LInitiative
des IDDE a révélé plusieurs terrains d'entente
entre les participants, mais elle a aussi dégagé certains
éléments sur lesquels le débat se poursuit.
6.1
LES TERRAINS D'ENTENTE
Les participants se sont généralement
entendus sur les trois grands secteurs de recommandations traités
aux sections 4 et 5 : rapport annuel sur un ensemble restreint de
nouveaux indicateurs nationaux du capital naturel et humain; élargissement
du SCN; amélioration des indicateurs nationaux de lenvironnement.
On note en particulier un appui très large
au principe voulant que les indicateurs soient élaborés
sur la base dun modèle de capital afin de répondre
aux questions déquité transgénérationnelle.
Plusieurs participants auraient toutefois souhaité quun
plus grand accent soit mis sur la mesure de léquité
transgénérationnelle. Les participants ont aussi largement
appuyé linclusion dindicateurs du capital naturel
et humain. Malgré des désaccords philosophiques et
méthodologiques prévisibles sur ce qui doit être
mesuré et la façon de le faire, la plupart des participants
conviennent que les indicateurs proposés sur la tendance
de la qualité de lair, la qualité de leau,
les émissions de gaz à effet de serre, le couvert
forestier, les terres humides et le niveau de scolarité
fournissent tous des données importantes et peuvent être
rattachés à lactivité économique.
La plupart des participants ont également convenu
que certains indicateurs nationaux du capital sont importants mais
ne peuvent être inclus ni diffusés pour linstant.
Par exemple, un nombre important de participants au programme se
sont fortement prononcés en faveur de linclusion du
capital social dans le cadre des IDDE et du soutien aux travaux
en cours au Canada et ailleurs, en vue du développement dindicateurs
touchant divers aspects du capital social.
Dans un même ordre didées, les
participants ont convenu que la question des seuils écologiques
était importante mais quelle pourrait nécessiter
une solution pragmatique. Différents participants, en particulier
au sein de certains groupes de concertation, ont insisté
sur limportance de développer des indicateurs qui tiennent
compte ou donnent de linformation sur (a) les seuils au-delà
desquels les dommages peuvent devenir irréversibles, ou (b)
les seuils relatifs à la capacité de charge. Dans
plusieurs cas, toutefois, les groupes de concertation ont reconnu
que létat actuel des connaissances ne permettait pas
détablir ces seuils avec précision. La plupart
des participants ont néanmoins convenu que labsence
dun seuil bien défini ne devait pas empêcher
le développement dun indicateur. Les indicateurs doivent
plutôt fournir une information directionnelle (les choses
vont-elle mieux ou non?).
Finalement, malgré des positions de départ
souvent très éloignées, la plupart des participants
ont aussi appuyé la nécessité dadopter
une approche pragmatique de létablissement des indicateurs,
en mettant laccent sur ceux qui peuvent de façon réaliste
être mis en place dans le court terme. Les participants ont
également souligné limportance de la coopération
entre les services officiels afin déviter le dédoublement
des efforts et pour que les données soient recueillies et
transmises de manière uniforme à travers tout le pays.
Le reste de la présente section résume
certains des principaux débats qui ont surgi dans le cadre
des travaux de lInitiative des IDDE.
6.2
UN INDICATEUR REGROUPÉ UNIQUE OU DIFFÉRENTS
INDICATEURS REPRÉSENTATIFS
La nécessité et la façon de regrouper
linformation sur le patrimoine global du Canada devaient constituer
lune des problématiques les plus controversées
à laquelle a dû faire face lInitiative des IDDE.
La perspective dun indicateur regroupé unique de la
durabilité nationale présente un intérêt
considérable pour un grand nombre de Canadiens. Un chiffre
unique, facile à comprendre, pourrait devenir aussi important
et aussi courant que le PIB. Sans compter que les commentateurs
et décideurs sont plus susceptibles dutiliser un chiffre
unique quun ensemble de statistiques. Enfin, un chiffre unique
facilite les comparaisons annuelles.
Les questions de savoir sil faut regrouper linformation,
quelle information doit être regroupée et comment procéder
alors soulèvent des questions méthodologiques difficiles,
de même que des enjeux conceptuels fondamentaux, qui sont
au cur de la définition du développement durable.
On sentend généralement pour dire que, peu importe
dans quelle mesure le regroupement est approprié, il doit
être exprimé par des unités monétisées
(cest-à-dire la valeur totale du capital en dollars).
Un très faible nombre de participants se sont déclarés
en faveur dune approche dans laquelle une note globale reposait
sur le regroupement dindicateurs pondérés fondés
sur des unités différentes.
Le débat sur cette question aura essentiellement
porté sur la perspective du développement dun
indicateur regroupé et monétisé de la valeur
nette du capital national. Par exemple, différents participants
ont suggéré que la valeur (en unités monétaires)
plutôt que la taille (en unités physiques) des réserves
constitue un indicateur plus éloquent de limportance
du rôle dun type particulier de capital. Et ce, parce
quun indicateur monétisé laisse une impression
de rareté des ressources ou de la valeur de cette ressource
particulière pour la société. En outre, les
indicateurs de la taille ou de la quantité des réserves
peuvent prêter à confusion quant à la disponibilité
relative dune ressource naturelle particulière. Par
exemple, alors que les réserves totales des ressources non
renouvelables diminuent au fur et à mesure de leur utilisation,
dans plusieurs cas les réserves totales prouvées
la quantité disponible à un prix commercialement viable
peut augmenter.
Certains participants ont également exprimé
une préférence envers une mesure regroupée
et monétisé qui répondrait à la question
: « Conservons-nous suffisamment de ressources pour lavenir
? » Cest là la fonction qui répondrait
à lindicateur de richesse nationale nette dont il est
fait mention à la section 5.1.4.
Il y a deux grandes raisons pour lesquelles la TRNEE
ne recommande pas ladoption dun indicateur regroupé
et monétisé unique du capital net du Canada. La monétisation
de lapport économique de lactif environnemental
a fait lobjet de recherches considérables au cours
des deux dernières décennies. Bien que les travaux
sur cette question progressent, plusieurs controverses subsistent
sur les différentes méthodes de monétisé
du capital.
Au fond, un indicateur regroupé monétisé
nest approprié que si nous supposons que tous les types
de capital sont interchangeables. Or, si toutes les formes de capital
sont substituables, il nest plus nécessaire den
faire rapport individuellement. La seule donnée pertinente
consisterait alors à savoir si la valeur regroupée
augmente ou diminue. Nous savons aujourd'hui que certaines formes
de capital sont facilement interchangeables. Par exemple, les machines
(capital produit) peuvent souvent se substituer à la main-duvre
(capital humain). De nouvelles sources dénergie pourraient
remplacer le pétrole dans lavenir (substitution dune
forme de capital naturel par une autre).
Toutefois, il peut exister certaines formes de capital
tellement importantes et si difficiles à remplacer quil
nest pas approprié de présupposer une substituabilité
parfaite. En tant que société, nous pourrions rejeter
la pollution de lair une diminution du capital naturel
et peut-être du capital humain (santé) comme
prix des gains économiques sous la forme dune augmentation
du capital produit. À tout le moins, le remplacement à
grande échelle de toutes les fonctions écologiques
serait onéreux et entraînerait des perturbations dans
la société. En outre, les écosystèmes
assurent une variété de fonctions que nous ne comprenons
pas encore entièrement et que nous ne sommes pas en mesure
dévaluer adéquatement. Par exemple, même
si nous sommes en mesure de remplacer par des piscines (capital
produit) les plages devenues insalubres, nous savons que les plages
assurent dautres fonctions sociales et écologiques.
Toutefois, parce que nous ne comprenons pas bien toutes ces autres
fonctions, les conséquences imprévues de la dégradation
des plages et le remplacement des services quelles assurent
par des biens de capital produit pourraient revenir nous hanter
en coûtant beaucoup plus cher que la recherche des solutions
destinées à empêcher d'emblée la pollution
desdites plages.
Même parmi les participants qui refusaient dadmette
que certains types de capital doivent êtres considérés
« non substituables », plusieurs ont convenu quil
pourrait être approprié détablir des indicateurs
physiques pour les aspects de propriété commune de
lenvironnement. De tels indicateurs seraient particulièrement
pertinents en matière de politique, puisque la gestion du
capital de propriété commune (comme lair et
leau) doit être coordonnée de manière
à tenir compte du fait que le marché ne leur associe
pas automatiquement une valeur commerciale.
Aux yeux de la TRNEE, la prudence exige que le système
dinformation du Canada ne présuppose pas que toutes
les formes de capital sont parfaitement substituables. Par conséquent,
nous devons, à tout le moins pour lavenir prévisible,
assurer le suivi de certains types de capital indépendamment
dune mesure regroupée. Comme le démontrent les
sections 4 et 5 ci-dessus, le modèle des IDDE comprend donc
des indicateurs discrets de certains aspects du capital naturel
et humain, tandis que le Système de comptabilité nationale
élargi permettra à la fois le suivi dun élargissement
de lactif et lélaboration dun indicateur
regroupé pour les types de capital qui peuvent être
facilement exprimés en unités monétaires.
6.3
QUELS INDICATEURS ?
Malgré lassentiment général
pour chacun des indicateurs retenus, on a pu relever des désaccords
sur la forme précise que devait prendre chacun deux.
Par exemple, certains participants à lInitiative des
IDDE auraient préféré un autre indicateur pour
les forêts, puisque lindicateur qui reflète létendue
totale du couvert forestier ne permet pas de déterminer si
les forêts naturelles sont remplacées par des plantations
monocultures.
Comme on pouvait sy attendre dun exercice
qui tente détablir un petit nombre dindicateurs
pour refléter la grande diversité du capital naturel
et humain du Canada, plusieurs autres indicateurs ont également
été proposés. Un intérêt particulier
a été exprimé, par exemple, en faveur de linclusion
dindicateurs portant sur les points suivants :
- espèces ou écosystèmes marins;
- disponibilité de leau;
- qualité des terres agricoles;
- conversion des terres;
- biodiversité.
La TRNEE reconnaît limportance de chacun
de ces éléments. La recommandation relative à
lélargissement du Système de comptabilité
nationale se fonde sur l'importance de recueillir et diffuser linformation
sur un éventail dactif aussi large que possible. En
bout de ligne, le Système de comptabilité nationale
élargi devrait contenir de linformation sur chacun
de ces éléments importants et sur bien dautres.
Lune des raisons qui incitent à recommander
linclusion dindicateurs additionnels est le fait que
laccent placé sur un seul indicateur « éloquent
» pourrait rendre moins visible linterdépendance
entre les différents aspects dun écosystème.
Une préoccupation similaire a amené certains intervenants
à suggérer que la TRNEE propose des indicateurs du
type « indice des espèces exploitées »
ou « indice de la diversité de lhabitat »,
qui iraient au-delà dune ressource unique pour traiter
d'une manière intégrée de lensemble des
ressources biologiques et de lhabitat dans lequel elles évoluent.
Plusieurs participants ont également recommandé ladoption
dindicateurs plus systémiques de la qualité
ou de la santé des systèmes, par opposition à
des indicateurs axés sur des éléments discrets
de ces systèmes.
Certains participants ont également fait valoir
que la série dindicateurs devrait globalement fournir
des renseignements additionnels. Différents participants,
y compris ceux des deux organisations canadiennes qui uvrent
au développement « dindicateurs de progrès
réel » provinciaux (Pembina Institute for Appropriate
Development et GPI Atlantic) ont fait valoir que lensemble
des indicateurs retenus devrait comprendre un indicateur de consommation,
comme « lempreinte écologique ». Un indicateur
de ce type permettrait dinformer les Canadiens sur les répercussions
écologiques de leurs comportement conduite automobile,
utilisation de lénergie, consommation, production de
déchets etc. Les indicateurs de consommation pourraient également
permettre de mettre en lumière l'importante dimension internationale
de la durabilité. Dans un monde de plus en plus interrelié,
des participants ont pensé quil pourrait être
inadéquat de se préoccuper uniquement de lincidence
des activités des Canadiens sur le capital naturel à
lintérieur de nos propres frontières.
Dans un même état d'esprit, certains
commentateurs ont également recommandé dinclure
de linformation sur les « pressions » dont font
lobjet les différentes réserves de capital naturel.
Le Canada a fait uvre de pionnier dans lutilisation
des modèles pression-état-réaction de diffusion
de linformation sur la qualité de lenvironnement,
et continue de générer une masse considérable
de renseignements utiles de cette nature.
Bien que la TRNEE ait choisi de ne pas inclure
dindicateurs de consommation ou de pression dans son ensemble
restreint dindicateurs, elle en reconnaît limportance
et appuie la poursuite de la recherche de cette information et de
sa publication. La notion dempreinte écologique et
les modèles pression-état-réaction peuvent
tous deux permettre détablir des indicateurs de capital
à partir d'ensembles de données sous-jacentes.
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