Examen sommaire du secteur de l'investissement
communautaire au Canada
Coro Strandberg
Strandberg Consulting
Brenda Plant
Brenda Plant Consulting
Septembre 2004
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1. Introduction
On s’intéresse de plus en plus au rôle
des marchés financiers et à leur capacité de
produire des résultats positifs sur le plan de la durabilité.
Une bonne part des efforts accomplis à ce jour a porté
sur la mesure des liens entre la durabilité et le rendement
financier. Le présent document examine la question de la
durabilité des marchés financiers d’un point
de vue différent. Il cherche à évaluer le potentiel
que présentent les marchés financiers – l’échange
de titres de créance ou de participation – quant à
la production de résultats positifs sur les plans social,
économique et environnemental pour les collectivités,
les régions, les groupes défavorisés et les
secteurs boudés par les investisseurs. Autrement dit, nous
tentons de déterminer si les institutions et les particuliers
peuvent investir de façon proactive afin de combler le manque
d’investissements et de promouvoir le développement
durable des collectivités et des régions sans compromettre
leurs objectifs financiers.
C’est dans le secteur de l’investissement
responsable (IR), qui émerge depuis quelques décennies
comme une force non négligeable sur les marchés financiers,
que se font les placements ciblés produisant des investissements
à double ou à triple rendement. Ce sous-secteur de
l’investissement traditionnel, qu’on appelle l’investissement
communautaire (IC), a connu une croissance importante aux États-Unis,
mais il peine à assurer sa légitimité au Canada.
Pour mieux faire comprendre le secteur de l’investissement
communautaire et les stratégies connexes d’affectation
des actifs que sont l’investissement ciblé économiquement
(ICE) et le capital de risque durable (CRD), nous présentons
:
- une description du secteur et une comparaison
entre le secteur canadien et le secteur étasunien de l’investissement
communautaire;
- une analyse documentaire où nous examinons
les enjeux critiques auxquels ce secteur est confronté,
au Canada et aux États-Unis;
- des exemples de pratiques exemplaires en matière
d’investissement communautaire, d’investissement ciblé
économiquement et de capital de risque durable;
- une analyse des processus d’affectation
du capital qu’adoptent généralement les gestionnaires
de fonds dans leurs décisions de placement dans des investissements
à double ou à triple rendement, y compris les considérations
fiduciaires;
- les perspectives d’augmentation de l’ampleur
et des effets du secteur de l’investissement communautaire
au Canada et les obstacles à celle ci.
Il faut admettre qu’il s’agit d’un
champ d’étude plutôt vaste dont un bref document
d’introduction ne suffira pas à faire une analyse approfondie.
Le présent document se veut donc un examen sommaire des défis
et du potentiel du secteur de l’IC qui vise à susciter
d’autres débats et recherches sur les questions présentées
ci-dessus. Menée pendant un mois au cours de l’été
2004, cette étude se fonde sur la documentation parue récemment
au Canada et aux États-Unis dans les domaines de l’IC,
de l’ICE et du CRD, ainsi que sur des entrevues de chefs de
file des secteurs des universités et des affaires des deux
côtés de la frontière. Le processus d’imputation
sur les fonds propres a été élaboré
à la suite d’entrevues d’informateurs clés,
soit cinq gestionnaires de fonds américains et canadiens
représentant deux fonds communs de placement, un gestionnaire
de comptes spéciaux, un régime de retraite et une
fondation. Collectivement, ces intervenants gèrent plus de
100 millions de dollars (M$) d’investissements communautaires,
à partir d’un actif de 3,7 milliards de dollars (G$)
1.
Ces gestionnaires nous ont également livré leurs observations
sur les problèmes et les possibilités qui caractérisent
le secteur de l’IC dans les deux pays.
Justification de l’investissement communautaire
: les marchés financiers publics et les intermédiaires
financiers traditionnels, notamment les banques, négligent
les investissements non traditionnels ou ont un parti pris structurel
contre ce type d’investissement. Les investissements communautaires
visent à combler cette lacune des marchés financiers.
Comme nous le verrons plus loin, ces investissements peuvent produire
un rendement « comparable à celui du marché
»2,
« s’approchant de celui du marché » ou
« inférieur à celui du marché »
et diffèrent des dons de charité par l’attente
d’un rendement financier en plus du rendement social, d’où
l’expression « investissement à double rendement
».
L’analyse qui suit repose principalement sur
la définition d’investissement communautaire élaborée
par le secteur canadien de l’IR, que nous préciserons
plus loin. Aux fins des présentes, la définition de
l’investissement communautaire comprend aussi les secteurs
connexes de l’ICE et du CRD. Ces approches supplémentaires
en matière d’investissement représentent aussi
des stratégies d’investissement ciblées, souvent
pour les investisseurs institutionnels comme les régimes
de retraite, ainsi que nous le verrons plus en détail. Plus
précisément, on définit l’ICE comme les
affectations de biens institutionnels qui produisent à la
fois un rendement comparable à celui du marché en
fonction du risque et des avantages sociaux en comblant des lacunes
financières perçues et en réglant des problèmes
de sous-investissement. Le capital de risque durable constitue un
sous-secteur du secteur du capital de risque qui fait de l’investissement
proactif dans des technologies, des processus et des entreprises
sociaux et environnementaux dans le cadre de portefeuilles de capital
de risque gérés par des professionnels.
Il importe de souligner que, vu la nouveauté du secteur de
l’IC en tant que classe d’actif légitime et vu
l’explosion, surtout aux États-Unis, de l’innovation
dans ce sous-secteur du marché financier, la définition
de l’investissement communautaire n’a pas fini d’évoluer.
C’est pourquoi l’approche que nous avons adoptée
dans les présentes doit être considérée
comme un instantané visant encore une fois à faire
la lumière sur une stratégie d’affectation de
l’actif peu comprise, bien que dotée d’un rendement
élevé.
Comme le révèle notre analyse documentaire,
le secteur de l’IC est susceptible de croître au Canada,
et cette croissance devrait s’accompagner de nombreux avantages
durables, dont la création d’emplois, le logement abordable,
le développement régional, les entreprises sociales
et environnementales, le financement des infrastructures et de la
conservation, les technologies propres et la revitalisation urbaine.
Toutefois, pour que son potentiel se concrétise, il faudra
assurément procéder à des recherches et à
des études supplémentaires. Mais l’essentiel
demeure la mise sur pied d’autres programmes de soutien, d’éducation
et de sensibilisation.
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