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Les gangs de rue : examen des théories et des interventions, et leçons à tirer pour le SCC

2004 N° R-161

Dean Jones
Vince Roper
Yvonne Stys
Cathy Wilson

Direction de la recherche
Service correctionnel du Canada

 

Septembre 2004

RÉSUMÉ

La prolifération des gangs de rue et des activités des gangs dans la société canadienne est devenue une source de préoccupation à l'échelle nationale. Cette question préoccupe aussi le Service correctionnel du Canada (SCC), qui loge une bonne partie de la population des gangs de rue dans ses pénitenciers. Récemment, le SCC a reconnu les problèmes particuliers que posent les membres de gangs de rue et leurs activités pour la sécurité et les opérations des établissements. En conséquence, le SCC s'emploie activement à évaluer les pratiques exemplaires dans le domaine de la gestion des gangs.

Le présent document renferme les résultats d'une étude de la documentation sur les gangs de rue dont l'objectif était d'aider le SCC à formuler des politiques, à établir des procédures et à orienter les recherches futures. Nous présentons les diverses définitions du gang, l'historique des gangs de rue et l'ampleur actuelle de ce phénomène, tant dans les établissements carcéraux que dans la collectivité, aux États-Unis et au Canada. Ensuite, nous passons en revue les théories de la formation des gangs, puis nous examinons les stratégies d'intervention et leur efficacité afin de dégager les moyens les plus efficaces de prévenir l'affiliation à un gang et d'intervenir auprès des membres de gangs. Enfin, nous examinons les leçons que le SCC peut tirer de toute cette information.

Faits saillants du rapport :

  • Les spécialistes des sciences sociales ne s'entendent pas sur une définition commune du terme « gang ». Le principal obstacle à une définition universelle est l'évolution de la dynamique du gang (ou tout autre groupe) au fil du temps. Les définitions varient selon les normes économiques, politiques, sociales et culturelles. Il n'y a donc pas d'uniformité, tant dans les ouvrages états-uniens que dans les ouvrages canadiens, quant à la définition du mot « gang ».
  • Le phénomène des gangs de rue n'est pas nouveau. On rapporte des activités de gangs de rue en Angleterre, en Allemagne, en Suisse et en France aux XIV e et XV e  siècles. En Amérique du Nord, les gangs de rue ont fait leur apparition à l'époque où la société a été divisée selon les classes en fonction de l'origine ethnique et de la race, au moment de la révolution industrielle et de l'immigration européenne. D'autres gangs se sont formés en réaction au faible statut social, s'engageant dans des activités criminelles autant par esprit de rébellion que pour le profit.
  • Le taux de croissance des gangs de rue a augmenté de façon alarmante. Les États-Unis ont estimé qu'il existait entre 700 et 3000 gangs en 1982, et que ce nombre était passé à 30 000 en 1998. Seulement dans le comté de Los Angeles, on dénombre 1 142 gangs de rue. Bien que le nombre de gangs de rue soit beaucoup moins élevé au Canada, la recherche a montré qu'ils sont de plus en plus présents dans des petites villes, des régions rurales et des réserves autochtones, et qu'ils sont de plus en plus organisés et raffinés du point de vue criminel.
  • Bien qu'on ne parle pas souvent d'eux dans les ouvrages sur les gangs de rue, il existe aussi des gangs composés de filles ou de femmes aux États-Unis et au Canada. Ces gangs peuvent être de différents types et sont souvent impliqués dans des activités violentes. La recherche au Canada a permis de constater que les détenues qui font partie d'un gang affichent un plus grand manque de considération pour les autres, une plus grande agressivité, une plus faible tolérance à la frustration et plus de problèmes d'hostilité que les délinquantes qui ne font pas partie d'un gang.
  • Selon les estimations, il y aurait dans les prisons des États-Unis entre 9 % et 25 % de détenus affiliés à un gang. Au Canada, cette proportion serait d'environ 14 %. Les recherches effectuées dans les deux pays révèlent que les délinquants affiliés à un gang sont très différents des autres détenus, en particulier sur le plan du risque qu'ils posent pour l'établissement. Les membres de gangs sont plus susceptibles d'être impliqués dans des infractions de violence et des infractions liées aux objets interdits pendant leur incarcération.
  • Les théories de la formation des gangs se divisent en deux catégories : criminologiques et psychologiques. La plupart des théories criminologiques sont axées sur les aspects sociaux du crime, comme les pressions économiques et sociales, les relations sociales, l'ordre moral et l'attachement à la société. Les théories psychologiques sont axées sur les processus psychologiques qui font que les gens sont recrutés pour faire partie d'un gang ou qui les guident vers la décision de s'affilier à un gang.
  • Les interventions ciblant les gangs peuvent aussi être divisées en deux catégories : stratégies d'intervention individuelle et sociale et stratégies d'application de la loi. Dans les premières, on inclut les programmes de prévention (stratégies proactives qui tentent de décourager l'affiliation à un gang), les programmes d'intervention communautaire (qui tentent de mobiliser la collectivité afin qu'elle participe activement au contrôle du problème des gangs) et les programmes d'intervention dans les écoles (qui fournissent de l'information et des programmes aux membres de gangs en milieu scolaire). La principale stratégie d'application de la loi, l'élimination des gangs, consiste à modifier des éléments du système pénal pour mieux lutter contre le problème des gangs.
  • En général, les programmes d'intervention communautaire se sont révélés plus efficaces dans les endroits où le problème des gangs était nouveau, alors que les programmes de prévention et les programmes d'intervention dans les écoles étaient plus efficaces dans les endroit où le problème des gangs était chronique. Dans l'ensemble, les programmes de prévention précoce se sont révélés les plus prometteurs pour empêcher les jeunes de s'affilier à un gang. Toutefois, la majorité des interventions ciblant les gangs n'ont pas été évaluées et, pour beaucoup de celles qui l'ont été, les évaluations ne reposaient pas sur une base statistique solide.
  • Diverses stratégies d'intervention ciblant les gangs ont été utilisées dans les prisons des États-Unis. Mentionnons la thérapie du transfèrement, la reconnaissance/légitimation des gangs, la politique de l'équilibre, l'élimination des gangs, les logements séparés et programmes intensifs, l'information/la dénonciation, l'unité des « informateurs » et la politique de tolérance zéro. La majorité de ces stratégies n'ont pas fait l'objet d'une évaluation, mais certaines se sont avérées moins efficaces que d'autres. La reconnaissance/légitimation des gangs et la politique de l'équilibre, par exemple, se sont montrées inefficaces.
  • Le SCC dispose d'un certain nombre de politiques pour la gestion des gangs dans ses établissements correctionnels. Jusqu'à présent, on n'a pas encore évalué ces politiques pour voir si elles permettent de contrôler efficacement les activités des gangs, le recrutement et la violence et d'encourager la désaffiliation. Toutefois, plusieurs études sont en cours sur ces questions.
  • L'examen de la documentation sur la question des gangs donne plusieurs idées pour l'établissement de pratiques exemplaires pour la gestion des gangs. L'élément le plus important est de déterminer avec exactitude l'ampleur du problème des gangs dans chaque établissement, en particulier en tenant compte du risque que les membres de gangs représentent pour la sécurité de l'établissement. Il faut axer les interventions sur la gestion des gangs plutôt que sur leur élimination, et il faut envisager une approche globale. Il ne faut pas négocier avec les chefs de gangs ou nier qu'il existe un problème de gangs. Enfin, il y aurait lieu de créer un groupe de travail multidisciplinaire qui aurait pour mandat d'élaborer un plan d'action pertinent pour la gestion des gangs dans chaque établissement.

REMERCIEMENTS

Les auteurs aimeraient remercier M mes  Shelley Brown et Kelley Blanchette pour leurs commentaires et leurs suggestions inestimables pour la rédaction du texte, ainsi que Robin Westmacott et Nicole Crutcher pour leur aide pour la recherche documentaire.

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

[Traduction]

« Quiconque a étudié les gangs pendant un certain temps admettra que plus on les étudie, plus ils nous semblent complexes. Au mieux, on peut en arriver à comprendre un peu certaines de leurs caractéristiques à différentes périodes. Les gangs sont dynamiques et flexibles, et ils sont en constante évolution. » (William B. Sanders, 1994)

Les gangs de rue existent depuis des siècles. Saint Augustin (354-430), dans ses Confessions , décrit sa participation à des actes criminels au sein d'un groupe de jeunes (Covey, 2003). En Grande-Bretagne, les gangs étaient nombreux au cours des XIV e et XV e  siècles (comme on le voit dans les œuvres d'auteurs comme Chaucer); de même, les registres religieux et judiciaires du XVII e  siècle révèlent qu'il existait des gangs de jeunes en Angleterre, en Allemagne, en Suisse et en France (Gillis, 1974; Klein, 1995; Sheldon et coll., 1997). Plus tard, plusieurs événements qui ont marqué l'évolution de la société, comme la révolution industrielle et l'immigration européenne en Amérique du Nord, ont créé un terrain propice à la pauvreté et aux conditions de logement insalubres dans une société divisée selon les classes. Pour de nombreuses personnes vivant dans ces conditions économiques extrêmement difficiles, l'appartenance à un gang est devenue une source d'identité, de statut social et de survie économique (Decker et Van Winkle, 1996).

Depuis qu'ils existent, les gangs constituent une préoccupation sociale, qui a engendré le désir d'en connaître davantage sur leur formation et sur les mesures que l'on peut prendre pour lutter contre ce phénomène. Le premier chercheur qui en a fait un examen scientifique social est Frederick M. Thrasher, dans son livre The Gang: A Study of 1,313 Gangs in Chicago (1927). Sociologue travaillant à l'University of Chicago, Thrasher a proposé une étiologie de la formation des gangs fondée sur l'hypothèse selon laquelle les gangs font partie des processus psychologiques et des processus de groupe des jeunes vivant dans des collectivités pauvres. Son étude des causes individuelles et communautaires de l'appartenance à un gang a considérablement influencé l'orientation des recherches qui ont suivi. Clifford Shaw et Henry MacKay (1931), également de l'University of Chicago, ont émis l'hypothèse que les immigrants de deuxième génération se regroupaient en gangs à cause de l'absence d'infrastructure sociale dans leurs quartiers et des faibles capacités d'organisation de la collectivité, qui ont entraîné l'isolement des immigrants par rapport à la société dominante. Selon Albert Cohen (1995), la frustration pour des jeunes d'être des citoyens de classe inférieure dans un système d'éducation destiné à la classe moyenne était un facteur prépondérant dans la formation de gangs, tandis que Richard Cloward et Lloyd Ohlin (1960) croyaient que les jeunes de classe inférieure se regroupaient en gangs parce qu'ils estimaient que le système ne leur offrait que peu de possibilités, sinon aucune, d'améliorer leur situation.

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, la recherche sur les gangs a pris une nouvelle orientation; au lieu de se pencher sur la formation des gangs, on s'est attardé aux stratégies de prévention et d'intervention. Les travaux de quatre chercheurs - Spergel (1966), Klein (1971), et Short et Strodtbeck (1974) – ont joué un rôle déterminant dans ce changement d'orientation et ils ont ouvert la voie aux études qui allaient suivre. Chacun de ces chercheurs a évalué les programmes qu'on avait mis en place pour lutter contre le phénomène des gangs et qui reposaient sur les théories établies antérieurement.

Dans le présent rapport, nous faisons d'abord une revue des ouvrages publiés aux États-Unis et au Canada, qui portent en particulier sur les gangs de rue. Nous présentons ensuite diverses définitions des gangs, en mettant en évidence les difficultés que l'on rencontre pour définir ce phénomène. Nous nous attardons ensuite à l'évolution des gangs de rue et à l'ampleur actuelle de ce problème, aux États-Unis et au Canada, ainsi qu'à l'appartenance des femmes à des gangs de rue et à la présence de gangs dans les établissements carcéraux des États-Unis et du Canada. Nous passons en revue les théories sur la formation des gangs. Puis, afin de cerner les moyens de prévention et d'intervention les plus efficaces, nous passons en revue diverses stratégies d'intervention, qui sont utilisées tant dans les établissements carcéraux que dans la collectivité. Enfin, nous examinons les leçons que peut tirer le Service correctionnel du Canada de toute cette information.

DÉFINITION DU GANG DE RUE

Questions relatives à la définition

Les spécialistes des sciences sociales ne s'entendent pas sur une définition commune du terme « gang », en partie parce qu'un grand nombre des définitions qui ont été proposées sont extrêmement générales. Ainsi, le Merriam Webster's Collegiate Dictionary (1997) définit le gang comme un groupe ou une bande, un groupe de personnes travaillant à des fins illégales ou antisociales, une bande d'adolescents antisociaux, ou un groupe de personnes entretenant entre elles des relations informelles et habituellement étroites (p. 479). Par ailleurs, le Gage Canadian Dictionary (1991) définit le gang comme un groupe de personnes qui font des choses ensemble ou se fréquentent, en particulier pour des fins criminelles ou d'autres fins généralement considérées antisociales, un groupe de personnes travaillant ensemble sous la supervision d'un surveillant, ou un groupe de personnes étroitement associées pour des fins sociales (p. 485). Il est évident que ces définitions laissent beaucoup place à l'interprétation et ne nous permettent pas de bien comprendre le phénomène des gangs.

Le principal problème que pose la définition du gang provient de l'évolution de la dynamique du gang (ou tout autre groupe) au fil du temps. Lorsque les normes et les conditions économiques, politiques, sociales, culturelles et sous-culturelles se modifient, les définitions du gang varient aussi. La conceptualisation du gang énoncée par Puffer (1912) - rien qu'un groupe de jeu normal pour les garçons – et la définition qu'en a donné Thrasher (1927) en le décrivant comme un groupe qui se forme spontanément puis se soude à travers les conflits ne traduisent pas nécessairement la complexité des gangs de rue d'aujourd'hui. Un exemple pertinent de l'évolution des gangs, et donc de leur définition, est la relation entre les gangs et le crime organisé. Dans le passé, le crime organisé et les activités des gangs étaient des phénomènes très distincts, axés vers des buts différents. Plus récemment, toutefois, cette distinction s'est estompée (Kenney et Finckenauer, 1995), ce qui a entraîné une confusion dans les définitions de gang, activités des gangs, organisation criminelle et crime organisé (Kelly et Caputo, 2003). Non seulement l'absence d'une définition commune pose des problèmes à plusieurs égards, mais elle rend aussi particulièrement difficile la comparaison des ouvrages sur les gangs.

Les ouvrages portant sur cette question donnent aussi à penser qu'un des facteurs qui contribuent à la difficulté de définir les gangs est l'information souvent partiale qui est transmise par les médias. Joan Moore (1993) énumère quelques-uns des stéréotypes les plus destructeurs qui ont façonné les définitions qu'on a données des gangs :

  1. Les gangs sont composés de jeunes garçons (jamais de filles) violents, ayant une dépendance à l'égard des drogues et de l'alcool, sexuellement hyperactifs, fantasques et aimant la confrontation.
  2. Ils sont composés uniquement d'Afro-Américains ou d'Hispaniques.
  3. Ils se livrent à leurs activités dans les quartiers pauvres de la ville, où ils dominent et intimident des citoyens innocents et en font leurs victimes.
  4. Ils sont tous impliqués dans le trafic de la drogue, surtout le crack.
  5. « Un gang est un gang » – autrement dit, ils sont tous semblables.
  6. Il n'y a rien de bon dans les gangs, que du mauvais (par conséquent, quiconque veut se joindre à un gang doit être stupide ou fou).
  7. Les gangs sont essentiellement des entreprises criminelles, et les jeunes se regroupent en gangs pour commettre des crimes. Autrement dit, on a tendance à confondre la criminalité individuelle et la criminalité en groupe.
  8. L'image des jeunes agressifs et rebelles, mais très comme il faut, qu'on a vue dans « West Side Story » a été remplacée dans les dernières années par l'image de « gangsters » appartenant à une organisation criminelle très disciplinée qui compte de nombreux « soldats ».

L'analyse de Moore sur les stéréotypes est bien fondée. Pour bien comprendre la situation et formuler des stratégies de lutte contre les gangs, il ne faut pas oublier les études effectuées dans le passé ou celles en cours, et il faut être conscient de l'évolution de l'environnement socio-politique. Comme le souligne Sanders (1994), les gangs sont dynamiques et flexibles, et ils sont en constante évolution.

Définitions traditionnelles du gang

Plusieurs chercheurs éminents ont proposé des définitions qui sont utilisées fréquemment dans les ouvrages sur les gangs. La définition le plus souvent citée est peut-être celle de Klein (1971) : [traduction] tout groupe identifiable de jeunes garçons qui :

  1. sont généralement perçus comme un groupe par les résidents du quartier;
  2. se considèrent eux-mêmes comme un groupe identifiable (et portent souvent un nom de groupe);
  3. ont commis suffisamment d'actes de délinquance pour susciter une réaction négative de la part des résidents du quartier ou des organismes d'application de la loi.

Cette définition n'est pas acceptée par tous (Sanders, 1994). Elle exclut les gangs criminels venus d'autres pays, les gangs qui opèrent relativement en secret et les gangs constitués principalement de jeunes adultes. Toutefois, la définition de Klein a l'avantage de rendre l'essence du mot « gang » tout en traduisant la dynamique de la formation et des interactions des gangs ainsi que les réactions externes à leur égard.

Gardner (1983) donne une définition plus précise du gang en disant que les membres sont des adolescents ou des jeunes au début de la vingtaine, qu'ils ont un nom de groupe ou un territoire qu'ils considèrent comme leur, se rencontrent régulièrement, possèdent un chef et sont impliqués dans des activités criminelles. La définition de Spergel, Ross, Curry et Chance (1989) se concentre davantage sur les éléments extérieurs qui définissent l'appartenance au gang. Parmi ces éléments, on retrouve l'implication dans des activités criminelles, la possession de symboles ou les comportements symboliques, la reconnaissance de sa propre appartenance au groupe et la reconnaissance par les autres (comme la police et les autres membres du gang).

Miller (1975) a effectué un sondage auprès de 160 organismes de justice pénale et de services aux jeunes dans le but de regrouper les éléments communs de leurs définitions respectives du « gang ». Il a dégagé six attributs qui caractérisent le gang :

  1. organisation
  2. chef identifiable
  3. identification à un lieu particulier (territoire)
  4. les membres se fréquentent régulièrement
  5. les membres ont un objectif précis
  6. les membres commettent des activités illégales

On retrouve aussi ces attributs dans la majorité des définitions théoriques du « gang ». Il faut cependant faire preuve de prudence avant d'appliquer ces éléments aux gangs du XXI e siècle. Bien que la majorité des attributs restent les mêmes au fil du temps, il s'est produit de nombreux changements socio-économiques depuis que Miller a effectué son étude en 1974, et ces changements peuvent avoir modifié la nature des gangs (Goldstein, 1991).

Définitions canadiennes du gang

Les chercheurs canadiens ne s'entendent pas non plus sur une définition commune de la notion de « gang » (Kelly et Caputo, 2003). La majorité des ouvrages canadiens sur les gangs les englobent dans la définition d'« organisations criminelles », comme le montre la définition officielle du Code criminel du Canada, qui définit une organisation criminelle comme un groupe, quel qu'en soit le mode d'organisation :

  1. composé d'au moins trois personnes se trouvant au Canada ou à l'étranger;
  2. dont un des objets principaux ou une des activités principales est de commettre ou de faciliter une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer – ou procurer à une personne qui en fait partie -, directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier (paragraphe 467.1(1)).

Cette définition des gangs est également utilisée dans des études réalisées par le ministère de la Justice du Canada. D'autres organismes canadiens ont choisi de ne pas prendre la définition du Code criminel . Statistique Canada (2002) la considère trop globale. Dans une étude effectuée par le Solliciteur général du Canada (1998), on définit le crime organisé comme une « activité illicite […] à laquelle se livre tout groupe, association ou autre organisation comprenant deux personnes ou plus, structurée de façon formelle ou informelle, dont les répercussions négatives peuvent être considérées importantes sur le plan économique, social, de la violence qui en découle, de la santé et de la sécurité ou de l'environnement (p. 2) ».

Dans une étude de la Gendarmerie royale du Canada (GRC, Dickson-Gilmore et Whitehead, 2003), on définit ainsi le crime organisé :

« Le crime organisé est une activité permanente motivée par des conditions ou des buts politiques, sociaux ou économiques (ou leur combinaison), qui est réalisée dans un réseau de relations sociales de collaboration à la fois formelles et informelles, dont la structure transcende les membres individuels, avec la possibilité de recours à la corruption ou à la violence ou les deux, afin de faciliter le processus criminel (p. 13) ».

Le Service canadien de renseignements criminels (SCRC), une Direction de la GRC, préfère ne pas donner une définition générale des organisations criminelles; il choisit plutôt d'établir une définition particulière pour chaque groupe du crime organisé. Il ne considère pas les gangs de rue comme un genre d'organisation criminelle, mais les classe plutôt comme une « question relative aux crimes graves », tout en reconnaissant leurs liens avec des groupes du crime organisé et le fait que, de plus en plus, ils deviennent aussi organisés que les organisations criminelles traditionnelles (SCRC, 2003).

Le Service correctionnel du Canada (SCC) adopte une approche différente et tient compte de la relation entre les gangs de rue et les organisations criminelles. Pour le SCC, les gangs et le crime organisé ne sont pas deux notions qui s'excluent mutuellement; elles se distinguent plutôt par la complexité et le degré d'intégration des activités criminelles. En d'autres termes, les activités des gangs et celles du crime organisé diffèrent seulement par leur ampleur et non pas nécessairement par la nature des infractions commises (Service correctionnel du Canada, 1996). Les gangs de rue sont donc compris dans la définition que donne le SCC d'une organisation criminelle : « une association ou un groupe qui est continuellement impliqué dans des activités criminelles. Comprend les groupes, les organisations et les associations qui étaient établis dans la collectivité avant que certains de leurs membres ne soient incarcérés ainsi que les groupes qui se forment dans nos établissements » (Service correctionnel du Canada, 2003a).

AMPLEUR DU PROBLÈME DES GANGS

Historique des gangs de rue

Comme nous l'avons déjà mentionné, le phénomène des gangs de rue n'est pas nouveau. En Amérique du Nord, des éléments comme la révolution industrielle et l'immigration européenne ont créé une société structurée selon les classes et fondée sur les distinctions ethniques et raciales. Pour de nombreuses personnes, l'appartenance à un gang est devenue une source d'identité, de statut social et de survie économique (Decker et Van Winkle, 1996). Au début des années 1800, les gangs de rue, comme les Long Bridge Boys et les Fly Boys, n'étaient pas très impliqués dans des activités criminelles (Valdez, 2000). Ces premiers gangs commettaient surtout des méfaits et des actes d'exploitation pour obtenir des gains financiers. Peu après, on faisait état de l'apparition des premiers gangs criminels aux États-Unis (Goldstein, 1991).

Les Forty Thieves, un gang de rue irlando-américain, ont été le premier gang de rue à être reconnu aux États-Unis. Ce gang, installé à New York, a été constitué en 1820 par des immigrants irlandais qui se rebellaient contre leur statut social inférieur et les préjugés dont ils étaient victimes; ses membres se livraient à des activités criminelles, à la fois pour le profit et pour soulager leurs frustrations. Peu après, d'autres gangs irlandais se sont formés dans la région, et il y a eu des rivalités et des affrontements inter-gangs. Tout au long du XIX e  siècle, d'autres gangs sont apparus aux États-Unis. Des gangs chinois se sont formés en Californie, surtout en réaction aux mauvais traitements subis dans l'industrie du chemin de fer. À cette époque, de nombreux gangs de rue sont apparus dans la ville de Philadelphie; la ville avait signalé les premières activités de gangs en 1840 et, en 1870, elle était le foyer de plus de 100 gangs de rue. La ville de New York est demeurée le foyer des activités des gangs de rue au XIX e  siècle; en 1865, il y avait des gangs juifs, italiens, afro-américains et irlandais (Valdez, 2000).

À l'approche du XX e  siècle, un nouveau type de distinction entre les classes a donné naissance à un nouveau genre de gang de rue. Les distinctions de classe n'étaient plus liées à l'origine ethnique, mais aux différences économiques. À mesure que l'on approchait de la Crise de 1929, il se constituait un nombre toujours croissant de gangs dans tous les États-Unis et la violence entre les gangs augmentait. Des gangs mexicains et afro-américains apparaissaient à Los Angeles, à Detroit, à Boston et à Chicago. Après la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux types de gangs ont commencé à faire leur apparition, dont les gangs de motards et les gangs de prison. Dans les années qui ont suivi, la prolifération des gangs s'est poursuivie, le nombre de leurs membres et la violence qu'ils utilisaient ont augmenté. Aujourd'hui, il y a des gangs dans chacun des États des États-Unis (Valdez, 2000).

Ampleur du problème aux États-Unis

En grande partie à cause des nombreuses définitions de ce qui constitue un gang et des divers moyens utilisés pour identifier les membres de gangs, les estimations du nombre de gangs et de membres de gangs aux États-Unis fluctuent. Néanmoins, les statistiques du Federal Bureau of Investigation (FBI) (1996) illustrent l'ampleur du problème. Selon le FBI (1996), il y a des gangs de rue violents qui sont actifs dans 94 % des villes moyennes et des grandes villes aux États-Unis (beaucoup de ces villes comptent jusqu'à 40 gangs), et le nombre de membres dépasse les 400 000. Une étude réalisée par le National Youth Gang Center (1999) a révélé qu'en 1997, toutes les villes des États-Unis ayant une population de plus de 250 000 habitants et 92 % des villes comptant une population de 100 000 à 249 999 habitants ont signalé la présence de gangs de rue composés de jeunes sur leur territoire. De plus, cette étude a montré qu'il y a aussi des gangs de rue dans environ 72 % des zones urbaines des États-Unis (population de plus de 50 000 habitants). Cette étude a permis de déterminer qu'il y avait environ 30 533 gangs de jeunes comptant en tout 815 896 membres actifs dans tout le territoire des États-Unis. Toutefois, Petersen (2004) met en garde que ces statistiques sont des estimations obtenues auprès des organismes d'application de la loi et qu'elles peuvent donc avoir été surestimées ou sous-estimées et qu'il faut les traiter avec prudence.

Ce qui est encore plus inquiétant que le nombre de gangs de rue, toutefois, c'est leur taux de croissance. Dans une étude nationale, Miller (1982) a estimé qu'il existait entre 700 et 3 000 gangs dans les plus grandes villes des États-Unis. Howell (1998) a fait état d'une estimation de plus de 30 000 gangs comptant plus de 800 000 membres. Cette croissance exponentielle se manifeste également lorsqu'on regarde le nombre de villes des États-Unis qui signalent la présence de gangs sur leur territoire (54 en 1961; 94 en 1970; 172 en 1980; 766 en 1992; Klein, 1993), ainsi que le taux croissant de la violence attribuée aux gangs. C'est la violence associée aux gangs qui suscite l'anxiété de la population et qui a incité les dirigeants à considérer comme hautement prioritaires les interventions ciblant les gangs dans les politiques nationales et celles des États. On suppose généralement que les jeunes délinquants qui appartiennent à un gang sont plus violents que ceux qui ne font pas partie d'un gang (Klein, 1995), et que les jeunes qui commettaient seulement des crimes mineurs en viennent, lorsqu'ils se joignent à un gang, à augmenter leur participation à des crimes et à commettre des crimes plus violents (Elliott et Menard, 1993).

Bien qu'il y ait peu de doute que le nombre de gangs et de membres de gangs a augmenté rapidement depuis le milieu des années 1980, l'augmentation correspondante de la violence n'est pas aussi sûre. D'un côté, on peut associer certains gangs à une très grande violence. En 1995, il y a eu 790 homicides commis par des gangs dans le comté de Los Angeles, où l'on dénombre environ 1 142 gangs de rue (Block, 1995). De l'autre côté, d'autres gangs (les gangs « de banlieue ») commettent comparativement beaucoup moins de crimes violents. On n'est pas certain, toutefois, que cette augmentation des homicides commis par des jeunes peut être attribuée au plus grand nombre de membres de gangs au pays, à l'augmentation du trafic de drogue, à l'utilisation plus fréquente d'armes ou à l'augmentation générale de la violence chez les jeunes au pays (Goldstein et coll., 1994; Klein, 1993). Bien que ces questions doivent être clarifiées de façon empirique par des spécialistes en sciences sociales, même les plus prudents des auteurs sur les gangs considèrent que le problème des gangs de rue aux États-Unis est déjà très important et qu'il continue à s'amplifier.

Ampleur du problème au Canada

Le problème des gangs de rue ne touche pas seulement les États-Unis. Le Canada a aussi son lot de problèmes avec les gangs de rue, bien que le phénomène soit moins répandu qu'aux États-Unis et qu'il ait fait l'objet d'un moins grand nombre d'études. Au cours des années 1980, les gangs de rue ont suscité l'attention des médias et des organismes d'application de la loi, ce qui a incité les chercheurs à se pencher davantage sur la question. On a constaté que les causes de la formation des gangs au Canada étaient comparables à ce qu'on avait observé aux États-Unis. Les différences ethniques, les possibilités limitées et les intérêts économiques (éléments s'appliquant particulièrement aux jeunes immigrants) se sont révélés des facteurs contribuant à l'adhésion à des gangs de rue au Canada (Covey, 2003). Le principal problème qui nous empêche de nous attaquer au phénomène des gangs au Canada est le nombre limité d'études qui ont été réalisées par des chercheurs du milieu universitaire dans ce domaine. La majorité des données dont nous disposons sur les gangs proviennent de sources journalistiques ou de sources policières.

Les premières recherches universitaires et les premiers reportages des médias sur les gangs de rue au Canada ont fait état de l'existence d'un certain nombre de gangs, en particulier dans les grands centres urbains. Les gangs de rue haïtiens se trouvaient surtout à Montréal (LeBlanc et Lanctôt, 1994), les « Posse » jamaïquains étaient concentrés à Toronto et dans le sud de l'Ontario (Gay et Marquart, 1993), les « warriors » autochtones représentaient un problème à Winnipeg (Presse canadienne, 1995) et plusieurs gangs de rue asiatiques opéraient à Vancouver (Klein, 2002). En 1990, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a effectué une étude intéressante. Dans le rapport, les auteurs ont fait remarquer que les gangs de rue n'étaient pas une mode au Canada et que le phénomène allait probablement perdurer. Ils ont constaté que les gangs étaient influencés par la culture des États-Unis et qu'ils étaient impliqués dans de nombreuses activités comme les attaques en bande, la vente de drogue, les voies de fait, l'extorsion et la prostitution .

Une étude plus récente du SCRC (une Direction de la GRC; 2003) révèle que les gangs de rue sont de plus en plus présentes dans des petites villes, des régions rurales et des réserves autochtones. Plusieurs de ces gangs sont de plus en plus organisés et raffinés du point de vue criminel. Ils commencent à se livrer à la falsification de chèques et à la fraude sur les cartes de débit. Certains font leur propre promotion dans des sites Web. De nombreux gangs soutiennent et facilitent les activités criminelles de groupes du crime organisé mieux établis. Les auteurs soulignent aussi que, dans la région du Grand Toronto et la région de Montréal, le nombre de gangs est en hausse, et que le niveau de violence et le nombre de rivalités entre gangs se sont accrus au cours des dernières années.

Gangs de rue composés de filles ou de femmes

Avant la parution du livre révolutionnaire d'Anne Campbell (1984), The Girls in the Gang , on connaissait peu de chose sur les gangs de filles et de femmes. Bien qu'on semble suggérer que la violence a augmenté récemment chez les jeunes femmes au Canada (Tremblay, 2000), l'existence de gangs de filles ou de femmes a été signalée aux États-Unis dès le XIX e  siècle (Valdez, 2000). Les premières recherches sur ce phénomène ont révélé que les filles sont activement impliquées dans la violence (le plus souvent des bagarres) et détiennent des rôles et des postes d'autorité dans leurs gangs, plutôt que d'être seulement des « objets sexuels » (Miller, 2002).

L'ampleur du phénomène des gangs de filles est difficile à évaluer avec certitude, en partie à cause de la sous-estimation du nombre de membres de gangs par les sources d'information officielles (Curry, Ball et Fox, 1994). Le fait que les filles peuvent faire partie de plusieurs types de gangs complique aussi les choses :

  1. gangs mixtes comprenant des membres des deux sexes;
  2. gangs auxiliaires : gangs de filles affiliés à des gangs de garçons;
  3. gangs de filles autonomes (Miller, 1975).

La recherche a montré que parmi les filles qui sont membre d'un gang, 57,3 % font partie d'un gang mixte, 36,4 % d'un gang auxiliaire affilié à un gang de garçons, et 6,4 % d'un gang de filles autonome. Cette répartition varie selon l'origine ethnique; les Afro-Américaines sont plus susceptibles de faire partie d'un gang mixte ou d'un gang autonome, alors que les Latino-Américaines sont le plus souvent affiliées à un gang de garçons (Curry, 1997).

Il existe plusieurs théories qui tentent d'expliquer comment se forment les gangs de filles et pourquoi les filles se joignent à ces gangs; toutefois, deux de ces théories prédominent. La première, semblable à la théorie de la contrainte (voir la section sur les théories de la formation des gangs), explique que les filles qui adhèrent à un gang sont des filles de milieux défavorisés qui veulent atteindre les objectifs économiques de la classe moyenne, mais qui ne disposent pas des ressources légitimes pour le faire. Pour atteindre leurs objectifs malgré leur situation sociale et économique, elles utilisent des moyens illégaux en s'associant à un gang (Rosenbaum, 1996). La seconde théorie explique que les filles adhèrent à un gang pour combler leurs besoins personnels, sociaux et affectifs qui ne sont pas satisfaits par leur famille, qui est souvent caractérisée par la violence ou le dysfonctionnement (Chesney-Lind, 1993).

Dans une étude récente sur le profil des délinquantes membres de gangs incarcérées au Canada (Mackenzie et Johnson, 2003), les auteurs ont examiné les différences entre 36 délinquantes appartenant à un gang et 36 autres n'appartenant pas à un gang dans des pénitenciers fédéraux. En 1999, les délinquantes appartenant à un gang représentaient 6 % du nombre total de délinquantes admises et étaient en moyenne plus jeunes que les délinquantes de la population générale. Les délinquantes n'appartenant pas à un gang affichaient un pourcentage légèrement plus élevé d'homicides, mais les délinquantes membres d'un gang étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir été reconnues coupables d'une infraction avec violence que les délinquantes n'appartenant pas à un gang. Cette constatation coïncide avec les résultats qui montrent que les délinquantes appartenant à un gang étaient plus susceptibles d'avoir une cote de sécurité plus élevée et affichaient des niveaux de risque beaucoup plus élevés que les délinquantes n'appartenant pas à un gang. Les délinquantes faisant partie d'un gang étaient aussi beaucoup plus susceptibles de présenter un niveau de besoins élevé, particulièrement dans les domaines des fréquentations et de l'attitude, que les autres délinquantes. Une analyse plus approfondie du domaine de l'orientation personnelle et affective a montré que les délinquantes appartenant à un gang affichent un plus grand manque de considération pour les autres, une plus grande agressivité, une plus faible tolérance à la frustration et plus de problèmes d'hostilité que les délinquantes non membres d'un gang. Étonnamment, et contrairement à ce à quoi on pourrait s'attendre, une moins grande proportion des délinquantes faisant partie d'un gang avaient un niveau élevé de besoins dans le domaine des relations familiales/conjugales.

Présence de gangs dans les établissements correctionnels

Aux États-Unis

Dans une étude nationale sur la présence de gangs dans les établissements carcéraux aux États-Unis, Camp et Camp (1985) ont identifié 114 gangs comptant en tout 12 643 membres dans 33 systèmes carcéraux. Ils ont ainsi estimé que 3 % de l'ensemble des détenus adultes étaient affiliés à un gang et ont attribué 50 % des problèmes de gestion dans les prisons des États-Unis à la présence des gangs. Dans l'enquête de Knox et Tromanhauser (1991), les directeurs d'établissement ont estimé à 10 % (à l'échelle nationale) la proportion de membres de gangs dans leurs établissements (proportion légèrement plus élevée dans les établissements pour jeunes). Dans une étude plus récente du National Gang Crime Research Center (1996), on a constaté que la proportion de membres de gangs dans les établissements correctionnels pour adultes des États était passée de 9,4 % en 1991 à 24,7 % en 1999. Bien qu'il faille tenir compte des fausses allégations d'appartenance à un gang (pour des questions de statut ou d'autoprotection), il existe tout de même une disparité entre les estimations officielles et les déclarations des détenus, ce qui donne à penser que les employés des services correctionnels aux États-Unis ne sont pas conscients de l'ampleur du problème dans les établissements où ils travaillent. Il ne s'agit pas seulement d'une lacune sur le plan de la collecte de renseignements, mais aussi de l'ignorance du personnel au sujet des gangs et de la gestion des gangs. C'est pour cette raison que Knox (1994) et d'autres chercheurs qui ont écrit sur les gangs dans les prisons (Toller et Tsagaris, 1996) considèrent qu'il est essentiel de donner une formation au personnel sur les gangs et d'élaborer une politique sur les gangs dans les établissements, non seulement pour assurer l'efficacité des interventions, mais aussi pour assurer la sécurité du personnel.

Il importe de souligner que les détenus qui font partie d'un gang sont très différents des autres détenus. Shelden (1991) a constaté que, dans une prison du Nevada, les détenus qui faisaient partie d'un gang, tout en étant peu différents des autres par rapport à la plupart des variables socio-démographiques (comme l'âge, les antécédents familiaux et l'éducation), avaient des antécédents professionnels et criminels très différents. Les membres de gangs, dans une proportion plus grande que les autres détenus, n'avaient pas d'antécédents de travail ou n'avaient pas occupé d'emploi officiel, avaient plus souvent comparu devant le tribunal de la jeunesse et avaient plus souvent été détenus dans un établissement correctionnel pour jeunes. Un examen des antécédents criminels en tant qu'adultes a révélé que les membres de gangs avaient été arrêtés plus souvent que les autres détenus (32 % avaient été arrêtés 15 fois ou plus, par rapport à seulement 7 % des détenus n'appartenant pas à un gang) et relativement à des infractions plus graves (38 % avaient été arrêtés cinq fois ou plus pour une infraction grave, par rapport à 12 % des détenus n'appartenant pas à un gang).

Une analyse du comportement des membres de gangs en établissement donne à penser que ces détenus constituent un plus grand risque que les autres. Des comparaisons avec les autres détenus ont montré que les membres de gangs commettaient sensiblement plus d'infractions disciplinaires (surtout des infractions en matière de drogue ou des bagarres), étaient plus souvent déclarés coupables dans les audiences disciplinaires et étaient moins nombreux dans les programmes de travail et de réadaptation en établissement. Ces données laissent croire que les membres de gangs, en tant que groupe, constituent un plus grand risque de violence, tant dans les prisons qu'à l'extérieur, ont de plus nombreux besoins (surtout dans les domaines de l'emploi et de la toxicomanie) et refusent davantage de participer à des programmes de réadaptation (Shelden, 1991).

Une étude sur les membres de gangs dans 44 établissements correctionnels pour jeunes (Knox et Tromanhauser, 1991) a révélé qu'une plus grande proportion des jeunes faisant partie d'un gang avaient été impliqués dans des bagarres dans les 12 mois précédant leur détention, que les membres de gangs avaient commencé plus tôt que les autres à consommer de la drogue et de l'alcool et qu'ils en consommaient davantage, qu'ils avaient eu des activités sexuelles plus tôt et qu'on avait diagnostiqué chez eux, plus souvent que chez les autres jeunes, des maladies transmises sexuellement. Ensemble, ces études confirment que le personnel a raison de s'inquiéter des effets négatifs de la présence de gangs dans les établissements carcéraux et fournissent une justification empirique à la mise en œuvre de stratégies d'intervention dans ces établissements. Il est important de noter que dans l'étude de Knox et Tromanhauser (1991), près de la moitié (46,1 %) des jeunes interrogés ont dit appartenir à un gang; cette proportion est beaucoup plus importante que les estimations antérieures qu'on avait faites.

Au Canada

L'augmentation des activités des gangs au Canada et les interventions de la justice pénale ciblant le crime organisé se sont soldées par une augmentation du nombre de détenus affiliés à des gangs dans les établissements correctionnels du Canada. Dans leur rapport sur l'évolution du profil de la population carcérale sous responsabilité fédérale, Boe et coll. (2003) font état que la proportion de détenus ayant une affiliation à une bande criminelle s'est accrue de façon significative, passant de 12 % (N = 821) en mars 1997 à 14 % (N = 1 218) en mars 2002. En novembre 2002, le nombre de délinquants sous responsabilité fédérale qui étaient associés à des organisations criminelles ou en étaient membres était de 1 696, ce qui représente une augmentation de 11 % (Léger, 2003).

La recherche canadienne sur les caractéristiques des détenus sous responsabilité fédérale affiliés à un gang a donné des résultats comparables à ceux des études semblables effectuées aux États-Unis. Nafekh et Stys ont constaté qu'en général, les détenus affiliés à un gang étaient plus jeunes que les autres détenus au moment de leur admission et qu'ils avaient reçu une peine plus longue. En outre, ces détenus avaient un niveau de motivation moins élevé, un potentiel de réinsertion sociale plus faible et des besoins plus élevés dans les domaines des fréquentations et des attitudes. Les détenus qui appartenaient à un gang de rue étaient des Afro-Canadiens et ils étaient plus susceptibles que les autres détenus d'avoir été admis pour une infraction avec violence et d'avoir été classés comme délinquants à risque élevé. Les membres de gangs de rue, dans une plus grande proportion que les autres détenus, avaient déjà commis des infractions avec violence et avaient des besoins dans les domaines des attitudes, des fréquentations, de l'emploi et du fonctionnement dans la collectivité.

L'incidence de la présence de membres de gangs sur les activités quotidiennes des établissements fédéraux préoccupe de plus en plus le SCC. Ce phénomène pose diverses difficultés dans les opérations courantes, dont les problèmes liés au pouvoir et au contrôle, les rivalités entre les différents groupes, le trafic de drogue, le recrutement de nouveaux membres, l'intimidation et la corruption du personnel (Léger, 2003). Selon le SCRC (2003), des membres de gang se livrent à des activités criminelles et au recrutement pour le gang à l'intérieur des établissements correctionnels fédéraux et exercent occasionnellement une influence sur les activités du gang à l'extérieur de ces établissements. Des membres de gangs de rue sont reconnus pour essayer d'intimider le personnel de l'établissement, et certains d'entre eux deviennent des criminels plus endurcis pendant leur incarcération. Ces constatations sont semblables à celles de Nafekh et Stys, qui ont constaté que la présence de membres de gangs de rue influence les activités criminelles dans les établissements carcéraux et que les membres de ces gangs sont plus susceptibles que les autres détenus d'être directement impliqués dans des voies de fait contre les détenus et le personnel et de faire l'objet de saisies d'objets interdits.

THÉORIES DE LA FORMATION DES GANGS

Comme nous l'avons déjà mentionné, les chercheurs essaient d'expliquer la dynamique des gangs depuis que ce phénomène est devenu une préoccupation sociale. La section qui suit présente les principales théories criminologiques et psychologiques qui concernent les activités et le comportement criminel des gangs en général.

Théories criminologiques

Théorie de la désorganisation sociale

L'une des plus anciennes théories sur les gangs, la théorie de la désorganisation sociale explique l'affiliation à un gang comme une solution de rechange pour les jeunes qui, autrement, n'ont pas de liens sociaux avec les gens et les institutions communautaires. Cette absence de liens peut découler de mouvements démographiques rapides (comme une vague d'immigration), de changements politiques, économiques ou sociaux rapides, du racisme, de l'instabilité des régimes politiques, de la guerre ou d'une révolution, d'une industrialisation ou une urbanisation rapide, de changements radicaux dans le marché du travail, de la fragmentation de la collectivité, de la désorganisation sociale ou familiale, ou de l'incapacité des agents de socialisation, comme les écoles, de répondre aux besoins d'une population en évolution. Selon la théorie de la désorganisation sociale, la formation de gangs n'est pas anormale; elle est plutôt une réponse normale d'individus normaux à des situations sociales anormales (Spergel, 1995).

La théorie de la désorganisation sociale a vu le jour avec Thrasher (1927), qui croyait que les gangs étaient formés par des garçons qui voulaient créer une société capable de répondre à leurs besoins. Ces garçons cherchaient à se regrouper afin d'obtenir la satisfaction et les gratifications que leur collectivité, leur école et leur famille ne pouvaient leur offrir (Goldstein, 1991). Deux autres théoriciens éminents qui défendent cette théorie, Shaw et McKay (1942), se sont servis des statistiques officielles de la police et de cartes topographiques pour expliquer que la délinquance et la formation de gangs se produisaient dans la région entourant le centre-ville, une région qui est généralement caractérisée par des changements sociaux. Les deux auteurs ont montré qu'indépendamment des individus qui demeurent dans cette région, le taux de criminalité reste constant au fil des années, ce qui illustre que c'est la désorganisation sociale de la collectivité, et non les caractéristiques des individus, qui détermine l'activité criminelle (Shoemaker, 1996).

Théorie de la contrainte

Selon cette théorie, la délinquance et l'appartenance à un gang sont la conséquence de l'écart entre les aspirations économiques élevées et le manque de moyens pour les réaliser. Elle suppose que tous les jeunes ont des aspirations économiques semblables (la richesse, le succès et le pouvoir), mais qu'un grand nombre de jeunes ne possèdent pas les ressources légitimes pour atteindre leurs buts. Ainsi, pour compenser ce manque de moyens, ces jeunes doivent avoir recours à des activités illégales pour concrétiser leurs aspirations (Goldstein, 1991). Il existe plusieurs variantes de la théorie de la contrainte, dont la théorie de l'anomie de Merton et la théorie des opportunités différentielles de Cloward et Ohlin.

Dans la théorie de l'anomie, Robert Merton reconnaissait les contraintes que subissaient les jeunes de classe inférieure qui essayaient d'atteindre les aspirations de la classe moyenne, et il a expliqué cinq façons dont ces jeunes pouvaient s'adapter à ces contraintes. Ils pouvaient se conformer aux buts universels et essayer de les atteindre à l'aide de moyens légitimes. Ils pouvaient avoir recours à l' innovation et atteindre les buts à l'aide d'autres moyens que ceux qui sont généralement utilisés par la société (p. ex. gagner de l'argent en dévalisant une banque plutôt qu'en travaillant). Ils pouvaient avoir recours au ritualisme , en rejetant le but et en se concentrant plutôt sur les moyens de l'atteindre (en se concentrant sur le maintien d'un emploi, par exemple, plutôt que sur l'atteinte du succès dans l'emploi). Ils pouvaient battre en retraite , rejetant complètement et les buts et les moyens, ou ils pouvaient se révolter , en remplaçant les buts « universels » par leurs propres buts (Williams et McShane, 1999).

Cloward et Ohlin (1960) ont élaboré une théorie de la contrainte (connue sous le nom de théorie des opportunités différentielles) qui proposait que les garçons de classe inférieure se regroupaient en gangs parce qu'ils n'avaient pas accès aux buts définis par la société. Toutefois, ces chercheurs soutenaient que, selon l'endroit où les gangs étaient formés, le type de gang différait, car même les moyens illégitimes sont distribués de façon inégale (Kenney et Finckenauer, 1995). Les gangs criminels se constituent dans des quartiers stables et se concentrent sur les crimes qui rapportent des gains financiers importants. Les gangs conflictuels se constituent dans les quartiers pauvres et plus instables et visent à atteindre un certain statut au moyen de la menace. Enfin, les gangs marginaux se forment dans les deux genres de quartiers et sont composés d'individus qui ne se qualifient pas pour les deux autres types de gangs. En général, ces gangs socialisent et consomment de l'alcool et de la drogue (Cloward et Ohlin, 1960).

Théorie de la sous-culture

La théorie de la sous-culture découle de la théorie de la contrainte et repose sur l'hypothèse selon laquelle tous les jeunes ont des buts et des aspirations économiques semblables. Toutefois, elle pose comme postulat que plutôt que de vouloir atteindre les mêmes buts que les jeunes de la classe moyenne, les jeunes de la classe inférieure créent leur propre sous-culture afin d'y acquérir le statut désiré. Cette sous-culture est constituée de normes et de critères compatibles avec un mode de vie criminel : rudesse, excitation, destin, autonomie, hostilité, hédonisme, considération suscitée par le crime (Williams et McShane, 1999). Plusieurs théoriciens ont apporté leur contribution à cette théorie, dont Albert Cohen et Walter Miller.

Albert Cohen (1955) a proposé sa théorie de la réactance pour expliquer la formation des gangs, affirmant que les garçons de la classe ouvrière et de la classe inférieure sont frustrés de ne pas atteindre les standards de la classe moyenne qu'ils ne sont pas outillés pour atteindre. Ils se constituent donc en gang pour établir leur propre système de valeurs anti-conventionnelles dans lequel on acquiert un statut pour des comportements qui sont négatifs, malveillants et dysfonctionnels. Cohen prétend que ce système de valeurs se transmet de génération en génération et que cette sous-culture est installée de façon permanente (Williams et McShane, 1999). Miller (1958) a posé comme hypothèse que la classe inférieure est imprégnée d'un ensemble de valeurs très différentes de celles de la classe moyenne et que ces valeurs entraînent naturellement un niveau plus élevé de délinquance et d'affiliation à des gangs. Il a proposé six valeurs centrales qui définissent les sous-cultures délinquantes des garçons de classe inférieure : destin, autonomie, débrouillardise, rudesse, excitation et troubles. C'est l'engagement à l'égard de ces valeurs, plutôt qu'à l'égard des valeurs de la culture dominante, qui entraîne les comportements qui posent problème.

Théorie de l'étiquetage

Selon la théorie de l'étiquetage, aucun comportement n'est déviant en soi; c'est le fait de l'étiqueter comme tel qui le rend déviant. En conséquence, les individus ne sont des criminels que lorsque la société les étiquète comme tels. De plus, selon cette théorie, lorsqu'on étiquète un individu comme « membre d'un gang », cette étiquette devient le statut principal , ou l'identité principale, de cette personne. Lorsqu'il intériorise cette identité, l'individu se considère comme membre d'un gang et rien d'autre, et il agit conformément au rôle stéréotypé d'un membre de gang, renforçant ainsi l'opinion de la société qu'il appartient à un gang (Williams et McShane, 1999).

Théorie de la classe marginale

La classe marginale est la classe sociale qui se situe au-dessous de la classe défavorisée traditionnelle. Pour beaucoup de gens appartenant à cette classe, l'emploi n'est pas accessible en raison de l'isolement du quartier, de l'inexistence de réseaux d'information sur l'emploi et du faible niveau d'instruction (Miller, 1958; Cohen,1969; Wilson, 1991). Semblable à la théorie de la contrainte, mais plus élaborée, cette théorie propose que la formation de gangs et leur implication dans la criminalité sont une réponse naturelle à l'influence rigoureuse de la vie de la rue créée par la dépossession des structures. La dépossession restreint les occasions positives sur les plans culturel et social et est interreliée à divers problèmes sociaux (Miller, 1958; Cohen,1969).

Théorie du contrôle social

Selon la théorie du contrôle social, la déviance fait naturellement partie de l'expérience humaine et chacun a une tendance naturelle à adopter des comportements criminels. Cette théorie essaie d'expliquer pourquoi certaines personnes se conforment à l'ordre moral (règles de la société) alors que d'autres s'en écartent. Elle pose comme postulat qu'en général, les personnes qui ne s'affilient pas à un gang possèdent des liens plus forts avec l'ordre moral que les autres. Les éléments qui constituent ces liens sont l'attachement aux personnes-clés (famille, amis, modèles) et aux institutions (emploi, école, clubs), la participation à des activités conventionnelles, et l'adhésion aux valeurs traditionnelles de la société (Hirschi, 1969; Williams et McShane, 1999).

Selon Gresham Sykes et David Matza (1957), les individus se servent de diverses techniques pour rompre leurs liens avec les valeurs de la société et s'impliquer dans la criminalité. Ils nient la responsabilité de leurs actes, ils nient que le crime a causé du tort, ils nient que le crime a fait une véritable victime, ils blâment les symboles d'autorité qui les condamnent, ou ils prétendent être fidèles à des choses plus importantes que les règles de la société (c.-à-d. l'amitié).

Théorie de l'association différentielle

Proposée par Edwin Sutherland et Donald Cressey (1978), cette théorie repose sur l'hypothèse selon laquelle le comportement criminel s'apprend par les interactions avec les autres et que les activités criminelles, plus spécialement, s'apprennent au sein de groupes sociaux intimes. Non seulement on apprend les techniques, mais aussi les motifs, les pulsions, les justifications et les attitudes derrière les activités criminelles. On suppose donc que les individus pencheront vers la criminalité ou s'en éloigneront selon les normes et les conviction des personnes qu'ils fréquentent (Williams et McShane, 1999). Cette hypothèse a été corroborée par une étude qui a révélé que les attitudes criminelles et la fréquentation de criminels sont les deux plus importants corrélats du comportement criminel (Andrews et Bonta, 1994).

Théories psychologiques

Théorie de l'apprentissage social

La théorie de l'apprentissage social s'appuie sur les idées de Sutherland et Cressey (1978) et explique comment les individus apprennent des attitudes et des comportements criminels. L'un des théoriciens les plus influents de l'apprentissage social, Ronald Akers (1985), a proposé que de façon générale, le comportement humain est guidé par la recherche du plaisir et l'évitement de la souffrance. Les êtres humains apprennent des comportements en répétant ceux qui leur apportent un renforcement et en cessant ceux qui leur apportent une punition. Le comportement criminel s'installe lorsque les conséquences d'un acte criminel sont plus positives que négatives. Si un acte criminel apporte un renforcement matériel (argent, bijoux, etc.) ou un renforcement social (acceptation par le gang) et n'apporte pas de punitions matérielles ou sociales qui surpassent ces renforcements, alors l'individu choisira de répéter l'acte criminel (Williams et McShane, 1999).

Théorie du développement social

La théorie du développement social expose les processus généraux qui sous-tendent l'évolution des interrelations et des comportements. S'appuyant sur l'importance du développement, cette théorie présente des modèles propres à chaque période de développement de l'enfance et de l'adolescence (préscolaire, école primaire, école secondaire). Dans chaque modèle, on retrouve des facteurs de risque et des facteurs de protection qui mènent respectivement dans une voie qui encourage les comportements antisociaux ou dans une voie qui encourage les comportements prosociaux.

Les principaux éléments de la théorie du développement social sont les occasions d'établir des liens, les compétences nécessaires pour être efficace au sein de la famille, à l'école et avec les pairs prosociaux, et les renforcements que l'on reçoit pour avoir utilisé ces compétences. Les probabilités qu'un jeune adopte des comportements délinquants durant l'une ou l'autre de ces périodes de développement dépend de la mesure dans laquelle les occasions d'établir des liens, la possession de compétences et les renforcements reçus sont adéquats et prosociaux (Hawkins, 1998).

Théorie de l'hyperadolescence

La théorie de l'hyperadolescence d'Arnold Goldstein tente d'expliquer l'appartenance à un gang et la délinquance en fonction des différences qui existent entre un adolescent type et un adolescent qui fait partie d'un gang. Cette théorie repose sur le principe que les adolescents membres d'un gang sont des hyperadolescents, ou des adolescents qui ont les mêmes besoins et les mêmes comportements que les autres adolescents, mais à un plus haut degré. Divers éléments caractérisent l'expérience type de tout adolescent, dont le sentiment de marginalité, la contestation de l'autorité, le besoin d'expérimenter des rôles d'adulte, la recherche du statut, le manque d'estime de soi et la recherche de l'indépendance. La formation de sa propre identité est particulièrement importante pour tous les adolescents. Goldstein (1991) a constaté que les membres de gangs (ou les hyperadolescents) sont plus sensibles aux pressions de leurs pairs, recherchent plus activement le statut d'adulte et sont plus disposés à intégrer les opinions de leurs pairs dans le développement de leur identité. En outre, Goldstein soutient que l'appartenance à un gang fournit aux hyperadolescents des possibilités de hausser leur statut (par les comportements délinquants et violents) qui ne leur sont pas offertes par les autres groupes de pairs.

Théorie de la personnalité

Bien qu'il existe plusieurs théories de la personnalité, la plupart sont centrées sur l'idée que la délinquance est davantage le résultat de caractéristiques individuelles de la personnalité que de l'influence des facteurs sociaux. La théorie de la personnalité repose sur l'hypothèse selon laquelle les individus naissent avec certains traits de personnalité, qui peuvent être influencés et modelés durant toute la vie par des expériences personnelles, mais dont la majorité demeurent généralement constants tout au cours de la vie (sa personnalité fondamentale). Chez les membres de gangs et les délinquants, cette personnalité fondamentale possède des caractéristiques qui convergent pour produire un comportement déviant (Shoemaker, 1996). Les théoriciens de la personnalité ont proposé de nombreuses caractéristiques qui, selon eux, dénotent une personnalité déviante. Mentionnons l'extraversion, les tendances à la névrose, les tendances psychotiques, la psychopathie, le raisonnement moral et les pensées irresponsables (Goldstein, 1991).

Théorie de la dynamique des groupes

La théorie de la dynamique des groupes tente d'expliquer la formation des gangs en en examinant le processus et les avantages. Selon cette théorie, les gangs sont généralement caractérisés par un ensemble de critères (catégorisation sociale, gratification sociale, interdépendance, interaction et influence) et se développent en cinq étapes : formation, turbulence, normalisation, performance et déclin (Tuckman et Jensen, 1977). Parmi les nombreux processus propres au développement du groupe, la cohésion exerce une influence particulièrement importante sur la qualité des interactions du groupe, sa longévité et sa capacité d'atteindre ses buts. Les personnes faisant partie d'un groupe au sein duquel règne une plus grande cohésion sont plus susceptibles d'être influencées par les autres membres du groupe, d'accorder une plus grande valeur aux buts du groupe, d'être des participants plus actifs et égaux dans les discussions du groupe, d'être moins influencées par le fait que des membres quittent le groupe, d'être absentes moins souvent, et de rester dans le groupe plus longtemps (Goldstein, 1991). La recherche a montré l'existence d'une relation positive entre la cohésion du groupe et la délinquance; les gangs risquent davantage de s'engager dans des activités violentes lorsque le statut et la solidarité du gang sont menacés (Thornberry et coll., 1993; Jansyn, 1966).

INTERVENTIONS CIBLANT LES GANGS

Comme nous l'avons dit précédemment, le nombre de gangs a augmenté considérablement au Canada et aux États-Unis dans les dernières années (Esbenson et Osgood, 1999; Stinchcomb, 2002). Forcément, à mesure que le problème des gangs s'aggrave, on ressent le besoin de trouver des stratégies efficaces pour lutter contre ce phénomène. Au cours des dix dernières années, on a mené plusieurs études exhaustives sur les ouvrages traitant des stratégies de prévention et d'intervention (Howell, 1998; Spergel et coll., 1994; Stinchcomb, 2002). Tous ces chercheurs en sont arrivés à des conclusions semblables : malgré l'énorme quantité de ressources que l'on a affectées aux stratégies de prévention et d'intervention, très peu de programmes ont été évalués rigoureusement. De plus, parmi ceux qui ont été évalués, seulement quelques-uns se sont avérés prometteurs ou ont donné des résultats positifs. En dépit de cette absence de succès et du manque d'évaluations, il est important d'y regarder de plus près, si ce n'est que pour voir ce qui n'a pas été efficace.

Il est difficile de savoir exactement combien de programmes ont été mis en œuvre au cours des années. Même si plus de 90 subventions de base ont été allouées à ce genre de programmes entre 1985 et 1993 (Knox, 2000), on ne sait pas combien de ces programmes ont réellement été mis à exécution et évalués. Toutefois, depuis les années 1930, au moins 30 programmes à grande échelle ont été mis en œuvre et ont fait l'objet d'une certaine évaluation ou d'un rapport de suivi. La majorité des stratégies de prévention et d'intervention ciblaient les jeunes. Par conséquent, dans notre examen des stratégies relatives aux gangs, les interventions sont presque exclusivement orientées vers les jeunes.

Stratégies d'intervention individuelle et sociale

Programmes de prévention

Les programmes de prévention sont des stratégies proactives qui ont pour objectif de décourager les jeunes de s'affilier à un gang. Ces stratégies peuvent comprendre des programmes de développement de la petite enfance, des programmes destinés aux parents, des programmes qui aiguillent les jeunes qui fréquentent parfois un gang et leurs parents vers des organismes pouvant leur offrir du counseling et des conseils, et des services de prévention destinés aux jeunes qui sont manifestement à risque (Spergel et coll., 1994). On a dit que les programmes de prévention constituent le moyen le plus économique de réduire la criminalité liée aux gangs (National Drug Intelligence Center, 1994). Il n'y a toutefois pas beaucoup d'études sur ce genre de programmes.

Plusieurs programmes de développement de la petite enfance se sont avérés efficaces dans la prévention de la délinquance et de l'affiliation à un gang. Le projet Beethoven, mis en œuvre dans l'ensemble domiciliaire Robert Taylor Homes, à Chicago, a été conçu comme un programme Bon départ destiné aux mères et à leurs enfants d'âge préscolaire, dans le cadre duquel on offre à la mère des services de santé et des services sociaux pour l'aider à détecter les signes précoces des comportements antisociaux de son enfant et à y réagir (Short, 1996).

À Montréal, Tremblay et coll. (1996) ont mis en œuvre un programme de prévention semblable pour supprimer les facteurs de risque présents durant la petite enfance et prédisposant à la délinquance et à l'affiliation à un gang. Ce programme visait à permettre de déceler et de prévenir les comportements antisociaux/perturbateurs des jeunes garçons de familles défavorisées qui avaient des problèmes de comportement à l'école maternelle. L'approche englobait les facteurs de risque et les facteurs de protection, montrant que la formation donnée aux parents et l'enseignement de compétences aux enfants pouvaient empêcher les enfants de s'engager plus tard dans des comportements délinquants. Les séances de formation étaient données à de petits groupes composés de parents (donner du renforcement positif aux comportements prosociaux) et de garçons (améliorer leurs aptitudes sociales, leur maîtrise de loi). Il y avait des séances sur l'encadrement, le jeu de rôle, le modelage sur les pairs et le renforcement de comportements positifs destiné à amener les enfants à acquérir des compétences positives.

Une évaluation longitudinale (10 ans) des avantages procurés à court et à long terme par le programme de Montréal a révélé que les garçons qui avaient participé au programme étaient sensiblement moins susceptibles de commettre des actes de délinquance, comme la consommation de drogue et l'affiliation à un gang. D'autres programmes de développement de la petite enfance structurés de manière semblable, comme le Perry Preschool Project, et comportant une formation donnée aux parents, ont permis de prévenir la délinquance des jeunes enfants jusqu'à l'âge adulte; toutefois, ces programmes n'ont pas été évalués précisément en fonction de la prévention de l'affiliation à un gang.

Howell (1998) indique que le seul programme de prévention qui a été bien évalué et qui semble prometteur est le projet Broader Urban Involvement and Leadership Development (BUILD). Ce programme a été mis en œuvre à Chicago dans les classes de huitième année des quartiers de classe inférieure et de classe moyenne inférieure où se produisent de nombreux crimes liés aux gangs. Le volet prévention comportait un programme de douze semaines en classe qui était axé sur les gangs, les activités des gangs, la violence, la toxicomanie, les moyens de résister aux pressions des recruteurs des gangs, les conséquences de l'appartenance à un gang et la clarification des valeurs. De plus, on demandait aux jeunes qui étaient jugés à risque élevé de participer à un programme après l'école. Ce volet était axé sur les activités de loisirs et sur les programmes d'éducation et de formation professionnelle.

Pour évaluer ce programme, Thompson et Jason (1988) ont utilisé trois paires d'écoles publiques intermédiaires jumelées en fonction du fait que le même gang recrutait activement des membres dans les deux écoles en même temps. Une école de chaque paire a été désignée aléatoirement comme école expérimentale, et l'autre comme école témoin. À la fin de l'année, on a évalué combien d'élèves appartenaient à un gang, pour déterminer l'efficacité du programme. Les résultats ont montré que les jeunes des écoles expérimentales étaient moins susceptibles de s'affilier à un gang que les jeunes des écoles témoins, mais la différence était faiblement significative sur le plan statistique. L'étude comportait des limites : la période de suivi était courte et les échantillons étaient de petite taille (74 jeunes dans les écoles expérimentales; 43 jeunes dans les écoles témoins); toutefois, tant Howell (2000) que Thompson et Jason (1988) ont conclu que, dans l'ensemble, ce genre d'intervention semble prometteur et qu'on devrait en faire une évaluation régulière.

Programmes d'intervention communautaire

Les stratégies d'intervention communautaire tentent de mobiliser les collectivités touchées par les activités de gangs pour qu'elles participent activement au contrôle de ces activités. Les interventions sont axées sur l'éducation du public, la sollicitation de l'aide et de la coopération des membres de la collectivité pour identifier les membres de gangs, l'établissement d'un sentiment de confiance entre les membres de la collectivité et les organismes publics (la police, par exemple), l'aide aux parents pour qu'ils puissent reconnaître les problèmes chez leurs enfants et les informer des dangers d'appartenir à un gang (Spergel et Curry, 1991). Les interventions communautaires peuvent aussi comprendre les interventions en situation de crise ou la médiation des bagarres entre gangs; le ciblage, l'arrestation et l'incarcération des chefs et des membres de gangs qui sont des récidivistes violents; les poursuites verticales, la surveillance attentive et les peines plus sévères pour les jeunes durs qui font partie de gangs (Spergel et coll., 1994).

Certaines stratégies d'intervention communautaire ont été appliquées à maintes reprises malgré le fait qu'elles n'ont donné aucun résultat positif. En fait, dans certains cas, ces programmes ont même eu pour effet d'augmenter la délinquance ou la criminalité. La stratégie le plus souvent citée parmi les interventions négatives est l'approche des « travailleurs de rue détachés ». Cette intervention s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle les membres de gangs seraient plus susceptibles de réagir aux programmes qu'on irait leur offrir directement sur le terrain qu'aux programmes qu'ils devraient chercher eux-mêmes (Stinchcomb, 2002). Le travailleur de rue se rend dans les endroits où les gangs se rassemblent et il essaie de travailler avec les jeunes pour transformer les gangs ou pour inciter les membres à abandonner les gangs. Ce travailleur peut participer à des activités sociales avec les jeunes, comme des activités sportives, mais il fournit aussi des services sociaux comme le counseling d'emploi, la défense des droits auprès de la police et des tribunaux, le counseling individuel et des services aux familles (Howell, 2000).

La recherche sur le recours à des travailleurs de rue dans les stratégies d'intervention auprès des gangs a montré que ce moyen est inefficace (Stinchcomb, 2002). En fait, selon une étude nationale, aucune des évaluations des programmes de travailleurs de rue n'a montré que ces programmes permettaient de réduire la criminalité (Sherman, non daté; Klein, 1971). L'une des évaluations les plus rigoureuses d'un programme de ce genre a été faite par Miller (1962), à Boston. Le projet Midcity a été mis en œuvre auprès de 400 membres de 21 gangs de rue; des services intensifs ont été offerts à sept gangs. L'objectif du projet était de fournir aux jeunes la possibilité de participer à des activités légitimes. Même si ce programme était bien appliqué, Miller a constaté qu'il était inefficace et qu'il avait un effet négligeable sur certains comportements délinquants. De plus, dans une autre étude sur un programme de travailleurs de rue, Klein (1995) a constaté que l'utilisation de cette stratégie avait augmenté la cohésion au sein du groupe et le nombre de crimes commis par le gang ultérieurement. Malgré les résultats de ces évaluations, on continue encore aujourd'hui d'avoir recours aux travailleurs de rue et de les intégrer à de nombreuses initiatives liées aux gangs (Stinchcomb, 2002).

Le projet Little Village à Chicago est un excellent exemple d'intervention communautaire qui a donné des résultats préliminaires prometteurs. Le projet constitue une approche novatrice pour le contrôle (et la prévention) d'un grave problème de violence lié aux gangs; cette approche est fondée sur des stratégies interreliées de mobilisation communautaire, d'intervention sociale, de répression, d'offre de possibilités, de développement organisationnel et de ciblage. Brièvement, mentionnons que la mobilisation communautaire est la participation des citoyens et des organismes locaux (résidents, jeunes ayant appartenu à un gang, agents de police et agents de probation) à une entreprise commune. L'offre de possibilités consiste à offrir aux membres de gangs des occasions, comme des emplois et des cours de formation, deux éléments cruciaux pour les jeunes à faible revenu. L'intervention sociale désigne les activités de liaison avec les membres de gangs dans la rue ou dans des contextes sociaux problématiques et repose sur l'hypothèse selon laquelle de nombreux jeunes sont incapables d'utiliser les occasions qui leur sont offertes pour établir des liens positifs avec les institutions sociales légitimes. La répression est l'application de divers contrôles informels et officiels sur le comportement de jeunes et sur la structure et les processus de leurs gangs. Le changement et le développement organisationnel sont effectués par des unités de travailleurs d'organismes clés qui travaillent ensemble à établir un ensemble commun d'objectifs pour réduire et prévenir les crimes commis par les gangs et pour remettre sur la bonne voie les membres de gangs ou les jeunes à risque. Enfin, le ciblage est effectué par une équipe de travailleurs de différentes disciplines, qui ciblent des jeunes, des gangs et des contextes sociaux qui sont à l'origine de situations propices à la criminalité (Spergel et Grossman, 1997).

On a utilisé une série de méthodes pour évaluer l'efficacité de ce programme : enquêtes auprès des résidents et des organismes de la collectivité, entrevues avec les jeunes et la police, données des tribunaux et données sur la détention. Bien qu'on ne dispose que de résultats préliminaires, les constatations semblent concorder. Le projet semble avoir eu un effet positif sur le rendement scolaire et l'emploi. Trois cohortes ont été utilisées; le nombre de jeunes des cohortes un et deux qui ont terminé avec succès leur cours secondaire ou ont reçu un certificat d'équivalence d'études secondaires est passé de 25,3 % lors de la première entrevue à 51,6 % au troisième examen annuel. De plus, la proportion des individus des cohortes un et deux qui occupaient un emploi est passée de 30,8 % lors de la première entrevue à 76,0 % à la troisième entrevue. Les arrestations durant une période de trois ans, avant le programme, chez les jeunes ciblés ont été comparées aux arrestations d'un groupe témoin de jeunes pendant la période de trois ans du programme. Il y a eu relativement moins d'arrestations pour des crimes de gangs chez les jeunes ayant participé au programme, particulièrement les crimes de violence, que chez les jeunes des deux groupes témoins.

De plus, si l'on tient compte des antécédents criminels, le projet a eu un effet important sur la réduction des activités criminelles violentes, en particulier chez les jeunes qui étaient plus âgés au début du projet. Ceux qui avaient 19 ans ou plus ont obtenu de meilleurs résultats et ont été moins fréquemment arrêtés pendant qu'ils recevaient des services et avaient des contacts avec des personnes-ressources dans le cadre du projet, par rapport à ceux qui étaient plus jeunes, ou par rapport aux jeunes des deux groupes témoins, indépendamment de l'âge. Enfin, on a constaté que la région de Little Village avait connu la plus faible augmentation de crimes de violence commis par des gangs, comparativement à six régions semblables (surtout hispaniques) de la ville de Chicago ayant des caractéristiques similaires et un niveau élevé de violence par des gangs, lorsqu'on a comparé une période de quatre ans préalable au programme à une période équivalente de quatre ans durant le programme (Spergel et Grossman, 1997). L'élément le plus encourageant de ce projet est son incidence positive sur les membres de gangs qui étaient âgés de 19 ans ou plus.

Programmes d'intervention dans les écoles

Pour Spergel (1994), un programme d'intervention à l'école est un programme qui offre un enseignement correctif à des jeunes qui font partie d'un gang, en particulier aux jeunes de la sixième et de la septième année. En outre, le programme peut offrir des services d'orientation professionnelle, de la formation, des services de placement et de mentorat aux jeunes plus âgés. Un programme de ce genre qui a donné des résultats préliminaires positifs est le programme Gang Resistance Education and Training (G.R.E.A.T.) du Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearm. Le programme G.R.E.A.T. dure neuf semaines et comporte des séances sur les droits des victimes, la sensibilisation aux différences culturelles/les préjugés, le règlement des conflits, la satisfaction des besoins fondamentaux, les drogues et la façon dont elles affectent le voisinage, la responsabilité et l'établissement de buts.

Esbensen et Osgood (1997) ont évalué ce programme en effectuant une enquête ponctuelle auprès d'environ 6 000 élève de la 8 e  année dans 11 endroits représentatifs, sur le plan géographique et sur le plan de la population, un an après la fin du programme G.R.E.A.T. Un moins grand nombre des élèves qui avaient suivi le programme avec succès appartenaient à un gang et commettaient des actes de délinquance – consommation de drogue, infractions mineures, crimes contre les biens, crimes contres le personnes. En outre, le groupe expérimental avait des attitudes plus positives à l'égard de la police et des attitudes négatives à l'égard des gangs. Les auteurs soulignent qu'il ne s'agit que de résultats préliminaires et qu'il faudra une étude exhaustive à long terme pour bien comprendre les effets du programme. Toutefois, il est encourageant de voir quelques résultats positifs.

Stratégies d'application de la loi

Élimination des gangs

Cette stratégie ne s'attaque pas aux causes de la formation des gangs, mais plutôt à ses caractéristiques les plus problématiques : le comportement criminel. Aux États-Unis, on a apporté littéralement des centaines de modifications à l'application de la loi, aux poursuites, aux décisions, aux jugements, à la collecte de renseignements et aux lois qui visent les crimes commis par les gangs. Les tactiques d'élimination comprennent les patrouilles tactiques de la police, les poursuites verticales par les procureurs locaux et la surveillance intensive par les services de probation (Fritsch, Caeti et Taylor, 1999). En général, cela comprend l'arrestation, la poursuite et l'incarcération des membres de gangs. Les tactiques d'élimination ont aussi pris la forme de « coups de filet », d'une augmentation importante des ressources chargées de faire appliquer des lois auparavant mal appliquées, dans le but manifeste d'augmenter la dissuasion (Fritsch et coll., 1999; Sherman, 1990). Bien que ces coups de filet semblent efficaces au premier abord, ils sont souvent suivis d'un retour aux niveaux de criminalité antérieurs à l'intervention (Sherman, 1990).

Les programmes d'élimination des gangs ne prennent pas seulement la forme de coups de filet. Certains, comme le programme Operation Safe Streets à Los Angeles, ciblent uniquement les membres de gangs endurcis (Fritsch et coll., 1999). D'autres, comme le Tri-Agency Resource Gang Enforcement Team (TARGET) à Westminster, en Californie, sont plutôt orientés vers l'échange de renseignements et la collecte d'information qui permettent d'identifier, d'arrêter et de poursuivre les membres de gangs (Cook, 1993).

On ne connaît pas l'efficacité des programmes d'élimination, car ils n'ont pas fait l'objet d'évaluations rigoureuses jusqu'à maintenant. Toutefois, dans la plupart des études sur les endroits où l'on a eu recours à des tactiques d'élimination des gangs, on n'a pas constaté de diminution du problème des gangs (Klein, 1995). L'un des exemples les plus probants d'un programme inefficace est l'Operation Hammer, mis en œuvre à Los Angeles en 1988. Dans ce programme, environ 1 000 agents de police patrouillaient les rues le vendredi soir et le samedi, et arrêtaient les jeunes qu'ils soupçonnaient d'appartenir à un gang, pour diverses infractions. La police a arrêté en tout 1 454 jeunes. Toutefois, 1 350 de ces jeunes ont été relâchés par la suite sans qu'on dépose d'accusation officielle contre eux (Fritsch et coll., 1999). Près de la moitié des jeunes qui avaient été arrêtés ne faisaient pas partie d'un gang. Finalement, seulement 60 des jeunes arrêtés avaient commis une infraction majeure et des accusations ont été déposées dans seulement 32 cas (Spergel, 1995). En outre, après ces coups de filet, on a constaté que non seulement des centaines de jeunes ont adhéré à des gangs, mais aussi que les citoyens ont commencé à sympathiser avec ces gangs (Stinchcomb, 2002).

Efficacité des interventions ciblant les gangs

Dans une étude sur diverses interventions ciblant les gangs, Spergel a constaté que l'organisation communautaire, en tant que stratégie primaire, est plus efficace dans les endroits où le problème des gangs est nouveau que dans les lieux où ce problème est chronique, alors que les programmes qui offrent des possibilités aux jeunes (en général, les programmes de prévention et les programmes dans les écoles) sont plus efficaces dans les lieux où le problème des gangs est chronique. Ni les programmes d'intervention sociale ni les programmes d'élimination des gangs ne sont jugés efficaces comme stratégies primaires. La plupart des programmes de liaison avec les gangs de rue ont été jugés inefficaces (Spergel, 1995).

Les programmes dont on a vanté les mérites et qu'on a financés grassement et qui avaient pour but de transformer les valeurs des membres des gangs de rue par le travail direct auprès des gangs se sont constamment révélés inefficaces. Ces interventions semblent faire perdurer les problèmes associés aux gangs plutôt que de les résoudre (Klein, 1971). Dans le cadre de plusieurs de ces programmes, le recrutement de membres par les gangs s'est stabilisé, mais la délinquance a augmenté et, dans au moins un cas (Youth Development Project de Chicago), les jeunes qui se disaient le plus près des travailleurs de rue sont ceux qui ont continué à avoir le plus de démêlés avec la police (Gold et Mattick, 1974). Les initiatives d'élimination des gangs, comme nous l'avons déjà laissé entendre, peuvent en fait exacerber le problème en attirant l'attention sur les gangs et leurs chefs et en leur accordant le statut et l'identité qui incitent les jeunes à se joindre à ces gangs (Klein, 1993).

Dans une évaluation plus récente d'une intervention sociale à l'échelle nationale – le National Youth Gang Drug Prevention Program -, les auteurs ont examiné les effets de 13 projets réalisés aux États-Unis (Cohen et coll., 1994). Ils ont constaté que les projets avaient eu une incidence importante sur la réduction de la consommation de drogue, mais qu'ils avaient peu d'effet, sinon aucun, sur l'affiliation (ou la non-affiliation) à un gang par les participants et sur l'abandon du gang par les membres de gangs. Ils ont été surpris de constater que 44 % des membres de gangs participant au projet ne consommaient et ne vendaient pas de drogue, ce qui semble contraire à l'opinion courante selon laquelle les gangs sont impliqués dans la consommation et la vente de drogue, quand cela n'est pas leur raison d'être.

Il semblerait, d'après les études les plus importantes (Spergel, 1995; Klein, 1995; Goldstein et coll., 1994; Knox, 1994), que les stratégies d'intervention ciblant les gangs ont proliféré aux États-Unis, mais qu'elles ne reposaient pas sur des théories solides et n'ont pas été soumises à des évaluations systématiques. Par conséquent, il y a peu de preuves qui montrent que ces interventions permettent de décourager les jeunes de s'affilier à un gang ou de prévenir la formation de nouveaux gangs dans les centres urbains du pays. Plus récemment, des auteurs ont conclu que les efforts visant à freiner la formation des gangs ont généralement échoué, et beaucoup voient l'avenir avec pessimisme (Klein, 1995; Jankowski, 1991). Ce pessimisme n'est cependant pas nécessairement justifié. La plupart des interventions dans le passé ont été guidées par les perceptions de la population, qui voit les gangs comme des fraternités efficaces, loyales et fanatiques qui commettent des crimes violents. Comme le fait remarquer Klein, la réalité est que dans la plupart des gangs, les objectifs de groupe sont minimaux, la stabilité est faible et la structure est fragile (Klein et Crawford, 1995), ce qui donne à penser que les interventions sont loin d'être vaines et que l'échec des initiatives d'élimination des gangs (qui sont bel et bien une guerre contre les gangs dans certaines collectivités) découle peut-être d'une perception erronée du phénomène des gangs (Huff, 1990).

Le pessimisme parmi les sociologues et les criminologues qui se sont intéressés récemment aux interventions ciblant les gangs aux États-Unis semble découler surtout de l'évaluation de l'énormité du problème dans les grands centres urbains (surtout Los Angeles, Milwaukee, Miami et Chicago) et du manque de volonté qu'ils perçoivent de la part du gouvernement et des citoyens de résoudre les problèmes. Il semblerait que l'apparition d'une classe marginale en milieu urbain constitue un terrain fertile pour les gangs de rue aux États-Unis. Toutefois, il est manifeste, d'après les ouvrages sur les gangs aux États-Unis, que certains des facteurs qui contribuent à la formation d'une « classe marginale » - notamment la sous-instruction et le chômage – ont été la cible d'interventions fructueuses. En fait, on prétend que le fait de fournir de nombreuses possibilités aux quartiers de classe inférieure pourrait ralentir ou même renverser la tendance au développement d'une classe marginale. Huff (1990) souligne que ces quartiers ne sont pas uniquement caractérisés par la présence de nombreux membres de gangs, mais aussi par la criminalité en général, la pauvreté, la malnutrition et la maladie mentale; les stratégies d'intervention ont été mal dirigées et, au lieu de cibler les gangs, on devrait cibler les problèmes de la collectivité et adopter une approche écologique qui s'attaquerait aux causes mêmes de la formation des gangs.

Par ailleurs, la notion presque universellement acceptée selon laquelle la pauvreté désespérante est la cause structurelle de la formation des gangs est elle-même contestable. Les adolescents des quartiers marginaux ne s'affilient pas tous à des gangs, et les gangs ne proviennent pas tous des collectivités pauvres (Korem, 1995), ce qui illustre la possibilité que la corrélation bien documentée entre la pauvreté et la violence des gangs de jeunes soit trompeuse. Certains auteurs (Goldstein et coll., 1994) attirent notre attention sur l'augmentation de la violence en général dans la culture des États-Unis. Korem parle de la détérioration des familles, et plus particulièrement de l'absence d'un adulte “protecteur” vers qui l'adolescent peut se tourner dans des moments de crise (qu'on désigne sous le nom de « facteur de protecteur manquant »).

L'hypothèse de Korem permet d'expliquer la prolifération déclarée des gangs de banlieue depuis le milieu des années 1980 dans les collectivités riches des États-Unis. Elle donne aussi à penser que les stratégies d'intervention qu'on a appliquées dans le passé ont peut-être échoué parce qu'elles ciblaient le mauvais problème. L'auteur soutient qu'une combinaison de programmes de prévention appliqués dans les écoles primaires (comme le programme G.R.E.A.T.) et de programmes pour adolescents gérés par des bénévoles qui jouent le rôle d'adultes « protecteurs » auprès des jeunes à risque peut prévenir efficacement l'affiliation aux gangs. Bien que Korem prétende qu'on a obtenu un taux de succès de 100 % dans la prévention de l'affiliation des jeunes à risque à des gangs dans la banlieue de Dallas, on est en droit de se demander dans quelle mesure les jeunes qui participaient au projet étaient véritablement « à risque » et si un programme semblable obtiendrait autant de succès dans d'autres endroits. Dans ce genre de programme, on risque aussi d'étiqueter à tort un jeune comme étant un « prédélinquant » ou « à risque » de devenir membre d'un gang sans avoir de preuves qu'il a des comportements criminels. Néanmoins, la prévention primaire s'est révélée efficace pour réduire la consommation d'alcool et de drogues chez les préadolescents (avec le programme DARE) et les comportements incendiaires chez les enfants (avec le programme Fire Hawks). Bien qu'il soit difficile et coûteux de démontrer l'efficacité des programmes de prévention primaire, leur intérêt dans les interventions ciblant les gangs repose sur la logique intuitive selon laquelle il est plus facile d'empêcher les jeunes de s'affilier à un gang que de persuader ceux qui font déjà partie d'un gang de quitter le gang. Comme nous l'avons déjà dit, il a été montré (Spergel et Curry, 1991) que la stratégie de l'organisation communautaire dans les quartiers où le problème des gangs est nouveau est l'une des rares interventions qui donnent des résultats positifs dans le domaine de la prévention.

L'approche globale dans laquelle on reconnaît le phénomène des gangs comme une interaction complexe de variables individuelles et situationnelles repose sur un fondement théorique plus concret que les approches dont nous avons parlé. Elle propose l'application simultanée de stratégies de prévention, de dissuasion et de réadaptation, et prévoit des interventions auprès des individus, des systèmes et de la justice pénale (Spergel, 1995). En théorie, si elle est bien appliquée, une approche globale pourrait avoir une plus forte incidence sur le problème des gangs que les interventions dont il a été question auparavant et nous permettre d'établir un pronostic moins pessimiste. Quoi qu'il en soit, ce genre d'approche a déjà été adoptée par des groupes de travail importants sur les gangs aux États-Unis, comme on peut le voir dans les recommandations qu'ils ont formulées en vue de l'élaboration de politiques (Goldstein, 1990). Malheureusement, les tentatives que l'on fait en Californie pour appliquer les recommandations relatives aux programmes d'intervention globaux sont ralenties par les conflits entre, d'une part, l'élimination des gangs et la protection de la collectivité et, d'autre part, la réadaptation et la prévention, ces deux volets étant en concurrence pour l'obtention de ressources limitées dans une société réclamant à cor et à cri l'ordre public (Spergel, 1995). Il existe d'autres stratégies globales, mais elles sont trop récentes pour qu'on puisse les évaluer. Il y a des indications, toutefois, qu'une stratégie coordonnée comportant une surveillance étroite des probationnaires ou des libérés conditionnels peut s'avérer efficace, si elle est bien appliquée. Dans le comté de Santa Clara par exemple, les responsables d'une approche communautaire coordonnée (police, procureur local, services de probation et de libération conditionnelle) prétendent qu'après cinq années d'activité, ils ont réussi à faire passer le nombre de gangs de 50 à 20, et que seulement une dizaine de gangs ont des activités régulières (Spergel, 1995).

Un examen rétrospectif des interventions antérieures révèle que peu de programmes ont été évalués convenablement et que de nombreuses initiatives prometteuses n'ont pas été mises en œuvre avec suffisamment d'énergie ou ont été interrompues prématurément (Goldstein et coll., 1994). Si l'on avait axé les efforts sur les facteurs criminogènes (colère, habiletés sociales, raisonnement moral, dysfonctionnement de la famille) et l'intégrité des programmes, les résultats de la recherche sur les interventions auraient pu être très différents. Avec son application de l'approche de l'apprentissage social (Aggression Replacement Training) auprès de membres de gangs à Brooklyn par exemple, Goldstein a obtenu des résultats intéressants : un taux d'arrestation de 13 % au cours de la période de suivi de quatre mois après le traitement, par rapport à un taux de 52 % dans un groupe témoin apparié. On a observé des différences importantes chez les participants entre leurs habiletés en communications interpersonnelles et leur adaptation au travail avant et après le traitement (Goldstein et coll. 1994).

Il importe de souligner que Goldstein n'a pas tenté de décourager l'appartenance à un gang en soi. Son intention était simplement de cibler les attitudes et les comportements antisociaux et de réduire les comportements criminels. L'approche de Goldstein est exemplaire : il a appliqué des méthodes de traitement reconnues (cognitivo-comportementales) à une cible appropriée (les attitudes et les comportement criminels, plutôt que l'appartenance à un gang) d'une façon susceptible d'être bien acceptée par les participants et par la collectivité. Cette approche nous rappelle aussi que le besoin de statut, d'identité et d'affiliation avec les pairs est un besoin normal chez les jeunes adolescents et adolescentes, et que certains aspects de l'appartenance à un gang peuvent être prosociaux. À cet égard, l'approche de Goldstein est comparable à l'approche de « réduction des méfaits » utilisée avec les toxicomanes (Marlattt, 1998) ou à l'approche de « prévention des rechutes » utilisée avec les délinquants sexuels (Laws, 1989), dont l'intention est de réduire les comportements criminels, et non de « régler » le problème.

Enfin, comme nous l'avons déjà mentionné, les interventions ciblant les gangs n'ont pas toutes été des échecs. Les examens des ouvrages sur les interventions ciblant les gangs (comme la plupart des ouvrages sur la réadaptation des criminels) ont toujours passé sous silence les preuves des interventions réussies – ou n'en ont fait que peu de cas - pour conclure prématurément que rien ne fonctionne (Goldstein et coll., 1994). Des méta-analyses plus équilibrées et complètes de la recherche sur la réadaptation des criminels (Andrews et coll., 1999; Gendreau et coll. 2001) ont permis non seulement de mettre en doute les conclusions pessimistes antérieures, mais aussi de déterminer des objectifs appropriés de traitement (facteurs criminogènes) et les principes (risque, besoins et réceptivité) des interventions efficaces. Il y a de plus en plus de preuves qui montrent que si l'on choisit des objectifs, des modalités et une intensité (durée) appropriés pour les traitements, ces derniers peuvent avoir des conséquences importantes sur des problèmes que l'on jugeait auparavant insurmontables.

Interventions ciblant les gangs en milieu correctionnel

Malgré l'augmentation du nombre de membres de gangs dans les établissements correctionnels au cours des années, très peu d'études empiriques ont été réalisées - ou publiées – sur les moyens de gérer les gangs en milieu correctionnel. Aux États-Unis et au Canada, le rôle des services correctionnels dans le problème des gangs n'est pas surtout d'intervenir ou de réprimer, mais plutôt de gérer. Les systèmes correctionnels ont pour rôle de réaliser leur mission de protéger la société, d'assurer un contrôle stable et humain dans les établissements correctionnels et de fournir des services de réadaptation aux détenus. La gestion des gangs est un volet important dans la réalisation de cette mission. La présente section décrit certains moyens que prennent les établissements correctionnels des États-Unis et du Canada pour gérer les gangs.

Aux États-Unis

Dans une étude effectuée dans 33 États où l'on signalait des problèmes liés aux gangs dans les établissements correctionnels, Camp et Camp (1985) ont constaté que les autorités avaient recours à 13 techniques différentes pour faire face à ce problème; aucune de ces techniques n'avait été officiellement évaluée à ce moment. La thérapie du transfèrement était la stratégie le plus souvent employée (N = 27). Les autres stratégies souvent mentionnées étaient les suivantes : recours à des informateurs et prévention des incidents (N = 21), isolement des membres de gang (N = 20), isolement cellulaire des chefs (N = 20), isolement cellulaire dans toute la prison (N = 18), poursuites (N = 16), interception des communications (N = 16), identification et suivi (N = 14), traitement individuel de chaque situation (N = 13), refus de reconnaître le gang (N = 9), logement des gangs dans des établissements différents (N = 5), infiltration (N = 5) et contrôle exercé par des détenus (N = 3). Certaines de ces méthodes seront décrites ci-dessous.

Thérapie du transfèrement

Cette stratégie consiste simplement à transférer un détenu d'un établissement à un autre comme mesure punitive (Knox, 2000). Il semble qu'elle ait été efficace au cours des années 1970 pour démembrer un groupe religieux, mais tous les résultats n'ont pas été jugés positifs. Pour certains gangs, comme l'Aryan Brotherhood, le transfèrement des membres du gang n'a pas entraîné la dissolution du gang. En fait, cette mesure n'a fait que propager et exacerber le problème (Knox, 2000).

Reconnaissance/légitimation des gangs

Cette stratégie a été utilisée dans un établissement de l'Illinois dans les années 1970 et a donné des résultats lamentables. La direction de cet établissement avait espéré qu'en rencontrant les différents gangs à des moments précis, cela aurait pour effet de les apaiser et de réduire les conflits entre les gangs (Knox, 2000). Il s'est avéré que ces réunions spéciales ont augmenté le pouvoir des gangs d'engendrer de la violence, de faire pression sur les détenus et le personnel, et d'usurper l'autorité des gestionnaires de l'établissement. La stratégie de reconnaissance des gangs a aussi engendré de la jalousie entre les gangs et des conflits au sein des gangs (Illinois Training Academy, 1988, cité dans Knox, 2000). Knox (2000) renvoie à des ouvrages dans lesquels on affirme que les conflits et la reconnaissance d'un groupe par la collectivité ou la police favorisent la formation, le développement et la cohésion des gangs.

Dans une étude sur les « alliances de gangs » (confédérations de gangs auparavant rivales) dans les prisons de l'Illinois, Bobrowski (1988) a conclu qu'il est peu judicieux pour les autorités correctionnelles de permettre aux membres de gangs de se rencontrer en tant que groupes, de les reconnaître en tant que groupes et de négocier avec les chefs de gang. Lorsqu'on a tenté de réduire la violence attribuable aux gangs en permettant aux chefs de gangs de se réunir, on a obtenu l'effet contraire; on a plutôt facilité le développement de leur organisation et favorisé la création d'« alliances de gangs ». Ces facteurs semblent avoir contribué à l'expansion rapide des gangs et, au bout du compte, au remplacement de la mission des prisons par la lutte contre les gangs.

Politique de l'équilibre

La « politique de l'équilibre » est un autre programme de gestion des gangs qui a donné des résultats négatifs. Cette méthode vise à équilibrer le nombre de membres de différents gangs logés dans une unité de sorte qu'aucun des gangs ne soit dominant (Knox, 2000). Par exemple, dans une aire de logement de 25 places, on pourrait mettre 10 membres du gang des « Bloods », 10 membres du gang des “Crips” et cinq détenus neutres. Cette méthode a été instaurée à la prison Corcoran en Californie, où on a réuni des membres de gangs rivaux durant les périodes de loisir. Cette politique d'intégration a donné des résultats désastreux. En avril 2000, huit agents de correction ont comparu devant un tribunal fédéral après avoir été accusés de favoriser la violence parmi les détenus. Quatre d'entre eux sont passibles d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Quand les détenus commençaient à se battre dans la cour de la prison, les agents postés dans les tours de surveillance se prévalaient de leur droit d'utiliser une arme à feu; dans un cas, un détenu a été tué. Il est évident que le recours à cette méthode n'a pas éliminé les tensions entre les gangs rivaux.

Élimination des gangs

On a beaucoup écrit sur le problème notoire que constituent les gangs dans les prisons du Texas et sur les initiatives d'élimination qui ont été mises en place pour le régler (Ralph et Marquart, 1991). En 1984 et 1985, le système carcéral du Texas a connu une hausse considérable des homicides commis par des gangs (52 meurtres, dont 90 % étaient liés à des gangs; Beaird, 1986). Cette escalade de la violence a coïncidé avec la suppression d'un système de contrôle qu'on avait instauré dans les prisons en vertu duquel un groupe de détenus d'élite avaient la responsabilité directe du contrôle (souvent avec violence) des autres détenus.

Les efforts qu'on a faits pour reprendre le contrôle des prisons, en isolant les chefs de gangs, en les transférant dans d'autres unités et en augmentant le nombre de poursuites contre eux, ont donné peu de résultats. On n'a réussi à reprendre le contrôle et à réduire la violence des gangs qu'en appliquant des mesures extrêmes sans précédent d'élimination des gangs. On a constitué une unité spéciale qui s'est chargée de la collecte de renseignements et des poursuites dans tous les cas de crimes liés aux gangs. De plus, l'État a adopté une loi qui faisait de la possession d'une arme à feu par un détenu un délit grave et qui prévoyait une peine consécutive (plutôt qu'une peine concurrente) en cas de déclaration de culpabilité. Enfin, tous les membres de gangs ont été placés en isolement préventif. Depuis la mise en place de ces mesures en 1985, le nombre d'homicides dans les prisons a diminué considérablement. Seulement neuf homicides ont été signalés dans les prisons d'État du Texas entre 1985 et 1991 (Ralph et Marquart, 1991).

Logements séparés et programmes intensifs

Il y a certaines preuves empiriques qui montrent que cette approche double – logements séparés et programmes intensifs – peut s'avérer efficace. Spergel (1995) décrit un programme expérimental qui a été mis en place au Wisconsin et qui ciblait des délinquants endurcis appartenant à un gang. Les jeunes délinquants (un peu avant la vingtaine) étaient logés dans un pavillon distinct de l'Ethan Allan Boys School et suivaient des programmes intensifs (sept mois) d'aptitudes à la vie quotidienne portant sur le traitement psychosocial, l'éducation et la formation professionnelle, le fonctionnement au sein de la famille et de la collectivité. Les données recueillies entre 1988 et 1991 ont montré que sur les 107 participants, seulement 6,7 % ont eu des démêlés subséquents avec le système correctionnel pour adultes du Wisconsin, et seulement 17,7 % étaient connus des services de probation. Bien que cette évaluation ne soit pas parfaite (il n'y avait pas de groupe témoin), ces résultats confirment d'autres conclusions (Goldstein et coll., 1994; Lipton, 1995) selon lesquelles les programmes intensifs pertinents peuvent réduire la récidive chez les membres de gangs incarcérés. Ce genre de programme expérimental montre au moins qu'on peut loger les membres de gangs séparément et leur donner un traitement sans qu'il y ait une violence incontrôlable entre les gangs et sans que les détenus prennent le contrôle de l'établissement.

Une expérience semblable est actuellement en cours dans un établissement correctionnel pour adultes à Ludlow, au Massachusetts (Toller et Tsagaris, 1996). Avec cette stratégie de gestion des gangs, comme avec le programme pour les jeunes délinquants, on tente de régler le problème des gangs à l'établissement, plutôt que de transférer les membres de gangs dans d'autres établissements. Ici aussi, on isole les membres de gangs de la population générale, mais, contrairement aux jeunes, les détenus adultes peuvent retourner dans la population générale s'ils suivent avec succès le programme de réadaptation. Ce programme consiste en une période d'observation rigoureuse, un déplacement vers une unité d'isolement moins restrictive, la participation à un programme de recyclage cognitif (programme de 10 heures sur vidéo intitulé « Changing Directions »), la signature d'un contrat de comportement dans lequel le détenu promet de ne plus participer à des activités de gang et, enfin, un retour rigoureusement surveillé dans la population générale. Selon les auteurs, deux ans après la mise en œuvre du programme, seulement 9 % des 190 membres de gangs sont retournés à l'unité d'isolement pour leur implication dans des activités de gang.

Malheureusement, comme pour le programme du Wisconsin, cette stratégie expérimentale n'a pas été évaluée convenablement. Lorsqu'on n'établit pas d'estimation des activités des gangs avant le traitement, on ne peut pas évaluer avec fiabilité les effets du programme. En l'absence d'un groupe témoin ou d'un échantillon de comparaison, on ne peut pas déterminer si l'on aurait observé une réduction des activités des gangs s'il n'y avait pas eu d'intervention. Il est possible que les activités de gangs dans l'établissement soient simplement devenues clandestines. Élément encore plus important, les auteurs n'ont pas de données de suivi sur les détenus qui ont participé au programme et ont été mis en liberté par la suite. Il n'est donc pas certain que le programme ait eu quelque effet sur la réduction du risque de récidive ou du risque de reprendre des activités de gang dans la collectivité. Néanmoins, le programme de Ludlow semble montrer qu'il est judicieux de combiner la sécurité et les services dans une stratégie de gestion des gangs rationnelle et bien planifiée. L'établissement s'est attaqué au problème des gangs en cherchant à comprendre, au moyen de la recherche, la dynamique des gangs et les interventions ciblant les gangs, en nommant un « coordonnateur des gangs » à temps plein pour faire la liaison avec la police et les procureurs locaux et en organisant la collecte de renseignements, et il a fourni au personnel une formation sur les gangs, sur la politique de l'établissement sur les gangs et sur son programme de gestion des gangs.

Information/dénonciation

Les stratégies d'information et de dénonciation sont utilisées dans certains États des États-Unis, mais on n'a rapporté encore aucun résultat. L'objectif de ce genre de stratégie est d'amener le détenu à donner divers renseignements sur le gang, comme la hiérarchie, la position qu'il occupe dans le gang, les principaux acteurs (information), et à rompre son affiliation au gang (dénonciation). Pour atteindre cet objectif, un « enquêteur sur les gangs » de l'établissement recueille le plus de renseignements possible sur tout détenu nouvellement admis afin de déterminer dans quelle mesure il constitue une menace. À l'admission du nouveau détenu, l'enquêteur a un entretien avec lui afin de déterminer s'il fait partie d'un gang. Plus tard, l'enquêteur continue de recueillir des renseignements en parlant avec d'autres détenus, en surveillant les conversations téléphoniques du détenu, en surveillant son courrier et toute autre correspondance et en inspectant fréquemment les articles personnels qu'il garde dans sa cellule. Une fois qu'on a déterminé que le détenu appartient à un gang, il arrive souvent qu'on le place dans une unité spéciale jusqu'à ce qu'il décide de donner de l'information et de rompre ses liens avec le gang. Par la suite, le détenu peut être mis en liberté progressivement et retourner dans la population générale (Knox, 2000).

Unité des « informateurs »

Une autre méthode de gestion des gangs qui semble prometteuse est l'unité des informateurs (Knox, 2000). Cet endroit sert à protéger les membres de gangs qui sont disposés à devenir des informateurs et à aider à faire condamner d'autres membres de gangs, en particulier ceux de leur propre gang. Afin de protéger ces informateurs contre les représailles, on les loge dans cette unité, qui est un établissement séparé et sûr où chaque détenu est appelé par ses seules initiales. De plus, avant qu'un visiteur soit admis dans l'établissement, on prend de lui une photo polaroïd qu'on montre au détenu afin d'obtenir son approbation. En l'absence de ce genre d'unité, de nombreux crimes violents commis dans les établissement ne seraient jamais résolus. De plus, cet endroit permet aux « informateurs » d'avoir un sentiment de sécurité.

Politique de tolérance zéro

D'après plusieurs enquêtes sur les établissements correctionnels pour adultes aux États-Unis, Knox (2000) a pu établir un modèle des politiques de tolérance zéro à l'égard de l'appartenance à un gang et des activités de gangs dans les établissements. Knox explique qu'il y a des interventions de faible intensité, d'intensité moyenne ou d'intensité élevée selon la gravité du problème, mais il souligne qu'il s'agit là de situations idéales et que tous les établissements ne mettent pas en pratique tous les aspects de ce genre de politique.

Pour la politique de tolérance zéro de faible intensité, il y a un coordonnateur à temps plein des groupes menaçant la sécurité (GMS). Il doit y avoir un coordonnateur pour chaque quart de travail afin que les activités des gangs et des GMS soient constamment surveillées. Le système correctionnel doit être en mesure d'identifier les membres de gangs, de surveiller leurs activités, d'isoler ces détenus, de les transférer dans un établissement à sécurité maximale et d'entamer des poursuites contre eux. Il est essentiel, pour ce faire, d'avoir un certain nombre d'employés qui ont reçu une formation sur les questions relatives aux gangs.

Pour ce qui est de la politique de tolérance zéro d'intensité moyenne, les critères de la politique de faible intensité demeurent et on leur ajoute une unité de l'État sur les gangs, à laquelle tous les coordonnateurs des GMS rendent compte. Tous les membres de gangs qui sont impliqués dans des activités de gang en prison doivent automatiquement être placés en isolement ou en milieu fermé. Puis, selon certaines étapes planifiées, les détenus retournent dans la population générale s'ils coopèrent avec les autorités, donnent des renseignements sur le gang et abandonnent leur affiliation au gang. Si un détenu rechute et reprend des activités de gang, il pourra être isolé dans sa cellule pour toute la durée de sa peine. En outre, les détenus n'ont pas le droit de porter des vêtements personnels, mais seulement les uniformes de la prison de couleur neutre, ce qui les empêche de porter des couleurs identifiant certains gangs.

La politique d'intensité élevée comprend toutes les exigences déjà mentionnées, en plus d'autres améliorations. Selon Knox (2000), la première règle de ce genre de politique est de congédier toutes les personnes de l'administration et du personnel de première ligne qui refusent de reconnaître qu'il existe un problème de gang. Ces personnes sont remplacées par de nouveaux employés qui sont conscients de la situation et préparés à y faire face. Tout le personnel de première ligne doit suivre une formation sur les gangs, y compris les enseignants, les fournisseurs de soins de santé et les aumôniers. On doit donner aux coordonnateurs des GMS l'aide financière nécessaire pour qu'ils participent au plus grand nombre possible de conférences et de rencontres sur les gangs afin qu'ils deviennent des experts dans le domaine.

De plus, tous les membres de gangs actifs et reconnus doivent être retirés de la population générale pour être placés dans une unité spéciale, ce qui les empêche de recruter d'autres membres. On peut même isoler aussi les détenus qu'on soupçonne d'appartenir à un gang. L'établissement doit aussi établir des règles pour contrer la menace que constituent les gangs. Il faut tenir des audiences disciplinaires pour toute infraction, même mineure, aux règles relatives aux activités de gangs. Le code de conduite disciplinaire prévoit des sanctions obligatoires pour les détenus qui ne respectent pas ces règles.

Idéalement, selon la politique d'intensité élevée, tous les tatouages que portent les détenus seraient enlevés par laser. Toutes les communications provenant de l'extérieur ou dirigées vers l'extérieur devraient être rigoureusement surveillées. Les détenus n'auraient pas le droit de porter des vêtements personnels ou des médaillons religieux ou d'afficher un signe distinctif (une manche roulée par exemple). Ils devraient porter les cheveux en brosse. Aucun détenu ne pourrait échapper à l'isolement cellulaire (23 heures) à moins de donner des renseignements sur le gang auquel il appartient et de signer un formulaire dans lequel il accepte d'abandonner son affiliation à ce gang, processus qu'on filmerait sur un vidéo qu'on pourrait utiliser à une date ultérieure.

Programmes particuliers pour les membres de gangs

Les stratégies dont nous avons parlé jusqu'à maintenant sont des méthodes qui servent à gérer les gangs dans les établissements correctionnels. Nous allons maintenant nous attarder aux programmes qui sont offerts aux détenus qui font partie d'un gang. Lorsqu'on examine les ouvrages sur les gangs, on constate qu'il ne semble pas y avoir de programmes qui sont destinés particulièrement aux membres de gangs et qui visent à les inciter à couper leurs liens avec leur gang. De plus, il semble y avoir très peu d'études sur les programmes qui sont offerts aux membres de gangs et sur l'efficacité de ces programmes. On a toutefois établi récemment qu'il existe des différences entre les membres de gangs et les autres détenus dans les établissements correctionnels. Ces différences peuvent nous aider à déterminer les objectifs des programmes qui pourraient aider les membres de gangs à rompre leurs liens avec le gang.

L'étude de Knox sur les stratégies d'intervention donne à pense que bien qu'aucune de ces interventions n'ait été évaluée systématiquement, les ouvrages suggèrent toutefois aux administrateurs correctionnels les chose à ne pas faire :

  1. Ne facilitez pas sciemment ou involontairement le développement organisationnel des gangs (comme nous l'avons vu dans la stratégie utilisée en Illinois dont a parlé Bobrowski).
  2. N'essayez pas de contrôler les gangs au moyen d'autres détenus (p. ex. en ayant recours à des détenus justiciers).
  3. Ne faites pas appel à des membres de gangs pour les programmes d'éducation destinés aux jeunes (« programme de dissuasion par la peur ») parce que l'attrait qu'exercent les gangs sur les jeunes dépasse souvent les dangers.
  4. N'ajoutez pas foi à la prétendue propagande prosociale des gangs (p. ex. aider les pauvres, défendre les droits civils des minorités).
  5. Ne négociez pas avec les chefs de gangs.
  6. Ne permettez pas aux gangs d'attirer et de recruter librement et impunément des jeunes.

Au Canada

En partie parce que le problème des gangs est apparu plus tard au Canada qu'aux États-Unis et en partie parce que les pénitenciers du Canada comptent une moins grande population de délinquants que les établissements des États-Unis, il n'y a pas d'antécédents en matière d'interventions ciblant les gangs dans le milieu correctionnel canadien, ce qui ne veut pas dire que le SCC ne s'occupe pas de la gestion des gangs dans ses établissements. Dans un rapport préparé récemment (sous presse), Nafekh et Stys ont reconnu les effets que la présence de gangs et de membres de gangs peut avoir sur les incidents en établissement et ont recommandé que l'on fasse des études plus approfondies pour évaluer l'efficacité des stratégies utilisées actuellement.

Contrairement aux États-Unis, où les services correctionnels de chaque État sont régis par des lois, des règlements et des directives indépendants, le système correctionnel du Canada est géré par le gouvernement fédéral selon des politiques et des procédures nationales uniformes. Plusieurs politiques servent au SCC de principes directeurs pour la gestion des gangs en établissement. Dans la Directive du commissaire n o  568 – 3, Identification et gestion des organisations criminelles (Service correctionnel du Canada, 2003a), on définit le membre ou associé d'un gang comme une personne impliquée dans les activités d'une organisation criminelle ou associée à celle-ci. On considère qu'un détenu qui est reconnu comme membre ou associé d'un gang pose un risque important, et on lui refuse certains privilèges comme la procédure d'examen expéditif. Dans cette politique, on reconnaît que les organisations criminelles (dont les gangs de rue) posent un risque sérieux qui peut compromettre la gestion des établissements carcéraux et des unités opérationnelles dans la collectivité. Un autre objectif de la politique est d'empêcher les membres d'organisations criminelles d'exercer une influence et de prévenir les situations qui consacrent le statut et le prestige des organisations criminelles. On vise également à encourager les membres des organisations criminelles à briser leurs liens avec ces groupes.

Dans la Directive du commissaire n o  568 – 7, Gestion des délinquants incompatibles (Service correctionnel du Canada, 2003b), on prévoit d'autres moyens pour gérer les détenus qui font partie d'un gang. Les membres de gangs sont considérés comme des délinquants incompatibles dans la mesure où ils menacent la sécurité et le bien-être d'autre détenus dans l'établissement. On donne normalement aux délinquants incompatibles l'occasion de résoudre leurs conflits. Si cette procédure ne fonctionne pas, les délinquants incompatibles seront logés dans des unités, des rangées, des cellules ou des établissements différents. Soulignons toutefois que cette Directive n'est pas une politique de gestion des gangs en soi, mais qu'elle vise plutôt tous les délinquants qui menacent la sécurité d'autres délinquants.

Un exemple de transfèrement de délinquants incompatibles entre des pénitenciers canadiens – ainsi que les conséquences de ce transfèrement – a été décrit par Dan Erikson, ancien sous-directeur de l'Établissement d'Edmonton. Erikson (communication personnelle, 23 septembre 2004) a décrit une situation dans laquelle des membres des Manitoba Warriors ont fait l'objet d'un transfèrement non sollicité entre l'Établissement de Stony Mountain et l'Établissement d'Edmonton en 1997. Une fouille de cellule menée par Erikson et Vince Roper, directeur adjoint des Stratégies correctionnelles, a permis aux deux gestionnaires de découvrir le document de fondation des Manitoba Warriors et des Alberta Warriors. Cet incident tend à corroborer que le déplacement de membres de gangs d'un établissement à un autre n'est peut-être pas le moyen le plus efficace de régler le problème des gangs, puisque ce transfèrement entraîne souvent le transfèrement des principes qui régissent les gangs.

Jusqu'à présent, on n'a pas évalué en profondeur l'efficacité de la politique du SCC sur la gestion des gangs. Toutefois, sous la recommandation de Nafekh et Stys, le SCC a amorcé plusieurs initiatives en vue d'évaluer les Directives que nous avons mentionnées. À l'aide de groupes de discussion constitués de membres du personnel et au moyen de sondages auprès du personnel et d'entrevues avec des délinquants, on étudie actuellement les connaissances sur le sujet, les applications et l'efficacité des politiques opérationnelles afin de mieux comprendre la dynamique des gangs dans les établissements correctionnels canadiens et de voir les mesures que l'on pourrait prendre pour réduire au minimum le problème des gangs.

LEÇONS À TIRER POUR LE SCC

Le grand nombre d'études déjà réalisées sur l'ampleur du phénomène des gangs, les théories sur la formation des gangs et les interventions ciblant les gangs donnent au SCC beaucoup d'idées pour l'établissement de pratiques exemplaires dans l'avenir. Comme nous l'avons fait remarquer plus tôt, l'élément le plus important pour les services correctionnels est de ne pas sous-estimer le problème des gangs. La recherche dans le domaine correctionnel a montré à plusieurs reprises que les détenus qui font partie d'un gang présentent un risque plus élevé et ont davantage de besoins que les autres détenus; en outre, ils sont moins réceptifs aux programmes offerts en établissement. Pour cette seule raison, les membres de gangs constituent une menace importante pour la sécurité des établissements, la sécurité du personnel et des détenus et, en bout de ligne, pour la sécurité de la collectivité.

Le principal problème dans la gestion des gangs dans les prisons des États-Unis semble être lié au fait que les autorités, mal informées et malavisées, tentent de négocier avec les chefs de gangs (accordant ainsi un statut positif ou négatif aux gangs) ou nient qu'il existe un problème de gangs dans des établissements où le problème est manifeste. Les établissements qui, au contraire, recueillent rapidement des renseignements sur les membres de gangs, formulent une politique pertinente sur le phénomène et donnent au personnel une formation sur l'ampleur du problème, sur la politique de l'établissement et sur les gangs en général semblent mieux réussir à garder le contrôle de l'établissement.

Une autre leçon que l'on peut tirer de l'expérience des établissements carcéraux des États-Unis est qu'il est plus réaliste (et plus productif) de tenter de gérer les gangs que de vouloir les éliminer. Rien ne prouve qu'une politique exclusive d'élimination des gangs est plus efficace en prison que dans la collectivité. Comme on ne dispose que de peu d'études jusqu'à maintenant sur l'efficacité des diverses stratégies de gestion des gangs dans les prisons, les chercheurs ne peuvent que formuler des hypothèses, mais ils laissent entendre néanmoins qu'on devrait intégrer à la planification de la gestion des gangs en établissement des programmes de réadaptation pour les membres de gangs. Pour les détenus les moins perturbateurs, le maintien dans la population carcérale générale est peut-être le meilleur choix. Cependant, lorsque cette solution constitue un trop grand risque, on peut loger les membres de gangs – comme l'ont montré certaines expériences récentes – dans de petites unités spéciales et leur faire suivre des programmes axés sur les causes psychologiques de l'affiliation à un gang, et ainsi réduire les activités des gangs et la récidive subséquente dans la collectivité. Rien ne prouve que le fait de loger les membres de gangs dans des unités séparées augmente nécessairement la violence entre les détenus ou la perte de contrôle dans l'établissement.

Les méthodes que l'on a commencé à utiliser récemment aux États-Unis pour gérer les gangs dans les prisons semblent aller dans la même direction que les interventions que l'on utilise dans la collectivité : une approche plus globale caractérisée par une communication et une coopération plus grandes entre les services de police, les procureurs, les services correctionnels, les services de probation et les services de libération conditionnelle. Dans les modèles globaux, les services correctionnels sont considérés comme un joueur clé dans la planification des interventions ciblant les gangs à l'échelle de l'État; les établissements correctionnels ne sont plus considérés uniquement comme des agents de dissuasion (au moyen de la neutralisation et de la punition) dans le cas des crimes commis par les gangs, mais bien comme des établissements qui peuvent amener les membres de gangs à changer afin que la criminalité connaisse une diminution dans les prisons et, en bout de ligne, dans la collectivité.

Si nous devons tirer une leçon de cet examen de la littérature, c'est que nous avons manifestement besoin de plus d'information sur la présence des gangs dans les pénitenciers fédéraux. À l'heure actuelle, il serait prématuré de recommander des lignes directrices opérationnelles sur la gestion ou le contrôle des gangs. Il semble toutefois raisonnable de proposer la création d'un groupe de travail qui serait composé de personnes clés ayant pour mandat d'élaborer un plan d'action pertinent pour déterminer la nature et la gravité du problème, ses effets sur l'ensemble des opérations des établissements et sur la sécurité du personnel, ses liens avec la Mission du SCC et ses incidences sur la Mission.

Nous devons aussi envisager la possibilité d'établir des partenariats avec d'autres secteurs du système de justice pénale et avec la collectivité pour nous attaquer au problème des gangs. L'examen des ouvrages sur le sujet a permis de constater l'intérêt que présentent diverses stratégies de gestion des gangs et d'autres stratégies qui mettent à contribution plusieurs secteurs de la justice pénale et de la collectivité. Même si les stratégies de gestion des gangs n'ont pas fait l'objet d'évaluations rigoureuses, elles semblent prometteuses. L'expérience des États-Unis dans le domaine de la gestion des gangs en milieu carcéral fournit au SCC un modèle des choses à ne pas faire et, ce qui est encore plus important, une orientation pour les voies à explorer dans l'avenir.

CONCLUSIONS

Nous avons présenté les résultats d'un examen exhaustif des ouvrages sur les gangs, en particulier les gangs de rue. Il est évident qu'il y a des gangs de rue dans les collectivités canadiennes et dans les établissements correctionnels canadiens; notre objectif était d'examiner les ouvrages sur les gangs de rue dans le but d'aider le SCC à formuler des politiques, à établir des procédures et à orienter les recherches futures. L'examen que nous avons fait des questions relatives aux définitions, de l'ampleur du problème, des théories de la formation des gangs et des interventions ciblant les gangs illustre la complexité de la question. Bien que le SCC n'ait pas encore de programmes et d'initiatives bien définis pour la gestion des gangs, cet examen lui permettra d'être mieux informé et outillé pour l'avenir.

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