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Commentaire N° 35

La paix au proche-orient? (I)

W. Millward

Octobre 1993
Non classifié

Précis : Dans ce premier d'une série d'articles traitant des événements marquants dans la région, l'auteur fournit une analyse détaillée du récent accord entre Israël et l'OLP. Octobre 1993. Auteur : W. Millward.

Note du rédacteur : Dans ce premier de deux numéros sur l'accord de paix au Proche-Orient, W. Millward examine trois aspects de l'entente: Les clauses spécifiques du document; les diverses raisons qui ont encouragé et forcé les signataires à agir; et les forces en présence dans les deux camps qui visent soit à mettre en œuvre soit faire échouer l'entente dès les premières étapes. La deuxième partie (Commentaire N° 49) traite des répercussions stratégiques et à long terme de l'accord.

Avertissement : Le fait qu'un article soit publié dans Commentaire ne signifie pas que le SCRS a confirmé l'authenticité des informations qui y sont contenues ni qu'il appuie les opinions de l'auteur.


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Le gouvernement de l'État d'Israël et l'équipe palestinienne (de la délégation jordano-palestinienne à la conférence de paix sur le Proche-Orient - l'«OLP») représentant les Palestiniens sont d'accord qu'il est temps de mettre fin à des décennies de confrontation et de conflit, de reconnaître leurs droits légitimes et politiques mutuels, de s'efforcer de vivre dans la coexistence pacifique, la dignité et la sécurité, et d'aboutir à un accord de paix juste, total et durable ainsi qu'à une réconciliation historique dans le cadre du processus politique agréé. En conséquence, les deux parties sont d'accord sur les principes suivants :

Ainsi s'ouvre le texte officiel d'une entente de principe qui vise à mettre un terme aux hostilités entre les citoyens juifs d'Israël et le peuple palestinien des Territoires occupés et de la diaspora. L'annonce de cet accord, puis sa signature officielle à Washington le 13 septembre 1993, ont inspiré une pluie de qualificatifs de la part de journalistes et de commentateurs soucieux d'en saisir toute la portée.

Au départ, lorsque deux ennemis jurés décident soudain, par l'entremise de leurs dirigeants, que l'heure est venue de mettre fin au conflit qui les oppose, de se reconnaître mutuellement et de signer un accord de paix, on peut déjà affirmer qu'il s'agit d'un événement historique. Mais lorsque les deux peuples en cause sont les Israéliens et les Palestiniens, qui se disputent le contrôle d'une petite bande de territoire considérée sacrée par les fidèles de trois des grandes religions du monde (le judaïsme, le christianisme et l'Islam), pareille entente prend des proportions encore plus énormes.

Aux premières nouvelles d'un accord imminent, nombreux sont les observateurs et les commentateurs qui ont réagi avec stupeur et incrédulité. En effet, avant que ne commence à circuler la rumeur selon laquelle une entente avait été conclue en coulisses (à la fin de la première semaine de septembre), les spécialistes de la scène politique internationale tenaient en général pour acquis que le conflit au Moyen-Orient entre Arabes et Juifs, Israéliens et Palestiniens, était insoluble. Certes, dans les deux camps, des millions de personnes aspiraient à la fin des effusions de sang et de larmes et à l'adoption d'un solution définitive qui serait juste pour tous, mais la plupart étaient résignées à un échec probable. S'il y avait un problème mondial persistant qui justifiait pareil scepticisme, c'était bien celui-là.

Soudain, on pouvait entendre aux nouvelles que l'impossible était en train de se réaliser et nombreuses furent les personnes touchées par le conflit qui réagirent, en ressentant soit l'euphorie la plus totale, soit un profond sentiment de trahison. D'autres n'arrivaient tout simplement pas à y croire. Les personnes opposées à toute modification du statu quo, peu importe leur allégeance, s'empressèrent de dénoncer l'accord et de menacer de le saboter. S'il avait été possible de sonder l'opinion publique mondiale, on aurait sans doute pu constater chez la majorité des gens un optimisme prudent, à défaut d'un appui enthousiaste. La nouvelle qu'une percée avait été réalisée dans un conflit aussi important et aussi long ne pouvait qu'être bien accueillie à travers le monde, jusqu'à un certain point. Pour l'auteur de ces lignes et plusieurs personnes de sa génération, il était pratiquement inconcevable, en toute lucidité, de penser que la paix au Moyen-Orient deviendrait réalité de leur vivant.

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Les conditions de l'entente

L'accord «Gaza et Jéricho d'abord» entre les Israéliens et les Palestiniens a été conclu en vertu d'une procédure en deux étapes. Le 9 septembre, il y a eu signature à Tunis et à Jérusalem de lettres portant reconnaissance mutuelle. Puis, le 13 septembre 1993, Shimon Pérès, ministre des Affaires étrangères d'Israël, et Mahmoud Abbas, représentant de l'OLP, signaient à Washington (D.C.) une «Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d'autonomie». L'entente a ensuite été ratifiée par les organismes législatifs des deux parties, d'abord à la Knesset israélienne le 23 septembre, par un vote de 61 à 50, avec 8 abstentions et une absence, puis au Conseil central de l'OLP le 9 octobre, par un vote de 63 à 8, avec 11 abstentions ou absences. [Le texte officiel de l'accord comporte dix-sept articles, quatre protocoles (annexes) et les minutes agréées.]

Le but des négociations

Le but des négociations israélo-palestiniennes, dans le cadre actuel du processus de paix au Proche-Orient, est d'établir une autorité palestinienne de l'autonomie, le Conseil élu, pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, pour une période transitoire n'excédant pas cinq ans et menant à un arrangement permanent basé sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'ONU.

Élections et juridiction

Le Conseil palestinien chargé d'administrer la Cisjordanie et la bande de Gaza sera élu au cours d'élections politiques générales, libres et directes, sous supervision mutuellement agréée (sous observation internationale) et l'ordre public sera assuré par la police palestinienne. Les deux parties considèrent la Cisjordanie et la bande de Gaza comme une unité territoriale unique, dont l'intégrité sera préservée durant la période intérimaire.

L'accord permanent

La période transitoire de cinq ans commencera avec le retrait (des forces israéliennes) de la bande de Gaza et de la zone de Jéricho. Les négociations sur le statut définitif commenceront le plus tôt possible et au plus tard au début de la troisième année de la période intérimaire. Ces négociations couvriront les questions en suspens, y compris Jérusalem, les réfugiés, les implantations, les arrangements de sécurité, les frontières et les autres sujets d'intérêt commun.

La passation des pouvoirs

Dès l'entrée en vigueur de la Déclaration de principes et le retrait de la bande de Gaza et de la zone de Jéricho, commencera un transfert d'autorité du gouvernement militaire israélien et de son administration civile aux Palestiniens désignés pour cette tâche. Les domaines de compétence visés comprendront l'éducation et la culture, la santé, les affaires sociales, la taxation directe et le tourisme.

Mesures intérimaires

Les délégations israélienne et palestinienne négocieront un «accord intérimaire» visant la structure du Conseil, le nombre de ses membres ainsi que le transfert en faveur du Conseil des responsabilités et pouvoirs pertinents. L'accord spécifiera l'autorité exécutive et législative du Conseil, ainsi que les organes judiciaires palestiniens indépendants. Le Conseil sera chargé d'établir les instances palestiniennes pertinentes pour l'électricité et l'eau, une autorité portuaire à Gaza, une banque palestinienne de développement, un bureau palestinien de promotion des exportations et une autorité foncière palestinienne.

Ordre public et sécurité

Afin de garantir l'ordre public et la sécurité intérieure des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, le Conseil établira une puissante force de police tandis qu'Israël conservera la responsabilité de la défense contre des menaces extérieures, de même que la responsabilité de la sécurité globale des Israéliens, de manière à sauvegarder leur sécurité intérieure et l'ordre public.

Comités de liaison conjoints

Un comité de liaison conjoint israélo-palestinien sera établi pour traiter des questions exigeant une coordination, les autres problèmes d'intérêt commun et les conflits. (Les conflits qui pourraient surgir de l'application ou de l'interprétation de la Déclaration de principes et qui ne pourront pas être réglés par des négociations pourront être résolus par voie de conciliation ou par un comité d'arbitrage.) Un comité de suivi sera créé afin de favoriser la liaison, la coordination et la négociation avec la Jordanie et l'Égypte sur des sujets d'intérêt commun, entre autres les modalités d'admission des personnes déplacées en 1967 de la Cisjordanie et de Gaza.

Redéploiement et retrait des forces israéliennes

Après l'entrée en vigueur de la Déclaration de principes et pas plus tard qu'à la veille des élections pour le Conseil, un redéploiement hors des zones peuplées des forces militaires israéliennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sera opéré et Israël se retirera de la bande de Gaza et de la zone de Jéricho.

Coopération économique et programmes régionaux

Les deux parties considèrent les groupes de travail créés dans le cadre des négociations multilatérales comme un instrument approprié pour promouvoir un «plan Marshall», des programmes régionaux et autres, notamment des programmes spéciaux pour la Cisjordanie et la bande de Gaza. Un comité de suivi israélo-palestinien pour la coopération économique se concentrera sur le développement et l'utilisation des ressources hydrauliques, la coopération visant le développement et l'utilisation de l'électricité, le développement de l'énergie et la construction de pipelines, le développement financier et bancaire, le commerce et la promotion commerciale, l'industrie et les relations du travail, le développement des ressources humaines, la protection de l'environnement et d'autres programmes d'intérêt commun.

Le calendrier d'application

  • 13 septembre 1993 - Les négociations relatives à l'Accord provisoire débutent tout de suite après la signature.
  • 13 octobre 1993 - La Déclaration de principes entre officiellement en vigueur. L'administration civile israélienne transfère alors au Conseil palestinien désigné l'autorité dans les domaines suivants: éducation et culture, santé, affaires sociales, taxation et tourisme.
  • 13 décembre 1993 - Les forces israéliennes commencent à se retirer progressivement de la bande Gaza et de la zone de Jéricho.
  • 13 avril 1994 - À cette date, le retrait israélien de Gaza et Jéricho devrait être achevé.
  • 13 juillet 1994 - C'est la date limite pour l'élection de l'autorité intérimaire palestinienne de l'autonomie ou Conseil. Israël doit redéployer ses forces en Cisjordanie avant les élections.
  • 13 avril 1996 - C'est le début des négociations sur le statut permanent, qui couvriront entre autres Jérusalem, la sécurité, les frontières, les réfugiés et les implantations.
  • 13 avril 1999 - Le statut permanent négocié entre en vigueur.

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La réaction canadienne

Devant la possibilité d'un déblocage des négociations israélo-palestinienne en dehors du cadre des pourparlers de Madrid, la réaction officielle du Canada a tout de suite été positive. Bons amis et partenaires commerciaux de représentants des deux parties au conflit qui constitue la source de discorde la plus tenace au Proche-Orient, les Canadiens participent depuis longtemps à des démarches de médiation, à des activités liées au maintien de la paix et à la création de cadres et de mécanismes visant à faciliter la communication et à favoriser une réconciliation finale. L'esprit de compromis que choisissent instinctivement les Canadiens comme méthode privilégiée de règlement des conflits s'est constamment manifesté dans la participation du Canada au sein des Nations Unies et de ses divers organismes, ainsi que dans le consensus international que ceux-ci représentent. Ainsi, en mai 1992 à Ottawa, le Canada a été l'hôte du Groupe de travail sur les réfugiés, formé de représentants de trente-cinq pays réunis pour discuter entre autres de réunification des familles, de formation professionnelle et de création d'emplois, de santé publique et d'une base de données exhaustive sur les réfugiés [The Ottawa Citizen, 16 mai 1992]. Le ministre des Affaires extérieures, Perrin Beatty, qui a assisté à la cérémonie de signature officielle à Washington, a déclaré, après avoir rencontré le ministre des Affaires étrangères d'Israël, M. Perez, que le Canada était prêt à aider Israël et l'OLP dans l'organisation des élections et à accroître sa participation au titre de l'aide étrangère. [Fil de presse de la Presse canadienne, 14 septembre 1993].

D'après les premiers sondages d'opinion effectués auprès des Juifs et des Palestiniens établis au Canada concernant la valeur de l'accord, une majorité d'entre eux étaient enthousiastes et confiants que celui-ci mènerait à la paix et à la sécurité au Proche-Orient [The Globe and Mail, 13 septembre 1993]. Les porte-parole officiels des deux parties ont répondu avec prudence aux questions des journalistes, tout en soulignant l'importance de la reconnaissance mutuelle et la valeur symbolique de ce premier pas vers la réconciliation.

Lors d'une réunion à laquelle ont participé des Juifs et des Palestiniens du grand Toronto après la spectaculaire cérémonie de signature, les dirigeants des deux groupes ont louangé l'accord et promis de faire tout leur possible pour l'expliquer à leurs membres et en assurer le succès. Déplorant le fait qu'ils n'avaient eu aucun contact dans le passé mais plutôt vécu comme deux solitudes, chacune de son côté, les deux groupes se sont engagés à se rencontrer régulièrement et prévoient organiser des rencontres libres propices aux échanges d'idées. Certains ont même proposé d'exercer des pressions communes auprès d'Ottawa et d'autres gouvernements pour obtenir une aide économique en vue d'assurer la réussite du processus de paix. [The Toronto Star, 14 septembre 1993].

Les causes de la conciliation : pourquoi maintenant?

Après des années de conflit et d'antagonisme entre Juifs et Arabes, qui remontent au régime mandataire en vigueur en Palestine au début des années 20, les deux parties ont décidé de mettre un terme à leur sanglante querelle. Mais pourquoi aujourd'hui et non pas beaucoup plus tôt dans cette épopée de chagrin et de souffrance? Pourquoi donc avoir attendu si longtemps avant d'agir? On aurait pu épargner tellement de vies et de biens et ménager tant d'honneur et de dignité dans les deux camps si seulement chacun avait pu, il y a bien des années, voir rationnellement où se situait son propre intérêt.

L'une des raisons fondamentales du moment choisi pour conclure cet accord tient au fait que les deux parties sont véritablement épuisées par toutes ces décennies d'affrontements armés. Les observateurs qui étudient ce dossier ont souvent entendu dire au cours des dix ou vingt dernières années que le temps commençait à presser au Proche-Orient et qu'il fallait absolument faire quelque chose si on ne voulait pas que cette région «poudrière» n'explose et n'embrase toute la région, avec des répercussions sur le monde entier. Mais, d'une fois à l'autre, au cours des quatre décennies qui ont suivi la création de l'État d'Israël en 1948, on n'a pas fait grand-chose pour rapprocher les parties et mettre un terme aux effusions de sang. À part les accords de Camp David, toutes les tentatives de recourir à la voie diplomatique se sont révélées infructueuses. Israéliens et Palestiniens semblent s'être enfin rendu compte qu'il était stérile de continuer à se battre et irrationnel de s'entêter à refuser l'inéluctable cohabitation.

Parmi les facteurs qui ont contribué à faire prévaloir le réalisme entre les deux éternels adversaires, il faut certainement accorder une grande importance à l'effondrement de l'Union soviétique et au fait que celle-ci ait retiré son appui à des États arabes radicaux comme la Syrie, et notamment cessé d'approvisionner en armes les ennemis d'Israël. Cela a obligé les dirigeants de ces États, ainsi que les Palestiniens, à réévaluer leur position de longue date, c'est-à-dire leur opposition totale à Israël. De son côté, Israël a ressenti un plus grand sentiment de sécurité devant la disparition de ce qui avait longtemps été considéré comme une menace éventuelle pour l'État juif. Soudain, les deux parties pouvaient se permettre de réévaluer leur situation.

Il est indéniable que l'Intifada dans les Territoires occupés a aussi largement contribué à préparer les deux parties à l'accord qui vient d'intervenir. Amorcé en décembre 1987, le mouvement de résistance a donné à bon nombre d'Israéliens la désagréable impression d'avoir à agir comme une implacable puissance d'occupation. Puis, lorsque le soulèvement a semblé également constituer une menace pour des civils innocents en Israël même, la majorité des Israéliens a jugé que le maintien du statu quo de violence dans la bande de Gaza et en Cisjordanie commençait à coûter trop cher. En juin de l'an dernier, ils ont élu un gouvernement qui s'est engagé sérieusement à l'égard du processus de paix. Selon des sondages récents, la majorité des Israéliens appuient l'entente qui a été signée à Washington le 13 septembre.

Les mésaventures de l'OLP et la perte de prestige de son président, Yasser Arafat, ont également joué un rôle important dans le processus menant à la Déclaration de principes. La principale cause de ce déclin est la décision qu'a prise le président d'appuyer le dirigeant de l'Irak, Saddam Hussein, lorsque celui-ci a envahi le Koweït à l'automne de 1990. Cette prise de position a amené le Koweït, l'Arabie saoudite et d'autres sources du Golfe à couper les vivres aux Palestiniens. Cette perte de revenus, évaluée à 200 millions de dollars par année, à laquelle s'ajoutait celle des cotisations que versaient auparavant les expatriés palestiniens qui travaillaient dans le Golfe et ont été renvoyés de leur emploi et expulsés de leur pays hôte, a jeté l'OLP dans une grave crise financière dont elle ne s'était pas encore remise au moment de la signature de l'accord.

Le facteur économique a réellement joué un rôle déterminant pour ce qui est du moment choisi pour concrétiser l'accord. C'est autant la question d'argent que l'épuisement des combattants qui a poussé les deux ennemis jurés à évaluer avec plus de réalisme les options qui s'offraient à eux. En l'absence d'un cadre de coopération économique israélo-arabe, un règlement politique à cet interminable conflit était pratiquement impossible. Selon Uri Savir, membre important de l'équipe israélienne au cours des pourparlers de paix secrets, les deux parties en sont venues à reconnaître que toute la région était vouée au déclin économique en l'absence d'un quelconque règlement [The Ottawa Citizen, 13 septembre 1993]. Le Proche-Orient devenait en effet de moins en moins intéressant en tant que centre de commerce et d'investissement et les promoteurs, les investisseurs et d'autres gens d'affaires avaient tendance à éviter la région en raison de son climat d'instabilité et de violence.

Tant chez les Israéliens que chez les Palestiniens, les appréhensions suscitées par la montée de l'intégrisme religieux, particulièrement dans les cercles islamiques, ont constitué un motif additionnel pour en arriver à une solution. Même si la menace proprement dite a été grandement exagérée, peut-être volontairement dans certains cas, il reste que la popularité grandissante du mouvement Hamas et du Djihad islamique en Cisjordanie et dans la bande de Gaza a sans doute été une considération importante aux yeux des membres des deux délégations, tant au cours des négociations officielles que dans le cadre des pourparlers menés secrètement à Oslo. La lenteur et l'inefficacité des pourparlers de paix officiels amorcés à Madrid à l'automne de 1991 et le sentiment d'urgence suscité par l'attrait croissant de l'intégrisme religieux dans les cercles palestiniens ont contribué à convaincre les Israéliens qu'il était temps d'accepter des compromis. Selon un fonctionnaire israélien non identifié, le gouvernement qui a pris le pouvoir dans son pays en juillet 1992 aurait pris conscience du fait que si on laissait les pourparlers de paix s'éterniser pendant trois, quatre ou cinq ans, l'État juif pourrait se retrouver aux prises avec des puissances intégristes armées de missiles à longue portée, voire d'armes nucléaires. «Nous aurions alors dû repenser toute notre politique; il était donc préférable de faire maintenant tout ce qui pouvait être fait». [Agence Reuter, 13 septembre 1993].

Parmi tous les facteurs qui ont influencé les perceptions des deux parties à l'égard du conflit et amené celles-ci à en arriver finalement à une entente, le plus important est sans doute le fait que les Palestiniens se sont aperçu qu'ils devaient compter sur leurs propres moyens face à Israël et qu'ils avaient tout intérêt à accepter un règlement au moment où les conditions leur étaient tant soit peu favorables. Les autres intervenants arabes dans ce conflit ont depuis longtemps démontré par leur comportement que, même s'ils étaient prêts à défendre la cause palestinienne en apparence, ils étaient en réalité réticents ou tout simplement impuissants à confirmer leurs dires par des mesures concrètes visant l'adoption d'une position arabe commune. Le concept de l'unité arabe a toujours été un idéal utopique, mais il a plutôt mal résisté à l'épreuve de la réalité. Ainsi, le monde arabe est sorti de la seconde Guerre du Golfe plus divisé qu'il ne l'a jamais été dans son histoire moderne.

Certains critiques de l'accord «Gaza et Jéricho d'abord» dans les cercles arabes soutiennent qu'il viole la règle de la coordination arabe totale dont avaient convenu tous les dirigeants des pays arabes au début de la conférence de Madrid. Les artisans de l'accord de paix rétorquent que celui-ci est le fruit de consultations menées au préalable auprès d'un certain nombre de groupes arabes, particulièrement dans les pays limitrophes, soit le Liban, la Syrie et la Jordanie. Cependant, les hautes instances de ces pays nient catégoriquement l'existence de pareille coordination. Il fallait s'y attendre.

En réalité, il semble y avoir eu une certaine coordination parmi les parties arabes aux négociations officielles. Les États limitrophes ont mené entre eux des consultations bilatérales. Il n'en reste pas moins que le peu de mécanismes qui ont été mis en place afin de coordonner la position arabe et d'élaborer une position commune dans le cadre des négociations se sont révélés insuffisants et inadéquats. Les États limitrophes n'ont pas créé de comité permanent qui aurait permis à leurs dirigeants de se réunir tous les deux ou trois mois afin de faciliter les consultations, la coopération et de rapides prises de décisions conjointes. Ils n'ont signé aucune entente énonçant clairement les objectifs communs du monde arabe et les mesures convenues en vue de leur réalisation. «Rien de tel n'a été institué. On a laissé la question de la coordination entre les mains des ministres des Affaires étrangères des pays arabes. Or, ceux-ci n'ont tout simplement pas l'autorité nécessaire pour se prononcer, surtout dans des dossiers importants comme celui des négociations avec Israël». [Raghid al-Sulh, al-Hayat, 13 septembre 1993]. Le fait que les autres États arabes, c'est-à-dire ceux du Golfe et du Maghreb, ne s'impliquent pas plus activement dans les consultations sur la préparation et la promotion d'une position arabe commune constitue un aveu de faiblesse flagrant que certains pourraient être tentés d'exploiter.

Tout compte fait, il importe vraiment de connaître les raisons qui ont poussé les Palestiniens de l'entourage d'Arafat à conclure un accord de paix. La peur que l'OLP soit remplacée par Fayçal Husseini et d'autres Palestiniens de l'intérieur des Territoires a certainement été une puissante source de motivation. Chaque personne qui a joué un rôle dans ce processus doit avoir une idée précise de ses motifs et de leur ordre de priorité. La façon dont ces motifs seront exposés aux différents groupes représentés contribuera à leur acceptation ou à leur rejet. L'idée que les Palestiniens aient jugé qu'ils devaient agir seuls et ne pouvaient compter entièrement sur la collaboration et le soutien de leurs frères arabes compliquera leurs futures relations avec eux. De plus, le fait que le traité ait été conçu à Oslo et signé à Washington ne le rendra certainement pas plus facile à faire accepter dans les rues de Jérusalem, les ruelles de Gaza ou les souks d'Amman et du Caire.

Ceux qui sont pour

Dès que la nouvelle d'un accord entre Israël et les Palestiniens est devenue officielle et avant même que les détails en soient connus, l'idée a soulevé une véritable vague d'appuis. La poignée de main historique entre les deux anciens ennemis devait avoir lieu sur la pelouse de la Maison Blanche en présence de plus de 3 000 dignitaires venus assister à l'acte symbolique de réconciliation consacrant la paix officielle. Les États-Unis se portaient garants de l'accord et s'engageaient à contribuer à sa réalisation. Le Secrétaire d'État, M. Christopher, a souligné l'engagement des États-Unis à l'égard d'une paix générale entre Israël et tous ses voisins arabes.

En l'absence de sondages d'opinion fiables, il est difficile d'évaluer avec précision la réaction des Palestiniens envers l'accord. Des manifestations spontanées d'appui, qualifiées en manchette d'«explosion de joie» [La Presse, 14 septembre 1993], ont été organisées dans diverses parties de Gaza et de la Cisjordanie. À Jérusalem-Est, quartier arabe où l'ardeur était plus modérée, la musique forte des manifestants pour la paix ne parvenait pas à étouffer les voix inquiètes d'autres Palestiniens. L'accueil généralement favorable réservé à l'accord dans les cercles palestiniens faisait fortement contraste avec la réaction d'apathie et de morosité relevée dans le camp israélien. La plupart des Israéliens attendaient peut-être de voir les effets tangibles de l'entente avant de manifester leur enthousiasme; quoi qu'il en soit, d'après les résultats de plusieurs sondages rendus publics avant et après la signature, ils en appuyaient le concept dans une proportion de trois contre deux. La ratification de l'accord par le Parlement israélien, qui compte 120 députés, constitue une solide victoire pour le Premier ministre et les partisans de cette initiative. Le fait que le président du Congrès juif mondial, Edgar M. Bronfman, se soit dit d'avis que le plan israélo-palestinien était à la fois «audacieux et prudent» devrait encore renforcer ce soutien dans les milieux juifs sur la scène internationale. [New York Times, 12 septembre 1993].

Une fois terminée la cérémonie officielle, les ambassadeurs des pays arabes se sont mêlés publiquement aux fonctionnaires israéliens et ont bavardé avec eux, peut-être pour la première fois dans l'histoire du conflit au Proche-Orient. La dynamique de paix a rapidement entraîné d'autres contacts entre Arabes et Israéliens. En retournant en Israël, le Premier ministre, M. Rabin, et son entourage ont fait escale au Maroc pour y avoir des entretiens avec le roi Hassan II, et les fonctionnaires des deux pays espèrent que ceux-ci mèneront rapidement à l'établissement de liens diplomatiques officiels. À Washington, des représentants jordaniens et israéliens ont apposé leurs initiales sur un programme de négociation en vue de la signature d'un traité de paix exhaustif entre les deux pays. De nombreux pays africains et islamiques, dont la Malaisie, le Zimbabwe et même l'Algérie, ont exprimé leur appui à l'accord israélo-palestinien. «Je crois que cela a toujours été le but véritable de l'opération», d'affirmer Mark Heller, analyste à l'Université de Tel Aviv. «L'entente (avec l'OLP) sert en quelque sorte à légitimer la normalisation des relations d'Israël avec le reste du monde arabe». [The Globe and Mail, 15 septembre 1993].

De toute évidence, il existe un vaste mouvement d'appui à travers le monde en vue de la mise en oeuvre de cet accord. Mais pour parvenir à appliquer celui-ci, il faut maintenant de l'argent, beaucoup d'argent. Les spécialistes de la Banque mondiale sont d'avis que la bande de Gaza et la Cisjordanie auront besoin d'injections de capitaux de l'ordre de trois à cinq milliards de dollars au cours des prochaines années si l'on veut que l'accord de paix donne rapidement des résultats positifs. Le Canada s'est engagé à verser 55 millions de dollars (CAN) en cinq ans et a offert son aide technique et l'envoi d'observateurs pour l'organisation des élections palestiniennes qui se tiendront au printemps prochain.

Ceux qui sont contre

Il faut s'attendre à ce qu'un accord conclu à l'issue d'un conflit qui traîne depuis si longtemps dans un climat aussi chargé d'émotions ait des opposants, qu'il s'agisse de ceux qui y sont simplement défavorables ou de ceux qui sont prêts à agir pour le faire échouer. Il existe dans les deux camps des extrémistes et des radicaux qui croient que le territoire revient exclusivement à l'un ou à l'autre, alors que l'entente préconise le principe de la double propriété. Du côté israélien, l'opposition provient essentiellement du parti du Likoud et de ses partisans de la droite religieuse qui soutiennent que l'abandon de la moindre partie de l'Eretz Israël dont il est question dans la Bible constitue un sacrilège inacceptable. Il est déterminé à combattre l'accord mais est sérieusement divisé quant aux méthodes à utiliser. Officiellement, le Likoud s'oppose au recours à la force en vue de saboter l'accord, mais il parle ouvertement de ne pas en respecter les conditions s'il venait à reprendre le pouvoir.

Les colons juifs établis dans la bande de Gaza et en Cisjordanie s'opposent fort logiquement à l'entente parce qu'ils ont peur d'être résidents d'un territoire où l'OLP sera officiellement responsable de l'administration et du maintien de l'ordre. Ils n'ont pas été complètement convaincus lorsqu'on les a assurés qu'en tant que citoyens israéliens, ils relèveraient des instances israéliennes. Évidemment, les scénarios alarmistes mis de l'avant par des personnalités comme Ariel Sharon n'ont pas arrangé les choses. Des manifestations tenues à Jérusalem par des fanatiques religieux opposés à tout compromis territorial et qualifiant de traître le Premier ministre d'Israël, Itzhak Rabin, ont été dispersées par la police; elles ont fait 45 blessés et mené à 33 arrestations. Les représailles exercées contre des Palestiniens par des colons désireux de venger leurs morts semblent s'intensifier, ce qui pourrait compromettre sérieusement le calendrier établi.

Dans l'autre camp, on a noté de l'opposition au sein du Comité exécutif et de la hiérarchie administrative de l'OLP. Certains ont manifesté leur désapprobation en démissionnant de leur poste, d'autres en restant chez eux. Des désaccords internes sur des questions de principe ont souvent déchiré le Fatah et d'autres factions de l'OLP, surtout depuis l'Intifada. Une semaine exactement après la signature de l'accord «Gaza et Jéricho d'abord», un membre important de l'OLP qui faisait activement la promotion de l'entente, Muhammad Hashem Abu Sha'ban, était assassiné au moment où il rentrait chez lui en voiture à Gaza après avoir participé à un rassemblement. D'après certaines sources, sa mort serait attribuable à une lutte pour le pouvoir au sein du Fatah. La polarisation qui divise les dirigeants au sujet de l'accord s'est répercutée sur les partisans de longue date de l'OLP.

Parmi les Palestiniens et autres groupes arabes, les principaux adversaires de l'accord sont ceux qui sont établis dans les Territoires occupés, le Hamas et le Djihad islamique palestinien (DIP), ceux qui sont installés au Liban, principalement le Hezbollah, et les diverses factions palestiniennes qui ont leur siège à Damas et jouissent du parrainage de la Syrie. En raison de la très grande popularité qu'il a acquise en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, le Hamas était devenu un rival sérieux de l'OLP, dont il compromettait la position de «seul et unique représentant légitime du peuple palestinien». Il reste à voir si le Hamas poussera son opposition à l'autonomie accordée à l'OLP par Israël au point de déclencher une offensive violente au sein même du mouvement palestinien. Selon son représentant officiel, Ibrahim Ghosheh, le Hamas croit uniquement au «recours à la violence contre l'ennemi occupant (Israël) qui a déporté notre peuple. Les divergences d'opinions entre les factions palestiniennes doivent se régler dans le cadre d'un dialogue démocratique et pacifique». [Agence REUTER, Reut15:50, 09-21]. On ne connaît pas encore les intentions du DIP.

Le rôle déstabilisant que pourrait jouer le Hezbollah est également incertain. Le groupe s'est dit opposé à l'accord, mais il n'est pas nécessairement en mesure de perturber la situation. Il se limitera vraisemblablement à des attaques contre les Forces de défense israéliennes (FDI) et l'Armée du Liban-Sud dans la zone de sécurité occupée par Israël dans le sud du Liban. L'ampleur de ces initiatives dépendra de la latitude que le régime syrien laissera à ses protégés du Hezbollah. Or, tant que la Syrie a encore des chances raisonnables de récupérer, grâce à une entente éventuelle avec Israël, le territoire qu'elle a perdu sur les hauteurs du Golan, elle leur imposera sans doute de strictes limites. En attendant la conclusion de pareille entente et l'adoption de dispositions concernant le rapatriement des Palestiniens établis au Liban, le gouvernement libanais envisagera sans doute avec scepticisme l'accord «Gaza et Jéricho d'abord», tant que son territoire sera occupé.

Le principal État de la région qui s'oppose à l'accord de paix est la République islamique d'Iran. Celle-ci fonde essentiellement ses objections sur des considérations religieuses et sur le fait que le troisième plus important lieu saint de l'Islam, Jérusalem, est occupé et contrôlé politiquement par l'État juif. Depuis leur arrivée au pouvoir en 1979, les autorités islamiques ont fait de la libération de Jérusalem (al-Quds) l'un des éléments fondamentaux de leur politique étrangère dans la région. Cependant, le nouveau régime de Téhéran est peu en mesure de saboter l'accord, que ce soit directement ou par l'entremise de groupes comme le Hezbollah. Les dirigeants de Téhéran sont sans doute beaucoup plus préoccupés par la possibilité d'une entente de paix élargie qui engloberait Israël et la plupart de ses voisins arabes dans une sorte de concordat régional, ce qui nuirait aux ambitions économiques, commerciales et stratégiques de l'Iran dans la région du Golfe et en Asie centrale.

Perspectives

Lors de la signature des documents de reconnaissance mutuelle, le ministre des Affaires étrangères d'Israël a expliqué que lui et ses collègues s'engageaient sur une voie périlleuse mais que c'était parce qu'ils tenaient à échapper à l'emprise d'un «passé empoisonné». Cette image est lourde de sens pour l'avenir des relations israélo-palestiniennes. Le désir de paix qui anime la majorité dans les deux camps pourra-t-il neutraliser et ensuite dissiper tout le poison psychologique qui s'est accumulé au fil de près d'un siècle de haine et d'hostilité? Comme ce serait le cas pour un organisme vivant ou pour un écosystème pollué, le processus visant à éliminer le poison de la haine prendra beaucoup de temps et nécessitera des mesures et des soins particuliers. La signature officielle de l'accord de paix par les dirigeants des deux parties était en quelque sorte le traitement de choc qui amorçait le drainage du poison. Le processus de guérison devra toutefois comporter dès le départ de fortes doses de compréhension, de générosité et de magnanimité. Aux injections massives de dollars, il faudra nécessairement ajouter beaucoup de tolérance et de compassion.

Il serait téméraire de croire que cet accord peut mener à la sorte de paix et de bonne entente à laquelle aspirent les deux parties et la plupart des pays du monde. Les conditions de l'entente accordent aux Palestiniens beaucoup moins que ce qu'ils ont toujours soutenu être leur minimum absolu. Cependant, leurs porte-parole ont souvent répété qu'ils commenceraient à implanter leur propre gouvernement sur toute parcelle de territoire abandonnée par les Israéliens. Ils doivent maintenant passer aux actes. À mesure que l'accord se réalisera et que se rapprochera la possibilité d'une entente définitive, cette assise territoriale s'élargira.

Les obstacles à surmonter sont énormes. Gaza en soi constitue un cadre qui se prête difficilement à la fondation d'un nouvel État-nation. Le fait d'y ajouter Jéricho n'améliore pas vraiment la situation. Plusieurs éléments sont absents de Gaza: une infrastructure routière moderne, des services adéquats de logement, d'aqueduc et d'égout, des systèmes bancaires et financiers, etc. On dit souvent qu'il s'agit d'une zone ingérable. Des jeunes garçons de 10 à 14 ans contrôlent les allées et venues dans les rues et suivent les déplacements de tous les véhicules. Des années d'anarchie ont entraîné l'écroulement total de l'autorité familiale traditionnelle. Les parents, plus particulièrement les pères, sont à peu près incapables de contrôler leurs enfants et de s'en faire obéir.

Malgré l'euphorie que l'accord a suscitée dans certains milieux, il reste des observateurs et des analystes de la région qui ont du mal à surmonter leur pessimisme à l'égard des perspectives de paix. Les questions hypothétiques ne manquent pas et leurs réponses ne sont pas toujours rassurantes. Ainsi, des doutes subsistent en ce qui a trait à l'ambiguïté qui entoure un éventuel chevauchement des compétences entre les FDI et le nouveau service de police de la Palestine. Le retrait de Gaza et de Jéricho des forces militaires israéliennes au cours des quatre prochains mois permettra l'entrée en scène d'une puissante force de police palestinienne formée de 8 000 hommes et qui sera chargée de la sécurité des Palestiniens. Ce service prendra de l'expansion, jusqu'à un maximum de 20 000 hommes provenant des unités de l'Armée de libération de la Palestine stationnées en Égypte et en Jordanie (mais non de celles installées en Irak, en Libye, au Soudan et au Yémen). De l'avis d'une source, sa division du renseignement travaillera en étroite collaboration avec le service israélien Mossad. [Jeune Afrique, nº 1706, 16-22 septembre 1993]. Des articles parus dans la presse israélienne alimentent les spéculations au sujet d'une éventuelle coopération entre le Shin Bet et l'OLP.

Cette force de police pourra-t-elle maintenir l'ordre, mettre un terme à l'Intifada et assurer une stabilité à Gaza et à Jéricho lorsque les adversaires radicaux de l'accord saisiront l'ampleur des compromis auxquels Arafat a consenti à l'égard des demandes minimums des Palestiniens et commenceront à perpétrer des attaques contre des cibles israéliennes et palestiniennes dans la région? À court et à moyen terme, la situation dans cette région du monde deviendra non pas plus stable, mais au contraire plus instable, et ce, dans une certaine mesure, à cause même de l'accord. Si un attentat extrémiste se produit en Israël et que ses auteurs se réfugient dans les territoires autonomes sous le contrôle de la police palestinienne, les FDI auront-elles le droit de les y pourchasser? Lorsque le Premier ministre Rabin déclare qu'il est prêt à renvoyer les FDI dans les Territoires si ceux-ci sombrent dans le chaos aux mains des Palestiniens, la plupart des Israéliens le croient, et bon nombre de Palestiniens, sinon la plupart d'entre eux, leur réserveraient sans doute un bon accueil dans le nouveau contexte qui découle de l'accord.

Il va sans dire que, dans une large mesure, l'accord «Gaza et Jéricho d'abord» réussira surtout si l'OLP (ALP) parvient à contenir les protestations violentes dans les territoires qu'elle contrôle, avec toute l'aide extérieure qu'elle pourra obtenir. S'il faut pour cela que l'OLP et les FDI s'entendent clairement dès le départ sur le droit de l'armée israélienne à intervenir dans les situations graves, les chances de réussite de l'accord seront d'autant plus grandes. Désormais, les deux parties ont tout intérêt à contenir la violence et à réduire l'instabilité dans la région, et c'est d'ailleurs une responsabilité qu'elles doivent partager.

Comme pour souligner la fragilité de l'accord et rappeler à tous l'énorme opposition qu'il soulève, lors des élections municipales qui ont eu lieu le 1er novembre, les électeurs israéliens ont choisi Ehub Olmert, membre du Likoud à la Knesset, afin de remplacer Teddy Kollek à la mairie de Jérusalem, ainsi que son ancien collègue du Cabinet, Roni Milo, comme maire de Tel Aviv. Selon certains observateurs, la victoire d'Olmert a été facilitée, d'une part, par une entente-surprise conclue avec Agudat Yisra'el, qui lui a donné le vote Haredi (ultra-orthodoxe) et, d'autre part, par le faible taux de participation enregistré dans Jérusalem-Est, quartier arabe dont on s'attendait à ce qu'il soutienne Kollek [FBIS, 2 novembre 1993]. Il reste à voir si la position plus favorable du nouveau maire à l'égard des établissements juifs dans le quartier musulman de la vieille ville créera effectivement de nouveaux affrontements avec les Palestiniens, mais force nous est de constater que le dossier du Likoud à cet égard est plutôt préoccupant. Le premier ministre Rabin a quant à lui qualifié l'élection d'Olmert de «recul». Le président du Likoud à la Knesset, Moshe Qatzav, s'est dit d'avis que les élections montrent que la population ne fait plus confiance au gouvernement et sa faction a présenté quatre motions en ce sens. Heureusement, elles ont été battues par 57 voix contre 46.

Cependant, le plus important facteur de réussite de l'accord «Gaza et Jéricho d'abord» tiendra peut-être à sa capacité de susciter les investissements qui, de l'avis de tous, sont essentiels pour améliorer la qualité de vie à Gaza et à Jéricho. À une conférence réunissant des donateurs à Washington le 1er octobre, la communauté internationale a répondu à l'appel des États-Unis, qui réclamaient des engagements financiers pour soutenir la paix au Proche-Orient, en acceptant de consacrer deux milliards de dollars afin d'aider l'OLP à prendre le contrôle administratif de Jéricho et de la bande de Gaza. Quarante-trois pays ont participé à cette conférence. Dans un discours-programme, le vice-président des États-Unis a déclaré que son pays verserait une contribution de 500 millions de dollars en cinq ans. D'après une étude exhaustive réalisée par des spécialistes de l'OLP, un plan économique de sept ans visant à édifier rapidement une nouvelle nation palestinienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza nécessitera 12 milliards de dollars. [The Washington Post, 29 septembre 1993, B1]

Il est impossible d'évaluer avec précision la portée éventuelle des montants engagés jusqu'ici, car ils visent différentes périodes à l'intérieur du programme quinquennal et prennent la forme d'un alliage de subventions, de prêts et de crédits. Selon certaines rumeurs, le dirigeant de l'OLP, Yasser Arafat, serait déçu de l'appui obtenu jusqu'ici. Avant de s'engager, certains donateurs éventuels attendent peut-être qu'un mouvement positif se soit concrétisé. Or, la phase initiale est cruciale. Même les partisans du Hamas seront portés à adoucir leur opposition s'ils peuvent constater que les gens en général ont plus d'argent à leur disposition et que les conditions de vie s'améliorent sensiblement. Si les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie peuvent jouir d'un meilleur niveau de vie, les gens seront moins enclins à tenter de saboter l'accord de paix. Celui-ci n'a pas encore obtenu l'approbation du Conseil national palestinien, qui doit d'abord en débattre. En dernière analyse, l'édification d'une identité nationale forte et d'un territoire national sûr dépasse la simple question du bien-être matériel.

La deuxième partie - Commentaire n°. 49

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Date de modification : 2005-11-14

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