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Étude de cas d'Al-Pac
Première partie : Objectifs de gestion

Daniel Farr, Biota Research
Steve Kennett, Institut canadien du droit des ressources
Monique M. Ross, Institut canadien du droit des ressources
Brad Stelfox, Forem Technologies
Marian Weber, Alberta Research Council


Cette étude de cas a été commandée comme recherche de base pour La Conservation du capital naturel du Canada: Le programme de la forêt boréale. Les opinions exprimées dans l’étude de cas sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles de la Table ronde nationale, de ses membres ou des membres du Groupe de travail du programme.

Juillet 2004

Objectifs de gestion pour favoriser la conservation du capital naturel

Les objectifs de gestion définis dans cette étude de cas offrent un cadre conceptuel pour une analyse subséquente des obstacles d’ordre réglementaire et fiscal qui entravent la conservation du capital naturel, et de diverses politiques possibles pour surmonter ces obstacles. Ils sont tirés des critères et indicateurs de gestion durable des forêts définis par le Conseil canadien des ministres des forêts (CCMF, 2000), condensés et modifiés en fonction de la zone de cette étude de cas. Ces objectifs représentent une série de mesures qui favoriseraient une ou plusieurs valeurs de conservation, dont la diversité biologique, l’état et la productivité de l’écosystème, les ressources pédologiques et hydriques, les cycles écologiques à l’échelle mondiale, ainsi que les avantages économiques et sociaux. Les tendances passées et envisageables dans l’avenir pour les indicateurs essentiels, et une analyse des incidences importantes de l’utilisation des terres ont pour but de favoriser la compréhension des difficultés que comporte la réalisation de chaque objectif de gestion.

Les objectifs de gestion élaborés pour cette étude de cas s’énoncent comme suit :

  • maintenir l’ensemble du couvert forestier;
  • maintenir les forêts anciennes;
  • maintenir le régime de perturbation naturelle;
  • maintenir les principaux éléments aquatiques et hydrologiques;
  • reconnaître et protéger les zones qui font l’objet d’utilisations et de valeurs traditionnelles pour les Autochtones;
  • créer des zones dans la forêt aménagée où les incidences humaines sont interdites ou fortement réduites;
  • réduire la densité de la perturbation linéaire et gérer l’accès humain;
  • maintenir les stocks et les puits de carbone terrestre.

Maintenir l’ensemble du couvert forestier

Valeurs prônées

Le couvert forestier compte parmi les caractéristiques écologiques les plus déterminantes de la ZGF d’Al-Pac, qui s’étend sur environ 2,4 millions d’hectares, soit 41 p. 100 de la zone d’étude. Le maintien du couvert forestier favoriserait la conservation de la biodiversité en assurant l’habitat des espèces qui dépendent des forêts. Il favoriserait également la conservation des ressources pédologiques qui sont indispensables à la production de fibre ligneuse; les sols jouent également un rôle écologique important pour filtrer et régler le débit des eaux de surface et des eaux souterraines, et pour le cycle des éléments nutritifs. D’autres écoservices comprennent l’élimination des polluants atmosphériques et la modération du climat local. Comme ce sont les forêts qui abritent la plus grande part de la biomasse terrestre du carbone biotique de la région, le maintien du couvert forestier favoriserait également le stockage du carbone. Les avantages économiques et sociaux liés au couvert forestier sont nombreux. Ils découlent de la foresterie, de la chasse et du piégeage de la faune forestière, de la pêche, des activités de loisirs et du respect des valeurs culturelles et spirituelles, notamment de celles des Autochtones (Anielski et Wilson, 2001).

Incidences de l’utilisation des terres

Le déboisement est un problème d’importance mondiale qui a aussi une pertinence locale considérable, en raison de la dépendance des collectivités locales envers l’emploi et les revenus associés à la production du bois et à la valeur des services écologiques décrits ci dessus. Les causes du déboisement dans la zone de l’étude comprennent les routes et jetées forestières, les éclaircies du secteur énergétique (p. ex. puits, pipelines, routes, profils sismiques, mines à ciel ouvert), les émissions industrielles et la coupe à blanc liée à l’expansion agricole et à la récolte du bois juste au Sud de la zone d’étude. Le changement climatique pose une autre menace au couvert forestier, avec la hausse des températures et la plus grande sécheresse du sol qui sont censées entraîner dans l’avenir un remplacement progressif des communautés boisées par des herbages (Bergeron et Flannigan, 1995).

Tendances des indicateurs

Le couvert forestier dans la zone d’étude a diminué d’environ 3 p. 100 au cours des dernières décennies (Illustration 8), en raison des éclaircies industrielles liées aux activités des secteurs forestier et énergétique. La majeure partie (80 p. 100) de l’empreinte industrielle actuellement présente dans la région consiste dans des aménagements linéaires (p. ex routes, pipelines, profils sismiques), le reste étant composé de puits, de mines de sables bitumineux et de jetées de blocs de coupe (Illustration 9). Si l’expansion industrielle se poursuit au cours des prochaines décennies, l’empreinte industrielle augmenterai de plus de 150 p. 100 pour atteindre environ 380 000 hectares par rapport aux 144 000 hectares actuels. Cette augmentation est surtout censée être liée aux mines de sables bitumineux, aux pipelines et aux routes (Illustration 9). La perte nette de couvert forestier au cours de cette période est censée atteindre environ 4 p. 100 (Illustration 8). Dans cette projection, certains éléments (p. ex routes principales) sont censés durer indéfiniment, tandis que d’autres (p. ex. lignes de profils sismiques) sont censés être de beaucoup plus courte durée.

Illustration 8. Tendances passées et projetées dans le couvert forestier de la ZGF d’Al Pac.

Illustration 9. Changements projetés dans l’empreinte industrielle à l’intérieur de la ZGF d’Al Pac, 2000 2050. Les zones légèrement ombrées indiquent la zone en 2000 ; les zones fortement ombrées représentent la partie qui viendra s’ajouter en 2050 selon un scénario d’activité modérée du secteur énergétique.

Maintenir le régime de perturbation naturelle

Valeurs prônées

La perturbation naturelle, aspect déterminant de la forêt boréale, a constitué dans le passé l’influence la plus forte sur la structure et la composition de la végétation dans la zone étudiée. Les incendies de forêt et d’autres phénomènes naturels tels que les pullulations d’insectes, les vents violents et la dynamique des trouées dans le couvert forestier ont fortement influé sur la biodiversité forestière et les processus écologiques à un certain niveau d’échelles spatiales. Les régimes de perturbations naturelles boréales se distinguent surtout par leur variabilité; les perturbations sont très variables en taille, en fréquence et en intensité (Eberhart et Woodard, 1987; Cumming, 1997; Johnson et al., 1998; Stelfox et Wynes, 1999). Le maintien d’un régime de perturbation naturelle dans la région favoriserait la conservation des espèces qui exigent des habitats pionniers et des structures créées par les incendies; il s’agit entre autres des pics-bois (Hobson et Schieck, 1999), des scolytes et des végétaux pyrophytes tels que la vergerette du Canada. Les perturbations naturelles favorisent également la productivité de l’écosystème en émettant les éléments nutritifs que contient la végétation vivante et en la restituant au sol. Certains éléments nutritifs sont ensuite transportés dans d’autres masses d’eau par le flux souterrain et de surface. En outre, tandis que les incendies de forêts émettent du carbone biotique pendant la combustion, une bonne part de ce carbone demeure sous la forme de troncs d’arbres qui se décomposent lentement. En outre, des stades de succession écologique plus jeunes créés par le feu piègent le carbone à des taux plus élevés que les peuplements plus anciens qu’ils remplacent.

À l’échelle des peuplements forestiers individuels, les forêts perturbées par les phénomènes naturels contiennent un vaste éventail de structures résiduelles (Stelfox, 1995; Lee et Crites, 1999). Par exemple, les peuplements qui ont poussé après un incendie retiennent en général la plupart de la biomasse qui existait avant le brûlage (Eberhardt et Woodard, 1987). Ces structures résiduelles, sous forme d’arbres morts sur pied, de billes abattues et d’arbres vivants qui ont survécu à l’incendie, offrent un habitat à de nombreuses espèces. Accroître la proportion de peuplements abattus qui contiennent une structure résiduelle favoriserait ainsi la conservation de la biodiversité.

Incidences de l’utilisation des terres

Les méthodes modernes de lutte et de suppression des incendies sont appliquées dans le Nord Est de l’Alberta depuis les années 1960 (Murphy, 1985), quoique le degré selon lequel ces activités aient réussi à réduire la superficie brûlée ne soit pas clair (Cumming, 1997, 2001). Même si la superficie brûlée est peut-être plus petite, nombre de zones qui brûlent sont soumises à la réexploitation. La réexploitation réduit l’héritage de perturbations naturelles dans la forêt future en éliminant les arbres morts sur pied utilisés par des espèces telles que les pics-bois et les scolytes (Lindenmayer et al., 2004).

L’exploitation conventionnelle (non complémentaire) touche également les peuplements forestiers en éliminant une bonne part de la structure qui demeurerait autrement après un incendie. En Alberta et ailleurs dans la forêt boréale du Canada, la coupe à blanc est la principale méthode d’exploitation. Al-Pac a instauré une coupe à blanc modifiée pour accroître la rétention de la structure résiduelle (Al-Pac, 1999). En moyenne, environ 5 p. 100 du volume commercialisable est retenu dans les peuplements surtout feuillus exploités par Al-Pac. Même si ceci représente une amplitude relativement restreinte de variabilité par rapport à la perturbation naturelle, l’éclaircie structurée favorise la conservation des espèces qui sont tributaires de ces structures. Toutefois, le peuplement conifère récolté par des détenteurs de contingents ne contient, en général, pour ainsi dire aucun volume commercialisable retenu.

Tendances des indicateurs

Environ 900 000 hectares ont été brûlés par le feu dans la ZGF d’Al-Pac de 1970 à 2003 (Illustration 10), soit un taux annuel moyen d’incendie d’environ 0,5 p. 100, ou 27 000 hectares par an. D’après les archives, avant 1950, les incendies étaient plus fréquents (Andison, 2003), ravageant au moins 1 p. 100 des forêts par an. Il est possible que la lutte contre les incendies au cours des dernières décennies ait réduit l’incidence du feu dans la zone de l’étude. Ou bien, les conditions météorologiques et les facteurs d’attisement ont peut-être, récemment, été moins propices aux incendies qu’il y a plusieurs décennies.

Illustration 10 : Répartition des incendies à l’intérieur et autour de la ZGF d’Al Pac, 1970 2003. Source : Al Pac.

L’étendue de la réexploitation dans la zone d’étude est variable mais, au cours de la dernière décennie, on estime qu’environ un quart de la forêt commercialisable qui a brûlé a ensuite été réexploitée (D. Pope, comm. pers.). Un sommaire de la réexploitation des peuplements brûlés en 1999 a révélé qu’il y avait des plans de réexploitation pour 56 p. 100 de la forêt commercialisable qui avait brûlé cette année-là, même si une partie de cette zone s’est par la suite avérée impossible à exploiter (Al-Pac, 2004). Les facteurs qui influent sur l’étendue de la réexploitation ont trait à l’accès routier et au volume récupérable de bois restant. En outre, les peuplements mûrs qui contiennent un volume relativement important de bois réexploitable par hectare sont plus susceptibles d’être réexploités que les peuplements brûlés plus jeunes.

L’étendue future de la réexploitation (et ainsi, des zones naturellement perturbées) est difficile à prévoir parce que l’étendue future des incendies de forêt est incertaine. Si le taux des incendies demeure à un taux semblable à celui d’avant 1950 (1,25 p. 100 par an, Andison, 2003), une moyenne de 7 500 hectares de forêt serait alors réexploitée chaque année. Ceci part de l’hypothèse que les taux futurs de réexploitation demeurent constants à 25 p. 100, ce qui est probablement un chiffre prudent du fait que l’expansion du réseau routier accroît la proportion des zones brûlées accessibles. Comme la réexploitation vise de manière disproportionnée les peuplements mûrs qui contiennent un volume de bois relativement élevé, l’étendue future des peuplements qui présentent un héritage structurel important serait limitée.

L’étendue future de l’exploitation traditionnelle (c.-à-d. non complémentaire) est plus facile à prévoir que celle de la réexploitation. La superficie des peuplements exploités de manière conventionnelle dans la zone d’étude est actuellement d’environ 250 000 hectares (Illustration 3). D’ici 2050, on prévoit que 500 000 hectares de plus auront été récoltés. Si Al-Pac demeure le seul exploitant qui laisse la structure résiduelle sur ses blocs de coupe, environ 30 p. 100 de tous les blocs de coupe (c.-à-d. dans les peuplements à dominante coniférienne) ne contiendra alors pour ainsi dire aucune structure résiduelle.

Une implication connexe de la perturbation naturelle future est la difficulté de maintenir un approvisionnement constant de fibre ligneuse. Les niveaux viables de récolte dans la forêt boréale du Canada ne tiennent généralement pas compte des pertes futures causées par l’incendie, parce que l’incidence future des incendies de forêts est incertaine (Armstrong et al., 1999). Au contraire, les niveaux de récolte sont en général recalculés après les pertes importantes causées par l’incendie. D’après une analyse des quantités disponibles de bois réalisée pour la ZGF d’Al-Pac, dans laquelle les pertes annuelles causées par l’incendie sont prises en compte, les niveaux actuels de récolte (2,7 millions de m3 de bois feuillu et 2,0 millions de m3 de bois résineux par an) seraient difficiles à maintenir pendant plus de 40 à 60 ans, après quoi des pénuries importantes de fibre de bois résineux et de bois feuillu sont prévues (Illustration 11). Les pénuries causées par les pertes découlant des incendies accroîtraient la dépendance des entreprises envers la réexploitation, ce qui réduirait d’autant plus l’étendue des aires naturellement perturbées.

Illustration 11. Tendances projetées du volume de récolte jusqu’à l’an 2100 dans la ZGF d’Al Pac selon trois scénarios possibles de fréquence des incendies : faible (0,83 % par an); modérée (1,25 % par an); élevée (2,5 % par an).

Maintenir les forêts anciennes

Valeurs prônées

Les vieux peuplements forestiers contiennent généralement le nombre le plus élevé d’espèces végétales et animales de toutes les étapes du cycle écologique dans la forêt boréale. Ceci est dû à la grande diversité des conditions d’habitat qui se sont instaurées au fil du temps : arbres relativement vieux, grands et de large diamètre, arbres morts encore sur pied ou abattus, microtopographie diversifiée du tapis forestier (fosse et butte), trouées créées dans le couvert forestier par les arbres abattus, et vaste éventail d’âge et de taille d’arbres causé par le recrutement constant dans les trouées du couvert forestier (Stelfox, 1995). De nombreuses espèces atteignent le summum de l’abondance à des stades de succession écologique ultérieurs (Angelstam et Mikusinski, 1994; Schieck et al., 1995; Kirk et al., 1996). Ainsi, le maintien des forêts anciennes à une certaine amplitude de variabilité naturelle favoriserait la conservation des espèces qui exigent ce genre de conditions. Il favoriserait également la conservation du carbone aérien, du fait que le volume du carbone stocké a tendance à augmenter au fur et à mesure que les peuplements vieillissent. Les forêts plus vieilles sont également prisées pour leur taux élevé de productivité primaire et secondaire, ainsi que pour leur attrait esthétique.

Incidences de l’utilisation des terres

L’exploitation forestière et l’incendie sont les causes premières de la réduction prévue dans la zone de peuplements forestiers plus vieux de la région étudiée. L’exploitation touche tout particulièrement la partie de la forêt plus ancienne parce que les peuplements plus vieux sont récoltés avant les plus jeunes (ce qui augmente la quantité de bois disponible à long terme). La production de bois atteint un sommet vers 70 ans pour les peuplements à prédominance feuillue, et de 90 à 100 ans pour les peuplements à dominante résineuse.

La diminution de la superficie de peuplements plus vieux menace la persistance des espèces qui ont besoin de ces peuplements. Les effets de la perte de l’habitat sur certaines espèces sont aggravés par leur réaction négative au morcellement. Par exemple, la densité des parulines à gorge noire est moins forte dans les petits îlots forestiers que dans les grands (Schmiegelow, données non publiées).

Dans cette région, les taux d’incendie sont censés augmenter en raison du changement climatique mondial (Bergeron et Flannigan, 1995; Bhatti et al., 2002), tendance qui menacerait davantage la superficie disponible de peuplements forestiers plus anciens.

Tendances des indicateurs

Environ 40 p. 100 de la forêt commercialisable de la zone d’étude, soit 10 p. 100 de la superficie totale, est couverte de peuplements forestiers plus anciens (Illustration 12). Dans le passé, la superficie de la forêt ancienne de la région a probablement fluctué considérablement à l’intérieur d’une vaste amplitude de variabilité naturelle, et la quantité, à quelque moment que ce soit, donne ainsi un bref aperçu de nombreuses quantités possibles. Dans une analyse de la superficie disponible de forêt ancienne pour la ZGF d’Al-Pac, Andison (2003) a évalué l’amplitude de variabilité naturelle dans les vieux peuplements entre 8 et 33 p. 100 du territoire.

Illustration 12. Tendances prévues dans la zone de forêt ancienne de la ZGF d’Al Pac selon trois taux d’incendie possibles. (Mêmes taux d’incendie qu’à l’Illustration 11).

Les activités d’exploitation forestière dans l’avenir dans la zone d’étude réduiraient considérablement la superficie disponible de forêt ancienne au cours des prochaines décennies (Illustration 12). Ceci cadre avec la politique de rendement maximal soutenu selon laquelle les peuplements qui ont atteint une maturité excessive réduisent la capacité de production de fibre ligneuse du territoire (Alberta Environmental Protection, 1994a, 1996). D’ici la fin de la première rotation (c.-à-d. après plusieurs décennies), les forêts anciennes seraient réduites à des peuplements commercialisables qui n’auraient pas atteint le stade d’exploitation (p. ex. zones riveraines, pentes abruptes) et à des peuplements non commercialisables. Les effets de l’incendie qui viendraient s’y ajouter accéléreraient le rythme de cette perte (Illustration 12), les perturbations combinées de l’exploitation et de l’incendie réduisant la superficie disponible de vieux peuplements en deçà de l’amplitude de variabilité naturelle au cours des prochaines décennies. Comme les incendies ravagent les peuplements à la fois commercialisables et non commercialisables, on ne peut s’attendre à ce que les zones qui ne sont soumises à aucune exploitation fournissent des superficies substantielles de vieux peuplements, surtout si les taux d’incendie augmentent en raison du changement climatique.


Maintenir les principaux éléments aquatiques et hydrologiques

Valeurs prônées

La forêt boréale assure de nombreux services hydriques, dont le recyclage de l’eau dans l’atmosphère (par la voie d’évaporation et d’évapotranspiration), ainsi que la filtration de l’eau qui coule en surface et à travers le sol (Thormann et al., 2004). Des masses d’eau de surface telles que les milieux humides, les lacs et les cours d’eau fournissent un habitat à de nombreuses espèces, dont celles qui sont véritablement aquatiques (p. ex. poissons, huards) et celles qui ont besoin de l’habitat aquatique pendant une tranche de leur vie
(p ex. grenouilles, castors, pélicans).

Une influence aquatique dominante dans la zone d’étude se situe dans la vaste région des terres humides. Ce sont des terres saturées par l’eau depuis assez longtemps pour favoriser les phénomènes aquatiques ou les processus propres aux terres humides qui se manifestent par exemple sous la forme de sols mal drainés, d’une végétation tributaire de l’eau, et divers types d’activités biologiques adaptées à un milieu humide. Une combinaison de facteurs environnementaux, dont une topographie plate, une abondance de dépôts glaciaires mal drainés et un climat froid et humide, ont entraîné la création de vastes étendues de terres humides dans l’ensemble de la forêt boréale de l’Alberta (Vitt et al., 1996; Thorman et al., 2004). Dans la zone d’étude, les terres humides sont le type dominant de communauté naturelle, et couvrent un peu plus de la moitié du territoire de six millions d’hectares. La plupart des terres humides de la région sont des tourbières (p. ex. basses et hautes) qui se distinguent par des peuplements d’épinette noire dispersés et à croissance lente, et par des habitats sans arbres dominés par des herbes, des carex et des mousses. Les écoservices importants qu’assurent les terres humides comprennent la filtration de l’eau, le stockage et la régulation des régimes d’écoulement, le piégeage du carbone et l’habitat faunique.

La réduction des effets négatifs sur la qualité et la quantité de l’eau, outre la réduction du rythme d’élimination ou de détérioration des terres humides, favoriserait la conservation de la diversité biologique et des ressources foncières et hydriques, et le bilan du carbone.
Incidences de l’utilisation des terres

Dans le Nord-Est de l’Alberta, de nombreuses terres humides et masses d’eau sont alimentées par des sources souterraines qui sont parfois sensibles aux activités industrielles telles que le pompage de l’eau souterraine jusqu’à des puits de sables bitumineux in situ (Alberta Environment, 2003) et l’assèchement des aquifères près des mines de sables bitumineux (Griffiths et Woynillowicz, 2003). Les routes perturbent parfois aussi le mouvement de l’eau, ce qui entraîne une retenue des eaux de surface qui modifie la répartition des eaux de surface et des eaux souterraines (et des communautés végétales associées) près de la route (Poff et al., 1997; Thormann et al., 2004). Enfin, le retrait de l’eau de l’Athabasca dans la région des sables bitumineux risque d’entraîner une faiblesse non souhaitable du débit, surtout pendant l’hiver lorsque le débit naturel est souvent faible.

L’exploitation forestière risque de modifier temporairement les régimes hydrologiques locaux en modifiant la dynamique de décharge-recharge des nappes souterraines, la position de la nappe phréatique et l’écoulement fluvial (Thormann et al., 2004), quoique les effets de l’exploitation forestière sur les régimes hydrologiques semblent s’apparenter à ceux d’autres perturbations telles que le feu (Carignan et al., 2000; Prepas et al., 2001, 2003). La récolte de la végétation riveraine fait parfois augmenter la température de l’eau du cours d’eau et l’exposition au rayonnement ultraviolet, ce qui risque de modifier les communautés d’invertébrés du cours d’eau et d’augmenter la prolifération d’algues (Thormann et al., 2004).

Les menaces pour la qualité de l’eau dans la zone d’étude ont trait à la pollution à la source ponctuelle par l’usine de pâtes à papier d’Al-Pac et d’autres usines du même type qui se trouvent en amont de l’Athabasca. Les résidus de l’usine de pâtes à papier sont toxiques pour de nombreux organismes aquatiques ou non (y compris pour les êtres humains), et la décomposition des matières organiques en aval de l’usine pendant les périodes de faible débit (c.-à-d. en hiver) risque d’appauvrir l’oxygène à un niveau qui menace la survie du poisson. L’eau contaminée qui est utilisée pendant l’extraction du bitume des sables bituminés risque également de fuir à partir des bassins de décantation des résidus. Dans le passé, l’exploitation forestière et la construction de routes se sont avérées causer l’érosion et le dépôt de sédiments dans les cours d’eau. Toutefois, les règlements ont presque entièrement éliminé cet effet néfaste dans la plupart des régions (Plamondon 1982, dans Thormann et al., 2004).

L’exploitation minière des sables bitumineux et, dans une plus faible mesure, des tourbières est la cause majeure de l’élimination des milieux humides dans la zone d’étude. Comme la tourbe s’accumule très lentement dans les milieux humides, c’est en fait une ressource non renouvelable (Pembina Institute, 2001). En outre, le succès des efforts déployés pour créer des milieux humides sur des sites miniers remis en état n’a pas été prouvé.

Les effets indirects de l’activité industrielle sur les terres humides (c.-à-d. la modification des régimes hydrologiques) sont parfois plus importants que la disparition de terres humides causée directement par les éclaircies industrielles. Tel que mentionné précédemment, les routes construites à travers les terres humides risquent d’entraver le débit des eaux de surface et des eaux souterraines, ce qui accroît la quantité d’eau de surface accumulée d’un côté d’une route, tout en réduisant le volume d’eau de l’autre côté. Ceci peut, par ricochet, faire mourir la végétation et modifier les habitats près de la route (Poff et al., 1997; Thormann et al., 2004). Les facteurs qui influent sur le type et la gravité des effets des routes sur les terres humides comprennent l’emplacement des routes par rapport au mode de débit d’eau de surface, l’abondance et la taille des ponceaux, et la porosité des matériaux qui servent à construire la plate-forme de la route.

L’élimination des eaux souterraines pendant la production de pétrole in situ et l’assèchement des aquifères locaux pendant l’exploitation des mines de sables bitumineux risquent également de perturber les terres humides qui sont tributaires de la recharge des nappes souterraines (Griffiths et Woynillowicz, 2003). Un autre effet possible est la contamination locale des terres humides par des déversements industriels et des résidus miniers. La végétation terrestre dans les terres humides est parfois particulièrement sensible aux émissions industrielles et aux précipitations acides, incidence qui se limite probablement à la région nord de la zone d’étude où les raffineries et d’autres végétaux qui sont source d’émission sont concentrés.

Tendances des indicateurs

Environ 3 p. 100 de la superficie des terres humides de la région a été convertie à d’autres utilisations du territoire au cours des dernières décennies (Illustration 13). Au cours des prochaines décennies, on estime que 4 p. 100 de plus des terres humides auront disparu, surtout en raison de l’exploitation minière des sables bitumineux (Illustration 13). Les tendances liées aux effets indirects de l’activité industrielle sur les terres humides sont difficiles à quantifier, mais l’expansion constante du réseau de transport dans la région risquerait de porter atteinte aux vastes étendues de terres humides.

Illustration 13. Tendances passées et prévues dans la région des terres humides de la ZGF d’Al Pac selon un scénario de développement modéré du secteur énergétique. Source : Al Pac.

Reconnaître et protéger les zones qui font l’objet d’utilisations et de valeurs traditionnelles pour les Autochtones

Valeurs prônées

Cet objectif de gestion est censé procurer des avantages sociaux, économiques et culturels aux Autochtones, tout en favorisant la conservation du capital naturel dans l’ensemble de la ZGF.

Les Autochtones forment un élément important de la population qui vit dans la zone de cette recherche. En fait, l’ensemble de la ZGF d’Al-Pac est composé de terres qui ont été beaucoup exploitées par les divers groupes autochtones pendant maintes générations. Par exemple, les terres traditionnelles des Premières nations de Fort McKay dans le Nord Est de la ZGF s’étendaient sur environ 38 000 km2 (Premières nations de Fort McKay, 1994). Le territoire traditionnel des Cris de Bigstone couvre la partie ouest de la ZGF d’Al-Pac, du lac Peerless au nord jusqu’au lac Calling au sud. Leur mode de vie traditionnel, surtout basé sur la chasse, la pêche, le piégeage et la cueillette, s’est maintenu jusqu’aux années 1960 ou 1970 selon la région. Le respect et la bonne gestion du territoire constituaient les fondements de leur relation avec la forêt. Les Autochtones exploitaient la terre avec parcimonie et en « exploitaient » les produits à bon escient. La protection des zones qui font l’objet d’utilisations et de valeurs traditionnelles pour les Autochtones et leur participation aux décisions de gestion des terres et des ressources favoriseraient le respect de tous les objectifs de conservation définis ci-dessus.

Incidences de l’utilisation des terres

L’exploitation traditionnelle du pétrole et du gaz dans les années 1940, des sables bitumineux dans les années 1970 et des ressources forestières à plus grande échelle dans les années 1990 a eu des répercussions profondes sur le mode de vie traditionnel des collectivités autochtones de la ZGF d’Al-Pac. La plupart des incidences biophysiques de l’utilisation des terres qui ont été analysées ci-dessus ont eu des répercussions directes sur la terre et les ressources dont les Autochtones étaient tributaires pour leur subsistance. Dans bien des régions, les activités basées sur la terre et les ressources sont maintenant matériellement impossibles (en raison par exemple de la coupe à blanc) ou ont aussi subi les effets néfastes de l’extraction des ressources sur les populations fauniques, ainsi que sur la qualité et la quantité d’eau. Dans la région de Fort McKay, par exemple, la plupart des gens ont cessé de pêcher dans l’Athabasca en raison de la détérioration des ressources halieutiques et des préoccupations relatives à la pollution industrielle. Néanmoins, le lien avec la terre demeure solide et crucial sur le plan culturel, et plusieurs Autochtones maintiennent un mode de « vie de brousse » actif.

Les collectivités autochtones ont commencé à relever sur des cartes leurs terres traditionnelles dans les années 1980, grâce à l’aide financière de l’industrie et du gouvernement. Les études de l’occupation traditionnelle des terres sont maintenant achevées pour plusieurs collectivités dans la ZGF. Ces études définissent les zones d’importance traditionnelle et actuelle pour ceux qui recourent à l’économie de brousse pour la chasse, le piégeage, la pêche et la cueillette, ainsi que pour les utilisations spirituelles et historiques. Elles illustrent également la richesse des connaissances de la terre chez les Autochtones. Ce savoir est précieux pour les gestionnaires et les exploitants des ressources, car il les aidera sans doute à mieux comprendre l’incidence du développement industriel sur les écosystèmes forestiers et à envisager l’exploitation du territoire et des ressources de manière plus durable.

Créer des zones dans la forêt aménagée où les incidences humaines sont interdites ou fortement réduites

Valeurs prônées

Créer des zones protégées supplémentaires dans la région de l’étude favoriserait la conservation de la diversité biologique de diverses manières.

Contribution au savoir

Les limites de la compréhension scientifique et de la faisabilité économique empêcheront toujours les gestionnaires des ressources de mener leurs activités sans produire d’effets écologiques néfastes. La création d’autres aires protégées contribuerait à régler cette question en favorisant une meilleure connaissance des effets des activités humaines sur la flore et la faune régionales. En fait, plusieurs autorités prétendent que les aires protégées, où l’activité industrielle est soit interdite, soit fortement restreinte, sont un élément crucial de la gestion durable des forêts (Environnement Canada, 1994; Sous-comité du Sénat sur la forêt boréale 1999; TRNEE, 2003b). En comparant les conditions écologiques des zones protégées (ou de référence) à celles du reste du paysage, les chercheurs peuvent calculer dans quelle mesure les objectifs de conservation ont été atteints dans le paysage exploité. Comme les conditions écologiques sont géographiquement variables, la multiplication des aires de référence dispersées dans l’ensemble du paysage exploité offrirait des comparaisons plus fiables, surtout si ces zones ne sont pas très dispersées. Une représentation adéquate des diverses zones écologiques est également considérée comme un critère important pour la sélection des aires protégées (Kavanaugh et Iacobelli, 1995).

Conservation de la diversité biologique

La création d’aires protégées favoriserait la conservation de la biodiversité en offrant un refuge aux espèces et aux collectivités (telles que les peuplements plus vieux) qui sont sensibles aux activités humaines. Elle permettrait également la présence d’individus, de semences, de pollen et de spores à introduire dans le paysage exploité si les efforts de conservation s’avéraient vains à cet endroit. De même, de vastes zones protégées favoriseraient la persistance des régimes de perturbation naturelle, tels que les incendies de forêt, et offriraient une protection contre les fluctuations environnementales causées par le changement climatique. Les couloirs où seule une utilisation restreinte des terres sensibles est permises pourraient également favoriser la connectivité entre les aires protégées et faciliter le mouvement de certaines espèces fauniques (Harrison, 1992).

Amélioration de l’accès aux marchés pour les entreprises forestières

Les entreprises forestières doivent démontrer que leurs tenures contiennent des aires protégées si elles veulent être à la hauteur de certaines normes de certification du marché, telles que celle du Forest Stewardship Council (FSC, 2000). Comme la certification rehausse l’image sur le marché international, la création d’aires protégées facilite l’accès au marché aux entreprises certifiées. La demande de certification FSC d’Al Pac est en cours (S. Dyer, comm. pers.). Dans un plan détaillé d’aménagement forestier antérieur, Al-Pac avait proposé la protection du bassin hydrographique de la Liege dans la partie nord ouest de la ZGF (Al-Pac, 1999). Al Pac voyait dans cette proposition, qui aurait ajouté 140 000 hectares d’aires protégées à l’intérieur ou à proximité de la ZGF, une stratégie lui permettant d’atteindre son objectif de maintenir toutes les espèces dans la ZGF, objectif qui cadre avec l’orientation provinciale du maintien de la diversité des espèces (Alberta Environmental Protection, 1998a).

Contribution au mode de vie traditionnel

Enfin, la création d’un plus grand nombre d’aires protégées permettrait de mieux répondre aux besoins de base des collectivités autochtones et de préserver les zones qui sont cruciales pour leur identité culturelle.

Incidences de l’utilisation des terres

Au total, 96 000 hectares (1,5 p. 100) de la zone d’étude sont désignés comme protégés en vertu des lois provinciales ou des désignations conformes aux règles fondamentales de la foresterie (p. ex zones-tampons) (Illustration 14). (Certains types d’activité industrielle sont parfois permis dans une partie de ces régions.) L’ensemble de l’aire protégée dans la région passerait à 4,7 p. 100 si les trois grandes zones protégées qui bornent la zone de l’étude (Illustration 14) étaient incluses dans le total.

Illustration 14. Carte indiquant l’emplacement des aires protégées à l’intérieur et autour de la ZGF d’Al Pac en 2003. Source : Al Pac.

Le Sous-comité du Sénat sur la forêt boréale (1999) a recommandé qu’un maximum de 20 p. 100 de la forêt boréale du Canada soit réservé comme aire protégée, y compris les zones de forêt boréale ancienne, les zones qui servent traditionnellement au piégeage autochtone, les aires écologiques représentatives et les aires qui comportent un habitat faunique important. Environ 12 p 100 de la région naturelle de la forêt boréale d’Alberta est protégé, quoique plus de 90 p. 100 de cette zone se trouve à l’intérieur du parc national Wood Buffalo dans le Nord de la province. Le programme provincial Special Places a eu entre autres pour résultat de renforcer la protection des topographies sous représentées et des sous-zones écologiques (dites thèmes d’histoire naturelle) en Alberta à au moins 2,75 p. 100 de chaque thème d’histoire naturelle (Alberta Environmental Protection, 1998b). Schneider (2002) a recommandé l’ajout de trois grandes aires protégées (500 000 ha) à l’intérieur et à proximité de la ZGF d’Al Pac (collines Birch, rapides d’Athabasca, lac Cold) et d’autres aires protégées plus petites pour conserver les caractéristiques uniques du paysage telles que les ensembles de dunes de sable et les régions très fertiles telles que les grands couloirs fluviaux.

Une analyse des aménagements linéaires dans la région naturelle de la forêt boréale de l’Alberta en dehors du parc national Wood Buffalo (Alberta Environmental Protection, 1998b) a conclu qu’environ 13 p. 100 de la région ne comportait aucune route. D’après une analyse subséquente du bassin sédimentaire de l’Ouest menée par ForestWatch Alberta, la plupart de la ZGF d’Al-Pac FMA se situait à un kilomètre d’un couloir d’accès (y compris les profils sismiques) (Illustration 15).

Illustration 15. Densité des routes, des profils sismiques et des autres perturbations linéaires en Alberta en 1995 1999. Source : Smith et Lee (2000).


Tendances des indicateurs

Les options de création d’autres aires protégées diminuent dans la ZGF d’Al-Pac au fur et à mesure que les activités d’exploitation des ressources continuent à réduire la zone de paysages intacts (voir Illustrations 3 à 7). La création de zones protégées dans les paysages non aménagés se complique davantage par les décisions d’affectation des ressources, car elles stimulent les désirs rivaux d’appropriation entre les utilisateurs industriels et ceux qui favorisent les zones protégées. Plus de 80 p. 100 des cantons de la région abritent un ou plusieurs puits de pétrole (substituts d’autres activités industrielles), tandis que le reste des cantons fait l’objet d’une certaine forme de tenure des ressources (Cumming et Cartledge, données non publiées). Comme il n’existe actuellement aucune exigence de création d’aires protégées supplémentaires dans la ZGF d’Al-Pac et peu d’incitatifs dans ce sens, la zone future de terres protégées demeurera inchangée si le régime d’aménagement demeure le même.

Un obstacle majeur à la création des aires protégées s’explique par le fait qu’elles risqueraient d’imposer des contraintes aux activités des secteurs forestier et énergétique. Par exemple, supprimer une tranche supplémentaire de 10 p. 100 de forêt commercialisable dans les terres disponibles pour la récolte du bois au delà des aires protégées déjà existantes aggraverait la pénurie de bois résineux (mais pas en bois de feuillus) (Illustration 16). (Cette projection part de l’hypothèse voulant que les pertes futures causées par l’incendie soient minimales; les incendies sont censés accentuer les pénuries futures de fibres.)

Illustration 16. Tendances projetées de volume de récolte selon l’importance de l’ajout d’aires protégées dans la ZGF d’Al Pac. Faible : 0 %; modéré : 10 %; important : 20 % de réduction de la zone forestière commercialisable disponible à des fins de récolte. La réduction supplémentaire des quantités de bois disponibles liée aux incendies n’est pas prise en compte dans ces projections.

Réduire la densité de la perturbation linéaire et gérer l’accès humain

Valeurs prônées

Les routes et autres aménagements linéaires sont considérés comme comportant de nombreux effets écologiques néfastes (Reed et al., 1996; Forman et Alexander, 1998; Trombulak et Frissell, 2000), et la réduction du morcellement par des aménagements linéaires dans la ZGF d’Al-Pac favoriserait la conservation de la diversité biologique. Certaines espèces fauniques telles que le caribou des forêts sont également sensibles à la perturbation humaine le long des couloirs linéaires, et la gestion de l’accès humain contribuerait à protéger ces espèces d’un déclin ultérieur de leur population. La réduction de la superficie de forêts éclaircies à des fins d’aménagement linéaire favoriserait également la conservation du carbone aérien, ainsi que les valeurs économiques en réduisant le taux selon lequel les terres sont éliminées du territoire producteur de forêts. La réduction de la perturbation du débit des eaux de surface et des eaux souterraines (qui accentuerait l’émission de carbone dans l’atmosphère en raison de la décomposition et de la méthanogénèse) favoriserait encore davantage la conservation du carbone aérien et souterrain.

Incidences de l’utilisation des terres

Les effets négatifs de l’aménagement linéaire sur la biodiversité dans la ZGF d’Al Pac frappent sans doute surtout le caribou des forêts. Les aménagements linéaires détériorent l’habitat du caribou parce que cet animal a tendance à éviter ces éléments, probablement en raison du risque accru de prédation par le loup (Curatolo et Murphy, 1986; James et Stuart-Smith, 2000; Dyer et al., 2001). La qualité de l’habitat d’environ 48 p. 100 du parcours principal du caribou dans le Nord de l’Alberta a diminué en raison de la proximité des aménagements linéaires et d’autres éléments industriels tels que l’emplacement des puits (Dzus, 2001). La mortalité du caribou des forêts près des routes et des profils sismiques risque de s’accroître en raison du braconnage et de la chasse autochtone (Dzus, 2001).

Les effets des aménagements linéaires sur d’autres espèces ne sont pas aussi bien documentés mais, d’après les preuves préliminaires, l’abondance de plusieurs oiseaux néotropicaux est peut-être réduite dans les zones où la densité de l’aménagement linéaire est élevée (Schmeigelow et Cumming, données non publiées). D’après les recherches connexes, la prédation des nids des oiseaux qui nichent près des aménagements linéaires, surtout près des larges emprises de pipelines (Anderson et al., 1977; Fleming, 2001) s’est aggravée. Certaines preuves attestent également que les modes de déplacement de certaines espèces de mammifères, y compris les écureuils volants et la martre d’Amérique, peuvent être perturbés par des aménagements linéaires (Marklevitz, 2003).

Les passages de cours d’eau à l’intersection des routes qui sont mal construits ou mal entretenus obstruent parfois le mouvement des poissons en créant des ponceaux suspendus, des obstacles à la vélocité ou des barrages à basse chute (M. Sullivan, comm. pers.). Ces obstacles empêchent le poisson d’accéder aux zones de fraie en amont ou de recoloniser de vastes étendues après des catastrophes naturelles telles que la sécheresse ou la destruction par l’hiver. Ils risquent aussi d’isoler ou de fragmenter les populations, menaçant ainsi la viabilité à long terme d’espèces sensibles telles que l’ombre de l’Arctique (Thormann et al., 2004). Les routes, les profils sismiques et d’autres aménagements linéaires qui facilitent l’accès motorisé sont considérés comme accroissant la pression de la pêche, surtout au passage des cours d’eau. Les populations de poisson boréal sont parfois beaucoup plus sensibles à la pression accrue de la pêche causée par l’accès routier que par le changement d’habitat qu’engendrent l’exploitation forestière et d’autres formes d’utilisation du territoire (Post et Sullivan, 2002).

D’autres effets écologiques des routes comprennent notamment la perturbation du débit des eaux de surface (Jones et al., 2000), qui risque d’entraîner l’augmentation du degré d’humidité en amont et l’assèchement en aval, outre le changement d’habitat et l’émission de carbone biotique qui les accompagnent. Les routes ont, dans le passé, causé l’érosion et accru le flux de sédiments dans les cours d’eau, mais cet effet a été réduit par le renforcement des normes de construction et de conception.

Tendances des indicateurs

Actuellement, la ZGF d’Al-Pac compte plus de 100 000 km d’aménagements linéaires. Deux tiers de ces éléments sont des profils sismiques, le reste étant composé de routes, de pipelines et de lignes de transmission (Illustration 17). Ceci représente une densité moyenne de 1,8 km/km2 dans l’ensemble de la ZGF, quoique la densité de l’aménagement linéaire varie considérablement d’une partie à l’autre de la ZGF (Illustration 15).

Illustration 17. Tendances projetées de la longueur et de la composition des aménagements linéaires dans la ZGF d’Al Pac. Les lignes figurant dans les deux graphiques du haut représentent les tendances prévues selon trois scénarios de développement du secteur énergétique (faible, modéré, important). Dans le graphique du bas, les zones légèrement ombrées indiquent la longueur en 2000, tandis que les zones fortement ombrées représentent la longueur supplémentaire en 2050 selon un scénario de développement modéré du secteur énergétique.

Si l’exploitation forestière persiste aux niveaux actuels, et si l’expansion du secteur énergétique se poursuit au rythme prévu (D. Pope, comm. pers.), la densité moyenne des aménagements linéaires dans la ZGF d’Al-Pac dépassera bientôt 5 km/km2 (Illustration 17). Le secteur forestier a besoin d’un plus grand nombre de chemins d’exploitation et de chemins temporaires à l’intérieur des blocs; quant au secteur énergétique, il a besoin de chemins, de pipelines et de profils sismiques supplémentaires.

C’est peut être le caribou des forêts qui est le plus durement frappé par les effets de cette intensification des aménagements linéaires. Les populations dans l’ensemble du Nord de l’Alberta ont probablement diminué au cours des dernières années (Dzus, 2001), et les recherches récentes révèlent certaines tendances démographiques négatives. La baisse de la qualité de l’habitat causée par l’évitement des aménagements linéaires a été citée comme cause majeure de cette tendance. Un modèle d’habitat mis au point par le Comité du caribou boréal sous-entend que la qualité de l’habitat a diminué de 23 p. 100 au cours des 50 dernières années, et qu’il faut s’attendre à ce que cette tendance se poursuive (Illustration 18).

Illustration 18. Tendances passées et projetées de la qualité de l’habitat du caribou dans la ZGF d’Al Pac selon un scénario de développement modéré du secteur énergétique. Les valeurs inférieures à 1 représentent les conditions démographiques qui entraîneraient un déclin des populations.

Tel que signalé ci-dessus, les aménagements linéaires risquent également de provoquer la fragmentation des cours d’eau. On compte actuellement environ 2 500 passages de cours d’eau dans la ZGF, et la longueur moyenne du cours d’eau entre le passage de ponceaux suspendus qui obstruent le mouvement des poissons est de 380 km. D’ici à 2030, la longueur moyenne du cours d’eau entre les ponceaux suspendus serait de 40 km, niveau qui entraverait le mouvement naturel des poissons et qui augmenterait sensiblement la facilité d’accès humain au réseau des cours d’eau de la région (Illustration 19).

Illustration 19. Tendances projetées de la fragmentation des cours d’eau dans la ZGF d’Al Pac, 2000 2010. Les lignes représentent les tendances projetées selon trois scénarios de développement du secteur énergétique (faible, modéré, important).

Maintenir les stocks et les puits de carbone terrestre

Valeurs prônées

Le stockage du carbone est un élément crucial du cycle du carbone à l’échelle mondiale, qui règle le climat de la Terre. À ce titre, le stockage du carbone est l’un des écoservices vitaux qu’assure la forêt boréale. L’importance potentielle du changement climatique mondial associée à l’augmentation du carbone atmosphérique a été bien documentée. Dans la forêt boréale, la plupart du carbone stocké est souterrain, les tourbières causant l’accumulation de grandes quantités de carbone souterrain en raison de la lenteur de la décomposition dans les sols froids et saturés. La réduction des émissions de carbone par la végétation et les sols perturbés favoriserait la conservation du capital naturel sous la forme de carbone stocké.

Incidences de l’utilisation des terres

Lorsque la végétation forestière est perturbée ou rasée (pour le bois, les routes, l’implantation d’usines, les mines, les puits et d’autres utilisations), la végétation terrestre se décompose plus rapidement, augmentant le rythme auquel le dioxyde de carbone est émis dans l’atmosphère. En outre, un agent majeur de piégeage du carbone (les arbres) disparaît. La récolte forestière entraîne également, tout particulièrement, la conversion des peuplements plus vieux et riches en carbone en peuplements jeunes qui contiennent moins de carbone, ce qui peut temporairement causer également une saturation du sol jusqu’à ce que la végétation se rétablisse. Les sols saturés et la végétation submergée qui sont enfermés par les routes sillonnant les terres humides peuvent également émettre du carbone par la méthanogénèse; les zones de terres humides privées de sources hydriques anciennes risquent d’émettre du carbone par la décomposition organique.

Tendances des indicateurs

D’après les projections simulées, la quantité de carbone aérien et souterrain diminuera au d’environ 22 millions de tonnes cours des 50 prochaines années (Illustration 20). Cette tendance risque de s’accélérer en raison de la croissance des taux d’incendies causée par le changement climatique

Illustration 20. Tendances projetées pour le carbone aérien dans la ZGF d’Al Pac, 2000 2010. Les lignes représentent les tendances projetées selon trois scénarios de développement du secteur énergétique (faible, modéré, important).