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Bureau de la concurrence du Canada

Bureau de la concurrence

Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications

(PDF : 108 Ko)

 

Introduction
Le présent rapport résume dans les détails tout le travail accompli par le Bureau de la concurrence (le «Bureau») dans l’industrie des médias au cours des 35 dernières années. 1 Le droit de la concurrence a subi de véritables bouleversements durant cette période. Avant 1986, le Bureau mettait en application les dispositions sur les fusions et les monopoles contenues dans la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. En vertu de ce texte législatif, les fusions et la formation d’un monopole constituaient des infractions criminelles et, par conséquent, le Bureau était tenu de s’acquitter du fardeau de la preuve pénale, c’est-à-dire qu’il devait prouver un fait « hors de tout doute raisonnable » pour obtenir une déclaration de culpabilité. Cette approche s’est avérée inefficace. 2

Une seule poursuite contestée, où la Couronne n’a d’ailleurs pas eu gain de cause, a visé l’industrie des médias avant l’entrée en vigueur de la loi de 1986. Dans l’affaire R. v. Irving Ltd. et autres, le ministère public n’a pu respecter la charge de la preuve pénale après avoir déposé des accusations relativement à une série d’acquisitions qui ont donné à la famille Irving le contrôle des cinq journaux de langue anglaise de la province du Nouveau-Brunswick. La Commission sur les pratiques restrictives du commerce (CPRC) a également effectué plusieurs enquêtes infructueuses sur les marchés des journaux en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. En 1960, par exemple, la Commission a lancé une enquête sur l’industrie des journaux après que Pacific Press eut reçu le contrôle des trois quotidiens du marché de Vancouver. Bien qu’elle ait conclu que la formation de Pacific Press était préjudiciable au public, elle n’a pas cherché à obtenir une condamnation sous le régime de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.3

En 1986, la Loi sur la concurrence voit le jour et transforme le droit de la concurrence portant sur les fusions et les monopoles en un régime non criminel. La Couronne n’était donc plus astreinte à la norme de preuve exceptionnellement stricte du droit pénal. Le Tribunal de la concurrence (le «Tribunal»), nouvellement formé, est alors chargé d’examiner les fusions et les monopoles (en fonction de l’abus de position dominante) puis de mettre en application d’autres dispositions relevant du droit civil. Peu après la parution de ce texte législatif, le Bureau crée deux directions qui s’occuperont des questions susceptibles d’examen, lesquelles entrent dans le champ du droit civil : la Direction des fusionnements et la Direction des affaires civiles. La nouvelle Direction des affaires criminelles, quant à elle, reçoit le mandat de mettre en application les dispositions sur les complots et plusieurs autres articles de nature criminelle. 

En vertu de la Loi sur la concurrence, le Bureau a la responsabilité expresse de préserver et de favoriser la concurrence au Canada. Il possède une expertise considérable dans l’évaluation des enjeux reliés à la concurrence, et il a pour tâche d’appliquer une loi moderne et efficace ainsi que d’agir de manière à promouvoir la concurrence. Le Bureau s’attache à faire en sorte que la concurrence au Canada est bien vivante sur les marchés et que toutes les Canadiennes et tous les Canadiens profitent de prix concurrentiels, d’un bon choix de produits et d’un service de qualité.

Étant donné qu’elle est une loi d’application générale visant toutes les entreprises au Canada, la Loi sur la concurrence ne renferme aucune disposition spécifique qui régit la diffusion, les télécommunications, les journaux ou les autres médias. En outre, il s’agit d’un texte législatif de nature essentiellement économique : un cadre d’analyse commun à tous les produits et services est employé dans chaque dossier.

La section (1) du présent rapport donne un aperçu de l’intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias en matière de fusions. La section (2) décrit l’expérience du Bureau dans le domaine des pratiques restrictives du commerce, telles que l’abus de position dominante. La section (3) porte sur les dispositions relatives aux complots ou criminelles. La section (4) traite du rôle de défenseur confié au Bureau et la section (5) contient un résumé.

 

Intervention du Bureau dans l’industrie des médias : Mise en application de la loi

Dispositions sur les fusions

La partie (i) souligne la méthode d’analyse du Bureau au regard des dispositions actuelles sur les fusions. La partie (ii) décrit quelques dossiers qui ont été examinés après l’entrée en vigueur des dispositions civiles de la loi de 1986. Les dossiers de fusions considérés avant l’entrée en vigueur de la loi de 1986 sont examinés dans une autre section de ce document concernant les dispositions criminelles.


(i) Méthode d’analyse

Le principal critère d’application des dispositions sur les fusions est le suivant : la transaction proposée aura-t-elle vraisemblablement pour effet de diminuer sensiblement ou d’empêcher la concurrence? C’est seulement lorsque c’est le cas qu’un projet de fusion sera contesté devant le Tribunal de la concurrence.4 Ce critère sera satisfait s’il est probable que l’entité issue de la fusion disposera d’un pouvoir de marché suffisamment accru pour avoir la capacité de majorer les prix au-delà des niveaux concurrentiels (ou la capacité de restreindre autrement la concurrence au chapitre de la qualité ou de la diversité des produits) pendant une longue période. De même, une fusion aurait pour effet d’empêcher la concurrence si elle permet à une entreprise de maintenir des prix supérieurs à ceux qui prévaudraient en l’absence de la fusion (pendant une longue période) en restreignant ou en prévenant toute tentative destinée à intensifier la concurrence. Il s’agirait par exemple de l’acquisition d’un concurrent sur le point d’entrer sur le marché.5

Pour qu’une fusion fasse augmenter le pouvoir de marché, il faut que les produits fabriqués par les entités fusionnées (ou dans le cas d’un empêchement de la concurrence, les produits qu’elles pourraient fabriquer) se trouvent dans les mêmes marchés de produits et géographiques pertinents (il doit donc y avoir chevauchement). La transaction elle-même aura vraisemblablement un effet sur l’incitation à offrir des produits concurrentiels aux consommateurs seulement s’il y a chevauchement. Les dispositions sur les fusions ne servent pas à évaluer si les produits étaient offerts selon des modalités ou à des prix concurrentiels avant la fusion; elles visent plutôt les conséquences de la transaction : modifie-t-elle la structure du marché de manière à accroître le pouvoir de marché?

Dans les marchés des médias, ce sont souvent les annonceurs, et non pas le consommateur, qui sont les joueurs les plus importants du point de vue de la politique de concurrence. À ce jour, les poursuites ont souligné tout le rôle que jouent les marchés des médias pour fournir un auditoire aux annonceurs. Dans les cas soulevant des préoccupations sur le plan de la concurrence, le Bureau a conclu à l’issue de son enquête qu’il était probable que la transaction proposée ait une incidence défavorable sur le prix payé par les annonceurs. Tout comme dans n’importe quel autre marché, l’examen de la transaction porte sur tous les aspects liés à la concurrence – prix, qualité, choix des produits.

D’un point de vue formel, le marché pertinent est constitué du groupe le plus restreint de produits et de la plus petite région géographique pour lesquels les vendeurs (agissant comme une entreprise unique) pourraient imposer et maintenir une augmentation de prix importante et non transitoire par rapport aux prix qui seraient vraisemblablement pratiqués en l'absence du fusion.6 Une fois que le marché pertinent est défini, les statistiques relatives aux ventes ou à la capacité de production dans le marché servent à établir les parts du marché. Un fusion ne sera pas contestée, en règle générale, parce qu’une entité exerce unilatéralement un pouvoir de marché, si, après la fusion, les parties possèdent moins de 35 % du marché pertinent. Elle ne sera probablement pas contestée non plus en raison de l’exercice en interdépendance d’un pouvoir de marché,(par exemple lorsque les entreprises agissent en concertation) si, après la fusion, les quatre plus importantes entreprises de l’industrie détiennent une part de marché combinée représentant moins de 65 % ou que les parties fusionnées posséderaient une part inférieure à 10 %.

La Loi sur la concurrence dispose expressément qu’une importante part de marché ne suffit pas en soi à établir une diminution sensible ou un empêchement de la concurrence. Les facteurs suivants doivent aussi être pris en considération :

  • Concurrents étrangers : Dans la mesure où l’accès aux produits ou aux concurrents étrangers constitue une solution véritable pour les clients, il en résulterait une diminution de la capacité de l’entité dominante d’exercer un pouvoir de marché après la fusion. Soulignons qu’il ne s’agit pas de l’entrée sur le marché d’un concurrent étranger par l’intermédiaire de nouveaux établissements mais bien de la capacité des consommateurs canadiens d’avoir accès à des fournisseurs étrangers. Le Bureau traite les entreprises étrangères ayant des établissements en sol canadien comme des entreprises canadiennes dans le cadre de son analyse.
  • Existence d’une entreprise en déconfiture : Si l’entreprise visée par l’acquisition est insolvable ou en voie de quitter le marché, la transaction n’aura peut-être aucune incidence sur la nature de la concurrence après la fusion étant donné que si cette dernière n’avait pas lieu, l’entreprise en déconfiture ne serait plus un concurrent sur le marché. Cependant, lorsque ce facteur est évalué, il y a lieu de se demander s’il existe ou non un autre acquéreur qui serait préférable ou encore si la restructuration ou la liquidation donnerait de meilleurs résultats sur le plan concurrentiel.
  • Disponibilité de substituts acceptables pour les acheteurs : Une augmentation des prix après la fusion pourrait être évité si les clients ont accès à des produits de substitution acceptables qui répondent à leurs besoins à des prix concurrentiels.
  • Entraves à l’accès au marché : De faibles entraves à l’accès pourraient véritablement empêcher une entreprise dominante d’exercer son pouvoir de marché, et de majorer les prix puisque de nouvelles entreprises accèdent au marché ou que la menace d’un nouveau fournisseur est telle qu’elle a pour effet de discipliner les entités déjà en place. Par contre, des entraves importantes permettraient à l’entreprise dominante de consolider sa position et, dans cette éventualité, une fusion serait plus susceptible de soulever des interrogations à la lumière de la Loi sur la concurrence. L’incidence de toutes les entraves à l’accès à un marché est prise en considération, y compris les barrières tarifaires ou non tarifaires au commerce international, les barrières interprovinciales au commerce et la réglementation de l’accès.
  • Persistance d’une concurrence réelle : Si les concurrents encore présents sur le marché après la fusion sont susceptibles de prévenir toute tentative de majoration des prix par la nouvelle entité fusionnée, ils sont peut-être en mesure de décourager l’exercice d’un pouvoir de marché.
  • Disparition d’un concurrent dynamique et efficace : Si la fusion élimine un concurrent qui s’était livré à une concurrence vigoureuse sur le plan des prix ou qui a été un chef de file pour ce qui est d’introduire d’autres formes de concurrence ne touchant pas les prix (notamment les innovations dans le choix des produits, au chapitre de la distribution, de la mise en marché ou de l’emballage), la disparition de ce concurrent du marché pourrait avoir des conséquences plus graves sur la concurrence que s’il s’agissait d’une entreprise ayant toujours suivi les autres pour l’établissement des prix.
  • Rôle du changement et de l’innovation sur le marché : L’exercice d’un pouvoir de marché, après la fusion peut être plus difficile dans une industrie qui connaît une évolution et des progrès rapides et où les parts de marché changent rapidement, contrairement à un marché mature où il est plus ardu pour une entreprise d’étendre sa part du marché.
  • Tout autre facteur touchant la concurrence : Un marché peut posséder des caractéristiques qui lui sont propres et qui entrent en considération dans l’évaluation de la dynamique de la concurrence sur ce marché. Ce facteur vise ce genre de situation. De même, le Bureau a relevé d’autres facteurs spécifiques qui peuvent être examinés dans ces cas. Il s’agit notamment du degré de transparence dans un marché et du rôle que cette transparence joue pour faciliter l’interdépendance ou du fait que la taille et la fréquence des transactions types entre les acheteurs et les vendeurs sur le marché pertinent ont ou non pour effet de faciliter l’interdépendance (plus les transactions sont d’envergure et plus elles sont rares, plus il est facile de détecter la tricherie des autres vendeurs).

Même lorsque le Bureau conclut qu’une fusion aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, la Loi sur la concurrence enjoint au Bureau d’autoriser la transaction si celle-ci entraîne vraisemblablement des gains en efficience qui surpasseront et neutraliseront les effets de l’empêchement ou de la diminution de la concurrence et que ces gains ne seraient vraisemblablement pas réalisés si la fusion était arrêté.7 Étant donné qu’il s’agit d’une analyse basée sur des faits et que les marchés et les pratiques commerciales évoluent au fil du temps, il est nécessaire d’analyser posément les marchés spécifiques affectés par une transaction sur la base des conditions de marché en vigueur au moment donné.

Rappelons que la Loi sur la concurrence ne vise pas à régler l’importante question de la «diversité des voix».

Dans certains cas, la diversité des voix peut être préservée grâce à l’application des principes de la politique de concurrence. Il s’agit d’une conséquence indirecte de notre but premier, c’est-à-dire le maintien de la concurrence. Par exemple, notre examen de la récente transaction d’Astral engendrait des inquiétudes sur le plan de la concurrence en vertu de la Loi. La solution dans cette affaire, qui permettait d’éliminer les problèmes de concurrence, a aussi favorisé indirectement la diversité au chapitre de la propriété dans six marchés de la radiodiffusion.


(ii) Fusions examinées par le Bureau

Dans la présente section, nous décrirons en détail plusieurs examens effectués par le Bureau. L’annexe A contient une liste des projets de fusion où le Bureau a mis fin à son examen parce que la transaction proposée ne soulevait aucune inquiétude en vertu de la Loi sur la concurrence.


Le Commissaire de la concurrence c. Astral Media Inc. (2001)

Le 21 décembre 2001, le Bureau a déposé au Tribunal une demande visant à s’opposer à l’acquisition, par Astral Media Inc., de huit stations radiophoniques francophones détenues et exploitées par Télémédia Radio Inc., au Québec, et de la participation de 50 % détenue par Télémédia dans Radiomédia. La même journée, les parties à la fusion ont contesté la compétence du Bureau devant la Cour fédérale.

Le Bureau a conclu que la fusion proposée aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans six marchés. Avec les huit stations de Télémédia, Astral posséderait un monopole ou un quasi-monopole de la publicité radiophonique en français dans quatre marchés (Gatineau-Ottawa, Sherbrooke, Trois-Rivières et Chicoutimi-Jonquière) ainsi qu’un contrôle substantiel sur les marchés de la publicité radiophonique francophone à Montréal et à Québec.

Le 3 septembre 2002, le Bureau annonçait qu’il était parvenu à une entente éliminant ses inquiétudes relatives à la concurrence dans ce dossier. L’entente déposée auprès du Tribunal renfermait les éléments suivants :

  • Les stations radiophoniques AM des parties, dans les six marchés pertinents, seront vendues en tant que réseau et placées sous le contrôle immédiat d’un fiduciaire responsable de leur exploitation.
  • Si les parties ne sont pas en mesure de vendre tous les éléments d’actif désignés, comme elles y sont tenues, un fiduciaire sera nommé afin de conclure la vente.
  • Un code de conduite protégera les annonceurs et appuiera l’entrée de nouvelles stations de radio en interdisant les pratiques anticoncurrentielles telles que les contrats d’exclusivité et les ventes liées pendant une période de temps.
  • Dans les quatre marchés qui soulevaient les plus vives préoccupations en matière de concurrence, de l’avis du Bureau (Gatineau-Ottawa, Sherbrooke, Trois-Rivières et Chicoutimi-Jonquière), les stations FM de Télémédia, en attendant l’établissement de nouvelles stations, continueront de livrer concurrence aux stations FM d’Astral dans la vente de publicité locale pendant une période maximale de 42 mois.

On a conclu que les dessaisissements et l’entrée prévue de nouvelles stations préserveraient la concurrence dans la publicité radiophonique francophone sur les marchés pertinents. Le code de conduite servira à protéger les annonceurs et à favoriser l’établissement de nouvelles stations de radio.

 

Globe and Mail/BCE Inc. (2001)

Le 9 janvier 2001, le Bureau a annoncé qu’il ne remettrait pas en question l’acquisition de certains actifs de Thomson Corporation par BCE Inc. Parmi ces actifs, on comptait le Globe and Mail et des biens connexes liés à Internet. BCE avait l’intention de combiner ces actifs avec ses intérêts dans le service de télédiffusion de CTV.

L’examen que le Bureau a fait de la question mettait l’accent sur les aspects économiques liés à l’acquisition, surtout les répercussions potentielles sur les annonceurs. Le Bureau a conclu qu’à ce moment, les journaux, Internet et la télévision n’étaient pas en concurrence pour la publicité faite par les détaillants. Le Bureau a conclu que la transaction n’était pas susceptible de mener à une importante baisse de la concurrence, dans aucun des marchés.

Dans le cadre de son examen, le Bureau s’est également penché sur les questions verticales concernant l’accès Internet haute vitesse. Il a examiné attentivement la capacité de fournisseurs de services Internet concurrents d’avoir accès à l’infrastructure de réseau de BCE et des entreprises de câblodistribution pour leur permettre d’offrir l’accès Internet haute vitesse. Le Bureau a établi que l’accès Internet haute vitesse n’était pas un sujet d’inquiétudes puisque les concurrents avaient déjà accès aux réseaux téléphoniques pour offrir un accès Internet haute vitesse. De plus, la question de l’accès au réseau de câble a été étudiée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui a obligé les quatre grandes entreprises de câblodistribution à accorder un accès à leurs réseaux.


Bell Globemedia Inc./Cogeco Inc. (2001)

En janvier 2001, Québécor a déposé une plainte auprès du Bureau, alléguant que l’offre combinée de Cogeco Inc. et de Bell Globemedia Inc. d’acheter les actifs du réseau TQS violait la Loi sur la concurrence. À titre d’actionnaire de TQS, Cogeco avait le droit de premier refus sur toute offre concernant les actions de TQS. Le Bureau a conclu que l’offre combinée de Bell Globemedia Inc., filiale de BCE, et Cogeco Inc. n’avait pas enfreint la Loi sur la concurrence.

 

Unimédia/Gesca Ltée (2001)

Le 18 janvier 2001, le Bureau a annoncé qu’il ne s’opposerait pas à l’acquisition d’Unimédia par Gesca Ltée, une filiale de Power Corporation Canada. À ce moment, Gesca était propriétaire d’un certain nombre de quotidiens comme La Presse (Montréal), Le Nouvelliste (Trois-Rivières), La Tribune (Sherbrooke), La Voix de l'Est (Granby) et de six journaux non quotidiens. Unimédia, de son côté, était propriétaire de quelques journaux, dont Le Soleil (Québec), Le Quotidien (Chicoutimi) et Le Droit (Hull-Ottawa), de même que de 20 publications non quotidiennes et de spécialité.

Le Bureau a conclu que la transaction n’était pas susceptible de réduire ni d’empêcher la concurrence puisque les journaux touchés ne sont pas distribués de façon importante dans les mêmes villes ou zones rurales. Les marchés touchés ne soulevaient aucune préoccupation sur le plan de la concurrence et ne présentaient pas de chevauchement quant à la publicité. De plus, il n’y avait aucun problème de convergence médiatique.


CanWest Global Communications Corp./Hollinger Inc. (2000)

En juillet 2000, CanWest Global Communications Corp. a annoncé son intention d’acquérir la majorité des intérêts liés aux médias canadiens de Hollinger Inc., notamment ses grands journaux métropolitains quotidiens et journaux communautaires, une part de 50 % du National Post et des actifs dans Internet comme Canada.com. Le Bureau a examiné la transaction proposée et conclu que, comme il n’y avait aucune preuve que les journaux, Internet et la télévision entrent  directement en concurrence pour la publicité faite par les détaillants qui se trouve habituellement dans les journaux, la transaction ne diminuerait pas de façon importante la concurrence auprès des annonceurs dans ces marchés.

Toutefois, le Bureau a exprimé des inquiétudes sur le plan de la concurrence par rapport aux répercussions des liens qui se sont établis par la suite entre les deux principaux journaux d’affaires du Canada, le Globe and Mail et le National Post, par le truchement d’une chaîne spécialisée en affaires, ROBTv, dans laquelle CanWest (affiliée au National Post) et le Globe and Mail ont des intérêts.

En raison de ces préoccupations, CanWest a accepté d’accéder à la demande du Bureau de transférer en fiducie l’ensemble de ses investissements dans ROBTv, en attendant que soit réglée la situation du partenariat. Comme l’engagement est entré en vigueur au moment de l’acquisition par CanWest des actifs de Hollinger, CanWest a également accepté de s’assurer que Hollinger n’échangeait pas de renseignements confidentiels avec ROBTv et le Globe and Mail. Le Bureau a entrepris de surveiller la conformité de CanWest.

 

Commissaire c. Québécor Inc./Vidéotron Ltée, CT 2000/005 (2000)

Par une offre publique présentée le 27 septembre 2000, Québécor Inc., par le truchement de sa  filiale Québécor Média Inc, proposait d’acquérir toutes les actions en circulation du Groupe Vidéotron Ltée. Cette transaction aurait permis à Québécor d’avoir la mainmise sur les réseaux de télévision francophone occupant le premier et le troisième rang au Québec, sur le plan de l’effectif- téléspectateurs, soit TVA et TQS. Par conséquent, Québécor aurait contrôlé plus de la moitié des revenus de publicité à la télévision francophone dans la province.

Le Bureau a conclu que cette fusion proposée était susceptible d’empêcher ou de réduire de façon importante la concurrence sur le plan de la vente de temps d’antenne pour la publicité à la télévision francophone au Québec. Les raisons suivantes ont été invoquées :

  •  Il était peu probable qu’un nouveau réseau de télévision conventionnelle obtienne une licence dans un avenir prochain selon le cadre réglementaire actuel.
  • Les canaux spécialisés de langue française ne peuvent rafler qu’une part limitée du marché de la publicité à la télévision.
  • Les autres médias ne se comparent pas à la télévision de l’avis des annonceurs.

Le 10 novembre 2000, le Bureau a présenté au Tribunal une demande d’ordonnance par consentement exigeant de Québécor qu’elle vende TQS. Le but de l’ordonnance était de maintenir la concurrence dans la vente de publicité à la télévision francophone au Québec. Le 15 janvier 2001, le Tribunal a délivré l’ordonnance, indiquant à Québécor qu’elle devait vendre TQS au plus tard le 31 décembre 2001 ou, ensuite, par l’entremise d’un fiduciaire si le CRTC approuvait l’acquisition de TVA par Québécor. Le 13 mars 2001, le Bureau a annoncé, à la suite de son examen d’autres aspects de la transaction, que la concurrence resterait vigoureuse dans les autres marchés étudiés, y compris l’accès Internet haute vitesse et l’offre d’espaces publicitaires dans les magazines, les sites Internet et autres médias francophones au Québec.

Le Bureau s’inquiétait sérieusement des répercussions de cette transaction sur la concurrence dans le marché de la publicité à la télévision, et la vente de TQS a été exigée pour garantir que la concurrence reste forte.


CTV Inc. au nom du Sports Network Inc. (TSN), du Réseau des Sports Inc. (RDS) et 2953285 Canada Inc., faisant affaires sous la raison sociale de Discovery Channel (2000)

Le Bureau n’a pas fait de déclarations sur ce cas qui appartient au domaine public. Toutefois, dans son avis dissident, le commissaire du CRTC David McKendry a donné publiquement un aperçu de l’analyse que le Bureau a faite de la transaction CTV Inc./NetStar. Il a parlé tout particulièrement d’une lettre du 3 décembre 1999 dans laquelle le Bureau informait l’avocat des parties de ses conclusions :

« Le Bureau de la concurrence a examiné de façon approfondie les implications de la transaction sur la concurrence, qui incluaient des entretiens avec les participants du marché et les experts de l’industrie. Notre analyse a porté sur trois marchés distincts de produits : la distribution de la programmation par le câble et autres canaux de distribution, la fourniture d’espace/temps de publicité aux annonceurs ainsi que l’acquisition de droits de diffusion de sports majeurs. Nous n’avons pas cerné à ce jour de préoccupations importantes en matière de concurrence dans les deux premiers marchés qui nous inciteraient à contester le projet de transaction auprès du Tribunal de la concurrence ».8

Il a de plus indiqué que, en ce qui a trait à l’acquisition des droits du plus important télédiffuseur de sports, le Bureau n’était pas en mesure de déterminer la mesure dans laquelle TSN et Sports Net se faisaient concurrence pour ces droits. C’était parce que le CRTC « avait autorisé ces services comme complémentaires, et qu’on ne savait pas dans quelle mesure la concurrence entre ces deux canaux pour les droits relatifs aux sports majeurs respectait la politique sous-jacente du CRTC... Il se peut que le degré de concurrence permise et réelle entre TSN et Sports Net soit une question sur laquelle le CRTC se penchera à l’audience imminente ».9 Le Bureau a également fait remarquer que le Conseil était à examiner une demande de modification de licence de Sportscope Television Network Ltd. (Sportscope), « d’où la possibilité d’un autre acheteur de droits de diffusion de sports en direct ».10 Compte tenu de ces préoccupations, le Bureau a déclaré qu’il attendrait la conclusion de ces instances avant de trancher.


Southam Inc./The Financial Post (1999)

Lorsqu’il examine des propositions de fusion dans le domaine des médias imprimés, le Bureau tente avant tout de préserver la concurrence sur le plan de la publicité, et non la diversité éditoriale. Après avoir examiné pendant un mois la proposition d’acquisition du Financial Post par Southam auprès de Sun Media Corporation en août 1998, le Bureau a décidé de ne pas remettre la transaction en question.

Le Bureau a conclu que le fait de combiner le Financial Post avec le nouveau quotidien (maintenant connu sous le nom de National Post) ne serait pas un grand obstacle à la concurrence au sein du marché. On croyait que l’arrivée d’un nouveau journal quotidien fusionné changerait du tout au tout le monde du journal, et que la concurrence qui en résulterait serait encore plus vigoureuse.

Le Bureau a entrepris de surveiller les faits nouveaux au sein du marché pour s’assurer que les annonceurs de tout le pays auraient accès à toute une gamme d’autres médias. Les annonceurs pourraient ainsi continuer à atteindre leurs publics cibles aux meilleurs prix possibles.


Sun Media Corporation/Torstar Corporation/Québécor Inc. (1999)

D’octobre 1998 à janvier 1999, le Bureau a examiné les trois transactions suivantes touchant Sun Media Corporation et ses actifs :

  • offre d’achat présentée par Torstar Corporation visant toutes les actions en circulation de Sun Media Corporation;
  • offre d’achat faite ensuite par Québécor Inc. visant toutes les actions en circulation de Sun Media Corporation;
  • proposition faite par Torstar Corporation pour l’acquisition, auprès de Québécor, des journaux : The Hamilton Spectator, Cambridge Reporter, Guelph Mercury et The Record de Kitchener-Waterloo auprès de Sun Media Corporation.

Dans le premier cas, le Bureau avait conclu que l’acquisition proposée de Sun Media par Torstar entraînerait une diminution importante de la concurrence dans la région du Grand Toronto. Les recherches effectuées par le Bureau ont révélé que le Toronto Star, propriété de Torstar, et le Toronto Sun, propriété de Sun Media, se font une lutte féroce pour la publicité par les détaillants et les annonces classées.

Dans le deuxième cas, l’acquisition, par Québécor, de Sun Media, n’a soulevé aucune difficulté liée à la Loi sur la concurrence. Les deux entreprises n’ont pas d’activités qui se chevauchent et ne se font pas concurrence pour la publicité. Les quotidiens de Québécor sont publiés au Québec et au Manitoba, tandis que ceux de Sun Media se trouvent en Ontario et en Alberta.

Dans la troisième proposition, le Bureau a déterminé qu’aucun effet anticoncurrentiel ne découlerait de la proposition d’acquisition de l’ensemble des journaux de Sun Media à l’extérieur de Toronto par Torstar. Il ne s’est donc pas opposé non plus à la vente, par Québécor à Torstar, des quatre publications de Sun Media que celui-ci avait acquises récemment dans les marchés de Hamilton, de Cambridge, de Guelph et de Kitchener-Waterloo.

 

Canada (directeur des Enquêtes et recherches) c. Southam Inc., (1997) et événements subséquents

Ce cas porte sur l’acquisition de trois journaux communautaires de Vancouver par Southam Inc. qui possédait déjà les deux quotidiens de la région, le Vancouver Sun et le Province.11 Les questions soulevées portaient essentiellement sur la façon dont la Loi sur la concurrence s’applique aux fusions des journaux et, en fait, aux fusions en général. Les conclusions du Tribunal de la concurrence ont fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada.

Tout d’abord, il faut souligner que le Bureau de la concurrence ne pouvait pas remettre en question la concentration déjà existante au sein du marché – c’est-à-dire le fait que Southam contrôlait déjà deux journaux : le Vancouver Sun et le Province par le truchement de Pacific Press. L’examen effectué en vertu des dispositions de la Loi sur la concurrence portant sur les fusions étudie les répercussions économiques probables de toute augmentation de la concentration dans les marchés pertinents dans le cas d’une acquisition ou d’une fusion.

La principale question économique qui s’est imposée dans ce cas a été la mesure dans laquelle les journaux communautaires acquis faisaient concurrence aux deux quotidiens de Vancouver. Pour appuyer un cas de fusion, le Bureau de la concurrence doit, entre autres, faire la preuve qu’il y a un « chevauchement » important entre les activités de l’entreprise acquise et celles de l’entreprise acquéreuse. En faisant ressortir un tel chevauchement, on appuie la théorie voulant que la fusion entraîne une augmentation de l’emprise sur le marché.

Le Bureau a présenté un grand volume de preuves pour appuyer l’affirmation selon laquelle il y  avait un chevauchement, et que, par conséquent, les acquisitions ont éliminé la concurrence. Un des principaux éléments de preuve cités était la conclusion d’un rapport demandé par Southam avant la fusion, dont le but était d’étudier le marché et de formuler des recommandations sur les stratégies futures :

« Quelle est la raison de cette différence sensible de rendement entre le marché de Vancouver et les autres marchés? Nous croyons fermement que c’est le grand nombre d’hebdos dynamiques que l’on retrouve à Vancouver qui siphonnent les recettes qui (logiquement) devraient revenir au Sun et/ou aux provinces, en raison de leur bassin de lecteurs et de leur présence sur le marché. »

En raison de cet élément de preuve et d’autres, le Bureau a conclu que les hebdos communautaires étaient dans le marché pertinent, et que l’acquisition par Southam entraînerait l’élimination de cette concurrence.

Le Tribunal a pris une approche différente et a conclu que les journaux communautaires et les quotidiens étaient de très faibles substituts – c’est-à-dire que les petits changements de prix étaient peu susceptibles d’inciter fortement les annonceurs à changer de type de journaux. Cet examen a amené le Tribunal à conclure que l’acquisition du North Shore News et du Courrier par Southam était peu susceptible d’entraîner un empêchement ou une diminution de la concurrence au sein du marché des services de publicité offerts aux détaillants par les journaux à Vancouver, sur le North Shore ou dans toute la vallée du Bas-Fraser.

Toutefois, d’un même souffle, le Tribunal a fait valoir que divers facteurs économiques entraient en ligne de compte dans le marché de la publicité immobilière imprimée sur le North Shore. Le Tribunal a établi que l’acquisition du Real Estate Weekly mènerait probablement à une diminution importante de la concurrence.

Le 8 août 1995, la Cour d’appel fédérale avait rendu une décision selon laquelle le Tribunal n’avait pas appliqué le bon critère au moment de déterminer le marché du produit. La Cour fédérale d’appel a exigé que l’affaire soit renvoyée à une formation différente du Tribunal dans le but d’établir si la fusion empêchait ou diminuait de façon importante la concurrence.

Le 20 mars 1997, la Cour suprême du Canada a conclu que la Cour d’appel fédérale n’aurait pas dû infirmer la décision du Tribunal de la concurrence, étant donné que la norme applicable en appel n’est pas celle de la décision correcte, mais celle de la décision raisonnable. Elle a tranché en faveur de Southam et a conclu que les cours d’appel devraient faire preuve d’une retenue considérable à l’égard des décisions du Tribunal, celui-ci étant spécialisé et sa décision concernant la définition du marché n’étant pas déraisonnable.

Par la même occasion, la Cour suprême a entendu l’appel interjeté par Southam relativement à la décision portant sur le marché de la publicité immobilière imprimée dans le North Shore. Le Tribunal est arrivé à la conclusion que la fusion aurait vraisemblablement pour effet de diminuer sensiblement la concurrence sur ce marché et, par conséquent, il avait conclu que la mesure corrective appropriée était le dessaisissement soit du North Shore News, soit du Real Estate Weekly. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision, et la Cour suprême du Canada a rejeté l’appel de Southam à l’audience. Par conséquent, Southam devait se départir du North Shore News ou du Real Estate Weekly dans un délai de six mois à partir du 20 mars, date à laquelle la Cour suprême du Canada s’était prononcée. Cet arrêt appuie le principe selon lequel, dans une affaire contestée de fusion, une mesure corrective doit avoir pour effet de remédier à l’empêchement ou à la diminution sensible de la concurrence, et non de rétablir la concurrence qui existait sur le marché avant la fusion.12

Le Groupe Vidéotron Ltée/CFCF Inc. (1997)

Le 21 avril 1996, le Groupe Vidéotron Ltée (Vidéotron) a présenté une offre publique d'achat visant toutes les actions de CFCF Inc. (CFCF). Une fois la transaction menée à terme, Vidéotron devenait le seul fournisseur de services de câblodistribution dans la région de Montréal et le propriétaire des deux principales chaînes privées de télévision de langue française au Québec.

En juin 1996, Vidéotron a fait l'acquisition de la quasi-totalité des actions de CFCF. Celles-ci ont cependant été confiées à la garde d'un fiduciaire de façon qu'aucun changement de propriété de CFCF n'intervienne avant que le CRTC n'ait examiné la transaction. En outre, le 28 juin 1996, l'acquéreur s'est engagé par écrit envers le Bureau à ne pas chercher à obtenir et à ne pas utiliser de renseignements confidentiels se rapportant à Télévision Quatre Saisons (TQS) (la chaîne de télévision de langue française appartenant à CFCF), afin de préserver la dynamique concurrentielle sur le marché jusqu'à ce que le Bureau termine son examen de la transaction.

Dans le cadre de son examen, le Bureau a mis l'accent sur les effets de la transaction sur la concurrence en ce qui concerne l'offre de temps d'antenne aux annonceurs et l'achat d'émissions télévisées de langue française à des producteurs indépendants.

Le 27 février 1997, le CRTC a annoncé qu'il approuvait l'acquisition, par Vidéotron, des systèmes de câblodistribution appartenant à CFCF Cable TV Inc. au Québec et en Ontario, mais qu'il rejetait les autres demandes de Vidéotron. Il a ordonné que les activités de radiodiffusion de CFCF soient vendues à des tiers n'ayant aucun lien avec Vidéotron. Le lendemain, Vidéotron a demandé au fiduciaire de procéder à la vente de TQS exigée par le CRTC. Vu ce dénouement, le Bureau a mis fin à son enquête.

 

Hollinger Inc./Southam Inc. (1996)

Le 23 mai 1996, le Bureau a délivré un certificat de décision préalable relativement à l'acquisition proposée par Hollinger Inc. d'un bloc supplémentaire de 21,5 p. 100 d'actions de Southam Inc. (Hollinger détenait déjà une participation de 19,5 p. 100 dans Southam au moment de la demande.) Le 18 septembre 1996, le Conseil des Canadiens, un groupe de revendication dans le domaine des politiques gouvernementales, a présenté une demande de contrôle judiciaire visant la décision du Bureau. Comme le Conseil n'avait pas agi dans le délai de 30 jours imparti à cette fin, il a dû demander à la Cour fédérale la prorogation de ce délai. L'affaire a été entendue le 9 décembre 1996, et le 16 décembre suivant, la Cour fédérale a statué que le Conseil n'avait pas justifié son retard à présenter la demande. À titre de remarque incidente, le juge Cullen a ajouté que, même si le délai de 30 jours avait été respecté, la Cour estimait que le Conseil n'avait pas la qualité voulue pour demander un contrôle judiciaire. Le 19 décembre 1996, le Conseil a déposé un avis d'appel relativement à la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale.

Le 9 mars 1997, la Cour fédérale d'appel a confirmé la décision de la Section de première instance rejetant la demande présentée par le Conseil des Canadiens afin d'obtenir un délai supplémentaire pour établir les actes de procédure dans lesquels il entendait alléguer que l'acquisition du contrôle de Southam par Hollinger était contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. Ces décisions confirment que les cours de justice ont une marge de manœuvre très restreinte lorsqu'il s'agit d'infirmer une décision ressortissant au droit administratif rendue par le Bureau, comme celle d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'entreprendre une enquête ou de délivrer un certificat de décision préalable.



Rogers Communications Inc./Maclean Hunter Limited (1994)

En mars 1994, Rogers Communications Inc. (Rogers) a consenti à se porter acquéreur de Maclean Hunter Limited (Maclean Hunter) pour la somme de 3,1 milliards de dollars. Le Bureau de la concurrence a examiné l’effet probable de la transaction proposée sur un certain nombre de marchés, dont ceux de la câblodistribution, de la radiodiffusion et de la télédiffusion, des téléappels, de l’édition de journaux et de magazines et de l’impression commerciale.

Comme Rogers n’était propriétaire d’aucun journal, d’aucun magazine ni d’aucune imprimerie commerciale, le Bureau a conclu que l’achat de Maclean Hunter ne modifierait pas la concentration sur ces marchés. De même, la transparence proposée n’a suscité aucune inquiétude en ce qui a trait au marché de la radio et de la télévision car chaque entreprise possède des stations de radiodiffusion qui desservent des marchés géographiques différents, à une exception près. L’exception était le marché de Toronto où, après la transaction, Rogers serait propriétaire de deux stations de radio FM. Toutefois, Rogers, en accord avec les politiques du CRTC qui empêchent la propriété de plus d’une station FM offrant un service dans une langue donnée dans un marché donné, a accepté de vendre l’une de ses stations FM, CFNY, à Shaw. On a conclu qu’il y aurait effectivement une concurrence dans le domaine du téléappel puisqu’il resterait Bell Mobilité et un certain nombre d’autres entreprises régionales qui sont présentes dans le marché du téléappel où Rogers et Maclean se font concurrence. Le Bureau a également conclu qu’il n’y aurait pas de diminution ni d’empêchement important de la concurrence dans le marché de la câblodistribution.



Maclean Hunter Limited/Selkirk Communications Limited (1989)

Le 23 novembre 1988, le Bureau a annoncé qu’il ne remettrait pas en question l’acquisition proposée de Selkirk Communications Limited (Selkirk) par Maclean Hunter Limited. Maclean Hunter et Selkirk étaient de grandes entreprises de communications diversifiées dont les avoirs comprenaient des installations de radiodiffusion et de télédiffusion dans un certain nombre de marchés au Canada.

La transaction proposée soulevait des inquiétudes concernant les répercussions potentielles sur la concurrence dans les marchés de la publicité et de la télédiffusion à Calgary et à Lethbridge. L’acquisition, selon la proposition originale, aurait permis à Maclean Hunter d’avoir la main haute sur deux importantes stations de télévision commerciales et deux stations de radio AM à Calgary, et sur deux stations de télévision à Lethbridge. Ces stations de radio et de télévision étaient exploitées sous les noms de CFCN et CFAC dans les deux villes.

Pour dissiper les principales préoccupations du Bureau en matière de concurrence, Maclean Hunter a entrepris de se défaire d’une station de radio AM et d’une station de télévision à Calgary et de l’une des stations de télévision de Lethbridge. L’engagement reconnaissait que l’acquisition d’actions votantes de Selkirk par Maclean Hunter, de même que ces dessaisissements, devaient faire l’objet d’une approbation par le CRTC. Les engagements étaient conformes à la position prise par Maclean Hunter dans son offre d’achat.


Messageries Dynamiques, division du groupe Québécor Inc./Benjamin News Inc. (1989)

Le 14 juillet 1989, les parties ont annoncé une proposition visant à combiner leurs activités de distribution en une nouvelle entreprise.

Benjamin News Inc. (Benjamin News) et Messageries Dynamiques, une division du groupe Québécor Inc. (Québécor), étaient les deux seuls distributeurs de périodiques et de magazines dans la province de Québec. La majorité des actions de l’entité fusionnée devaient devenir la propriété de Québécor. Québécor était le plus grand éditeur de magazines de langue française dans la province de Québec et le plus grand imprimeur au Canada. Par l’entremise de Messageries Dynamiques, Québécor distribuait ses propres magazines et périodiques et ceux d’autres éditeurs. Elle entrait en concurrence avec Benjamin News pour la distribution de magazines et de périodiques d’autres éditeurs.

Pendant l’examen de la fusion proposée qu’a effectué le Bureau, d’importants renseignements ont été fournis par Benjamin News, Québécor et de nombreux autres intervenants de l’industrie. Les employés du Bureau ont fait ressortir de graves inquiétudes liées aux effets de la fusion sur la distribution de magazines et de périodiques au Québec. Après de longues discussions, mais avant que le Bureau ne rende une décision finale dans cette affaire, les parties ont indiqué au Bureau qu’elles avaient décidé d’abandonner leur projet de fusion. Par conséquent, le Bureau a décidé d’interrompre l’examen.

 

Southam Newspaper Group/Brabant Newspapers Limited (1988)

Le 8 janvier 1988, le Bureau a annoncé qu’il ne remettrait pas en question l’acquisition par le Southam Newspaper Group de Brabant Newspapers Limited de Hamilton, en Ontario. La décision se fondait sur un examen approfondi des effets potentiels de l’acquisition sur la concurrence dans le marché du journal de Hamilton.

Brabant publiait sept hebdos communautaires et un guide immobilier dans la région de Hamilton.  Southam publiait le quotidien Hamilton Spectator. Même si l’acquisition de Brabant améliorerait la position de Southam au sein du marché du journal de Hamilton, le Bureau a déterminé que le journal quotidien Spectator et les hebdos publiés par Brabant étaient destinés à des marchés très différents sur le plan des nouvelles et du contenu éditorial de même que des clients visés par la publicité. Le Bureau a également tenu compte du fait que la technologie réduisait les barrières à l’entrée dans l’édition et l’impression de journaux communautaires. Le Bureau a surveillé, au cours de la période de trois ans prévue par la Loi sur la concurrence, les éléments nouveaux liés au marché du journal de Hamilton afin de s’assurer qu’un changement important de la situation ne modifierait pas sa conclusion.

 


Pratiques civiles examinables

La sous-section (i) expose la démarche analytique qu’adopte le Bureau dans les pratiques civiles examinables autres que les fusions. La sous-section (ii) aborde plusieurs cas.

 

(i) Démarche analytique

La question de l’abus de position dominante est abordée dans les articles 78 et 79. L’article 79 établit les trois éléments essentiels de l’infraction. L’alinéa a) limite la mise en application des dispositions aux situations où l’on peut établir qu’une ou plusieurs entreprises contrôlent le marché en question. Selon l’interprétation du Bureau et du Tribunal, cet alinéa met l’accent sur les dispositions concernant le pouvoir de marché – la crainte qu’une entreprise ou un groupe d’entreprises puisse être en mesure d’accroître ou d’affermir leur emprise sur le marché, ou de faciliter l’exercice de cette emprise.13 Une position dominante grâce à laquelle une entreprise fixe des prix au-dessus du niveau concurrentiel ne constitue pas, à proprement parler, un motif de demande en vertu de l’article 79. Ainsi, l’abus de position dominante n’a pas pour but de réglementer les prix. L’alinéa b) précise l’article en indiquant que la disposition ne s’applique qu’aux situations où le pouvoir de marché (en tenant pour acquis qu’on en a fait la preuve) est utilisée de façon anticoncurrentielle. C’est l’abus de position dominante qui entraîne un examen en vertu de la Loi sur la concurrence. Enfin, l’alinéa c) impose la présentation d’une preuve du fait que les agissements de l’entreprise ont eu, ont ou sont susceptibles d’avoir pour effet « d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence ». On met ainsi carrément l’accent sur les effets nuisibles pour la concurrence, plutôt que sur les concurrents proprement dits.

En plus des dispositions sur l’abus de position dominante, la Loi sur la concurrence contient des dispositions précises concernant les accords verticaux. Il n’y a aucune présomption de valeur seuil de part du marché ou de traitement des types particuliers de contraintes verticales à proprement parler. Le plus souvent, les accords verticaux sont abordés par le truchement des dispositions civiles examinables de la Loi sur la concurrence.14

 

(ii) Cas touchant des pratiques civiles examinables

Importante entreprise de publicité

Une importante entreprise de publicité a conclu une entente exclusive avec une chaîne de dépanneurs qui devait n’offrir que son magazine (le nom de l’entreprise en question n’est pas du domaine public). Un concurrent du magazine, qui avait été exclu des dépanneurs, a porté plainte. L’entreprise touchée avait un engagement écrit auprès du Bureau en 1994 lui promettant de ne pas exiger des clauses d’exclusivité de ses clients pour les dix années à venir. En avril 1994, après des discussions avec le Bureau, l’entreprise a accepté de respecter l’engagement original, et le magazine du concurrent a repris sa place dans les dépanneurs.


Communications des radiodiffuseurs

Le 25 octobre 1985, le Bureau a présenté une demande à la CPRC afin d’obtenir une ordonnance empêchant Broadcast News Limited de poursuivre sa pratique de vente liée dans le domaine des nouvelles sur fil de presse, parlées et par câblodistribution, et la transmission de ces produits aux diffuseurs canadiens.

Le Bureau a entrepris un examen de cette question à la suite d’une demande reçue le 9 juillet 1985 présentée par six résidents du Canada. La demande du Bureau a ensuite été retirée le 21 mars 1986 à la suite d’une annonce publique faite par Broadcast News d’une nouvelle politique selon laquelle la transmission des signaux de nouvelles parlées ne serait pas liée au produit de nouvelles parlées.


Sondages BBM – Service de classement des émissions de télévision et de radio

Le 21 août 1979, le Bureau a présenté une demande à la CPRC pour qu’elle émette une ordonnance empêchant Sondages BBM de continuer à faire des ventes liées de ses données sur la radio et la télévision à des agences de publicité, des représentants des stations et des membres annonceurs.

Dans sa demande, le Bureau alléguait que Sondages BBM faisait des ventes liées et était le fournisseur unique de données sur la radio et un important fournisseur de données sur la télévision au Canada.

Le 19 décembre 1981, la CPRC a statué que Sondages BBM n’avait pas le droit de continuer à effectuer, directement ou indirectement, des ventes liées des services de cote d’écoute de la radio et de la télévision.
           

Complots et autres pratiques criminelles

La sous-section (i) présente des commentaires sur la démarche adoptée par les articles sur les complots et autres actes criminels. La sous-section (ii) présente une analyse de certains de ces cas.


(i) Démarche analytique

Les règles qui régissent les ententes horizontales se trouvent en grande partie dans l’article 45 de la Loi sur la concurrence, pierre angulaire de la politique canadienne en matière de concurrence. De façon générale, l’article 45 indique qu’il s’agit d’une infraction de comploter pour réduire indûment la concurrence ou pour augmenter déraisonnablement le prix d’un produit (c.–à–d., d’accepter de le faire). Aux termes de l’article 45 de la Loi sur la concurrence, commet un acte criminel quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne pour restreindre, indûment, la concurrence ou lui causer un préjudice indu ou pour élever déraisonnablement le prix d’un produit. La mise en application de l’article 45 a surtout mis l’accent sur les restrictions horizontales, particulièrement la fixation des prix et le partage du marché, qui réduiraient indûment la concurrence.15

Tel que mentionné à l’introduction de ce document, avant l’entrée en vigueur de la loi de 1986, les fusions et la formation d’un monopole constituaient des infractions criminelles. Par conséquent, certains cas examinés dans cette sous-section concernent des questions, qui dans la loi actuelle, seraient considérées selon les dispositions civiles.

 

(ii) Cas touchant des affaires criminelles

Les Maple Leafs de Toronto et le Globe and Mail

En janvier 1984, le Bureau recevait une demande en vertu de l’article 7 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (demande présentée par six résidents du Canada) faisant valoir que Harold Ballard, propriétaire du club de hockey les Maple Leafs de Toronto et d’autres personnes s’étaient entendus pour interdire aux journalistes du Globe and Mail l’accès à la tribune de presse du Maple Leaf Gardens au cours des matchs de la Ligue nationale de hockey de la saison régulière. Après examen des éléments de preuve recueillis au cours de son enquête, le directeur a décidé d’abandonner l’enquête. Même si l’on pouvait faire valoir que les actes posés constituaient une discrimination à l’encontre du Globe and Mail et de ses journalistes, la preuve n’a pas permis d’établir que l’arrangement, s’il s’agissait bien d’un arrangement, réduirait indûment la concurrence. En mars 1984, les raisons de l’abandon ont été présentées au ministre de la Consommation et des Affaires commerciales. À peu près au même moment, on apprenait qu’une solution provisoire au litige opposant le Globe and Mail et les Maple Leafs de Toronto avait été trouvée.


Thompson Newspapers Limited/ F.P. Publications Limited/ Southam Inc. (1984)

En 1980, on a entrepris, après la fermeture du Ottawa Journal, en août 1980, la fermeture et la vente des actifs du Winnipeg Tribune à son compétiteur, et l’achat, par Southam Inc. des parts de la Thomson Newspapers Limited dans la Gazette de Montréal et Pacific Press de Vancouver. Le Bureau estimait que, selon les preuves obtenues au cours de l’enquête, les parties, Thompson et Southam, avaient conspiré pour se partager le marché de l’industrie des quotidiens. Le Bureau était également d’avis que, une fois réalisé, le complot empêcherait ou réduirait indûment la concurrence dans la production, la vente, le transport ou l’approvisionnement de grands quotidiens d’expression anglaise dans certains marchés, de la façon suivante :

  • on priverait le public des avantages de la libre concurrence;
  • on réduirait ou empêcherait la concurrence entre les journalistes, les rédacteurs en chef et les éditeurs;
  • on réduirait ou empêcherait le concurrence au chapitre de la vente des journaux et des espaces publicitaires;
  • on maintiendrait le prix des journaux et des publicités à des niveaux non concurrentiels; et,
  • on réduirait et empêcherait la concurrence dans le transport ou l’approvisionnement de jornaux.

Une information contenant un total de sept chefs d’accusation en vertu des articles 32 et 33 (fusions et monopoles) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions a été présentée. En mai 1982, Thomson Newspapers Limited, F.P. Publications Limited, Southam Inc. et certaines filiales ont dû subir un procès. Le 17 juin 1982, le procureur général du Canada a signé une mise en accusation comptant huit chefs découlant de ces questions. Les principaux dirigeants de Thomson, F.P. et Southam ont été désignés comme parties. Le 28 octobre 1983, la Cour suprême de l’Ontario a acquitté les accusés de cinq des huit chefs d’accusation.

Le 9 décembre 1983, les accusés ont été acquittés des chefs qui restaient concernant le complot et les fusions. La Cour a rejeté les conclusions tirées par la Couronne à partir des documents et des preuves orales, et a accepté le témoignage des témoins de la défense indiquant que les transactions dans les quatre villes étaient des affaires indépendantes présentées en même temps aux seules fins d’une pleine communication de la preuve. Le chef d’accusation concernant la fusion de Winnipeg a été rejeté parce que la diminution de la concurrence découlait d’une décision indépendante de fermer le Tribune et non de la cession méthodique de ses actifs. L’appel concernant l’acquittement a été abandonné le 28 février 1984.


Southam Inc., le Edmonton Journal, Alberta

Les plaignants alléguaient que l’introduction d’une édition du dimanche d’un journal visait à éliminer le seul quotidien diffusé dans le marché de la région d’Edmonton. Les résultats d’une enquête préliminaire ont corroboré les allégations. Par conséquent, on a entrepris des perquisitions en vertu de l’article 10 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (aujourd’hui la Loi sur la concurrence).

Après l’application de l’article 10 au Edmonton Journal en avril 1982 concernant une enquête effectuée en vertu du paragraphe 33 (fusion et monopole) et de l’alinéa 34(1)c) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions ayant trait à la production, à la distribution et à l’offre de journaux à Edmonton, une demande d’injonction a été déposée en vue d’empêcher des recherches plus poussées. L’affaire a été présentée à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta en avril 1982 et devant la Cour d’appel. La Cour d’appel de l’Alberta avait établi que le paragraphe 10 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions était contraire aux dispositions du paragraphe 8 de la Charte. Au cours de l’appel, la Cour suprême a accueilli la décision de la Cour d’appel et a déclaré que l’article 10 de la Loi contrevenait à l’article 8 de la Charte et n’avait pas force exécutoire.

Après avoir examiné la preuve obtenue au cours de l’enquête, le Bureau a conclu qu’il ne disposait pas de suffisamment de preuves justifiant la poursuite de l’enquête et y a donc mis fin en 1986.

 

Journaux – Colombie-Britannique

Une enquête a débuté en juin 1979 après le dépôt d’une plainte d’un éditeur de journal de la Colombie-Britannique qui alléguait qu’une chaîne de journaux concurrente se livrait à une politique de vente d’espaces publicitaires dans ses journaux à des prix déraisonnablement bas, cette politique ayant pour effet ou tendance de réduire  la concurrence ou d’éliminer un concurrent ou étant destinée à avoir un semblable effet (le nom des journaux en question n’est pas du domaine public). Les éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête n’ont pas étayé les allégations selon lesquelles on avait violé l’alinéa 34(1)c) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (aujourd’hui l’alinéa 50(1)c) de la Loi sur la concurrence). Par conséquent, le Bureau a mis fin à l’enquête en juin 1981.


Thompson Newspaper Limited – Hebdomadaire en Colombie-Britannique

L’enquête a débuté en 1977 après le dépôt d’une plainte de l’éditeur d’un hebdomadaire de la Colombie-Britannique qui alléguait qu’un quotidien local se livrait à diverses pratiques abusives et anticoncurrentielles. En 1978 et en 1980, on a effectué des perquisitions dans un certain nombre de locaux. En 1983, la Cour suprême de l’Ontario a cassé d’autres mandats de perquisition en alléguant que l’article 10 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (aujourd’hui la Loi sur la concurrence) n’était pas conforme à la Charte des droits et libertés. En 1985, le Bureau a demandé des ordonnances, en vertu de l’article 17, pour la production de documents et l’interrogatoire oral de certains cadres supérieurs. Ces ordonnances ont également été contestées en vertu de la Charte, mais, au bout du compte, la Cour suprême du Canada les a maintenues en avril 1990. Cependant, à la suite de l’examen des éléments de preuve saisis au cours des deux premières perquisitions et recueillis au cours de l’enquête, le Bureau a conclu que l’on devrait mettre fin à l’enquête.

 

R. c. K.C. Irving Ltd. et al (1978)

Cette affaire portait sur l’acquisition des cinq journaux anglophones dans la province de Québec par K.C. Irving Ltd. et a entraîné le dépôt d’accusations criminelles en vertu des dispositions sur les fusions et le monopole de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions en 1972. Pendant la période sur laquelle portent les accusations, il y avait cinq quotidiens anglophones au Nouveau-Brunswick, deux publiés à St. John (Telegraph-Journal et Evening-Times Globe), deux publiés à Moncton (Times et Moncton Transcript) et un publié à Fredericton (Daily Gleaner). En 1968, après une série de transactions, K.C. Irving Limited avait acquis une participation majoritaire dans les cinq journaux.

La Cour suprême a souligné que le Nouveau-Brunswick représentait un excellent marché pour évaluer l’existence de fusions ou d’un monopole interdits puisque les journaux néo-brunswickois ne font pas l’objet d’une distribution importante à l’extérieur de la province, et qu’aucun journal de l’extérieur de la province n’y est distribué. En fait, la Cour a constaté que le chevauchement de concurrence se faisait en grande partie dans les villes de St. John et de Moncton, mais elle a aussi noté une certaine concurrence de distribution entre le Saint John Telegraph-Journal et le Moncton Times, de même qu’à Fredericton et dans ses environs, entre le Daily Gleaner et le Telegraph-Journal.

La Couronne a réussi à montrer que K.C. Irving avait acquis le contrôle exclusif des quotidiens du Nouveau-Brunswick. Toutefois, sur le plan juridique, la Cour a constaté que le fait de prouver qu’il y avait contrôle exclusif n’était pas suffisant pour prouver qu’il y avait infraction criminelle en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. De façon plus précise, la Cour a indiqué que le monopole serait exploité ou susceptible d’être exploité au détriment ou à l’encontre des intérêts du public. Qualifiant les arguments de la Couronne de théoriques et indiquant qu’elle n’avait pas suffisamment de fondements factuels, la Cour suprême a rejeté l’appel et a annulé les condamnations des répondants.

La plupart des commentateurs ont conclu que les exigences de la Cour suprême obligeant la Couronne à faire la preuve d’un préjudice pour le public selon une norme de preuve criminelle (c.-à-d., « hors de tout doute raisonnable ») a rendu sans effet la loi canadienne sur les fusions et les monopoles. Les commentateurs économiques ont donc fait valoir qu’il faudrait réviser en profondeur la loi sur la concurrence. Cette révision a été terminée en 1986, année où a été adoptée la Loi sur la concurrence.

 

L’expérience du Bureau dans l’industrie des médias : Promotion de la concurrence

Les efforts de promotion du Bureau ont également eu un impact sur les entreprises médiatiques. Elles visaient souvent à accroître le choix offert aux consommatrices et aux consommateurs (p. ex., lecteurs ou spectateurs), comme accroître le nombre de produits offerts dans un marché géographique ou dans un marché de produits pertinent. En ce sens, le Bureau est carrément en faveur de l’augmentation des choix de consommation.

Le Bureau ne fait pas la promotion des marchés concurrentiels (p. ex., éliminer tout obstacle inutile aux nouveaux venus) parce qu’il a évalué la contribution de nouveaux organes médiatiques à la promotion de la pluralité des voix. Selon le Bureau, l’évaluation du mérite d’un journal en particulier ou d’autres canaux médiatiques est tributaire des forces du marché. Ainsi, la défense des intérêts a pour rôle de maximiser le nombre de choix offerts.

Toutefois, en général, on s’attendrait à ce que l’augmentation du nombre de choix offerts contribue également à la pluralité des voix. Si le nombre de propriétaires d’organes médiatiques augmente, le consommateur peut avoir plus de choix, surtout si les divers propriétaires ont différents objectifs. En favorisant diverses formes de propriétés, on peut également promouvoir une diversité d’objectifs. En effet, l’arrivée d’un seul propriétaire ayant un objectif unique peut parfois contribuer davantage à élargir l’éventail des produits que plusieurs nouveaux propriétaires qui sont tous animés d’objectifs très semblables.


(i) Le mandat du Bureau de la concurrence relatif à la promotion de la concurrence

Le rôle de promotion du Bureau est énoncé explicitement dans les articles 125 et 126 de la Loi sur la concurrence. Ces articles habilitent le Bureau à jouer de son influence pour accroître la concurrence au cours d’importantes instances de réglementation. Avant les modifications de 1976, le Bureau n’avait pas le droit d’intervenir en vertu de la loi.16 La situation a changé lorsque, avec l’ajout des articles 125 et 126 de la Loi sur la concurrence, le Bureau a obtenu l’autorisation de profiter de son influence pour promouvoir la concurrence dans d’importantes instances de réglementation. En vertu de l’article 125 de la Loi sur la concurrence, le Bureau est autorisé à présenter des observations et à soumettre des éléments de preuve devant tout office fédéral en ce qui concerne la concurrence chaque fois que ces observations ont trait à une question dont est saisi l’office fédéral et aux facteurs que l’office a le droit d’examiner en vue de régler cette question.17

Le Bureau, qui fait partie intégrante du ministère de l’Industrie du Canada, siège à des comités ministériels chargés de l’élaboration des politiques et des lois. Ainsi, il a l’occasion de fournir des conseils internes sur la concurrence et la législation. De plus, si cela est approprié, le Bureau peut formuler des commentaires et des conseils au sujet de l’élaboration des politiques et des législations à d’autres ministères, en mettant à profit son expertise à l’égard d’enjeux liés à la concurrence, aux marchés et à l’organisation industrielle au Canada. Des représentants du Bureau comparaissent devant des comités parlementaires pour commenter des questions liées à la Loi sur la concurrence, d’autres lois, ou toute autre question qui relève de la politique sur la concurrence.18

Le Bureau a joué un rôle efficace dans la promotion de la concurrence dans le domaine des communications. Pour ce faire, il a fait des interventions devant le CRTC et a dispensé des conseils stratégiques au Parlement et aux ministères qui s’occupent de l’industrie des communications (Industrie Canada et Patrimoine canadien). Dans les observations qu’il a présentées au CRTC et au gouvernement, le Bureau a recommandé que l’on essaie, dans la mesure du possible, de faire en sorte que les politiques publiques atteignent des objectifs stratégiques sociaux (par exemple, service universel, service téléphonique abordable, promotion de la culture et du contenu canadiens) par l’adoption de mécanismes moins restrictifs pour la concurrence. Le Bureau a également demandé qu’on supprime les obstacles auxquels sont confrontées les entreprises étrangères et qu’on assouplisse, voire qu’on élimine les restrictions à la propriété des entreprises étrangères pour stimuler les nouveaux investissements dans l’infrastructure et promouvoir la concurrence au sein du secteur des communications.

Évidemment, le Bureau n’est pas le seul à s’intéresser aux industries des médias. La Loi sur la concurrence et la Loi sur la radiodiffusion s’appliquent toutes deux aux industries de la radio et de la télévision. Tel que discuté de manière davantage détaillée plus bas dans ce document, en 1999 le Bureau et le CRTC ont signé une entente d’interface qui décrit le pouvoir du CRTC et celui du Bureau.


(ii) Promotion relative aux industries des médias

Le Bureau de la concurrence a fait la promotion de la concurrence dans de nombreux cas qui touchent directement ou indirectement des entreprises médiatiques. Voici les détails de plusieurs de ces efforts de promotion :


Propriété de services de programmation spécialisée, avis public 2000–165 du CRTC

En 2000, l’Association canadienne de télévision par câble (ACTC) a demandé au CRTC de modifier ses règles à l’égard de la propriété mixte de façon à permettre à des entreprises de câblodistribution d’acquérir des entreprises de programmation facultative distribuée en mode analogique.

Le Bureau a appuyé les propositions de l’ACTC pour des motifs liés à la concurrence et à l’efficacité économique. Il a formulé ces recommandations pour permettre aux entreprises de câblodistribution de profiter des économies d’échelle et de la diversification découlant de la propriété d’entreprises de distribution et de programmation. En même temps, il a reconnu que les entreprises de câblodistribution sont des entreprises dominantes et qu’une réglementation est nécessaire pour limiter leurs aptitudes à exercer leurs pouvoirs sur le marché.


Radiodiffusion, avis public 1995-55 du CRTC

Dans ce litige, le Bureau a averti le CRTC que l’approbation de conventions de gestion de station de radio en tant que condition de licence créerait une « défense fondée sur des actes réglementés » en vertu de la Loi sur la concurrence. Cela pénaliserait les ententes de prix relatives aux marchés de la publicité. Le CRTC n’a pas reconnu l’opinion du Bureau.


Télédiffusion, avis public 1999-83 du CRTC

Le CRTC a proposé que l’on modifie son Règlement  sur la télévision payante pour s’assurer que les titulaires de services de télévision payante n’acquièrent pas le droit exclusif ou tout autre droit privilégié de distribution d’une émission à la carte.

Le Bureau a appuyé la proposition, en disant qu’elle constituerait une bonne façon de s’assurer que les nouveaux venus dans le marché de la télédiffusion obtiennent un accès égal aux émissions à la carte.


Services de radiodiffusion non traditionnels, avis publics 98–20 et 98–82 du CRTC

On connaît mieux cette démarche du CRTC sous le nom d’instance des « nouveaux médias ». La question essentielle en était la suivante : le CRTC devrait-il essayer de réglementer Internet? Le Bureau a allégué qu’il était ni nécessaire ni pratique pour le CRTC d’essayer de réglementer Internet. De plus, à cet égard, il n’y avait pas eu échec du marché pour ce qui est de la présentation d’un contenu canadien abondant et diversifié par l’entremise des nouveaux médias. La position du CRTC reflétait beaucoup celle du Bureau.


Accès aux signaux de réseaux de télévision par l’entremise de satellites américains (CRTC 98–60)

Le Bureau est intervenu en faveur des petites entreprises canadiennes de câblodistribution qui veulent être libres d’accéder aux signaux de réseaux américains par l’entremise de fournisseurs de services satellites américains.


Demande de licence d’EDR par NBTel (CRTC 1998–1)

En 1998, le Bureau est intervenu en faveur de NBTel, qui a présenté une demande de licence d’Entreprise de distribution de radiodiffusion (EDR). Le Bureau a fait remarquer que NBTel avait satisfait à tous les critères selon lesquels elle ne devait pas avoir une longueur d’avance sur ses concurrents avant d’ouvrir son réseau et que la demande pouvait avoir pour effet d’accroître la concurrence face aux autres entreprises de câblodistribution. Le CRTC a octroyé la licence.


Télédiffusion  (avis public 1998-44 du CRTC)

En 1998-1999, le Bureau a effectué un certain nombre d’interventions importantes en ce qui concerne l’industrie de la télédiffusion canadienne. Les observations soumises par le Bureau insistaient sur deux points : le fait qu’il soit souhaitable d’éliminer le test d’entrée sur le marché (défini en fonction de l’incidence économique) dans l’octroi d’une licence à de nouvelles entreprises locales de diffusion; et le rôle du Bureau dans l’examen des fusions entre télédiffuseurs, dans l’éventualité où les restrictions actuelles à la propriété seraient assouplies.

Par ses interventions, le Bureau voulait donner plus de choix aux consommateurs et accroître la concurrence dans les marchés locaux des télédiffuseurs.


Radiodiffusion  (avis public 1998-42 du CRTC)

En 1998-1999, le Bureau a  fait une intervention devant le CRTC concernant la réglementation appliquée à l’égard des accords de gestion conjointe avec l’industrie sur les marchés locaux de radiodiffusion.

Le Bureau a fait valoir que les accords de gestion des stations radio doivent être examinés par le CRTC, à la lumière du contenu et des objectifs culturels de la Loi sur la radiodiffusion, et qu’ils doivent être conformes aux dispositions de la Loi sur la concurrence pour préserver la concurrence sur les marchés locaux de la publicité radiophonique.


Attribution de la capacité de transmission par satellite (avis public 97–13 du CRTC)

Le Bureau a exhorté le CRTC à continuer d’appliquer sa liste des priorités pour l’attribution de la capacité de transmission par satellite, qui est rare, et à maintenir les règles de revente et de partage pour attribuer l’espace de façon efficiente. Pour s’assurer que la propriété commune de capacités de transmission par satellite de certains grands utilisateurs n’entraîne pas un accès discriminatoire, le Bureau a fait valoir qu’on devrait rendre le processus de la liste de priorités plus transparent.


Distribution de services de radiodiffusion (avis public 1996–69 du CRTC)

En mai 1996, le CRTC a émis un avis public pour faire un appel d’observations concernant un certain nombre de projets de révision de la réglementation sur la distribution de services de télédiffusion. Il fallait effectuer cet examen à cause de la mise au point de nouveaux moyens de distribution de services de radiodiffusion pour faire concurrence aux câblodistributeurs. Parmi ces nouveaux moyens, mentionnons les satellites de radiodiffusion directe, les systèmes de communication multipoints (télédistribution sans fil) et les compagnies de téléphone.

Le Bureau a déposé une observation à la mi-juillet et une autre à la mi-août, au cours de la seconde étape. Dans ces observations, il se disait favorable à l’élimination de la politique de licences exclusives et approuvait certaines propositions du CRTC favorisant la concurrence. De plus, il recommandait l’adoption de critères permettant d’évaluer si les compagnies de câblodistribution étaient réellement concurrentielles avant la déréglementation des prix. De plus, il a laissé entendre que les nouveaux venus devaient avoir accès aux services canadiens de télévision de spécialité et de télévision payante dans des conditions non discriminatoires et que le CRTC devrait déterminer si des contrats de longue durée signés exclusivement avec des condominiums et des immeubles à appartements présentaient des obstacles importants à la pénétration du marché. De plus, la deuxième observation portait sur l’établissement possible de prix abusifs et l’interfinancement par des entreprises de câblodistribution.

Le CRTC a annoncé son nouveau cadre réglementaire le 11 mars 1997. Les nouvelles politiques visent l’abandon d’un monopole pour un environnement concurrentiel dans le domaine de la câblodistribution de services de radiodiffusion ainsi que l’établissement de règles selon lesquelles tous les distributeurs seraient traités équitablement.


Octroi d’une licence de radiodiffusion à une entreprise de câblodistribution desservant Pacific Place (avis public 1996 du CRTC)

En 1996, le Bureau est intervenu en faveur d’une demande de licence de distribution de services de radiodiffusion présentée par le groupe de condominiums Pacific Place. On voulait relier plusieurs immeubles résidentiels construits en hauteur à un système de télévision par satellite à antenne commune pour leur assurer des services de câblodistribution. Le CRTC a octroyé la licence en dépit des objections du câblodistributeur titulaire, Rogers Communications.


Règles d’accès à la câblodistribution (avis public 1995-128 du CRTC)

Cette instance portait sur les règles selon lesquelles les canaux spécialisés qui viennent d’obtenir leur permis devraient avoir accès à la distribution par l’entremise des systèmes de câblodistribution. Le problème était que les entreprises de câblodistribution pouvaient accorder un accès préférentiel aux canaux dans lesquels elles avaient des parts. Le Bureau a suggéré que l’on adopte une approche selon laquelle on ne devrait accorder un accès aux canaux qui appartiennent aux entreprises de câblodistribution qu’après l’avoir fait pour tous les autres canaux.

 

Intervention – Stations de radio (avis public 1995–204 du CRTC)

Cette instance portait sur la démarche du CRTC à l’égard des conventions de gestion entre titulaires d’entreprises de programmation de radio. Selon ces conventions, les titulaires d’une licence de radiodiffusion regroupent certaines fonctions de gestion et autres fonctions, y compris la vente des publicités. Le Bureau a averti le Conseil du fait que de telles conventions pourraient causer des problèmes dans les marchés locaux de la publicité en vertu de la Loi sur la concurrence. Le CRTC a décidé que, à l’avenir, il surveillerait de plus près ces conventions.

 

Groupe de travail sur la radiodiffusion directe à domicile par satellite (1995)

En 1995, le Bureau a présenté des observations au Groupe de travail sur la radiodiffusion directe à domicile par satellite. Ce groupe de travail a été établi par le gouvernement dans la foulée d’une décision du CRTC, qui a été prise sans que l’on tienne d’audiences publiques, et selon laquelle on a émis une ordonnance d’exemption en vertu du paragraphe 9(4) de la Loi sur la radiodiffusion.

Le Bureau a fait valoir que l’octroi de licences à des entreprises de radiodiffusion directe à domicile devrait se faire dans un marché libre et que la concurrence devrait être favorisée. Le Groupe de travail a accepté la position du Bureau et a conclu que l’on devrait octroyer des licences aux entreprises de radiodiffusion directe à domicile en fonction de critères d’autorisation neutres et objectifs, et non pas en utilisant de façon sélective le processus d’exemption.


Instance sur l’autoroute de l’information (avis public 1994–130 du CRTC)

Il s’agit d’une instance importante du CRTC au sujet de la convergence et des règles d’engagement pour ce qui est de la concurrence entre câblodistributeurs et compagnies de téléphone. Le Bureau a présenté trois arguments principaux. Premièrement, que les marchés de la câblodistribution et du téléphone devraient être ouverts à la concurrence. Deuxièmement, qu’il n’est pas nécessaire de retarder l’ouverture de ces marchés à la concurrence comme le fait valoir l’industrie de la câblodistribution. Troisièmement, que le CRTC devrait cesser de s’attarder au contenu et offrir des subventions ciblées pour promouvoir le contenu canadien méritoire, mais sous-représenté. Le CRTC a adopté une politique de convergence axée sur la concurrence, mais une politique selon laquelle les câblodistributeurs et les entreprises de téléphone ne doivent pas avoir une longueur d’avance lorsqu’ils pénètrent le marché principal de l’autre. Enfin, il a maintenu des règles concernant le contenu canadien.

 

Étagement des services de câblodistribution et télévision payante universelle

Le Bureau a présenté des commentaires au CRTC le 20 septembre 1982 et a comparu le 30 novembre 1982 au cours des audiences publiques.

Voici ce dont il était question. Les services de programmation qui étaient retransmis par câble sur les canaux de télévision 2 à 13 étaient appelés communément le « service de base », alors que les autres services offerts sur les canaux accessibles grâce un câblosélecteur étaient désignés par l’expression « service de canaux supplémentaires ». Les câblodistributeurs ont toujours facturé à leurs abonnés un seul droit pour tous les services de programmation. Avec l’avènement des services facultatifs, dont la télévision payante et les services d’émissions spécialisées, le CRTC a choisi d’envisager d’établir un système d’étagement pour les câblodistributeurs.19

Le Bureau a fait valoir que le CRTC devrait réduire au minimum le nombre de règlements sur les services de câblodistribution par étagement de sorte que les fournisseurs de services se livrent la plus forte des concurrences. Plus précisément, le Bureau a recommandé que tous les volets, y compris le volet du service de base, soient offerts de façon facultative. Par conséquent, le Bureau s’est opposé à l’introduction d’un service de télévision payante universelle obligatoire. De plus, il a recommandé que, à l’exception du premier volet ou du volet de base, aucun des tarifs facturés pour les volets facultatifs ou pour leur contenu ne soit réglementé. Le Bureau a également pressé le CRTC d’imposer aux câblodistributeur des procédures comptables qui lui permettraient de découvrir toute tentative d’interfinancement de leurs volets facultatifs.
 

Télévision payante

Le 21 avril 1981, le CRTC a lancé un appel pour obtenir des demandes de licences concernant la prestation de services de télévision payante au Canada. Le Bureau est intervenu dans l’instance en fournissant une observation écrite. De plus, il s’est présenté devant le CRTC.


Accord sur l’interface entre le CRTC et le Bureau de la concurrence (1999)

Le 19 novembre 1999, on a annoncé que le Bureau et le CRTC s’entendaient sur un document décrivant les pouvoirs du CRTC en vertu de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion et ceux du Bureau dans les secteurs des télécommunications et de la radiodiffusion.

Le document d’interface a été rédigé à la suite de discussions qu’ont tenues les deux organisations à l’égard de leurs responsabilités et de leurs pouvoirs respectifs. Il visait à éclairer et à rassurer les intervenants de l’industrie, y compris le grand public, au sujet du cadre réglementaire et législatif global qui régit les secteurs des télécommunications et de la radiodiffusion, secteurs qui changent rapidement et qui, avant de reposer sur les forces du marché, dépendaient de règlements détaillés. Le document porte sur un éventail de questions relatives à la concurrence, notamment l’accès, l’examen des fusions, les mesures de protection de la concurrence et diverses pratiques de commercialisation, mais pas sur des enjeux qui ne sont pas liés à la concurrence, qui appartiennent au CRTC.

 

Résumé

Au cours des 35 dernières années, le Bureau de la concurrence a participé à de nombreuses questions relatives aux entreprises médiatiques. La démarche qu’il a adoptée reflète les buts et objectifs de la Loi sur la concurrence. Comme l’illustre le présent rapport, la Loi n’a pas été conçue pour traiter de l’importante question de la « pluralité des voix ».

 

Annexe A : Examens des fusions conclus

Il existe un certain nombre de cas pertinents à l’égard desquels les seuls renseignements que l’on peut fournir au public ont trait au fait qu’on a conclu que la fusion ne posait aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence. Habituellement, on trouve ces mentions dans le rapport annuel du Bureau.


1993

CHUM Ltd./Trillium Cable Communications Ltd. (stations de radio CKLW–AM CKLW–FM); industrie – radiodiffusion; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Power Corporation of Canada Inc./Southam Inc (certaines actions); industrie – journaux; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

 

1992

Canadian Corporate News Inc./Southam Inc. (certains éléments d’actif); industrie – édition; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

WIC Western International Communications Ltd./Newco Niagara Television Ltd.; industrie – télédiffusion; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence; CDP – transaction traitée dans le cadre du Certificat de décision préalable.

 

1991

Southam Inc./Wiarton Echo Publishing Limited; industrie – journaux; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Télé-Métropole Inc./Réseau Pathonic Inc.; industrie – stations de radio et de télévision; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Thomson Newspapers Corp./The Financial Times of Canada; industrie – édition et distribution de journaux; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Trinity International Holdings PLC/Vancouver East Ender, West Ender et Bowen Island Undercurrent; industrie – journaux; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

WIC Western International Communications Ltd./Allarcom Limited et Allarcom Pay Television Limited; industrie – télédiffusion; dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

 

1990

Newfoundland Capital Corporation/Q-Radio Stations; industrie – radiodiffusion; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Paramount Communications Inc./Time Inc.; industrie – divertissement et édition; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Transcontinental Printing Inc./Canadian Publishers Co. Ltd; industrie – impression; résultat – suivi – le Bureau surveilla les effets de la fusion au cours de la période limite de trois ans; transaction traitée dans le cadre du Programme des avis consultatifs.

Southam Inc./Jemcom Inc.; industrie – impression et édition; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Western International Communications Limited/MH Acquisition Inc.; industrie – télédiffusion; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

 

1989

CFPL Broadcasting Ltd./Niagara Television Ltd.; industrie – télédiffusion; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Maclean Hunter Limited/Selkirk Communications Limited; industrie – télédiffusion et radiodiffusion; la transaction sera restructurée après la clôture; transaction traitée dans le cadre du Programme des avis consultatifs.

Southam Newspaper Group Limited/North Shore Free Press Ltd.; industrie – édition de journaux; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Télé-Métropole Inc./Pathonic Network Inc; industrie – télédiffusion; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

 

1988

Hollinger Inc./Unimedia Inc.; industrie – journaux; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Rogers Communications Inc./Selkirk Communications Inc.; industrie – radiodiffusion/télédiffusion; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

Southam Inc. / Brabant Newspapers Ltd.; industrie – journaux communautaires; résultat – le Bureau surveilla les effets de la fusion au cours de la période limite de trois ans; AC – transaction traitée dans le cadre du Programme des avis consultatifs.

Thomson Newspapers Limited / Brandon Sun; industrie – journaux; résultat – dossier clos; ne pose aucun problème au titre de la Loi sur la concurrence.

 


1. Conformément aux dispositions de la Loi sur la concurrence, nous ne reprenons ici que les renseignements qui appartiennent au domaine public. Cette précaution limite donc les détails qui peuvent être donnés sur le travail du Bureau. Ce document est à jour en date de novembre 2003.

2. De fait, dans les 75 années d’histoire du droit criminel en matière de fusions, seulement neuf dossiers ont été présentés aux tribunaux. Le poursuivant n’a jamais eu gain de cause lorsqu’il y avait contestation. Sept poursuites se sont soldées par un acquittement et deux affaires, sans contestation, ont abouti à des plaidoyers de culpabilité.

3. Commission des pratiques restrictives du commerce, Report Concerning the Production and Supply of Newspapers in the City of Vancouver and Elsewhere in British Columbia (Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1960).

4. Dans le but de mieux faire comprendre la manière dont il examine une fusion en vertu des dispositions de la Loi à ce sujet, le Bureau a publié en 1991 des Lignes directrices sur l’application de la Loi - Fusionnements. Par la suite, en 1997, dans le cadre de son mémoire présenté au Groupe de travail sur l’avenir du secteur des services financiers canadien, le Bureau a rendu publique une analyse spécifique indiquant comment les lignes directrices sur les fusionnements seraient appliquées à une fusion de banques. Le Bureau révise actuellement la version publiée en 1991 des Lignes directrices sur l’application de la Loi - Fusionnements.

5. En général, on considérera qu'un empêchement ou une diminution de la concurrence est «sensible» lorsque le prix du produit concerné sera vraisemblablement beaucoup plus élevé dans une partie importante du marché pertinent qu'il le serait en l'absence de la fusion, et lorsque l'écart de prix ne sera vraisemblablement pas éliminé dans les deux années qui suivent par une concurrence nouvelle ou accrue de sources étrangères ou canadiennes.

6. En règle générale, le Bureau considère qu’une hausse de 5 % est importante (mais ce chiffre peut changer selon l’industrie) et qu’une période de un an n’est pas «transitoire».

7. Une fois que l’évaluation de la fusion est terminée, si on déterminait que la transaction aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, le commissaire peut demander au Tribunal de prononcer une ordonnance permettant de corriger les problèmes de concurrence. Là où c’est possible, le commissaire a pour principe de discuter de ses inquiétudes avec les parties afin de trouver des solutions pour atténuer les conséquences défavorables sur la concurrence au moyen d’accords convenus et d’éviter ainsi des contestations devant le Tribunal.

8. Lettre à M. Tim Kennish, Osler Hoskin et Harcourt, de M. Raymond F. Pierce, sous-commissaire intérimaire de la concurrence, Direction des fusionnements, Bureau de la concurrence, le 3 décembre 1999, page 1.

9. Ibid., pages 1-2

10. Ibid., page 2.

11. Les trois journaux communautaires en cause ici étaient le Vancouver Courrier, le North Shore News et le Real Estate Weekly.

12. Il faut souligner que, le 11 septembre 1998, Southam Inc. ainsi que plusieurs autres demanderesses ont déposé devant le Tribunal de la concurrence, en vertu de l’alinéa 106b) de la Loi sur la concurrence, une demande en vue de modifier l’ordonnance initiale de dessaisissement prononcée par le Tribunal. Le 16 octobre 1998, le Tribunal de la concurrence a rendu une ordonnance de dessaisissement révisée dans l’affaire Canada (directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., Lower Mainland Publishing Ltd. et al. Selon les termes de l’ordonnance de dessaisissement révisée, Southam Inc. doit vendre à Madison Venture Corporation l’édition du North Shore du Real Estate Weekly, une de ses deux publications comptant de la publicité immobilière provenant du North Shore de Vancouver. La première ordonnance du Tribunal a dû être modifiée puisque, selon sa formulation, Madison Venture Corporation n’était techniquement pas admissible à l’achat de la publication. Madison Venture Corporation aurait fait concurrence à Southam Inc. pour obtenir de la publicité immobilière sur le North Shore de Vancouver.

13. Le Bureau définit le pouvoir de marché comme étant la capacité de maintenir les prix au-dessus des niveaux concurrentiels en vue de faire des profits (ou encore de restreindre les dimensions de la concurrence indépendante des prix) pendant une période importante, habituellement deux ans. La loi ne suppose pas que l’existence même d’un pouvoir de marché constitue un motif suffisant pour que le Tribunal de la concurrence formule une ordonnance corrective.

14. Plusieurs dispositions pourraient s’appliquer. En vertu de l’article 61 sur le maintien des prix, les personnes exploitant une entreprise commettent une infraction si elles tentent par des menaces, des promesses ou des ententes de faire monter ou d’empêcher qu’on ne réduise le prix auquel une autre personne exploitant une entreprise au Canada fournit ou offre de fournir un produit. Constitue également une infraction le fait de refuser de fournir un produit à une autre personne exploitant une entreprise, ou prendre quelque autre mesure discriminatoire à l’endroit de celle-ci, en raison du régime de bas prix de celle-ci. Le refus de vendre (article 75) peut également s’appliquer. L’article 77 de la Loi passe également en revue de façon explicite trois types de contraintes verticales : exclusivité, vente liée et limitation du marché.

15. L’article 45 s’applique non seulement aux ententes horizontales, mais également aux ententes verticales conclues entre des vendeurs et des acheteurs, par exemple. La Loi sur la concurrence compte plusieurs autres  dispositions (articles 46, 47, 48, 49 et 61), qui portent sur les ententes horizontales.

16.  Dans son Rapport d’étape sur la politique sur la concurrence de 1969, le Conseil économique du Canada a mentionné ce qui suit : « Selon nous, les coûts cachés, pour l’économie, de l’établissement de règlements médiocres justifient fortement la mise en application des principes de la politique sur la concurrence, sous une forme dûment modifiée, au secteur réglementé de l’économie, à plus forte raison parce que certaines parties de ce secteur, comme les activités de communication réglementées, sont susceptibles de prendre une importance économique au cours des prochaines années. »[Traduction] Conseil économique du Canada, Rapport d’étape sur la politique sur la concurrence, Imprimeur de la Reine, 1979, à la page 160.

17. « Office fédéral de réglementation » s’entend de tout office, toute commission, tout tribunal ou toute personne qui exerce des activités de réglementation et qui est expressément chargé, par un texte législatif du Parlement ou en application d’un tel texte, de prendre des décisions ou de faire des recommandations afférentes, directement ou indirectement, à la production, la fourniture, l’acquisition ou la distribution d’un produit.

18.  Ainsi, par exemple, le commissaire a comparu, en 1999, devant le Comité permanent des transports pour aborder des questions relatives à la concurrence soulevées par la restructuration possible de l’industrie des transporteurs aériens. De plus, un représentant de la Direction des affaires civiles a présenté un exposé au Sous-comité de la Chambre des communes sur l’examen de la Loi sur les mesures spéciales d’importation pour soutenir, entre autres choses, que la législation devrait être révisée de façon à ce qu’elle tienne compte explicitement de l’impact des droits de dumping sur la concurrence en tant que facteur à prendre en considération dans l’évaluation de l’« intérêt public ». Au bout du compte, cet effort de promotion a entraîné des modifications législatives positives.

19. L’étagement consiste à combiner plusieurs services offerts par un câblodiffuseur dans un forfait que l’on vend aux abonnés moyennant des frais mensuels. Un système d’étagement à volets multiples pourrait comprendre un premier forfait qui pourrait être obligatoire, et un ou plusieurs programmes facultatifs.


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