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Études de cas de la TRNEE sur le conservation du patrimoine naturel : Aperçu et ébauche des constats

Introduction

La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie (TRNEE) a établi le Programme de conservation du patrimoine naturel en mai 2001. Celui-ci s'inspire fortement des résultats du Programme du millénaire de la TRNEE, qui avait permis d'identifier de nombreux défis et occasions qui se présentaient au Canada en matière de conservation de la nature.

En particulier, le Programme du millénaire a démontré que même si le Canada a la responsabilité de manifester un leadership dans l'intendance globale de son capital naturel, les approches actuelles sont insuffisantes pour répondre aux besoins de conservation de la nature. Par exemple, selon les principes de la biologie de conservation, la simple création de parcs nationaux ne suffira pas à préserver notre patrimoine naturel. Il faut plutôt élaborer de nouvelles approches qui tiennent compte de l'ensemble des terres afin d'assurer la satisfaction des besoins des plantes et des animaux sauvages. L'atteinte de cette vision exigera également l'établissement de nouveaux partenariats avec les peuples autochtones et les collectivités locales de l'ensemble du pays.


 

Le Programme de conservation du patrimoine naturel vise à encourager les Canadiens et Canadiennes de tous les milieux à prendre en charge l'intendance des terres et des eaux, tant publiques que privées, et à concevoir et appuyer les nouveaux outils qui permettront de mieux conserver, restaurer et maintenir à long terme la santé des écosystèmes.

Un des principaux objectifs du Programme de conservation du patrimoine naturel consiste à encourager la diffusion et l'utilisation des meilleures pratiques et méthodes en matière de conservation. Afin de contribuer à ce processus, la TRNEE a préparé une série de huit études de cas portant sur des initiatives de conservation au Canada. Les résultats de ces études de cas feront l'objet d'un rapport sur l'État du débat sur la conservation de la nature au Canada et pourraient également permettre de recenser et de développer des outils innovateurs de conservation de la nature.

Le reste de cet aperçu présente l'approche adoptée pour la préparation des huit études de cas et leurs résultats préliminaires. Les résultats de ce travail seront également présentés dans le rapport final sur l'État du débat, qui sera publié plus tard cette année.

MÉTHODOLOGIE

Les huit études de cas varient selon la région, l'organisme initiateur, les objectifs et le modèle de prise de décisions. En voici la liste :

Pour chacune, l'équipe de projet de la TRNEE a d'abord examiné l'information disponible en ligne et d'autres sources. Elle a ensuite mené une série d'entrevues auprès de représentants des secteurs engagés dans chacun des projets, dont :

  • Les représentants des gouvernements;
  • Les Premières nations;
  • Les principaux intervenants industriels (industrie forestière, pétrolière et gazière, minière);
  • Les organisations non gouvernementales;
  • Les représentants des collectivités locales.

Chaque étude de cas contient les éléments suivants :

  1. Contexte : la situation géographique et le relief, les valeurs écologiques, les relations avec les Premières nations et l'historique de l'utilisation des ressources;
  2. Fondement et buts : le contexte dans lequel se situe l'initiative, les motifs de l'établissement, la définition et les objectifs principaux;
  3. Programme : le mode d'établissement, l'organisme initiateur, la portée et l'étendue de la participation des Premières nations et des parties intéressées;
  4. Outils : l'utilisation de l'information scientifique et du savoir traditionnel, les outils politiques ou de planification, de même que les instruments économiques;
  5. Obstacles et transitions : les principaux obstacles et stratégies ou les transitions recensées pour surmonter ces obstacles;
  6. Résultats : les résultats directs et particuliers (décisions sur l'aménagement du territoire, changements dans les pratiques, création d'aires protégées) et les résultats indirects (mécanismes de suivi, durée des effets);
  7. Leçons apprises.

CONSTATS PRÉLIMINAIRES

Cette section présente quelques-uns des constats généraux tirés des études de cas, y compris les principaux obstacles et les principales leçons apprises. Une évaluation plus approfondie des obstacles et des leçons apprises figure dans chaque étude de cas.

Principaux obstacles

Les obstacles recensés dans chacune de ces études de cas peuvent être regroupés sous trois grandes catégories :

  1. Clarté de l'intention;
  2. Participation de tous les secteurs;
  3. Ressources pour la prise de décisions.

Clarté de l'intention

Cet obstacle concerne la clarté de la vision derrière des initiatives particulières et leur portée. Dans plusieurs cas, les participants sont arrivés à la table ronde avec une perception très différente des buts et des paramètres du processus. Par exemple, dans le cas de l'initiative Terres pour la vie, les tables rondes régionales ont adopté des approches très différentes de celles qui avaient été envisagées au départ. Il en a résulté une grande confusion au sein même des tables rondes régionales comme à l'extérieur de celles-ci, ce qui en bout de ligne a miné leur capacité à apporter des solutions de conservation. Dans ce cas, il aurait fallu que le gouvernement précise clairement tant l'objectif de l'initiative (protection de douze pour cent du territoire) que son intention d'atteindre cet objectif et de le mettre en œuvre. Les communications doivent être à la fois fortes et permanentes pour assurer le maintien à long terme du succès.

Participation de tous les secteurs

L'un des plus grands défis dans l'ensemble des initiatives a été la participation inégale des différents secteurs. Par exemple, l'industrie minière a participé aux premières étapes des négociations sur la région de gestion Muskwa-Kechika, mais s'est retirée du processus avant sa conclusion, ce qui a engendré un climat d'incertitude pour tous les participants lorsque le moment fut venu d'enchâsser l'accord dans une loi.

L'engagement doit également refléter les réalités constitutionnelles du Canada. Par exemple, les Premières nations ont en grande partie ignoré le projet Terres pour la vie parce qu'elles ne voulaient pas être traitées sur le même pied que les autres intervenants. L'accord conclu ne reflète donc pas leur relation culturelle et légale particulière avec la terre en Ontario, ce qui pourrait avoir une incidence sur la viabilité à long terme des gains réalisés en matière de conservation (voir ci-dessous pour d'autres constats reliés aux Premières nations).

Les collectivités locales doivent également s'engager activement dans la planification et la conception de la conservation. L'absence d'un engagement effectif des collectivités peut éroder les gains de conservation au fil du temps, les décisions pouvant ne pas survivre à un changement de leadership au sein de la collectivité, ce qui a constitué un problème particulièrement aigu dans le cas du projet de la baie Clayoquot.

Ressources pour la prise de décisions

Les ressources essentielles à la prise de bonnes décisions en matière de conservation comprennent l'information technique et scientifique (comme les cartes et les inventaires) ainsi que des ressources financières suffisantes pour mettre en œuvre les solutions. Plusieurs des études de cas mettent également en lumière la nécessité de disposer de ressources de formation (par exemple, en gestion intégrée) afin de garantir que tous les secteurs participent effectivement à la prise de décisions. L'enjeu du développement de la capacité de prendre des décisions en matière de conservation constitue donc une question fondamentale pour l'évolution future du Programme de conservation du patrimoine naturel.

Leçons apprises

Les trois obstacles présentés ci-dessus constituent certains des plus grands défis pour la conservation de la nature, à tout le moins dans le contexte des initiatives examinées. Plusieurs d'entre eux peuvent toutefois être surmontés et plusieurs études de cas révèlent des approches novatrices de franchissement de ces obstacles. Ces leçons sont présentées ci-dessous.

Dans un premier temps, la définition des objectifs est cruciale. Les initiatives comportant des objectifs clairement définis connaissent en général plus de succès que celles dont les paramètres sont plus flous. Dans plusieurs cas, le gouvernement a eu un rôle crucial à jouer dans la définition des objectifs et des résultats escomptés des initiatives de conservation. Dans d'autres cas, les participants ont indiqué que le fait d'avoir défini eux-mêmes leurs propres objectifs a joué un rôle crucial dans l'atteinte éventuelle d'un consensus. Dans tous les cas, cependant, l'importance de la transparence des processus de prise de décisions et la force des communications ont été établies comme des éléments importants du succès des initiatives de conservation.

Un enjeu connexe est la nécessité pour le gouvernement d'établir très précisément le rôle qu'il entend jouer dans une initiative. Dans certains cas, le gouvernement semble déléguer le pouvoir décisionnel à une instance ou un processus multi-sectoriel à un moment où des décisions politiques restent à prendre. Les gouvernements doivent préciser clairement si les intervenants participent à un processus décisionnel ou consultatif. Il doit également établir clairement que les différents ministères présents à la table ont un rôle de participation, d'arbitrage ou de ressource à jouer.

Le leadership individuel a également un rôle clair à jouer dans les initiatives de conservation. La quasi-totalité des initiatives qui connaissent le succès s'appuient sur une personne ou un petit groupe de personnes ayant la vision, la volonté et la motivation nécessaires pour élaborer des solutions novatrices et des partenariats. Dans certains cas, ce leadership est le fait d'un secteur en particulier (le secteur minier au Manitoba, les conservationnistes et les pourvoyeurs de tourisme dans les négociations sur la région de gestion Muskwa-Kechika). Ailleurs, ce sont les leaders politiques qui ont joué un rôle crucial dans la réalisation des gains de conservation.

Les études de cas mettent également en lumière l'importance de regrouper tous les intérêts autour de la table. Il a été établi qu'il s'agissait d'un élément crucial pour assurer la certitude du processus : si tous les secteurs sont présents à la table de négociation, ils ne peuvent faire pression ailleurs pour obtenir un résultat différent.

Par ailleurs, le fait de regrouper les intérêts économiques et environnementaux en même temps autour de la même table, permet aux participants de faire des échanges significatifs dans un contexte élargi - les négociations ne se limitent pas aux secteurs soulevant les plus fortes controverses. Ceci permet ensuite dans plusieurs cas d'établir la bonne volonté et la confiance mutuelle, donnant ainsi le ton pour l'établissement de partenariats à plus long terme en matière de conservation.

Cette approche met toutefois en lumière l'obligation de faire en sorte, dans la mesure du possible, que les décisions de conservation soient prises soit avant les décisions sur les affectations industrielles, soit en même temps que celles-ci. Cette stratégie est sans doute plus facilement applicable dans les écopaysages terrestres et marins du Nord, dans lesquels aucune affectation à grande échelle n'a encore eu lieu. La chose est beaucoup plus difficile dans les écopaysages gérés ou ceux du Sud, fortement fragmentés.

L'examen des dossiers laisse croire que certaines approches innovatrices en matière de financement ont été appliquées afin d'encourager une plus grande intendance. Par exemple, les fonds en fiducie ont été utilisés avec succès dans les initiatives de mise en œuvre et dans les initiatives de surveillance. Ces mécanismes sont toutefois habituellement limités dans le temps, ce qui réduit leur capacité de soutenir à la fois l'intendance à long terme et la surveillance continue des résultats. Les programmes incitatifs destinés aux propriétaires privés sont un autre mécanisme de financement novateur (identifié par exemple dans le Programme de conservation des estuaires du Pacifique), mais il reste encore du travail à faire dans cet important domaine.

Une dernière leçon tirée des études de cas est l'importance d'une solide base de connaissances pour la prise de décisions. Cette base ne se limite pas à l'information scientifique (p. ex. des couches de données sur les différentes valeurs écologiques); elle doit comprendre également les utilisations traditionnelles des terres et le savoir écologique traditionnel. En règle générale, l'information provient des gouvernements. Dans plusieurs cas, toutefois, l'apport du secteur minier (Manitoba), de l'industrie forestière (Terres pour la vie) ou des groupes environnementaux a amélioré la capacité des participants à prendre des décisions efficaces en matière de conservation. Des leçons importantes peuvent également être tirées de l'expérience vécue par d'autres instances, au pays ou ailleurs dans le monde.

Participation des Premières nations

Sur la base des constats initiaux des études de cas, l'équipe de projet du Programme de conservation du patrimoine naturel a établi la nécessité de mieux comprendre la perspective des Premières nations sur la conservation de la nature, à la fois dans le cadre de ces projets et d'une manière plus générale. Bien que cette analyse se poursuive, les résultats préliminaires sont présentés ci-dessous.

Parmi les huit études de cas, l'exemple de la baie Clayoquot semble offrir jusqu'ici le meilleur modèle de participation des Premières nations. Les responsabilités de la Première nation Nuu Chah Nulth sont inscrites dans l'Entente sur les mesures provisoires. Des membres de la Première nation Nuu Chah Nulth participent à part entière à la prise de décisions (par l'entremise du Central Region Board) et prennent part aux avantages économiques découlant de l'exploitation durable des ressources forestières.

Ce ne sont toutefois pas toutes les Premières nations de la région qui appuient les initiatives de conservation en marche dans la région; certaines considèrent que toutes les revendications territoriales doivent faire l'objet d'un règlement avant la mise en œuvre de mesures de conservation. Cette question - de savoir si les aires protégées peuvent être mises en place avant le règlement des revendications territoriales, et de quelle façon -constitue un enjeu clé dans plusieurs des collectivités et des initiatives ayant fait l'objet d'une étude.

Un certain nombre d'approches examinées prévoient que la désignation finale des aires protégées ne se fera qu'après le règlement des revendications territoriales en suspens. Dans d'autres cas, les Premières nations jouent un rôle crucial en identifiant et en proposant des aires à protéger. Par exemple, la Stratégie sur les aires protégées du Yukon et la Consultation du secteur minier au Manitoba prévoient toutes deux une consultation formelle des Premières nations sur les sites potentiels. Elles établissent également un processus par lequel les sites candidats sont identifiés et proposés par les collectivités des Premières nations. Deux sites ont ainsi été proposés au Manitoba (lac Chitek et rivière Poplar), bien que ces deux aires ne jouissent pas encore d'une pleine protection juridique.

La plupart des modèles examinés semblent avoir fait certains efforts afin de consulter les populations autochtones locales et de susciter leur participation. Cependant, ces initiatives n'établissent pas toujours des mécanismes formels pour la consultation des Premières nations ou ne prévoient pas leur consentement dans tous les cas. Dans le cas du projet Terres pour la vie, par exemple, bien que des efforts semblent avoir été faits pour intégrer les Premières nations aux premières étapes du processus, ni les organismes régis par un traité ni les collectivités touchées n'étaient représentés lors des négociations finales.

Les mécanismes institutionnels permettant l'engagement systématique des Premières nations dans la prise de décisions restent peu solides dans l'ensemble du pays. En outre, il n'existe habituellement pas de ressources qui permettent d'appuyer directement la participation des Premières nations à la planification de la conservation ou de développer la capacité de prise de décisions et d'intendance à plus long terme. Il sera crucial de corriger ces lacunes pour assurer le succès à long terme des initiatives de conservation.

Note : Le rapport final contiendra des constats plus détaillés sur l'engagement des Premières nations.

Constats et observations additionnels

Les résultats font l'objet de très peu de suivi dans les différentes initiatives examinées. Bien que plusieurs projets (ceux de Muskwa-Kechika et de la baie Clayoquot, par exemple) aient établi des mécanismes continus (conseil de gestion ou comité consultatif), ceux-ci ne disposent en général que de moyens limités et de peu de temps. Il en résulte que la base qui permettrait une gestion adaptée (dans laquelle l'évolution de la compréhension modèle les décisions de gestion au fil du temps) reste relativement faible.

Par ailleurs, la base générale d'information pour la prise de décisions doit être renforcée à plusieurs égards. Premièrement, l'intégration du savoir écologique traditionnel et local dans la prise de décisions ne se fait pas encore sur une base routinière. De même, dans l'ensemble des dossiers examinés, l'information disponible sur les coûts et les avantages économiques des différentes options reste très limitée. Il est donc difficile de prendre des décisions éclairées sur les échanges ou d'évaluer si les initiatives de conservation ont eu une incidence négative ou positive sur l'économie locale. La compréhension des effets cumulatifs sur l'environnement est également relativement faible.

Troisièmement, bien que les cadres institutionnels soient clairement importants, les gains en matière de conservation semblent découler bien davantage des relations personnelles, de la capacité des différents intérêts à établir un consensus et des façons novatrices d'aller de l'avant. Cela semble un élément primordial du succès, sans égard aux instruments ou aux outils spécifiques (comme les mesures d'atténuation ou les mesures novatrices de financement) qui peuvent être appliqués à un écopaysage particulier. Par ailleurs, ce constat donne à penser que les réussites en matière de conservation sont dans une certaine mesure opportunistes, puisqu'elles résultent en grande partie de la convergence d'intervenants particuliers qui se rencontrent pour régler un problème précis ou assurer la protection d'une région en particulier. Il n'y a donc pas nécessairement de progression systématique de la conservation de la nature.

Les études de cas donnent à penser que nous devons élargir notre définition du succès lorsque nous procédons à l'évaluation des initiatives de conservation de la nature. En bout de ligne, cela signifie qu'il nous faut regarder au-delà de la taille de l'aire protégée (donc du nombre d'hectares) afin d'évaluer dans quelle mesure les collectivités locales et les Premières nations obtiennent le pouvoir d'assurer au fil du temps une intendance réelle sur ces régions. Pour y arriver, il faut augmenter de manière importante la capacité d'intendance et de prise de décisions à tous les niveaux.

Enfin, un certain nombre des initiatives examinées ont pris place dans le contexte d'un cadre global ou obligatoire de la conservation. Par exemple, le projet de consultation au Manitoba et le programme Terres pour la vie s'inscrivent tous deux dans une réponse à des engagements pancanadiens sur la biodiversité et à la campagne Espaces en danger du Fonds mondial pour la nature. Aucun autre nouveau cadre ou nouvelle vision n'a émergé au Canada afin de refléter certains des constats du Programme de conservation du patrimoine naturel de la TRNEE. Il y a là une lacune qui pourrait compromettre les tentatives éventuelles de mettre en équilibre les besoins de la nature et ceux de nos collectivités et de nos économies.