Examen sommaire du secteur de l'investissement
communautaire au Canada
Coro Strandberg
Strandberg Consulting
Brenda Plant
Brenda Plant Consulting
Septembre 2004
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4. Description et analyse
du secteur de l’IC aux
États-Unis
4.1 Le secteur de l’IC
aux Etats-Unis
Comme nous l’avons souligné, c’est
aux États-Unis qu’on trouve le plus vaste secteur de
l’investissement communautaire du monde, d’une valeur
de 14 G$US en 2003, avec environ 800 à 1 000 institutions
financières de développement communautaire (IFDC)
en activité. Les IFDC constituent le secteur de l’IR
qui connaît la croissance la plus rapide aux États-Unis
: leur actif a presque doublé en deux ans, soit une augmentation
de 84 % de 2001 à 2003. Depuis quelques années, on
a consacré des efforts considérables au suivi et à
la surveillance du secteur de l’investissement communautaire
aux États-Unis. La création d’un certain nombre
d’organismes professionnels d’investissement communautaire
a également contribué à catapulter ce secteur
dans des cercles plus traditionnels, grâce à l’accent
que ces organismes ont mis sur la documentation et la normalisation
du secteur de l’IC.
Ces études récentes nous apprennent
que les institutions financières, y compris des investissements
institutionnels tels que les régimes de retraite, représentent
la principale source de capital d’emprunt, d’actions
et de dépôts des IFDC, à 42 %. Cependant, le
plus important bailleur de fonds des IFDC depuis 1995 est le département
du Trésor des États Unis, qui a accordé 534
M$US au secteur par le biais de trois programmes de financement.
Les taux d’intérêt exigés dans ce secteur
varieraient de 5,6 % (prêts hypothécaires aux particuliers)
à 9,2 % (microentreprises). Le ratio de suffisance du capital
pour les IFDC qui dévoilent leurs résultats est de
27 % des capitaux propres, ce qui, si on le combine à des
réserves pour pertes sur prêts de 5 % en moyenne, suffit
amplement à absorber les pertes du portefeuille et les pertes
d’exploitation (IFDC, 2002, p. 3, 5 et 7).
Les effets des IFDC sur l’IC vont bien au-delà
des impacts faciles à mesurer; il n’en reste pas moins
qu’en 2002, on attribue aux IFDC des États-Unis le
fait d’avoir assuré un financement de 2,6 G$US; financé
et aidé 7 800 entreprises qui ont créé ou maintenu
plus de 34 000 emplois; favorisé la construction ou la rénovation
de plus de 34 000 unités de logement à prix abordable;
construit ou rénové plus de 500 installations communautaires
dans des collectivités économiquement défavorisées;
consenti des prêts hypothécaires à 4 100 personnes
et – dans plus de 4 800 cas – proposé une solution
de rechange au remboursement d’emprunts par prélèvement
sur le salaire (IFDC, 2003, p. 4).
Pour ce qui est du rendement, il a été
bon dans la plupart des portefeuilles d’IFDC, même pendant
la période de ralentissement économique. Dans l’ensemble,
le taux de pertes nettes sur prêts des IFDC se chiffre à
0,7 % et varie de 0,2 % pour l’ensemble du secteur des banques
de développement communautaire à 0,9 % dans le secteur
des coopératives de crédit de développement
communautaire; ces taux rivalisent avec le taux de pertes nettes
sur prêts des institutions financières conventionnelles,
qui était de 0,97 % en 2002 (IFDC, 2003, p. 20).
Vu la multitude d’IFDC aux États-Unis,
il est difficile de limiter le champ à quelques portraits
d’organismes exemplaires. Ceux que nous avons retenus illustrent
quelques approches intéressantes en matière d’investissement
communautaire : la création d’entreprises environnementales;
un marché financier secondaire pour l’investissement
communautaire; un fonds commun de placement à critères
de sélection axés sur l’environnement, qui finance
la conservation dans le cadre de son portefeuille d’IC.
4.1.1 ShoreBank et ShoreBank
Pacific
Établie à Chicago, la ShoreBank est
la première et principale société bancaire
axée sur le développement communautaire et l’environnement
aux États-Unis. Depuis sa fondation en 1973, elle a investi
plus de 1,7 G$US dans ses collectivités prioritaires –
celles qui sont traditionnellement sous-desservies par les autres
banques – et dans des entreprises appartenant à des
membres de minorités. Elle a créé, conservé
ou placé près de 11 000 emplois et rénové
38 000 unités de logement, tout en investissant, depuis sa
création, 305 M$US dans de petites entreprises (chiffres
de 2002).
Avec un actif consolidé total de 1,5 G$US en
2003, la ShoreBank exploite aussi une société de développement
immobilier, un organisme sans but lucratif dans chacun de ses cinq
marchés prioritaires, une firme de consultants et une société
de financement secondaire. Toutes ces entreprises soutiennent la
mission de la ShoreBank, qui est d’établir des collectivités
solides et durables, de protéger et restaurer l’environnement
et d’aider ses clients à prospérer. La ShoreBank
offre un éventail complet de produits et de services bancaires
en plus de ses options d’investissement communautaire.
Plus de 4 000 particuliers, sociétés
et organismes sans but lucratif soutiennent le travail de la ShoreBank
en déposant de l’argent - 324 M$US au total à
la fin de l’exercice 2002 – dans ses succursales bancaires.
Ces investissements, baptisés Development DepositsMC [dépôts
de développement] et EcoDepositsMC [écodépôts],
offrent les mêmes caractéristiques et les mêmes
taux du marché que les autres dépôts bancaires
et sont garantis par le gouvernement fédéral. La banque
convertit ces dépôts bancaires ordinaires en prêts
de développement pour appuyer ses objectifs généraux
de développement communautaire et durable.
Les dépôts de développement aident
à financer l’activité économique dans
les collectivités sous-desservies, tandis que les écodépôts
donnent aux investisseurs de la collectivité la possibilité
de soutenir le travail de la ShoreBank Pacific, établie dans
l’État de Washington, qui est la première institution
financière réglementée en Amérique du
Nord à se consacrer à la revitalisation économique
durable. La ShoreBank Pacific s’emploie à remplir sa
mission de créer une économie de la conservation dans
les forêts pluviales de la région du Nord Ouest du
Pacifique en ciblant ses prêts à l’intention
d’entreprises locales qui font une bonne utilisation de l’énergie,
qui s’efforcent de réduire la production de déchets
et la pollution et qui conservent les ressources naturelles. En
2002, les écodépôts avaient attiré 57
M$US, puis 81,4 M$US en juin 2004, ce qui représente 2 073
investisseurs ayant placé en moyenne près de 40 000
$US chacun.
La ShoreBank Pacific a prêté 12 M$US
en 2002; pour l’ensemble du groupe, elle a financé
au total 56 M$US en prêts accordés pour des centaines
de projets de conservation. Les emprunteurs ont consacré
le produit de ces prêts à l’économie d’énergie,
à la réduction des effets environnementaux négatifs,
à la fabrication de produits écologiques et à
leur mise en marché à des consommateurs « verts
», à une prolongation importante de la durée
de vie utile de vieux immeubles et à la restauration d’immeubles
abandonnés à des fins productives. Ses entreprises
se consacrent à l’agriculture biologique, à
la pêche respectueuse de l’environnement, à la
production de produits forestiers non ligneux, au réaménagement
de sites contaminés et au financement d’édifices
écologiques. Depuis un an, son financement a contribué
à soutenir 1 378 emplois à plein temps et plus de
2 000 emplois saisonniers. Depuis sa création, la ShoreBank
a contribué à la conversion de 216 hectares à
l’agriculture biologique.
4.1.2 Le Community Reinvestment
Act Qualified Investment Fund (CRAQIF)
Le CRAQIF [Fonds d’investissements admissibles
aux termes de la loi sur le réinvestissement dans la collectivité]
est un fonds commun de placement voué exclusivement à
l’investissement communautaire. En date d’août
2004, 250 investisseurs institutionnels ayant un actif combiné
de 1 600 G$US avaient investi dans ce fonds, dont l’actif
est actuellement de 475 M$US. Ce fonds est depuis peu accessible
aux épargnants par l’entremise de Charles Schwab, qui
offre à cette fin un service sans frais d’acquisition
ni frais de transaction pour tout placement d’au moins 2 500
$. Depuis sa création il y a cinq ans, le CRAQIF a produit
un rendement annuel de 6,27 % (juillet 2004), ce qui le place dans
les premiers 20 % des 79 fonds de sa catégorie. Le fonds,
qui tire son nom d’une loi fédérale américaine,
le Community Reinvestment Act de 1977 8,
cherche à assurer un accès égalitaire au crédit
et au capital aux familles à revenu faible ou moyen, qui
sont généralement sous-desservies par les institutions
financières traditionnelles. Depuis cinq ans, le CRAQIF a
aiguillé près de 900 M$US vers le développement
communautaire et ainsi soutenu la mise en service de 61 515 appartements
à prix modique, 2 159 maisons pour familles à revenu
faible ou moyen, et 1 285 places à prix abordables dans des
établissements de santé. Un exemple récent
d’achat d’obligations concerne la Société
Saint-Vincent de Paul de Seattle. Cet achat a aidé l’œuvre
de bienfaisance à donner de l’expansion à son
réseau de six magasins à prix modique et à
sa fabrique de matelas qui contribue à créer des emplois
pour les résidents à faible revenu.
4.1.3 Portfolio 21
Portfolio 21 est un fonds commun d’actions de
croissance mondiale pour les épargnants et les institutions.
Doté de 51 M$US, il a pour mandat d’investir dans des
entreprises ayant démontré un esprit d’initiative
en matière de pratiques commerciales durables. Les entreprises
où il investit ont pris l’engagement explicite d’adopter
des pratiques commerciales durables et affecté d’importantes
ressources à l’atteinte de ces objectifs. L’évaluation
des entreprises se fait en fonction de certains critères
adaptés au groupe industriel auquel elles appartiennent et
en comparaison avec leurs concurrents sur des aspects tels que l’impact
de leurs produits et services sur toute leur durée de vie,
les relations avec les fournisseurs, les investissements dans des
technologies et procédés durables, le leadership,
la bonne utilisation des ressources et la gestion environnementale.
Les responsables de Portfolio 21 examinent en particulier l’amélioration
du bénéfice grâce à des gammes de produits
supérieurs sur le plan écologique, l’efficience
dans l’utilisation et la réutilisation des ressources,
les investissements dans les sources d’énergie renouvelables,
les stratégies novatrices en matière de transport
et de distribution, et l’usage équitable et efficient
des ressources dans la satisfaction des besoins humains. Ils se
sont engagés à consacrer au moins 1 % de la valeur
du fonds à des investissements communautaires, ce qui représentait
près de 500 000 $ à l’été 2004.
ShoreBank Pacific est l’un des trois investissements communautaires
de Portfolio 21 vu son engagement à l’égard
de The Natural Step 9.
Le fonds Portfolio 21 affiche actuellement un rendement sur 5 ans
de 2,29 % par rapport au point repère du MSCI World Equity
Index, qui est de -1,08 %.
4.2 L’investissement
ciblé économiquement aux États-Unis
Comme au Canada, il n’existe pas de suivi exhaustif
des ICE aux États-Unis, ce qui complique l’évaluation
de l’ampleur et de la croissance des activités d’ICE
de la part des fiduciaires de régimes de retraite et d’autres
investisseurs institutionnels. Dans un rapport publié en
1995, on estimait l’actif combiné des placements de
régimes de retraite publics dans les programmes d’ICE
à 2,4 % du total, soit environ 55 G$US. À l’époque,
au moins 29 États offraient une forme de programme d’ICE
aux régimes de retraite publics (GAO, 1995), les domaines
les plus communs étant le logement résidentiel (32
%) et le capital de risque (25 %) (Hoffer, 2004b). Selon une autre
estimation, 84 % de tous les fonds d’ICE (ces chiffres datent
de plus de dix ans) étaient investis dans le logement domiciliaire
et d’autres placements immobiliers, 3 % dans le capital de
risque et 0,2 % dans les prêts aux petites entreprises (Institute
for Fiduciary Education, 1993). Selon le Social Investment Forum,
plusieurs régimes de retraite publics sont tenus par leur
conseil d’administration ou leurs services fiscaux de s’engager
à placer de 5 à 10 % de l’actif dans des ICE
(SIF, 2003, p. 27). Ces investissements sont rendus possibles en
partie grâce à divers programmes gouvernementaux de
gestion du risque et de subvention, ce qui donne aux fiduciaires
de ces régimes un rendement au taux du marché.
Vu la rareté des données sur les effets
de l’ICE, il faut examiner la feuille de route de programmes
d’ICE existants pour mieux comprendre le potentiel qu’a
l’ICE de produire des avantages sur le plan de la durabilité.
Le California Public Employees’ Retirement System (CalPERS)
dispose de l’un des programmes d’ICE les plus imposants
et les plus complets des États-Unis.
4.2.1 Le California Public
Employees’ Retirement System (CalPERS)
Doté d’un actif de 167 G$US, le CalPERS
est le plus grand régime de retraite public aux États-Unis.
En 2000, il a lancé l’initiative Double Bottom Line
[double rendement] (Office of the Treasurer, 2004a), qui cible des
investissements dans les quartiers urbains afin d’assurer
au fonds un rendement comparable à celui du marché
tout en donnant un coup de pouce au développement économique
des collectivités californiennes. Depuis, il a injecté
plus de 9 G$US dans ces collectivités, notamment sous forme
d’investissements en actions dans des entreprises urbaines
et de prêts hypothécaires à des travailleurs
californiens vivant en milieu urbain ou rural. Quelque 13 % du Pooled
Money Investment Account [Compte d’investissement commun]
(PMIA) est aujourd’hui investi dans des placements à
« double rendement ». En date de mars 2004, le PMIA
avait :
- investi plus de 1,7 G$US dans des prêts
hypothécaires à des particuliers et à des
collectivités à revenu faible ou moyen, à
un rendement actuel de plus de 5,87 % par an;
- investi 537 M$US dans des prêts aux petites
entreprises, pour un rendement annuel allant de 1,3 % à
plus de 7 %;
- produit un rendement de 1,04 % sur ses placements
de 5,8 G$US dans des institutions de prêt aux collectivités
et des coopératives de crédit, dont une bonne part
dessert des quartiers déshérités des grandes
villes ou des régions rurales, ce qui représente
une augmentation comparativement à des dépôts
de 1,9 G$US en 1999, et un rendement généralement
supérieur de 0,03 % à 0,1 % à celui des bons
du Trésor comparables où ces dépôts
auraient pu être investis autrement;
- obtenu un rendement annualisé de
10,3 % depuis 1966 avec son California Urban Investment Partnership
[partenariat californien pour l’investissement en milieu
urbain], dans le cadre de son engagement à favoriser le
développement immobilier dans les noyaux centraux des grandes
villes. L’investissement initial du CalPERS dans ce programme,
qui était de 50 M$US, s’est accru depuis à
290 M$US.
De plus, le CalPERS s’est fixé comme
objectif d’investir 2 % de son portefeuille (environ 3,3 G$US)
dans des marchés intérieurs en émergence, surtout
en Californie. Dans le cadre de la California Initiative, il a investi
plus de 1,3 G$US dans des projets de densification immobilière
en milieu urbain, dont 150 M$US pour des logements abordables et
475 M$US pour des placements en actions dans des entreprises privées
de secteurs sous-desservis. Le CalPERS entend par « marchés
sous-desservis » les secteurs urbains ou ruraux ayant un accès
restreint à des biens et services de première nécessité.
Les marchés sous-desservis offrent aux entreprises des actifs
inexploités qui vont des vastes bassins de main-d’œuvre
aux immeubles à faible coût et aux infrastructures
sous-utilisées (Harrigan, 2003, p. 245). On estime que l’investissement
de 20 G$US réalisé par le CalPERS en Californie a
créé plus de 54 000 emplois (Harrigan, 2003, p. 251).
Le printemps dernier, le CalPERS a lancé un
programme d’investissement dans le secteur des technologies
de l’environnement (Office of the Treasurer, 2004b) en s’engageant
à investir jusqu’à 200 M$US d’ici cinq
ans dans ce secteur en offrant des investissements en actions dans
le secteur privé, du capital de risque et du financement
de projets. Ce programme cible les investissements dans les solutions
technologiques environnementales plus efficientes et moins polluantes
que les technologies existantes, comme le recyclage; l’économie
des ressources naturelles; la réduction des émissions
polluantes, de la production de déchets et de la contamination
de l’air, de l’eau et du sol. Ce programme sera géré
dans le cadre d’un programme d’investissement de gestion
alternative (IGA), dans lequel on a engagé plus de 19 G$US
à titre d’investissements en actions dans le secteur
privé.
4.2.2 Le United Methodist
Church General Board of Pensions and Health Benefits (General Board)
Le General Board, l’un des cent plus importants
régimes de retraite des États-Unis, a affecté
l’un de ses gestionnaires de placements au logement abordable
et au développement communautaire. C’est le plus important
investisseur institutionnel dans les secteurs du logement abordable
et du développement communautaire, avec des placements totalisant
près de 1,6 G$US dans l’IC. Comme tous les placements
du General Board, ses IC visent à obtenir un rendement comparable
à celui du marché compte tenu du risque assumé
par les participants, tout en soutenant les collectivités
sous-desservies et l’établissement de logements abordables.
4.3 Le capital de risque
durable aux États-Unis
Nous ne disposons pas de données complètes
pour le secteur du CRD aux États-Unis, compte tenu surtout
de la définition que nous donnons du CRD dans le présent
document, définition qui comprend le capital de risque investi
afin d’obtenir un rendement social ou environnemental. Toutefois,
le rapport sur les tendances de l’IR, publié par le
Social Investment Forum de 2003, contient des données sur
les fonds d’épargne solidaires, qui se servent des
instruments du capital de risque pour créer des emplois,
accroître la capacité des entreprises et générer
de la prospérité, ce qui améliore les conditions
de vie de personnes à faible revenu et l’économie
des collectivités défavorisées. « Avec
485 M$US de capital administré [en hausse de 58 % comparativement
à 2001], les FES réalisent des investissements en
actions ou d’autres placements similaires dans de petites
entreprises susceptibles de connaître une croissance rapide.
Ces investissements atteignent généralement de 100
000 $ à 1 M$ par entreprise, donc moins que la plupart des
investissements traditionnels en capital de risque. Les entreprises
où les FES investissent emploient généralement
de 10 à 100 personnes » (SIF, 2003). La plupart des
FES sont encore trop récents pour qu’on puisse évaluer
précisément leur rendement financier, mais les résultats
préliminaires de quelques-uns des fonds les plus anciens
indiquent un taux de rendement interne brut allant de 8 % à
17 % (IFDC, 2003, p. 38).
Le Cleantech Venture Network fournit des statistiques
sur le secteur du capital de risque « environnemental »
aux États-Unis. Il révèle que l’activité
globale de ce secteur a décliné de 14 % de 2002 à
2003 dans ce pays, tandis que les entreprises de « technologie
propre » ont crû de 8 % au cours de la même période,
leur valeur passant de 1,1 G$US à 1,2 G$US, avec des investissements
dans 179 entreprises de technologie propre au cours de la période,
ce qui a fait passer la part relative des technologies propres de
5,1 % des investissements industriels en 2002 à 6,4 % en
2003.
Ces statistiques sur le capital de risque social et
environnemental indiquent que le secteur du CRD croît d’année
en année, au bénéfice de l’environnement
et de la société. Pacific Community Ventures, un FES
investi d’une solide mission sociale, nous montre comment
les véhicules de CRD pour le développement communautaire
sont structurés aux États-Unis.
4.3.1 Pacific Community
Ventures
Pacific Community Ventures (PCV) est un organisme
sans but lucratif établi en Californie qui gère deux
fonds d’investissements en actions dans des entreprises choisies.
Ces fonds d’investissement ont pour but d’attirer des
investissements institutionnels et de les canaliser dans des entreprises
privées qui fournissent de bons emplois qui génèrent
des compétences monnayables, des avantages, des véhicules
de création de richesse (régimes d’option d’achat
d’actions et de partage des bénéfices) ainsi
que de la formation professionnelle applicables à des collectivités
à faible revenu. Le CalPERS et Citigroup (l’une des
plus grandes sociétés de services financiers du monde)
sont deux de ces investisseurs institutionnels. Avec un actif actuel
de 18,5 M$US, PCV a investi jusqu’ici 8 M$US dans sept entreprises.
En près de quatre ans, les entreprises financées
par le portefeuille de PCV ont employé au total 850 personnes
issues de collectivités à faible revenu et ont versé
un salaire horaire moyen de 11,59 $US, ce qui est nettement supérieur
au taux horaire de subsistance, qui s’établit à
10,25 $US en Californie.
4.4 Analyse et conséquences
pour le secteur de l’IC au Canada
Même si l’on tient compte de l’écart
de population entre les deux pays, le secteur de l’IC au Canada
– y compris les domaines de l’ICE et du CRD –
accuse beaucoup de retard sur l’expérience étasunienne.
Il est évident que plusieurs conditions propres aux États
Unis ont contribué à cet écart. La plupart
des observateurs attribuent la croissance du secteur de l’IC
aux États-Unis à une combinaison des facteurs suivants:
- Les programmes gouvernementaux : les administrations
(fédérale et des États) ont élaboré
un éventail complet de programmes gouvernementaux de gestion
du risque, de mesures fiscales et d’autres programmes de
subvention.
- La réglementation gouvernementale : les
modifications apportées en 1995 à la Community Reinvestment
Act (CRA) reconnaissent les investissements des IFDC comme des
activités admissibles au sens de la CRA, et la réglementation
de l’ERISA adoptée en 1995 autorise les régimes
de retraite à se livrer à des activités d’ICE.
- La feuille de route : les IFDC ont une feuille
de route ponctuée de réussites dans l’utilisation
efficace et prudente du capital au service des marchés
économiquement défavorisés.
- Les associations professionnelles nationales et
leurs intermédiaires : l’émergence récente
d’associations professionnelles nationales et de leurs intermédiaires
dans l’organisation et le développement de l’industrie
a joué un rôle essentiel, surtout dans la normalisation
du secteur de l’IC et la création de marchés
secondaires.
- La croissance des IFDC : l’augmentation
du nombre d’institutions se traduit par un nombre accru
de perspectives d’investissement pour les épargnants
et les investisseurs institutionnels.
- La sensibilisation : la campagne de 1 % du Social
Investment Forum a généré plus de 1 G$US
en actif consacré à l’IC depuis son lancement
en 2001 (SIF, 2003, p. 29). Cette campagne du SIF comprend un
site Internet, une série de guides et d’autres initiatives
visant à faire la promotion de l’IC auprès
des gestionnaires de fonds et à répondre à
leurs besoins en IC admissibles.
- La médiocrité du marché :
certains gestionnaires de fonds d’IC avancent que le piètre
rendement du marché des actions a incité les investisseurs
à délaisser les actions au profit de titres à
revenu fixe. Bien souvent, le portefeuille d’IC offre un
rendement plus solide que les autres classes d’actif depuis
quelques années. De fait, les gestionnaires de fonds constatent
que lorsqu’ils n’ont rien de positif à dire
à leurs clients quant au rendement sur le capital investi
(RCI), ils sont heureux de pouvoir parler de leur RSCI.
Il faudra obtenir davantage de statistiques
dans le cas du CRD, ainsi que des statistiques actualisées
dans le cas des programmes ICE avant de pouvoir établir une
comparaison complète entre les deux pays dans ces domaines.
Toutefois, cette brève exploration nous incite à conclure
qu’aux États-Unis, le marché de l’IC a
fait des gains considérables depuis quelques années
et qu’il est en bonne position pour poursuivre sa croissance.
Il y a nettement plus de financement disponible aux États-Unis
de la part des investisseurs, du secteur bancaire, des administrations
publiques et des donateurs pour alimenter cette expansion. De fait,
des observateurs de l’industrie (Ellman, 2004) sont d’avis
que la croissance du secteur de l’IC aux États-Unis
résulte directement de la Community Reinvestment Act, du
CRAQIF et du Community Development Financial Institutions Fund financé
par le gouvernement fédéral 10.
Tous ces programmes prennent racine dans les luttes pour les droits
civiques des années 1970 et 1980, au cours desquelles les
collectivités locales ont réclamé des mécanismes
fédéraux pour rééquilibrer les inégalités
économiques locales (en particulier quant à la sélection
du crédit par les banques). Ces premières victoires
ont mené à la transfusion de capital en provenance
du secteur privé (par l’entremise des banques, aux
termes de la CRA, et de l’investissement communautaire, dans
le cadre du CRAQIF) ainsi que du gouvernement fédéral
par le CDFI Fund. En revanche, il manque au Canada une intervention
robuste des pouvoirs publics, une présence des banques dans
l’IC, la sensibilisation des investisseurs et une solide base
de donateurs, ce qui limite sa capacité de capitaliser sur
les leçons à tirer du secteur de l’IC aux États-Unis.
(Il serait intéressant de spéculer, par exemple, sur
le coup de pouce qu’une fraction des 128 M$ versés
en dons de charité par les cinq plus grandes banques canadiennes
pourrait donner à l’IC au Canada.) Nous reviendrons
sur ce sujet dans la section 6.
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