Agriculture et Agroalimentaire Canada / Agriculture and Agri-Food Canada, Gouvernement du Canada
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La santé de nos sols | Index

Chapitre 7 - Érosion

G.J. Wall, E.A. Pringle, G.A. Padbury, W.W. Rees, J. Tajek, L.J.P. van Vliet, C.T. Stushnoff, R.G. Eilers et J.-M. Cossette

Points saillants

  • L'érosion est un processus naturel, accéléré par l'activité agricole, qui enlève la couche arable du sol, diminue la teneur en matière organique du sol et contribue à sa dégradation structurale.
  • Le risque d'érosion éolienne (par le vent) du sol nu est négligeable à faible sur 37 % des terres cultivées des provinces des Prairies, modéré sur 29 % et élevé à aigu sur 36 %. Le risque d'érosion éolienne est élevé à aigu sur 5 % des terres cultivées au Canada en l991.
  • Le travail de conservation du sol a permis de réduire de 7 % le risque d'érosion éolienne dans les provinces des Prairies entre 1981 et 1991; l'amélioration la plus marquée a été observée dans les sols sableux où les cultures fourragères vivaces ont remplacé les cultures annuelles.
  • Le risque d'érosion hydrique du sol nu est négligeable à faible sur 63 % des terres cultivées du Canada, modéré sur 17 % et élevé à aigu sur 20 %; il est élevé à aigu sur une bonne partie du territoire des Maritimes (80 %), de la Colombie-Britannique (75 %) et de l'Ontario (50 %), mais faible dans les provinces des Prairies. Le risque d'érosion hydrique est élevé à aigu sur 5 % des terres cultivées en Ontario et 2 % dans les provinces des Prairies.
  • Le travail de conservation du sol a permis de réduire de 11 % le risque d'érosion hydrique au Canada. Ce risque a diminué de 17 % en Colombie-Britannique, de 11 % dans les provinces des Prairies et de 16 % dans le centre du Canada, tandis qu'il a augmenté de 0,5 % dans les Maritimes en raison d'une intensification des cultures en rangs, mais cette hausse ne tient pas compte de la réduction des pertes causée par l'aménagement de terrasses et de voies d'eau gazonnées.
  • Les pratiques de gestion suivantes contribuent à réduire l'érosion: gestion des résidus, extension des rotations culturales, contre-ensemencement, couvertures végétales hivernales, brise-vent, cultures en bandes alternantes, cultures en courbes de niveaux et restructuration du paysage (terrasses, dérivations et voies d'eau gazonnées).

Introduction

L'érosion est un processus par lequel le sol est transporté d'un endroit à l'autre. Au cours de périodes géologiques antérieures, les glaciers ont déplacé d'immenses volumes de matériaux pédologiques superficiels. Aujourd'hui, le vent et l'eau sont les principaux agents naturels d'érosion. L'érosion se produit naturellement en milieu cultivé, boisé et urbain, mais l'activité humaine (comme l'agriculture, l'exploitation forestière et l'urbanisation) peut l'accélérer au point d'engendrer des problèmes environnementaux et économiques.

L'érosion enlève la matière organique du sol (voir le chapitre 5) et contribue à sa dégradation structurale (chapitre 6). Ces pertes appauvrissent le sol et réduisent les mouvements de l'eau et le rendement des cultures. Dans un même champ, un sol gravement érodé peut donner des rendements de 50 % à 100 % inférieurs à ceux d'un sol stable.

... comme tout autre réservoir, celui-là peut aussi être drainé, vidé et rendu inutilisable; laisser les vents et les pluies balayer les champs en jachère; laisser uniquement le sol nu exposé aux éléments -- une perte si tragique et si rapide.

J.A. Toogood
Our Soil and Water

Problèmes actuels d'érosion au Canada

Un peu partout au Canada, les programmes de conservation du sol ont grandement sensibilisé la population à l'érosion et aux moyens de la contrer. Voici les grands enjeux auxquels nous confronte actuellement le problème de l'érosion:

  • planification de la conservation des sols
  • remise en état des sols dégradés
  • qualité de l'eau rurale.

Pendant des décennies, la conservation du sol était synonyme de lutte contre l'érosion, principalement parce que cette dernière modifiait visiblement le paysage et la productivité du sol. Aujourd'hui, on comprend que l'érosion ne constitue qu'un facteur parmi d'autres qui affectent la santé du sol. Planifier la conservation du sol selon une approche systémique permet d'aborder les problèmes d'érosion concurremment avec d'autres aspects de la santé du sol, dont sa productivité, et avec les volets environnementaux et économiques.

L'érosion peut affecter une parcelle de terrain sans toucher aux autres. Le défi actuel est de mettre au point des méthodes pratiques et économiques pour épandre des amendements agricoles, comme les engrais, en doses variables selon les besoins du sol.

Les sédiments que l'eau enlève des terres agricoles peuvent ensabler les fossés de drainage et gravement dégrader les habitats aquatiques. Sous l'effet de l'érosion, des particules de terre contenant des éléments nutritifs et des pesticides pénètrent dans des étangs, des cours d'eau et des lacs où elles altèrent la qualité de l'eau et modifient l'écologie du milieu; ces derniers deviennent souvent impropres aux activités récréatives et au prélèvement d'eau d'irrigation. La protection de la qualité des eaux superficielles et souterraines passe en grande partie par la réduction des pertes de sol, d'éléments nutritifs et de pesticides en milieu agricole.

Le corps de la terre avait été charrué par les griffes de la pluie.

Jean Giono
Naissance de l'Odyssée

Facteurs d'érosion du sol

Plusieurs facteurs d'érosion ont trait au sol, au paysage et au climat, notamment :

  • la texture du sol
  • la structure du sol
  • le relief en surface
  • la protection du sol par les plantes ou les résidus végétaux
  • la pluviosité
  • la force du vent.

L'érosion agit sur les particules de sol mal consolidées à la surface. Les sols limoneux et les sols de sable très fin sont particulièrement vulnérables, tout comme les sols mal structurés dont les agrégats (mottes) ont été réduits en fines particules par le travail du sol et d'autres facteurs. C'est particulièrement le cas des sols compactés, qui ne peuvent absorber facilement l'eau et qui sont donc vulnérables au ruissellement superficiel et à la perte de sol.

Le relief en surface (modelé et déclivité) influe sur la direction et le rythme de l'érosion. Il influence également l'endroit où le sol se dépose, puisqu'un sol érodé tend à s'accumuler au pied des pentes et dans les dépressions.

Les sols exposés s'érodent davantage que les sols bien protégés par des plantes ou des résidus végétaux. Les plantes maintiennent le sol en place grâce à leurs racines et l'enrichissent de matière organique, ce qui améliore sa structure et accroît sa résistance à l'érosion. La portion aérienne des plantes brise la force du vent et l'énergie des gouttes de pluie. Les résidus de culture protègent également le sol en formant une barrière entre la surface et les agents d'érosion.

Quant aux facteurs climatiques, les principaux sont le degré d'humidité du sol et les événements météorologiques ponctuels (tempêtes de vent et de pluie). Les sols sont le plus vulnérables à l'érosion éolienne quand leur surface s'assèche rapidement en période de pluviosité nulle ou faible, comme c'était le cas dans les Prairies lors de la grande sécheresse des années trente ou tôt au printemps lorsque le sol n'est pas protégé par la végétation. La vitesse et la fréquence des vents sont des facteurs majeurs d'érosion éolienne.

L'énergie de la pluie et le ruissellement sont les grandes forces d'érosion hydrique (l'énergie d'une seule goutte de pluie cause une érosion par éclaboussement qui peut déplacer des particules de sol sur plusieurs mètres vers l'aval). L'abondance et la fréquence annuelles des précipitations déterminent en grande partie le taux d'érosion hydrique. Par exemple, les régions qui reçoivent beaucoup de précipitations pendant les semailles sont plus érodables que celles qui reçoivent des précipitations équivalentes plus tard dans la saison de croissance, au moment où le sol est protégé par un couvert végétal. (Érosion causée par le travail du sol)

Signes d'érosion

Photo: A. Nuages de poussire; B. Dpt de sol au pied des pentes; C. Sdiments pntrant dans une voie d'eau; D. Piliers de sol supportant de petites pierres; E. Ravin.

Dans un champ, les signes d'érosion sont quelquefois manifestes. Voici des symptômes courants d'érosion éolienne:

  • nuages de poussière (fig. 7-1A)
  • accumulation de sol le long des clôtures et des bancs de neige
  • apparence balayée de la surface du sol.

Quant à l'érosion hydrique, en voici également quelques signes courants:

  • petites rigoles à la surface du sol
  • dépôt de sol au pied des pentes (fig. 7-1B)
  • sédimentation des cours d'eau et des réservoirs (fig. 7-1C)
  • piliers de sol supportant de petites pierres et des débris végétaux (l'érosion lessive le sol environnant; fig. 7-1D).

Il n'est cependant pas toujours facile de voir l'érosion, dont les symptômes sont souvent masqués par l'activité agricole. Par exemple, le travail du sol peut détruire les petits canaux superficiels creusés par l'érosion hydrique. L'érosion en nappe, type d'érosion hydrique qui enlève une fine couche uniforme de sol de surface, est souvent à peine visible. La progression de l'érosion s'accompagne toutefois de signes plus graves, comme :

  • de grandes cicatrices permanentes dans les champs, comme des ravins (fig. 7-1E)
  • une modification de la couleur du sol, causée par l'enlèvement de la matière organique sombre et à l'exposition des sous-sols plus clairs
  • une diminution de la croissance des cultures (fig. 7-1B).

Lutte contre l'érosion

Bien que de nombreuses pratiques agricoles classiques accélèrent l'érosion, il est possible de la réduire au moyen d'autres systèmes d'assolement, de travail du sol et de gestion de l'eau, et ce de trois grandes façons : 1) en maintenant au sol une couverture protectrice; 2) en bloquant l'agent d'érosion; 3) en modifiant le paysage pour limiter l'abondance et le taux du ruissellement. Les méthodes ci-dessous contribuent à maintenir une couverture végétale:

  • culture de plantes fourragères dans la rotation culturale ou comme couvert permanent
  • ensemencement de cultures-abris hivernales
  • contre-ensemencement
  • gestion des résidus de culture (fig. 7-2A).

Photo: A. Rsidus de culture; B. Cultures en bandes alternantes; C. Voies d'eau gozonnes.

Les méthodes antiérosives qui créent un obstacle physique au vent ou à l'eau agissent en modifiant le trajet de l'agent d'érosion et en réduisant sa force. En voici quelques exemples:

  • plantation de brise-vent (Les brise-vent dans les Prairies)
  • culture en bandes alternantes (action d'alterner en bandes étroites des cultures labourées, perpendiculairement à une longue pente (fig. 7-2B)
  • travail du sol pour produire des agrégats, ou mottes, en surface
  • culture en courbes de niveaux (action de cultiver la terre en suivant le relief plutôt que la pente).

Quelquefois, la seule solution consistera à modifier la pente du sol, par exemple en construisant de petites digues de dérivation en terre, en aménageant des terrasses (gradins qui modifient la longueur et la déclivité de la pente) et en modelant le paysage. Une autre façon d'atténuer le ruissellement est de construire des voies d'eau gazonnées, c'est-à-dire de creuser et de gazonner un fossé où s'accumuleront les eaux de ruissellement (fig. 7-2C). Il s'agit là de méthodes antiérosives coûteuses, qu'on ne retiendra que pour les cultures de grande valeur.

Selon le Recensement de l'agriculture de 1991, l'alternance de cultures fourragères était la méthode anti-érosion la plus couramment employée au Canada (tableau 7-1). Cette pratique est surtout adoptée dans les régions humides, où les plantes fourragères croissent bien, et dans les secteurs où l'on pratique l'élevage, les plantes fourragères servant d'alimentation pour le bétail. Dans les Prairies, de nombreux endroits fortement érodables sont maintenant protégés par une couverture végétale permanente. On recourt également aux brise-vent (coupe-vent) dans les Prairies, où divers facteurs (terrain plat, faible protection naturelle offerte par les broussailles, vastes champs et vents forts) contribuent à rendre le territoire agricole particulièrement vulnèrable à l'érosion éolienne. Quant aux cultures-abris hivernales, comme le seigle d'automne et le blé d'hiver, c'est en Ontario qu'elles sont le plus employées; elles protègent le sol durant l'automne et le printemps, deux périodes habituellement improductives où l'érosion peut être grave. Enfin, la culture en bandes alternantes et la culture en courbes de niveau sont surtout populaires dans les Prairies.

Tableau 7-1 Pratiques anti-érosion au Canada, 1991 (pourcentage d'agriculteurs déclarants) Source: Dumanski et coll., 1994.
Province Fourrages Cultures de couverture hivernales Voies d'eau enherbées Cultures en bandes alternantes Cultures en courbes de niveau Brise-vent
Colombie-Britannique 23 11 10 2 5 13
Alberta 43 7 17 10 11 29
Saskatchewan 22 6 12 21 18 35
Manitoba 35 7 12 5 13 37
Ontario 60 20 15 4 7 21
Québec 52 4 4 3 4 8
Nouveau-Brunswick 44 10 9 5 8 8
Nouvelle-Écosse 34 12 8 3 8 7
Île-du-Prince-Édouard 72 9 11 4 10 16
Terre-Neuve 17 7 4 1 7 12
Canada 42 10 13 9 10 15

La gestion des résidus de culture est une pratique anti-érosive qui gagne en popularité. Dans les pratiques culturales classiques, on enfouit les résidus de culture dans le sol pour préparer un lit de semences "propre" en vue de la prochaine culture. Dans le travail de conservation, on laisse en surface une bonne partie des résidus végétaux, qui protègent le sol contre l'érosion. Quant au non-labour, qui consiste à ensemencer directement dans les résidus de la culture précédente, il assure au sol une couverture optimale par les résidus.

Évaluation de l'érosion

L'étendue et la gravité de l'érosion peuvent être mesurées assez précisément sur une petite parcelle de terrain, par exemple un site expérimental. La tâche est plus ardue sur de plus vastes superficies. Nous pouvons toutefois mettre à profit notre compréhension des relations qui existent entre le sol, le climat et le paysage pour prévoir quels sols et quels secteurs sont naturellement susceptibles à l'érosion, et lesquels sont menacés par l'érosion en raison de pratiques d'utilisation et de gestion des terres. Les sols les plus vulnérables sont ceux qui risquent d'être érodés à cause de leur composition naturelle et des pratiques d'aménagement. (Modélisation de l'érosion)

Risque d'érosion inhérent

L'érosion du sol dépend de nombreuses caractéristiques naturelles du sol, du paysage et du climat. Dans l'évaluation de l'érodabilité naturelle des sols, on postule que les sols sont nus (sans végétation) et ne font l'objet d'aucune pratique de conservation.

Érosion éolienne

Le risque d'érosion éolienne des terres agricoles touche de nombreuses régions du Canada. Les zones vulnérables comprennent notamment les sols sableux bordant le Fraser dans le sud de la Colombie-Britannique, les champs de tabac du sud de l'Ontario, les sols organiques du sud du Québec et les secteurs côtiers des provinces atlantiques. Cependant, l'érosion éolienne est, de loin, la plus étendue et la plus dommageable dans les provinces des Prairies, caractérisées par un climat sec et de vastes champs découverts (en jachère).

Les estimations du risque relatif d'érosion éolienne sur un sol nu et découvert des Prairies révèlent que le risque est négligeable à faible dans un peu plus du tiers de la région; il est élevé à aigu dans une portion semblable du territoire (tableau 7-2).

Tableau 7-2 Risque inhérent (sols nus) d'érosion éolienne sur les terres cultivées des Prairies (%)
Catégorie Alberta Saskatchewan Manitoba Prairies
Négligeable 7 4 8 6
Faible 39 23 37 31
Modéré 24 34 19 29
Élevé 27 33 30 30
Aigu 4 7 5 6

Érosion hydrique

Le risque d'érosion hydrique est préoccupant dans toutes les régions agricoles du Canada. Les sols érodables à texture fine sont exposés à l'érosion par la pluie et le ruissellement en de nombreux endroits, notamment ceux-ci :

  • les bassins de Rivière-de-la-Paix et du fleuve Fraser, en Colombie-Britannique
  • les terrains incliné mis en jachère, dans les Prairies
  • les hautes terres vallonnées de l'Ontario et du Québec
  • les sols minces et fragiles des Maritimes.

Le risque d'érosion hydrique est particulièrement élevé sur les terres soumises à une culture intensive. Les terres cultivées pour la production de plantes marchandes dans les Maritimes, en Ontario et en Colombie-Britannique sont très vulnérables.

Selon un résumé national (tableau 7-3), le risque d'érosion hydrique varie de négligeable à faible sur environ 63 % des terres cultivées au Canada; il est élevé ou aigu sur près de 20 % des terres. Les provinces Maritimes constituent la région la plus menacée par l'érosion hydrique (plus de 80 % des terres cultivées courant un risque élevé à aigu), suivies par la Colombie-Britannique (75 %) et le centre du Canada (environ 50 %). Le risque d'érosion hydrique est beaucoup plus faible dans les Prairies, en raison du paysage relativement plat et de la faible pluviosité.

En lutte contre les éléments irrités; il ordonne aux vents de jeter d'un souffle la terre dans la mer.

William Shakespeare
Le Roi Lear

Tableau 7-3 Risque inhérent (sols nus) d'érosion hydrique sur les terres cultivées au Canada (%)
Risque C.-B. Alb. Sask. Man. Ont. Qc. N.-B. N.-É. Î.-P.-É. Canada
Négligeable 5 39 51 35 12 18 0 3 1 40
Faible 8 16 26 41 11 21 4 6 7 23
Modéré 13 17 19 6 24 14 16 4 11 17
Élevé 3 10 3 4 25 4 13 3 37 7
Aigu 72 18 1 14 27 43 67 84 44 13

Effets des pratiques d'utilisation et de gestion des terres

Il est important de se rappeler que les évaluations des risques d'érosion (éolienne et hydrique) visent des sols nus et découverts. L'évaluation du risque réel d'érosion doit également prendre en compte la couverture végétale et les méthodes d'assolement et de travail du sol.

Dans notre évaluation du risque d'érosion, nous avons utilisé le Recensement de l'agriculture de 1991, d'autres questionnaires et des données pédologiques tirées de Pédo-paysages du Canada pour calculer l'étendue des diverses catégories de risque d'érosion éolienne et hydrique. Pour évaluer le risque réel d'érosion, nous avons utilisé le risque inhérent d'érosion, que nous avons ajusté à la baisse selon l'efficacité des méthodes d'assolement et de travail du sol. Nous indiquons le risque d'érosion éolienne pour les Prairies, et le risque d'érosion hydrique pour les Prairies et pour l'Ontario.

Érosion éolienne

Sous les pratiques de gestion appliquées en 1991, moins de 5 % des terres cultivées des Prairies couraient un risque élevé à aigu d'érosion éolienne (fig. 7-3). La majorité des terres les plus menacées sont caractérisées par un sol sableux et un risque inhérent d'érosion élevé. Les sols moyennement menacés sont généralement des loams sableux, quoique cette catégorie englobe également quelques sols argileux des régions méridionales. Sinon, le risque diminue généralement du sud au nord, en raison des vents plus faibles, des températures plus fraîches et des précipitations plus abondantes qui caractérisent le Nord. La popularité croissante d'une réduction des mises en jachère et de l'ensemencement en cultures fourragères vivaces, combinée à la hausse des rendements et à une meilleure gestion des résidus de culture, est un autre facteur de réduction du risque d'érosion éolienne dans les régions septentrionales.

Nous estimons que la limite annuelle tolérable de perte de sol dans les Prairies est dépassée sur environ 15 % des terres cultivées (5 millions d'hectares), dont quelque 750,000 hectares courent un risque d'érosion élevé à aigu, le reste appartenant à la catégorie de risque modéré. Environ 75 % des terres dépassant la limite tolérable sont situées dans les zones des sols bruns et brun foncé du sud de l'Alberta et de la Saskatchewan.

Érosion hydrique

Nous avons évalué le risque d'érosion hydrique dans les provinces des Prairies et l'Ontario, où se trouvent 90% des terres cultivées au Canada. Ce risque est indiqué à la figure 7-4 pour les Prairies, et à la figure 7-5 pour l'Ontario. La catégorie de risque minimal comprend les sols où, sous les pratiques de gestion les plus courantes, l'érosion aurait un taux tolérable pour une production végétale soutenue. Les autres catégories de risque représentent les secteurs où une production végétale soutenue nécessite des pratiques de conservation du sol et de l'eau.

Environ 95 % des terres cultivées des Prairies présentent un risque tolérable d'érosion hydrique. Le risque modéré à élevé qui touche les autres terres s'explique par des pentes abruptes où l'érosion doit être contrée par des pratiques de gestion de la conservation. Le risque d'érosion hydrique est élevé à aigu sur environ 2 % des terres cultivées.

En Ontario, environ 60 % des terres cultivées nécessitent l'adoption d'autres mesures de gestion axées sur la conservation; environ 25 % sont faiblement menacées par l'érosion hydrique, et 10 % courent un risque modéré. Cinq pour cent des sols ontariens risquent d'être gravement à très gravement érodés.

Évolution du risque d'érosion

Dans les années 1980, divers rapports laissaient entendre que si l'érosion du sol n'était pas freinée, elle mettrait en péril l'avenir de l'agriculture durable au Canada. Pour déterminer si les pratiques de conservation adoptées depuis ont atténué le risque d'érosion, nous avons examiné l'évolution du risque réel d'érosion entre 1981 et 1991.

Érosion éolienne

Le risque d'érosion éolienne dans les Prairies a diminué d'environ 7 % entre 1981 et 1991 (fig. 7-6). Les deux tiers environ de cette baisse sont imputables au travail de conservation, le reste résultant d'une modification des régimes culturaux, spécialement une réduction marquée de la mise en jachère. (L'assolement dans les Prairies)

Dans les régions arides de la Saskatchewan et de l'Alberta, le travail de conservation a permis de réduire de près de 5 % le risque d'érosion éolienne, alors que le changement de régimes culturaux n'a eu qu'un effet négligeable. Dans certains secteurs, le remplacement des cultures céréalières par des cultures oléagineuses et spécialisées peut avoir légèrement augmenté le risque d'érosion éolienne. Par ailleurs, ce dernier a chuté d'environ 20 à 30 % dans certaines zones sableuses grâce à une forte intensification des cultures fourragères vivaces au détriment des cultures annuelles. L'érosion éolienne a un peu plus diminué dans les zones à sols noirs, gris foncé et gris que dans le sud des Prairies; la principale raison est une réduction marquée des mises en jachère et la substitution de certaines cultures annuelles par des cultures fourragères.

Dans les Prairies, le nombre de producteurs qui recourent au travail de conservation et réduisent les jachères augmente considérablement. Il est donc raisonnable d'avancer que le risque d'érosion éolienne y a diminué d'environ 5 à 10 % depuis 1991. (Mesure de l'érosion éolienne)

Érosion hydrique

Au Canada, l'adoption de pratiques de conservation a fait baisser de 11 % le risque d'érosion hydrique entre 1981 et 1991. Cette baisse est due, en parts à peu près égales, au travail de conservation (6 %) et à la modification des pratiques culturales (5 %). Au niveau régional, le risque avait diminué de 11 % dans les Prairies et de 16 % dans le centre du Canada. Le risque s'est accru de 0,5 % dans les Maritimes. Le tableau 7-4 indique les baisses observées quant au risque d'érosion par province.

Tableau 7-4 Réduction du risque réel d'érosion hydrique par hectare entre 1981 et 1991 (%)
Province Superficie cultivée en 1991
(millions d'hectares)
Grâce à une pratique culturale Grâce à une méthode de travail du sol Total
Colombie-Britannique 0,61 7 10 17
Alberta 11,06 5 8 13
Saskatchewan 19,17 5 3 8
Manitoba 5,06 6 9 15
Ontario 3,48 10 11 21
Québec 1,65 3 3 6
Nouveau-Brunswick 0,12 2 4 6
Île-du-Prince-Édouard 0,16 -9 3 -6
Nouvelle-Écosse 0,11 -3 3 0
Canada 41,42 5 6 11

Au niveau des pertes de sol, les écarts régionaux sont causés par la diversité des systèmes culturaux, par l'adéquation variable de certaines pratiques de conservation liées à ces systèmes et par des mesures anti-érosives. Par exemple, la production à grande échelle de pommes de terre fait courir à la plus grande partie des Maritimes un risque élevé d'érosion hydrique, qui augmente avec l'accroissement de la superficie ainsi cultivée. Certains régimes de travail de conservation, aussi profitables soient-ils pour d'autres cultures, ne conviennent pas à la pomme de terre, qui exige un rechaussage. Les mesures de conservation qui conviennent à la production de la pomme de terre sont le labour ciseau, la culture en pente transversale ou en courbes de niveau, la culture en terrasses et la rotation étendue.

En outre, étant donné l'échelle des analyses et la difficulté d'obtenir les données nécessaires, le calcul des effets des pratiques de gestion sur l'érosion ne tenait pas compte des avantages des aménagements anti-érosion, telles les terrasses et les voies d'eau gazonnées. De 1981 à 1991, quelque 1500 hectares ensemencés en pommes de terre dans l'Île-du-Prince-Édouard et environ 3000 hectares du Nouveau-Brunswick ont été protégés par des terrasses de dérivation à pente variable, des voies d'eau gazonnées ou une culture en bandes alternantes. Comparativement aux méthodes classiques de culture dans le sens de la pente (voir le chapitre 4), ces méthodes réduisent jusqu'à 90 % les pertes de sol dans les champs de pommes de terre.

Le risque de perte de sol demeure inchangé en Nouvelle-Écosse, où les gains dérivés du travail de conservation ont été contrebalancés par une intensification de la production de petits fruits, de raisins et de légumes. Les pertes causées par l'érosion hydrique ont diminué de plus de 10 % en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba et en Ontario, où l'on trouve près de 50 % des terres cultivées du pays.

Évolution en Ontario et dans les provinces des Prairies

Nous avons combiné les données du Recensement de l'agriculture sur l'utilisation et la gestion des terres en 1981 et 1991 avec des données sur les sols et les paysages tirées des cartes des pédo-paysages provinciaux, pour repérer les endroits où l'application de mesures de conservation du sol s'est avérée le plus efficace dans les provinces des Prairies et le sud de l'Ontario. La modification du risque d'érosion hydrique résultant d'une amélioration des pratiques de culture et de labour durant cette période est indiquée à la figure 7-7 pour les Prairies, et à la figure 7-8 pour le sud de l'Ontario.

Le risque d'érosion hydrique demeure tolérable dans une bonne partie des Prairies. Cependant, il continue de dépasser un niveau tolérable dans certaines portions de l'ouest du Manitoba et de l'Alberta. L'effet positif des pratiques anti-érosives est tout particulièrement évident sur les terres en pente de l'ouest de l'Alberta.

Dans le sud de l'Ontario, l'érosion hydrique est tolérable sur une bonne partie des terres agricoles marginales en pente douce. Cependant, elle demeure supérieure aux niveaux tolérables sur une bonne partie des terres inclinées soumises à une culture intensive dans le centre-sud de l'Ontario.

Programmes

Depuis une dizaine d'années, la population canadienne a été grandement sensibilisée au problème de l'érosion au Canada. De nombreux programmes gouvernementaux ont été et continuent d'être mis sur pied pour aider les producteurs à freiner l'érosion. Les autorités fédérales et provinciales, souvent en collaboration, ont techniquement et financièrement soutenu l'application de pratiques de gestion appropriées et ont subventionné l'achat d'équipement ou la construction d'ouvrages anti-érosion. Bien que certains programmes de lutte contre l'érosion existent depuis plusieurs années dans le cadre d'ententes fédérales-provinciales générales ou de programmes provinciaux, ce n'est qu'avec l'implantation du Programme national de conservation des sols (PNCS), en 1989, qu'un effort national a été déployé pour conserver les sols et, par conséquent, combattre l'érosion. Les mesures de conservation amorcées par le PNCS se sont poursuivies dans le cadre de programmes découlant du Plan vert. D'autres programmes de nature pédologique visent l'érosion:

  • le Programme d'établissement d'une couverture végétale permanente dans les Prairies
  • le Programme d'amélioration du milieu pédologique et aquatique (PAMPA), de l'Ontario
  • les programes du Centre de conservation des sols et de l'eau de l'Est du Canada (Grand-Sault, N.-B.), pour les provinces atlantiques.

Réaction des producteurs aux programmes

Grâce à ces programmes et aux autres activités anti-érosion mises de l'avant par des groupes d'intérêt et les gouvernements, des milliers d'agriculteurs sont aujourd'hui mieux informés sur les problèmes d'érosion du sol et ont appliqué des mesures de conservation sur une bonne partie du territoire cultivé au Canada. Par exemple:

  • le Programme d'établissement d'une couverture végétale permanente, dans les Prairies, a permis de convertir en couverture permanente 500,000 hectares de terres marginales
  • en 1991, on a signalé l'aménagement de coupe-vent, totalisant 84,000 km de longueur, dans 13 % des exploitations agricoles canadiennes
  • la méthode du semis direct est employée sur plus de 0,6 million d'hectares en Alberta
  • en Ontario, 1,1 million d'hectares ont bénéficié de mesures de conservation du sol et de l'eau dans le cadre du Programme de gestion des terres II, un résultat supérieur aux objectifs visés.

On s'attend à ce que les pratiques de conservation gagnent toujours en popularité et que les pertes de sol par érosion continuent de diminuer. Le rythme des améliorations à venir dépendra de l'expérience et de la confiance des producteurs vis-à-vis des techniques de conservation du sol, et de l'accessibilité de ces techniques. (L'ARAP - 60 ans de conservation du sol)

Conclusions

Pour protéger les sols contre l'érosion, on peut changer l'assolement, le système de labour et les méthodes d'arrosage. L'implantation de ces moyens de lutte a permis de diminuer de 10 % le risque d'érosion par le vent et par l'eau au cours des 10 dernières années au Canada. La baisse continue du risque d'érosion des sols aidera à maintenir et à améliorer leur qualité. Par ailleurs, la qualité de l'eau améliorera les terres agricoles, en autant que les sols et les produits agrochimiques seront retenus sur les fermes et ne disparaîtront pas dans les cours d'eau.

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