soient moins nombreuses dans les établissements à sécurité minimale. Quand on examine le rapport entre la présence de délinquants appartenant à un gang et les incidents dans les établissements à sécurité minimale, moyenne et maximale, on n’observe aucune relation significative entre l’appartenance à un gang en général et les actes d’agression dans les établissements à sécurité minimale (voir le tableau 11). Par contre, l’examen détaillé des sous-groupes de gangs fait ressortir une légère corrélation entre la présence de délinquants membres d’un groupe du crime organisé traditionnel et les agressions contre le personnel dans les établissements à sécurité minimale ainsi qu’une corrélation plus forte entre la présence de délinquants membres d’un gang carcéral et les agressions contre les détenus dans les établissements à sécurité minimale. Les agressions contre le personnel sont associées de façon significative à la présence de membres de gangs en général et à la présence de membres de bandes de motards et de gangs de rue dans les établissements à sécurité moyenne. La présence de membres de gangs en général est aussi associée de façon significative aux agressions contre les détenus, mais à un degré moindre, tandis que la présence de membres de gangs asiatiques est associée de façon significative aux agressions contre les détenus. Fait intéressant, la présence de membres d’un groupe du crime organisé traditionnel dans les établissements à sécurité moyenne est inversement associée de façon significative aux agressions contre le personnel et contre les détenus. L’examen du rapport entre la présence de membres de gangs et les incidents dans les établissements à sécurité maximale montre qu’il y a en général une corrélation significative entre la présence de ces détenus et tous les types d’incidents (voir le tableau 11). Les agressions contre le personnel sont le plus fortement corrélées avec la présence de membres de bandes de motards et de gangs carcéraux, tandis que la présence de membres de bandes de motards et de gangs de rue est corrélée de la façon la plus significative avec les agressions contre les détenus, les saisies de drogues et les saisies d’alcool/broue.
Nota : * p<0,05, ** p<0,01, *** p<0,001 Des analyses du khi carré ont servi à déterminer si le nombre d’incidents dans les établissements auxquels les délinquants membres d’un gang ont participé directement différait du nombre d’incidents auxquels ont participé les délinquants n’appartenant pas à un gang. Le tableau 12 présente les valeurs de khi carré obtenues et la proportion de chaque sous-groupe ayant participé directement aux incidents dans les établissements. Ces résultats montrent que dans l’ensemble les délinquants appartenant à un gang étaient nettement plus susceptibles d’avoir participé aux agressions contre d’autres détenus (χ² (1, N = 3 910) = 39,87, p<0,001), nettement plus susceptibles d’avoir participé directement aux agressions contre le personnel (χ² (1, N = 3910) = 4,86, p<0,05) et nettement plus susceptibles d’avoir fait l’objet de saisies d’objets interdits liés aux drogues (χ² (1, N = 3 910) = 16,27, p<0,001). L’examen de la participation directe aux incidents dans les établissements selon les sous-groupes de gangs fournit des résultats intéressants. Comparativement à leur groupe apparié respectif, les délinquants appartenant à un gang asiatique étaient plus susceptibles d’avoir fait l’objet de saisies de drogues ou d’alcool, tandis que les délinquants appartenant à une bande de motards étaient plus susceptibles d’avoir participé à des agressions contre d’autres détenus. Comparativement à leur groupe apparié, les délinquants appartenant à un gang carcéral étaient plus susceptibles d’avoir participé directement aux agressions contre le personnel et d’autres détenus et d’avoir fait l’objet de saisies d’alcool. Enfin, les délinquants appartenant à un gang de rue étaient nettement plus susceptibles que ceux du groupe apparié d’avoir été mêlés directement aux quatre types d’incidents, tandis que les délinquants membres d’un groupe du crime organisé traditionnel étaient nettement moins susceptibles que ceux du groupe apparié d’avoir été mêlés directement aux quatre types d’incidents dans les établissements (voir le tableau 12).
Nota : degré de liberté pour chaque test = 1. *p<0,05, **p<0,01, ***p<0,001.
Nouvelles condamnations après la mise en libertéNous avons examiné les nouvelles condamnations chez tous les délinquants de l’échantillon qui ont été remis en liberté, en utilisant les données disponibles sur une période de suivi de trois ans (N = 2 584). Pour établir si le risque de récidive avait une incidence significative sur le taux des nouvelles condamnations, nous avons effectué des analyses portant sur l’origine ethnique et le risque, et sur l’origine ethnique seulement. Les résultats des analyses portant sur le risque n’ont révélé aucune différence significative. Dans l’ensemble, il n’y avait pas de différence significative entre les sous-groupes de gangs pris collectivement et les groupes de comparaison en ce qui concerne les nouvelles condamnations (χ² (1, N = 2 584) = 2,24, p = 0,13). Par contre, les délinquants appartenant à certains sous-groupes de gangs étaient plus susceptibles d’avoir été condamnés de nouveau que les délinquants des groupes appariés correspondants. Les délinquants membres d’un gang asiatique ou d’un gang de rue, notamment, étaient plus susceptibles d’avoir été condamnés de nouveau après leur mise en liberté. Il n’y avait pas de différence significative entre les délinquants appartenant à un gang et les délinquants n’appartenant pas à un gang en ce qui concerne les nouvelles condamnations en général, mais il y avait des différences significatives pour certains types de nouvelles condamnations. Dans l’ensemble en effet, les délinquants membres d’un gang étaient nettement plus susceptibles que les délinquants n’appartenant pas à un gang de commettre de nouvelles infractions liées au trafic de drogue et de commettre un nouveau crime en utilisant une arme (voir le tableau 13). Ces résultats confirment les schémas criminels établis à l’admission chez les délinquants membres d’une organisation criminelle et leurs associés. Par contre, les délinquants appartenant à un gang étaient nettement moins susceptibles de commettre une nouvelle infraction sexuelle. Ce résultat n’est pas étonnant si l’on tient compte des résultats déjà cités montrant que ces délinquants sont moins susceptibles d’être des délinquants sexuels. Les différences entre les nouvelles condamnations chez les délinquants appartenant à un gang et les délinquants n’appartenant pas à un gang ont aussi été analysées selon les sous-groupes de gangs. Les délinquants membres d’une bande de motards et les délinquants membres d’un gang de rue étaient nettement plus susceptibles que ceux de leur groupe apparié respectif d’être condamnés de nouveau pour une infraction liée aux armes. Les délinquants membres d’un gang de rue et les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel étaient aussi nettement plus susceptibles que ceux de leur groupe apparié d’être de nouveau condamnés pour une infraction liée au trafic de drogue.
Nota : degré de liberté pour chaque test = 1. *p<0,05, **p<0,01, ***p<0,001.
Conditions spécialesDans cette étude, nous avons aussi examiné les conditions spéciales imposées aux délinquants membres d’un gang lorsqu’ils étaient remis en liberté et nous les avons comparées aux conditions imposées aux délinquants qui n’appartenaient pas à un gang. Les résultats de cette analyse sont présentés au tableau 14. Dans l’ensemble, les délinquants appartenant à un gang étaient nettement plus susceptibles d’être soumis à des conditions spéciales leur interdisant de fréquenter certaines personnes et certains endroits. Ils étaient aussi nettement plus susceptibles d’être contraints de ne pas résider dans certains secteurs et d’être soumis à « d’autres » conditions. Par contre, ils étaient nettement moins susceptibles que les autres délinquants d’être contraints de suivre des séances de counseling ou un plan de traitement et de s’abstenir de consommer de l’alcool et de la drogue. L’examen des conditions imposées aux délinquants des différents sous-groupes de gangs montre que « éviter de fréquenter certaines personnes » était la condition spéciale qui leur était le plus souvent imposée, à l’exception des membres des gangs carcéraux, qui devaient le plus souvent s’abstenir de consommer des substances intoxicantes. Même si on exige souvent des délinquants appartenant à un gang qu’ils évitent de fréquenter certaines personnes, seuls les délinquants appartenant à une bande de motards ou à un groupe du crime organisé traditionnel différaient significativement de leur groupe de comparaison apparié en ce qui concerne la fréquence de cette condition. Les délinquants membres d’une bande de motards, d’un gang de rue ou d’un groupe du crime organisé traditionnel étaient plus souvent susceptibles de devoir éviter de fréquenter certains endroits, tandis que les membres d’un gang asiatique et les membres d’un gang de rue étaient plus souvent susceptibles de devoir éviter de consommer des substances intoxicantes, comparativement à leur groupe de comparaison apparié. Enfin, les délinquants appartenant à un gang de rue étaient plus susceptibles de devoir résider dans un endroit particulier, tandis que les délinquants membres d’un groupe du crime organisé traditionnel étaient plus susceptibles de se voir imposer une condition « autre » que les délinquants du groupe apparié.
Nota: degré de liberté pour chaque test = 1. *p<0,05, **p<0,01, ***p<0,001. ANALYSEL’objet de la présente étude était de fournir au SCC de l’information sur les tendances, les profils, les incidences opérationnelles et les résultats après la mise en liberté des délinquants sous responsabilité fédérale qui font partie d’un groupe du crime organisé. Les taux d’incarcération annuels des délinquants appartenant à un gang révèlent une augmentation récente des activités des gangs au Canada, de 2000 à 2002, et particulièrement des bandes de motards et des groupes du crime organisé traditionnel. Cette hausse des taux d’incarcération peut être attribuée aux mesures de répression visant à déstabiliser les bandes de motards rivales au Québec au cours de la même période et au succès des initiatives portant sur les infractions propres à cette catégorie de criminels. De plus, l’augmentation du nombre de délinquants incarcérés appartenant à un gang traditionnel depuis 2000 coïncide avec la création du CANAFE, une unité de renseignement financier du gouvernement canadien chargée de faciliter les enquêtes sur les infractions liées au blanchiment d’argent et les poursuites qui en découlent. Depuis quelques années, la proportion de détenus sous responsabilité fédérale qui appartiennent à un groupe du crime organisé est en hausse. Cette augmentation peut être attribuée aux politiques adoptées pour lutter contre le crime organisé, mais aussi à l’effet cumulatif des peines plus longues et au resserrement des possibilités de libération conditionnelle pour les délinquants appartenant à un gang. Le profil géographique des activités des membres de gangs incarcérés confirme les résultats des recherches antérieures sur le crime organisé en général effectuées par le Service canadien de renseignements criminels (SCRC), qui ont montré que les bandes de motards étaient généralement présentes dans les régions urbaines du centre du Canada et de la région de l’Atlantique, que les gangs asiatiques étaient actifs dans les régions de l’Ontario et du Pacifique (et de plus en plus au Québec) et que les groupes du crime organisé traditionnel étaient plus susceptibles d’être présents dans les régions urbaines du Québec (SCRC, 2003). L’étude a permis de constater qu’en général les délinquants appartenant à un gang étaient plus jeunes au moment de leur admission et purgeaient des peines plus longues que les délinquants des groupes appariés. Ce durcissement des peines imposées aux membres de gangs fait suite aux initiatives récentes (comme les modifications apportées au Code criminel en 2002) adoptées pour lutter contre le crime organisé. De plus, les délinquants membres de gangs étaient plus susceptibles d’avoir été condamnés pour des infractions liées à la drogue (possession et trafic) et pour des infractions liées aux armes, ce qui confirme les rapports du SCRC selon lesquels le trafic de drogue et le trafic des armes sont deux des activités les plus courantes des gangs criminels (SCRC, 2003). Les délinquants incarcérés appartenant à un gang étaient plus susceptibles d’obtenir une cote du risque de récidive élevée, une cote du potentiel de réinsertion sociale faible et une cote du degré de motivation faible. Ils étaient plus susceptibles d’éprouver des besoins dynamiques dans le domaine des fréquentations et des attitudes criminelles et plus susceptibles aussi d’avoir été condamnés par les tribunaux pour adolescents. Ces résultats sont bien le reflet du mode de vie typique des membres de gangs. Les recherches ont montré que les membres de gangs sont jeunes quand ils s’y joignent et qu’ils en restent membres toute leur vie. Ils ne sont pas susceptibles de quitter le gang et de réintégrer la société « normale » et rien ne les motive à le faire. Leurs amis et leurs fréquentations appartiennent aussi au gang et ont les mêmes attitudes criminelles (Kenney et Finckenauer, 1995). L’étude a aussi permis de dégager plusieurs différences entre les sous-groupes de gangs qui font ressortir des profils de délinquants particuliers propres à chacun de ces sous-groupes. Par exemple, quand on les compare à leur groupe apparié, les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel étaient plus âgés à l’admission et moins susceptibles d’avoir été condamnés par un tribunal pour adolescents ou pour adultes, ils obtenaient généralement de meilleures cotes pour le risque statique et le risque dynamique et ils étaient plus susceptibles de purger des peines plus longues pour des infractions liées à la drogue. Ces observations nous font croire que l’appartenance à un gang assurait un certain degré de stabilité à ces délinquants dans ces domaines de besoins. Par contre, les délinquants membres d’un gang de rue ou d’un gang carcéral étaient plus jeunes à l’admission, ils étaient plus susceptibles d’avoir commis des infractions avec violence et d’avoir été condamnés par un tribunal pour adolescents ou un tribunal pour adultes, ils avaient généralement obtenu des cotes plus faibles de risque statique et de risque dynamique et ils étaient plus susceptibles de purger une peine pour une ou des infractions avec violence. Les délinquants appartenant à une bande de motards, pour leur part, semblaient se situer à mi-chemin entre ces deux profils : ils étaient plus jeunes à l’admission, ils étaient plus susceptibles d’avoir déjà été condamnés par un tribunal pour adultes et ils étaient plus susceptibles de purger une peine pour une infraction avec violence ou une infraction liée au trafic de drogue. Les différences étaient moins sensibles entre les délinquants appartenant à un gang asiatique et les délinquants du groupe apparié, ce qui permet de penser qu’il faudrait poursuivre les recherches sur ces membres de la population carcérale fédérale. Les différences que l’on observe entre les délinquants appartenant aux différents sous-groupes de gangs permettent de croire qu’il faudrait adopter des initiatives différentes dans les établissements et dans la collectivité pour prévenir et combattre l’appartenance aux gangs. Les profils particuliers des délinquants membres des gangs de rue et des gangs carcéraux, qui comportent une probabilité accrue d’infractions avec violence, nous permettent de croire que ces sous-groupes poursuivent, dans leurs activités criminelles, des objectifs différents de ceux des autres groupes du crime organisé. D’ailleurs, les études portant sur le crime organisé démontrent que les actes criminels des gangs de rue diffèrent des actes criminels des autres groupes du crime organisé : ils sont « soudains, souvent inexplicables, et se caractérisent par une éruption brutale de violence (p. 286), leur revendication politique et sociale plutôt que financière et leur improvisation » (Kenney et Finckenauer, 1995). On a supposé que l’augmentation de la proportion de délinquants appartenant au crime organisé dans les établissements pouvait être liée à l’augmentation du nombre de détenus condamnés pour des infractions avec violence et des infractions liées au trafic de drogue et, par ricochet, à l’augmentation du nombre d’agressions et de saisies de drogue dans les établissements. Des analyses préliminaires ont montré que la présence de délinquants appartenant à un gang dans les établissements était liée à plusieurs types d’incidents, et surtout aux agressions contre le personnel. Cette relation est toutefois encore plus forte en ce qui concerne certaines catégories de délinquants appartenant à un gang. En effet, la présence de délinquants appartenant à des bandes de motards, des gangs de rue ou des gangs asiatiques était très susceptible d’être associée aux agressions contre le personnel, tandis que la présence de délinquants appartenant aux groupes du crime organisé traditionnel ou aux gangs carcéraux était très susceptible d’être associée aux saisies liées aux drogues. L’analyse du degré de participation directe des membres de gangs aux incidents dans les établissements a montré que ceux-ci, comparativement aux groupes appariés correspondants, étaient plus susceptibles d’avoir participé aux agressions contre d’autres détenus et d’avoir fait l’objet de saisies de drogues. Cependant, l’examen de la participation aux incidents selon les sous-groupes de gangs montre que les délinquants appartenant aux groupes du crime organisé traditionnel étaient moins susceptibles d’avoir participé aux incidents pris en considération, quels qu’ils soient, tandis que les délinquants appartenant aux gangs de rue ou aux gangs carcéraux étaient plus susceptibles d’avoir participé à tous les types d’incidents. Il semble donc que les membres de gangs non seulement participent activement aux actes criminels commis dans les établissements, mais incitent aussi, et peut-être même contraignent, les autres détenus à participer aux actes qui leur profitent. Le fait que les délinquants appartenant à un gang de rue ou à un gang carcéral aient été plus susceptibles de participer directement à tous les incidents dans les établissements et que les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel aient été moins susceptibles de participer directement aux incidents dans les établissements confirme des conclusions antérieures ayant montré que les délinquants appartenant à un gang de rue ou à un gang carcéral étaient plus susceptibles d’avoir été condamnés pour des infractions avec violence, tandis que les délinquants appartenant à un groupe du crime organisé traditionnel étaient plus susceptibles d’avoir été condamnés pour des infractions liées au trafic de drogue commises sans violence. Ces résultats montrent que l’incarcération n’empêche pas nécessairement les membres de gangs de poursuivre leurs activités criminelles. Les résultats de cette étude montrent aussi que les conséquences de la présence de membres de gangs dans les établissements peuvent varier en fonction du niveau de sécurité. Dans les établissements à sécurité minimale, la présence de membres de gangs en général n’était pas liée aux incidents dans les établissements, mais les saisies de drogues étaient liées à la présence de délinquants appartenant à chacun des sous-groupes de gangs. Par contre, dans les établissements à sécurité moyenne et à sécurité maximale, la présence de membres de gangs en général avait une influence significative sur les incidents. Cette constatation n’a rien d’étonnant si l’on considère que les membres de gangs les plus actifs et les plus influents sont en principe placés dans les établissements dont le niveau de sécurité est plus élevé; et d’ailleurs, les conséquences de la présence de membres de gangs sont évidentes. Dans les établissements à sécurité maximale, leur présence était liée de façon significative aux agressions contre le personnel dans le cas de quatre des cinq sous-groupes de gangs (motards, carcéraux, de rue et traditionnel). Or, la menace d’une agression peut rendre extrêmement difficile l’exécution des tâches quotidiennes du personnel correctionnel. Ces résultats montrent que les efforts dans les établissements à sécurité minimale devraient viser à maîtriser la relation entre les saisies de drogues et les détenus appartenant à un gang et l’influence que ces groupes peuvent exercer sur les autres détenus. De même, dans les établissements à niveau de sécurité plus élevé, il faudrait s’efforcer de diminuer l’influence qu’ils exercent sur les autres détenus et améliorer les relations entre les membres de gangs et le personnel du Service correctionnel. La conduite des délinquants appartenant à un gang, après leur mise en liberté, présente aussi un intérêt particulier. Les membres de gangs remis en liberté étaient plus susceptibles que les délinquants des groupes appariés d’être soumis à des conditions spéciales destinées à les empêcher de poursuivre leurs activités avec leur gang, comme l’obligation de ne pas fréquenter certaines personnes et certains endroits et l’obligation de résider dans un secteur donné. Comme cette étude l’a démontré, les sous-groupes de gangs sont susceptibles d’être établis dans certaines régions du Canada et ils entretiennent dans leurs activités des rapports avec des membres d’autres gangs. Quand on considère les conditions spéciales qui leur sont imposées, on n’observe aucune différence globale entre les délinquants membres de gangs et les autres délinquants en ce qui concerne les nouvelles condamnations. Par contre, les délinquants appartenant à certains sous-groupes de gangs (les gangs asiatiques et les gangs de rue) étaient plus susceptibles d’avoir été condamnés de nouveau, souvent pour des infractions semblables à celles qui étaient à l’origine de leur incarcération, soit des infractions liées aux gangs. Ces résultats semblent indiquer que l’incarcération n’a peut-être pas répondu aux besoins particuliers des membres de gangs, car après leur mise en liberté un grand nombre d’entre eux continuent de participer aux activités criminelles des gangs. La présente étude est limitée sous bien des aspects. En effet, les données utilisées pour déterminer si les délinquants faisaient partie ou non d’un sous-groupe du crime organisé sont des données informatisées. Ces données ne tiennent pas nécessairement compte de nombreux éléments du crime organisé qui sont habituellement moins visibles. Par exemple, les données sur les délinquants appartenant à un gang tirées du Système de gestion des délinquants (SGD) ne tiennent pas compte du pouvoir que ces individus peuvent exercer ni de la situation qu’ils occupent au sein de leur organisation. De plus, les analyses portant sur la relation indirecte entre les incidents dans les établissements et la présence de délinquants membres de gangs devraient être interprétées avec réserve. En effet, ces analyses ne nous indiquent pas dans quelle mesure les membres supérieurs des gangs peuvent exercer une influence sur les autres détenus et ne tiennent pas compte des causes des incidents dans les établissements qui n’ont aucun lien avec la présence des gangs. Comme les analyses portant sur cette relation indirecte reposent sur des données globales, il est possible que les résultats obtenus surestiment le véritable rapport qui existe entre la présence de membres de gangs et les incidents dans les établissements (Andrews et Bonta, 2003). Enfin, ces analyses reposent aussi sur des corrélations et ne permettent donc pas d’établir un rapport de cause à effet. Par conséquent, on ne peut pas inférer de ces analyses que la présence de membres de gangs est la cause d’incidents dans les établissements. On peut se faire une idée plus juste du rapport entre leur présence et les incidents dans les établissements quand on examine la participation directe de ces individus aux incidents. Pour réussir à limiter le plus possible les activités et l’influence des membres de gangs dans les établissements et à réduire leur taux de criminalité, il faudrait que les travaux de recherche futurs s’intéressent aux éléments suivants :
CONCLUSIONEn conclusion, les stratégies d’intervention devraient porter sur les attitudes négatives des délinquants membres de gangs et les inciter à se dissocier de leur groupe criminel. Les interventions devraient être adaptées aux divers types de gangs afin de tenir compte de leurs besoins particuliers et de la dynamique de chacun. L’étude a montré que les membres de gangs étaient nettement moins susceptibles d’éprouver des besoins dans le domaine de l’emploi, des relations familiales et conjugales, de la toxicomanie, du fonctionnement dans la collectivité et de l’orientation personnelle et affective. Il se pourrait que les individus qui n’éprouvent pas de besoins dans ces domaines soient plus enclins à devenir membres d’un gang. Par contre, il se peut aussi que l’appartenance à un gang augmente les carences dans ces domaines de besoins. Si tel est le cas, il faudrait déterminer pour chaque groupe quelles sont les sources non criminogènes subsidiaires susceptibles de répondre à ces besoins. Les stratégies antigangs devraient aussi être axées sur le comportement criminel violent, particulièrement chez les membres des bandes de motards, des gangs de rue et des gangs carcéraux. Comme les délinquants appartenant à ces groupes sont aussi plus susceptibles d’avoir déjà eu des démêlés avec les tribunaux pour adolescents ou les tribunaux pour adultes, les stratégies d’intervention devraient être mises en œuvre dès les premiers signes d’une possible relation avec un groupe criminel organisé. BIBLIOGRAPHIEAndrews, D.A. et Bonta, J. The Psychology of Criminal Conduct,3e édition, Cincinnati (Ohio), Anderson Publishing Co, 2003. Bureau For International Narcotics And Law Enforcement Affairs. 2000 International Narcotics Control Strategy Report, Washington, Department of State, 2001. Centre Canadien de la statistique juridique. Le crime organisé au Canada : enquête sur la faisabilité de la collecte de données policières sur le crime organisé, Ottawa (Ontario), Statistique Canada, 2002. No 85-556-XIF au catalogue. Code criminel, L.R.C. ch. C-46, art. 467.1., 1985. Gendarmerie royale du Canada. Rapport sur le rendement 2001-2002, Ottawa (Ontario), Gendarmerie royale du Canada, 2002. Groupe de travail binational sur les fraudes transfrontalières par marketing de masse. La fraude par marketing de masse, Ottawa (Ontario), Sécurité publique et Protection civile Canada, 2003. Kenney, D.J. et Finckenauer, J.O. Organized Crime in America, Toronto, Wadsworth Publishing Company, 1995. Léger marketing. Étude sur les perceptions des Canadiens à l’égard du crime organisé sur le territoire canadien,Montréal (Québec), Presse canadienne/Léger Marketing, 2001. Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. L. C. 1992, ch. 20. Motiuk, L.L. « Système de classification des programmes correctionnels : processus d’évaluation initiale des délinquants (EID) », Forum – Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 9, n° 1, 1997, p. 18-22. Nafekh, M. et Motiuk, L.L. L’échelle révisée d’information statistique sur la récidive (Échelle d’ISR-R1) : un examen psychométrique, Ottawa (Ontario), Service correctionnel du Canada), novembre 2002. R-126. SCC. Guide de l’orateur, 2004. Affiché à l’adresse suivante : www.csc-scc.gc.ca/text/pblct/guideorateur/toc_f.shtml Service Canadien de renseignements criminels. Rapport annuel sur le crime organisé au Canada, Ottawa (Ontario),Service canadien de renseignements criminels, 2003. ISBN 0-662-67479-0. Service Canadien du renseignement de sécurité. La criminalité transnationale : contexte mondial, Ottawa (Ontario), Service canadien du renseignement de sécurité, 2000. No 2000/07. Service correctionnel du Canada. Directive du commissaire no 576: Gestion des gangs et des organisations criminelles, Ottawa (Ontario), Service correctionnel du Canada, 1996. Service correctionnel du Canada. Directive du commissaire no 568-3 : Identification et gestion des organisations criminelles, Ottawa (Ontario), Service correctionnel du Canada, 2003. Service correctionnel du Canada. Instructions permanentes no 700-04 : Évaluation initiale et planification correctionnelle, Ottawa (Ontario), Service correctionnel du Canada, 2003. Statistique Canada. Juristat, vol. 23, n° 8, 2003. Statistique Canada. Peuples autochtones du Canada : un profil démographique, Ottawa (Ontario), Statistique Canada. No 96F0030XIF2001007.
|
![]() |
![]() | |
![]() |
mise à jour:
2005.01.19
|