Étude de cas d'Al-Pac
Partie II - Obstacles réglementaires
et options stratégiques
Daniel
Farr, Biota Research
Steve
Kennett, Institut canadien du droit des ressources
Monique
M. Ross, Institut canadien du droit des ressources
Brad Stelfox, Forem Technologies
Marian
Weber, Alberta Research Council
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Cette étude de cas a été commandée
comme recherche de base pour La Conservation du capital naturel
du Canada: Le programme de la forêt boréale.
Les opinions exprimées dans l’étude de
cas sont celles des auteurs et ne représentent pas
nécessairement celles de la Table ronde nationale,
de ses membres ou des membres du Groupe de travail du programme.
Juillet
2004
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Sommaire
Le présent
document constitue la deuxième des trois parties d’un
rapport d’étude de cas sur les enjeux de la conservation
dans la zone de gestion forestière (ZGF) d’Alberta-Pacific
(Al Pac) dans le Nord-Est de l’Alberta. L’étude
de cas a été commandée par la Table ronde nationale
sur l’environnement et l’économie (TRNEE) dans
le cadre de son Programme de conservation du patrimoine naturel
du Canada : la forêt boréale. Cette étude de
cas a pour objectif général de cerner les obstacles
fiscaux et réglementaires à la conservation, et les
diverses politiques permettant de préserver le capital naturel,
tout en reconnaissant l’importance de l’exploitation
des ressources et d’autres valeurs sociales et économiques
qui s’appliquent à l’utilisation du territoire
dans cette région. Le présent document porte avant
tout sur les obstacles et les options réglementaires.
L’analyse s’amorce
par une brève introduction dans la première section.
Quant à la section 2, elle offre un aperçu général
des objectifs et de la portée de l’étude de
cas, notamment la présentation des définitions pratiques
des termes « conservation » et « capital naturel
», qui étaient inclus dans le rapport de la TRNEE intitulé
Préserver le capital naturel du Canada : Une vision pour
la conservation de la nature au XXIe siècle (2003).
Aux fins de la présente étude de cas, le terme «
réglementaire » est défini de manière
générale pour englober le cadre juridique, institutionnel
et stratégique de gestion de l’exploitation du territoire
et des ressources dans la ZGF d’Al-Pac. Les sujets traités
dans la section 2 comprennent la relation entre les objectifs de
l’étude de cas et la notion plus générale
de développement durable, la myriade de valeurs des ressources
propres à la ZGF de l’Al-Pac, et le contexte constitutionnel
et juridictionnel de l’étude de cas.
La section 3 décrit
brièvement la méthode de l’étude de cas,
en commençant par le cadre analytique que l’équipe
de projet a créé. Au cœur de ce cadre figure
la liste des objectifs de gestion qui pourraient servir à
promouvoir la conservation du capital naturel dans la ZGF d’Al
Pac. (Ces objectifs et les motifs qui en justifient la sélection
sont décrits dans la première partie du rapport de
l’étude de cas.) Cette section décrit ensuite
les méthodes de recherche (entrevues avec des personnes-clés
et atelier pour les intervenants), et analyse la participation des
Autochtones à l’étude de cas. Tel que mentionné
dans cette analyse, il fut difficile de recueillir l’opinion
des Autochtones en raison de la conception de l’étude
de cas et des limites de temps et de budget imposées à
ce projet.
La section 4 présente
une série de neuf obstacles omniprésents à
la conservation du capital naturel dans la ZGF d’Al-Pac. Sept
de ces obstacles ont été cernés par la TRNEE
dans Préserver le capital naturel du Canada. Deux
autres obstacles ont été ajoutés en raison
de l’importance que leur accordent les personnes interrogées
et les participants à l’atelier. Tous ces obstacles
sont généralisés parce qu’ils s’appliquent
à de nombreux objectifs particuliers de gestion mentionnés
ci-dessus, et ils se résument comme suit :
- manque de volonté politique et de responsabilisation
de la part des gouvernements;
- mauvaise intégration de la prise de décisions
dans l’ensemble des secteurs et de l’utilisation du
territoire, ainsi que dans les processus réglementaires;
- manque de planification de la conservation sur
le plan du paysage;
- contraintes et incitatifs relatifs aux régimes
de tenure et d’aliénation des ressources;
- les principaux gardiens sont rarement «
à la table »;
- manque d’incitatifs et d’avantages
économiques pour les principaux gardiens;
- manque d’instruments d’information
pour soutenir la prise de décisions;
- manque d’intégration des coûts
et avantages réels de la nature;
- manque de ressources financières pour soutenir
la conservation et des partenariats.
Même si un grand nombre de ces obstacles sont
assez généraux, ils font ressortir certains des éléments
« fondamentaux » des politiques qui doivent sans doute
être mis en place pour assurer la mise en œuvre réussie
des objectifs précis de gestion conçus pour conserver
le capital naturel dans un cadre de développement durable.
Les préoccupations relatives à la volonté
politique et à la responsabilisation étaient de plusieurs
ordres. Les personnes interrogées et les participants à
l’atelier ont souligné le besoin de transparence quant
aux choix politiques et économiques fondamentaux qui guident
la prise de décisions des gouvernements en matière
d’utilisation du territoire et des ressources, et ils ont
soutenu que les gouvernements devraient être tenus responsables
des compromis qui en découlent et qui pourraient influer
sur le capital naturel. L’importance d’assurer la mise
en œuvre des orientations et recommandations stratégiques
qui découlent des processus multipartites a également
été signalée, tout comme le besoin d’un
point de convergence institutionnel pour la responsabilisation.
Nombre d’intervenants ont également
signalé l’absence de mécanismes efficaces de
responsabilisation dans certaines lois régissant l’utilisation
du territoire et des ressources. De nombreux intervenants ont mentionné
le manque d’intégration efficace de la prise de décisions
dans l’ensemble des secteurs et utilisations du territoire,
ainsi que dans les processus réglementaires, comme étant
l’obstacle majeur à la conservation du capital naturel
dans le paysage exploité de la ZGF d’Al Pac. De nombreux
exemples précis de ce manque d’intégration ont
été repérés. Tous ces exemples signalent
la nécessité d’une gestion intégrée
du paysage pour fixer et atteindre les objectifs à l’échelon
du paysage dans un contexte d’activités multiples,
de conflits entre les valeurs relatives à l’utilisation
du territoire, et d’effets cumulatifs importants. Plusieurs
personnes interrogées et participants à l’atelier
ont soutenu avec force que cette optique doit comporter un nouveau
modèle de gouvernance pour la gestion de l’utilisation
du territoire et des ressources dans la ZGF d’Al Pac.
En outre, le manque de planification de l’utilisation
du territoire sur le plan du paysage est généralement
considéré comme un obstacle important à la
conservation du capital naturel. Cet obstacle a été
analysé en détail dans le rapport de la TRNEE intitulé
Préserver le capital naturel du Canada. L’étude
de cas de la ZGF d’Al-Pac a fait ressortir des faiblesses
particulières dans les processus de planification applicables,
ainsi que l’importance de la planification comme mécanisme
d’intégration et comme moyen de gérer les effets
cumulatifs.
Les contraintes et les incitatifs relatifs aux régimes
de tenure et d’aliénation des ressources dans la ZGF
d’Al-Pac ont également été examinés
en détail. Tout particulièrement, l’orientation
des régimes fonciers pour maximiser les avantages économiques
à court terme et le manque de souplesse qui en résulte
lorsqu’il s’agit de tenir compte d’autres valeurs,
notamment la conservation du capital naturel, ont été
signalés par les intervenants à propos des secteurs
énergétique et forestier. Les options de réforme
des régimes fonciers comprennent la prolongation des échéances
pour l’exploitation des ressources afin de faciliter la planification
et la coopération entre les industries, la transition vers
des blocs plus vastes de droits d’exploitation des ressources
avec un nombre plus restreint de détenteurs de tenure, et
l’assouplissement de l’exigence de type « à
prendre ou à laisser » qui s’applique tant aux
secteurs forestier que pétrolier et gazier.
L’absence des principaux gardiens et autres
intervenants à la « table » est un obstacle auquel
se heurte la conservation du capital naturel et qui trahit plusieurs
problèmes sous-jacents. Dans certains cas, il n’existe
aucun mécanisme décisionnel englobant et transparent
auquel les intervenants puissent participer (en d’autres termes,
il n’y a pas de « table »). Dans la ZGF d’Al
Pac, ce problème est illustré par l’absence
d’un processus global de planification et par la manière
fermée dont se prennent les décisions gouvernementales
en matière d’octroi de droits d’exploitation
des ressources. Certaines personnes interrogées et participants
à l’atelier ont également exprimé leur
préoccupation face au manque de participation efficace et
de haut niveau du gouvernement dans les forums multipartites, et
font le lien entre cette lacune et les problèmes subséquents
que connaît la mise en œuvre des recommandations émanant
de ces forums. Enfin, la difficulté d’assurer une participation
intégrale et efficace des Autochtones à la prise de
décisions a été signalée par de nombreux
intervenants. Cette question sera réexaminée plus
loin dans le présent document.
Les personnes interrogées et les participants
à l’atelier ont commenté en détail le
manque d’instruments d’information pour appuyer la prise
de décisions comme étant un obstacle à la conservation
du capital naturel. Le besoin de mener des recherches scientifiques
supplémentaires pour appuyer la prise de décisions
a été signalé, ainsi que l’existence
de certaines pratiques optimales dans le domaine de la modélisation
des scénarios d’utilisation du territoire dans la ZGF
d’Al-Pac. Les intervenants ont également commenté
le besoin de garantir que l’information existante soit facile
d’accès, l’importance de faire le lien entre
l’information et la prise de décisions, et la nécessité
d’intégrer les études sur l’utilisation
traditionnelle du territoire et le savoir écologique traditionnel
des Autochtones dans la prise de décisions.
Le manque de ressources financières accordées
à la conservation et aux partenariats est un obstacle qui
a été signalé par la TRNEE, ce qu’ont
corroboré de nombreux intervenants qui connaissent bien la
ZGF d’Al-Pac. L’effet néfaste des restrictions
budgétaires du secteur public sur les ministères et
organismes à qui incombe la gestion du territoire et des
ressources a été souvent cité, tout comme les
recettes importantes que l’exploitation des ressources génère
pour le gouvernement. On s’entend généralement
pour dire que la capacité de gestion ne suit pas le rythme
du développement et que cette lacune croissante menace le
capital naturel.
Le manque d’avantages et d’incitatifs
pour les principaux gardiens et le manquement à l’intégration
des coûts et avantages réels de la nature dans la prise
de décisions constituent deux obstacles qui ont été
signalés par la TRNEE dans Préserver le capital naturel
du Canada. Ces obstacles touchent tous deux la ZGF d’Al-Pac.
Toutefois, ils sont analysés dans la partie III du rapport
de l’étude de cas, qui porte sur les aspects financiers
et le recours à des instruments économiques pour conserver
le capital naturel.
Dans l’ensemble, l’étude de cas
souligne les raisons péremptoires de se concentrer sur les
éléments réglementaires fondamentaux dans le
contexte des exigences multiples et croissantes qui s’exercent
sur le territoire et la réserve de ressources. La leçon
générale la plus importante à tirer de l’élément
réglementaire de l’étude de cas d’Al-Pac
est que la conservation du capital naturel dans ce type de paysage
exploité est difficile à concrétiser si l’on
ne s’attaque pas aux effets cumulatifs par la voie d’une
gestion intégrée du paysage.
La section 5 du présent document porte sur
les obstacles réglementaires et les options stratégiques
qui se rattachent aux huit objectifs de gestion suivants :
- maintenir l’ensemble du couvert forestier;
- maintenir le régime de perturbation naturelle;
- maintenir les forêts anciennes;
- maintenir les éléments aquatiques
et hydrologiques essentiels;
- reconnaître et protéger les aires
qui font l’objet d’utilisations et de valeurs traditionnelles
pour les Autochtones;
- créer des zones dans la forêt aménagée
où les incidences humaines sont interdites ou fortement
restreintes;
- réduire la densité de perturbation
linéaire et gérer l’accès humain;
- maintenir les stocks et les puits de carbone terrestre.
Dans chaque cas, on signale plusieurs obstacles réglementaires
au progrès et on suggère des options stratégiques.
Il n’est guère facile de résumer dans un sommaire
tous les détails exposés dans ces sections; les lecteurs
trouveront plus de précisions à la section 5.
La section 6 présente des sujets de recherche
et d’analyse supplémentaires. Toutes les options stratégiques
envisagées dans le présent document pourraient faire
l’objet d’un examen plus poussé pour aboutir
à des propositions précises de réformes juridique,
institutionnelle et stratégique. D’autres travaux pourraient
également porter sur le potentiel du recours à des
lois fédérales et provinciales précises pour
conserver le capital naturel.
La partie II se termine comme suit : les constatations
de l’étude de cas s’appliquent non seulement
à la ZGF d’Al-Pac, mais aussi à l’ensemble
de la forêt boréale. Il y a de toute évidence
un potentiel considérable de réformes réglementaires
qui favoriseraient la conservation du capital naturel dans la zone
de l’étude de cas. La ZGF d’Al-Pac offre également
aux décideurs et aux intervenants des autres parties de la
forêt boréale l’occasion d’envisager un
scénario de diverses valeurs et d’utilisations intenses
et multiples du territoire, qui sont parfois conflictuelles. Les
leçons tirées de la présente étude de
cas suggèrent ainsi comment la législation, les politiques
et les pratiques d’utilisation du territoire pourraient être
modifiées dans l’ensemble de la forêt boréale
du Canada pour favoriser la conservation du capital naturel dans
un cadre de développement viable qui se prête à
la gestion de l’exploitation du territoire et des ressources.
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