Étude de cas d'Al-Pac
PARTIE III - Obstacles et
options d’ordre fiscal
Daniel
Farr, Biota Research
Steve
Kennett, Institut canadien du droit des ressources
Monique
M. Ross, Institut canadien du droit des ressources
Brad Stelfox, Forem Technologies
Marian
Weber, Alberta Research Council
Cette
étude de cas a été commandée comme
recherche de base pour La Conservation du capital naturel
du Canada: Le programme de la forêt boréale.
Les opinions exprimées dans l’étude de
cas sont celles des auteurs et ne représentent pas
nécessairement celles de la Table ronde nationale,
de ses membres ou des membres du Groupe de travail du programme.
Le
16 juillet 2004
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1. INTRODUCTION
Le présent
document constitue la troisième des trois parties du rapport
de l’étude de cas qui analyse les enjeux de la conservation
dans la zone de gestion forestière (ZGF) d’Alberta
Pacific (Al-Pac) dans le Nord-Est de l’Alberta. Cette étude
de cas a été commandée par la Table ronde nationale
sur l’environnement et l’économie (TRNEE) dans
le cadre de son Programme de conservation du patrimoine naturel
du Canada : la forêt boréale. Dans cette partie du
rapport de l’étude de cas, nous présentons un
sommaire des principaux obstacles fiscaux et des possibilités
que l’on pourrait envisager pour préserver le capital
naturel dans la ZGF d’Al-Pac.
Le capital naturel comprend des ressources telles
que les ressources minières, le bois, le pétrole et
le gaz, qui fournissent les matières premières servant
à la production de biens manufacturés, ainsi que des
ressources foncières et en eau qui soutiennent les valeurs
non commerciales telles que les débouchés d’ordre
récréatif, la biodiversité et les écoservices.
À l’instar du capital produit, le capital naturel est
sujet à la détérioration, dans ce cas par un
excès de croissance et de déchets, par l’extraction
des ressources naturelles et la modification du paysage (Canada
West Foundation, 2003). L’Institut international du développement
durable (IIDD) définit le capital naturel comme un élargissement
de la notion économique de capital (moyens de production
manufacturés) aux « biens et services » environnementaux.
Ceci fait référence à une réserve (p.
ex. une forêt) qui produit un flux de biens (p. ex. nouveaux
arbres) et services (p. ex. piégeage du carbone, lutte contre
l’érosion, habitat) (IIDD, 1997). La première
partie du rapport de l’étude de cas décrit plusieurs
objectifs de gestion pour la ZGF d’Al-Pac qui permettraient
la conservation du capital naturel. Les indicateurs précis
du capital naturel comprennent le maintien de la biodiversité,
la fonction et la productivité de l’écosystème,
les ressources foncières et en eau, et la contribution des
forêts aux systèmes planétaires (tels que le
changement climatique mondial).
De nombreux instruments peuvent servir à conserver
le capital naturel. Par exemple : les instruments réglementaires
tels que les normes de rendement, les limites et les contingents;
les instruments d’information tels que l’éducation,
l’étiquetage et les rapports d’indicateurs; les
instruments d’aménagement du territoire y compris les
systèmes d’aliénation; et enfin, les instruments
économiques. Les instruments économiques comprennent
les instruments fiscaux basés sur les subventions et les
taxes, les redevances d’utilisation et les frais de pollution,
les instruments de marché tels que les contingents négociables,
et d’autres incitatifs fiscaux tels que subventions, fonds
verts et conversion de dettes en investissements au profit de la
conservation de la nature (cf. « debt-for-nature swaps »,
IIDD, 1997). La partie II du rapport de l’étude de
cas porte sur les obstacles et possibilités d’ordre
réglementaire pour la conservation du capital naturel dans
la ZGF d’Al-Pac. Dans la partie III, nous examinons les obstacles
et les options d’ordre fiscal, même s’ils se rattachent
parfois à la mise en œuvre de la réglementation
ou s’ils en exigent le soutien. La TRNEE a défini l’écologisation
de la fiscalité comme une stratégie qui englobe le
recours à de multiples instruments économiques tels
que les taxes et les dépenses publiques, les permis négociables,
les frais de permis et les redevances d’utilisation, pour
inciter les producteurs et les consommateurs à modifier leur
comportement. L’application des instruments économiques
amène les producteurs et les consommateurs à internaliser
le coût environnemental de leurs actions, et elles les récompense
pour l’adoption de pratiques plus durables (TRNEE, 2002).
Les activités sur les terres forestières
sont déterminées par des incitatifs économiques
(monétaires et non monétaires) auxquels font face
les décideurs qui exploitent les ressources et les services
fournis par le paysage. Ce système de récompense est
déterminé par la structure de prix qui s’applique
aux produits et aux services découlant de cette base de ressources,
ainsi que de la structure des politiques qui détermine les
« règles du jeu » pour l’exploitation des
ressources et qui influe donc sur les valeurs relatives des ressources.
Dans bien des cas, les objectifs de conservation ne sont pas atteints
parce que des incitatifs abusifs entraînent une exploitation
excessive de la forêt pour ses valeurs marchandes plutôt
que pour ses valeurs non marchandes, et parce qu’il n’y
a pas assez d’incitatifs fiscaux pour intégrer les
valeurs des biens et services non marchands dans les décisions
d’aménagement du territoire. Dans le présent
document, nous étudierons les incitatifs économiques
qui entravent la gestion afin des objectifs de conservation dans
la forêt boréale, ainsi que les possibilités
de réforme fiscale pour gérer en fonction des objectifs
de conservation.
1.1 Méthode
La méthode adoptée pour cette partie
du rapport se divise en trois volets. Premièrement, nous
avons étudié la documentation publiée sur le
plan de l’économie et des politiques en vue de dresser
une liste de mécanismes fiscaux qui ont été
appliqués à la protection des terres forestières
dans le monde entier. Nous avons ensuite évalué cette
liste pour nous concentrer sur des instruments qui conviendraient
au contexte de la forêt boréale : les instruments devaient
convenir à l’écosystème et aux secteurs
pertinents, tout en étant compatibles aux institutions existantes
(telles que le régime de droits fonciers). Nous avons ensuite
mené des entrevues avec les intervenants pour recueillir
leurs commentaires sur les difficultés auxquelles se heurtent
les gestionnaires du territoire dans la gestion des valeurs de la
conservation, leurs idées sur la réforme des politiques
et des incitatifs qui aideraient les gestionnaires du territoire
à atteindre les objectifs de conservation, et l’acceptabilité
d’autres réformes fiscales. Nous avons également
obtenu d’autres commentaires auprès des intervenants
lors de l’atelier sur l’étude de cas tenu à
Fort McMurray, le 3 mai 2004 2
.
1.2 Éléments essentiels
retenus des entrevues avec les intervenants
Un sommaire des principaux commentaires des intervenants
sur les obstacles et débouchés d’ordre fiscal
est présenté ci-dessous pour présenter le contexte
du reste de la discussion et pour mettre l’accent sur les
instruments et mécanismes particuliers analysés dans
les sections 3 et 4 du présent document. Ces points ne sont
pas attribués à quelque personne ou secteur que ce
soit, et ne sont qu’un résumé de ce que nous
avons entendu. Les points suivants ont été sélectionnés
en partie parce qu’ils ont été soulevés
par plus d’un intervenant. Les principales préoccupations
des intervenants se résument comme suit
:
- manque de responsabilisation lorsqu’il s’agit
de veiller à ce que les frais d’évaluation
pour dommages causés au bois payés par le secteur
pétrolier et gazier aux détenteurs de ZGF soient
dépensés au profit du reboisement et de la remise
en état;
- manque d’incitatifs et de possibilités
de compenser les activités d’aménagement intensif
dans la ZGF d’Al-Pac par des investissements forestiers
dans d’autres secteurs des terres boréales ou privées;
- manque d’indemnisation ou d’incitatifs
pour investir dans le capital naturel par le maintien des points
de repère écologique et des aires protégées
au sein du paysage exploité;
- manque de possibilités et d’incitatifs
pour élaborer des points de repère écologique
qui intègrent les aires protégées et réservées
autres que les ZGF;
- le potentiel de production intense des zones de
sables bitumineux, qui exige une approche régionale plus
large pour atteindre les objectifs de conservation et, éventuellement,
une formule de zonage là où la ZGF d’Al-Pac
devient partie intégrante d’une zone d’aménagement
intensif du territoire;
- manque d’un mécanisme pour décider
des compromis acceptables sur le plan social entre le développement
économique et la conservation.
Les entrevues auprès des intervenants et l’atelier
de l’étude de cas ont souligné la nécessité
que la société évalue les compromis entre la
croissance économique et la conservation. Avant d’examiner
les obstacles et débouchés précis, nous étudierons
le rôle des instruments économiques dans la gestion
du capital naturel et, plus précisément, le rôle
possible et les limites des instruments économiques lorsqu’il
s’agit d’aider la société à évaluer
les compromis entre le développement et la conservation.
Le reste de la partie III se présente comme
suit. La section 2 porte sur les instruments économiques,
leur rôle pour aider les entreprises à internaliser
certains des coûts environnementaux de leurs décisions,
et leur rôle pour évaluer les compromis sociaux entre
les différents modes d’exploitation du territoire.
Plutôt que de nous concentrer étroitement sur les instruments
économiques, nous envisageons aussi la réforme institutionnelle
et le contexte de planification dans lequel les instruments économiques
sont employés. Dans la section 3, nous analysons les obstacles
à la conservation du capital naturel. Cette analyse porte
sur les obstacles généraux et surtout institutionnels,
ainsi que sur les obstacles fiscaux propres à certains secteurs.
Les obstacles généraux comprennent le contexte de
la planification des activités en Alberta et le régime
foncier. Nous examinons également le contexte de la planification
du gouvernement comme institution première où les
règles régissant les intérêts conflictuels
sur le paysage se jouent. Ainsi, les incitatifs à coordonner
et à intégrer les usages multiples en matière
de planification portent sur l’étendue selon laquelle
les instruments économiques réussissent à mettre
en œuvre les objectifs de gestion environnementale. Dans la
section 4, nous nous penchons sur les débouchés fiscaux,
surtout par la voie d’améliorations au modèle
de planification et par le recours à des instruments économiques.
Comme les instruments économiques touchent la structure d’incitatifs
des entreprises, ils permettent souvent d’atteindre bien des
objectifs de conservation en même temps. Nous soulignons les
liens entre les objectifs de conservation et certains instruments
particuliers.
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