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Commentaire n° 49

La paix au Proche-Orient ? [II]

William Millward

Octobre 1994
Non classifié

Précis : Les développements au Proche-Orient continuent encore de faire les manchettes et bien sûr de troubler la tête et le coeur de millions d'habitants de cette région. L'auteur a une fois de plus mis en relief les événements récents et il souligne trois obstacles majeurs auquels est confronté le processus de paix, une année après que la «Déclaration de principe» fut signée à Washington. Octobre 1994. Auteur: William Millward.

Note du rédacteur : Les développements au Proche-Orient continuent encore de faire les manchettes et bien sûr de troubler la tête et le coeur de millions d'habitants de cette région. Le docteur W. Millward, analyste stratégique du secteur de l'analyse et production au SCRS, a une fois de plus mis en relief les événements récents et il souligne trois obstacles majeurs auquels est confronté le processus de paix, une année après que la «Déclaration de principe» fut signée à Washington.

[La première partie - Commentaire N° 35]

Avertissement : Le fait qu'un article soit publié dans Commentaire ne signifie pas que le SCRS a confirmé l'authenticité des informations qui y sont contenues ni qu'il appuie les opinions de l'auteur.


Depuis que l'accord «Gaza-Jéricho, d'abord», maintenant plus connu sous le nom de «déclaration de principes», a été signé le 13 septembre 1993, à Washington, par les représentants du gouvernement d'Israël et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), et scellé par une poignée de main symbolique entre le premier ministre Itzhak Rabin et le chef de l'OLP (aujourd'hui président) Yasser Arafat, des événements plus dramatiques survenus au Proche- Orient et sur la scène internationale sont venus renforcer la notion de réconciliation entre ces ennemis historiques et les ont poussés à s'engager de façon irréversible dans la réalisation d'une coexistence pacifique. Le processus de paix au Proche-Orient, qui avait semblé gagner du terrain en mai et juin, s'est pratiquement arrêté au coeur de l'été et n'a repris, sous la forme d'une nouvelle série d'accords, qu'à la fin d'août.

Dans les deux camps, les dernières séries de négociations et d'accords sont considérées comme la continuation du processus de paix au Proche-Orient commencé à Madrid en octobre 1991. Également vues comme faisant partie intégrante du plus vaste processus de paix multilatéral entre Arabes et Israéliens, elles doivent finir par être rattachées (en 1996) aux négociations d'un accord permanent qui mènera à l'application des résolutions 242 et 338 prises par le Conseil de sécurité de l'ONU en novembre 1967 et en octobre 1973 respectivement. Comme la déclaration de principes a été signée par les représentants des États-Unis et de la Fédération de Russie, elle représente manifestement un accord international. Ces accords de paix si durement gagnés suscitent tant l'euphorie que le scepticisme et, en général, l'euphorie se dissipe rapidement, tandis que le scepticisme persiste. Une évaluation de la première année d'existence de la déclaration de principes indique que ces deux sentiments existent toujours, même si l'euphorie a peut-être atteint son sommet.

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Récit de la première année: Une route parsemée d'efforts considérables

Dans la période euphorique qui a suivi la signature de la déclaration de principes, une sorte d'inertie involontaire s'est installée, qui a fait craindre que les prédictions de dérapage au moment de la mise en œuvre ne deviennent réalité. Même si les négociations en vue d'un accord transitoire sur l'autonomie ont commencé tout de suite après la signature de la déclaration de principes, elles se sont rapidement heurtées à divers obstacles, soit le désaccord sur le passage des frontières, la superficie réelle de la zone de Jéricho et la sécurité des colonies juives à Gaza. Compte tenu de cette impasse, le retrait des soldats israéliens de la bande de Gaza et de Jéricho n'a pu commencer à la date prévue dans la déclaration de principes, soit le 13 décembre 1993, ce qui a donné lieu à un concert de déclarations publiques dans les deux camps. Alors que le premier ministre israélien affirmait qu'il n'y a pas de dates sacrées, d'innombrables voix arabes et palestiniennes soutenaient qu'au contraire, ces dates étaient psychologiquement très importantes.

Toutefois, le 9 février, après trois jours de négociations tenues pendant presque 24 heures sur 24, un obstacle important a été franchi, et l'accord du Caire a réglé de nombreux points liés aux trois questions litigieuses susmentionnées. Cet accord prévoyait qu'à Gaza, des corridors relieraient les colonies juives à Israël et que des patrouilles mixtes de deux véhicules circuleraient dans ces corridors «sous la direction du véhicule israélien», tandis qu'à Jéricho des patrouilles semblables se feraient sous la direction du véhicule palestinien. Il accordait en outre aux Palestiniens le droit d'accès à deux lieux religieux situés sur le Jourdain, à l'extérieur de la ville, ainsi que le droit à un «passage sûr» pour se rendre dans une zone longeant la mer Morte ou des projets palestiniens sont prévus. Le point essentiel de l'accord avait trait à l'épineuse question du passage des frontières. Israël conservait le contrôle des postes frontières, y compris la nomination d'un directeur général chargé d'assurer la gestion et la sécurité de ces postes, ainsi que le droit de refuser l'entrée à qui que ce soit dans les zones palestiniennes. Un responsable israélien aurait dit : «Ils ont les symboles, nous avons le contrôle». (Globe and Mail, 10 février 1994). La superficie exacte du district qui sera compris dans la zone de Jéricho sera déterminée au cours de négociations ultérieures, tout comme la taille et les pouvoirs de la nouvelle force de police palestinienne et ses relations de travail avec les forces israéliennes.

Pendant que les politiciens et leurs équipes de négociation marchandaient, l'ambiance tendue qui résultait de leurs activités a été exploitée par les adversaires du processus de paix qui espéraient l'effondrement de celui-ci et qui étaient tout disposés à y contribuer. Il a été question du potentiel perturbateur des mouvements militants Kahane Chai et Kach en Cisjordanie dans un article prophétique du New York Times le 21 février 1994 (Joel Greenberg, «Jewish Militants Hope to Block Israel-PLO Plans»). Dans la semaine qui a suivi la signature de l'accord, un de ces militants, colon immigrant originaire de Brooklyn, est entré dans la mosquée d'Hébron et a tiré sur les fidèles musulman en prière, tuant vingt-neuf d'entre eux. Les retombées de cette atrocité étaient prévisibles. Ce genre de désastre polarise généralement les attitudes et les opinions et immobilise les actes visant à favoriser les compromis et la réconciliation. Bien que le premier ministre ait exprimé publiquement ses regrets et ses condoléances pour la douleur et les souffrances causées par un Israélien anormal, les pourparlers de paix ont été interrompus jusqu'à ce que l'autre camp se remette du choc et qu'une période convenable de deuil ait été observée.

Tout comme de nombreux Israéliens pouvaient voir dans le massacre des musulmans d'Hébron la vengeance horrible du meurtre, la semaine précédente, d'une Israélienne enceinte membre d'une colonie située près de la ville cisjordanienne de Naplouse, par le Mouvement de la résistance islamique palestinien [Hamas], les auteurs du dit meurtre affirmaient avoir agi pour venger le meurtre, un mois plus tôt, de trois de leurs enfants par les forces d'occupation israéliennes. Et la spirale de la violence et des effusions de sang s'est poursuivie lorsque les Palestiniens outrés ont envahi les rues des Territoires et que les soldats israéliens ont tiré sur eux, causant d'autres morts.

Les négociations entre Israël et l'OLP sur l'autonomie palestinienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza avaient déjà deux mois et demi de retard au moment du massacre d'Hébron. Selon la déclaration de principes, le retrait des forces israéliennes devait commencer le 13 décembre 1993 et se terminer le 13 avril 1994. Le non-respect de la première date aurait pu être compensé par l'accélération du processus de retrait, qui aurait permis de respecter la date fixée pour l'achèvement de ce retrait. Or, après le traumatisme d'Hébron, il s'est écoulé un mois avant que les négociations reprennent sérieusement. Les premiers signes d'un succès imminent dans les négociations sur l'autonomie sont apparus dans un protocole entre Israël et l'OLP sur les relations économiques qui a été signé à Paris le 29 avril et qui portait sur la politique monétaire, la politique en matière d'importation, la fiscalité, le travail, l'agriculture, le tourisme, la politique de fixation des prix du combustible et les assurances.

Comme un des objectifs de la déclaration de principes était de mettre fin à la spirale décourageante de la violence, l'incident d'Hébron a convaincu les Israéliens qu'il fallait conclure une autre entente, non prévue par la déclaration de principes, afin de protéger la population palestinienne contre d'autres attentats commis par des colons de Kyriat Arba. Un protocole d'entente sur la constitution d'une Présence internationale temporaire à Hébron (PTIH) a été signé à Copenhague, le 2 mai 1994, par les pays participants, soit le Danemark, l'Italie et la Norvège. Le 8 mai, une équipe internationale d'observateurs, composée de 117 Européens en uniforme blanc et non armés, a pris position à Hébron pour veiller à la sécurité des Palestiniens, au milieu des nuages de gaz lacrymogène lancé par les soldats israéliens contre les manifestants qui demandaient le départ des colons.

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L'accord sur l'autonomie (al-Hukm al-Dhati)

L'accord global entre le gouvernement israélien et l'OLP, attendu depuis si longtemps, a finalement été signé au Caire le 4 mai 1994. Il contenait, entre autres, les dispositions suivantes :

  • Le retrait accéléré des forces militaires israéliennes de la bande de Gaza et de la région de Jéricho devra commencer immédiatement et être terminé d'ici trois semaines.
  • Une Autorité nationale palestinienne (ANP), composée de 24 membres, sera constituée et assumera les pouvoirs législatifs et exécutifs, dont l'exercice de fonctions juridiques.
  • L'ANP créera une force de police de 9 000 membres qui sera chargée d'assurer l'ordre public et la sécurité interne dans les régions évacuées par les Israéliens.
  • Les deux camps conviennent de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les actes de terrorisme, les crimes et les hostilités les visant l'un l'autre, y compris l'organisation de patrouilles mobiles mixtes composées d'Israéliens et de Palestiniens, et la prise de mesures judiciaires contre les délinquants.
  • Israël et l'ANP chercheront à encourager la compréhension mutuelle et la tolérance, s'abstiendront de toute provocation et propagande hostile, et, compte tenu des paramètres de la liberté d'expression, prendront des mesures juridiques pour prévenir toute provocation.
  • Les deux camps acceptent une présence internationale temporaire (PIT) dans la bande de Gaza et à Jéricho, qui sera composée de 400 personnes qualifiées, dont des observateurs, des instructeurs et d'autres experts venant de cinq ou six pays donateurs. (Brouillon du Foreign Broadcast Information Service, 033 3 mai 1994).

L'accord conclu le 4 mai 1994 par Israël et l'OLP a été évalué de façons diverses, selon les idées préconçues des personnes touchées dans les deux camps. Les radicaux et les opiniâtres y ont vu la confirmation de leurs craintes, à savoir qu'ils obtiendraient surtout des symboles et très peu de substance, alors que, pour Yasser Arafat et ses conseillers, les deux cent cinquante pages de l'accord, y compris les annexes, représentaient la meilleure entente qu'ils pouvaient conclure. Du point de vue israélien, la logique de cet accord était de préserver la sécurité d'Israël tout en offrant aux Palestiniens suffisamment d'autonomie pour permettre une amélioration de leur situation sociale et économique. En conséquence, plus de gens, dans les deux camps, accepteraient le principe de la cession de territoires en échange de la paix par le biais de négociations et renonceraient à la poursuite du statu quo ante avec domination des armes. Quant aux radicaux israéliens, ils ont vu dans l'accord ce qu'ils croyaient être un programme pour l'établissement progressif d'un État palestinien, c'est-à-dire la réalisation de leur pire cauchemar.

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La nouvelle autorité autonome «en probation»

Un thème fréquent dans les Commentaires sur cet accord soulignait l'idée que l'autorité autonome nouvellement autorisée s'était elle-même placée dans une position de mise à l'essai et devait faire l'objet de tests et d'évaluations, un peu comme un nouvel employé qui sera jugé acceptable ou renvoyé après les six ou douze premiers mois. Cette perception a fait dire à un analyste que l'OLP, seule parmi tous les mouvements anticoloniaux modernes, avait capitulé devant l'occupation coloniale avant même la défaite et le départ obligé des forces d'occupation. (Edward Said, «Victors and Vanquished», al-Hayat, 18 juillet 1994, p. 15). La réalité et la logique du pouvoir donnent à penser que l'OLP, en tant qu'élément dominant de la nouvelle autorité autonome, est en fait à l'essai et sera testée et évaluée par deux employeurs : les vainqueurs, qui voudront être sûrs que l'OLP pourra gérer les services policiers dans les territoires qu'ils évacuent et y assurer l'ordre et la sécurité; et les Palestiniens de ces territoires, qui voudront savoir si l'OLP peut aussi leur fournir l'éducation, l'infrastructure, les soins de santé et, surtout, les emplois dont Gaza et la Cisjordanie ont besoin.

Jusqu'à maintenant, la nouvelle autorité autonome a réussi le test de son premier employeur, même si les critères d'évaluation et le barème de correction ont dû être révisés et expliqués en détail pendant la période d'essai. Elle a subi de fortes tensions, qui ont souvent été exprimées par le Président lui-même. Ainsi, au début d'août, dans une entrevue accordée à un journal israélien, Yasser Arafat a déclaré : «Je suis désespéré. L'instant de vérité est arrivé, et les sonneries d'alarme retentissent. Je trouve de plus en plus difficile de continuer à vivre dans cette situation, et il risque d'y avoir une explosion. Tous les jours, nous subissons une nouvelle humiliation, qui est pire que la précédente. Je ne sais vraiment pas si je pourrai continuer ainsi longtemps». Le candidat épuisé peut penser qu'il a entendu la cloche marquant la fin de l'examen, mais il reste encore quatre années avant la fin de la période d'essai, lorsque le jugement et le rapport final seront remis. Arafat et ses aides devront trouver de nouvelles ressources de résistance et d'acceptation s'ils ne veulent pas se retirer prématurément. Ni substitut ni représentant ne peut faire ce test.

Par contre, la capacité de la nouvelle autorité à passer le test qui consiste à bien gouverner au niveau local semble susciter beaucoup plus d'incertitude. Les dirigeants palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, qui ont passé plus de deux ans à planifier en détail la prise du pouvoir, étaient profondément conscients en mai qu'il leur fallait bien servir les habitants de ces régions et ils s'inquiétaient des conséquences d'un échec. En effet, comme la valeur de l'accord n'est guère convaincante, s'il n'y a pas de signes rapides et manifestes d'amélioration de la vie quotidienne ou une lumière quelconque au bout du tunnel, de nombreux Palestiniens désillusionnés pourraient de nouveau recourir aux couteaux et aux fusils. Le problème réside peut-être dans la définition des termes : quelles améliorations et quelle lumière seront suffisantes?

L'existence de rapports selon lesquels il commence à y avoir des sentiments de désillusion chez les Palestiniens de Gaza et de Jéricho (Le Monde, 10 août 1994) donne à penser que certains attendaient peut-être d'un gouvernement autonome des résultats extraordinaires et irréalistes. Ceux qui administreront ces territoires, qu'il s'agisse d'un nouveau groupe de dirigeants ou de tout autre groupe, devront avoir des talents remarquables pour pouvoir assurer une infrastructure et un système d'éducation et fournir des logements et des emplois à une grande partie de la population, en trois ans, sans parler de trois mois, et ce, même si les «pays donateurs» versent les fonds qu'ils ont promis. Il est peu probable, vu son orientation idéologique antérieure et son long passé d'organisateur politique et de chef militaire, qu'il y ait beaucoup de progrès économiques pendant que le président Arafat assumera le pouvoir (Alan Bock, Calgary Herald, 9 août 1994), à moins qu'il ne se montre exceptionnellement disposé à suivre les conseils non seulement de ses conseillers financiers, mais aussi d'entrepreneurs palestiniens créatifs.

La mesure unique la plus positive que les nouvelles autorités autonomes peuvent prendre pour encourager le développement économique et l'esprit d'entreprise est peut-être de veiller à ce que le gouvernement temporaire appuie fermement le droit à la propriété privée et établisse un système juridique juste pour régler les différends contractuels. Les services de police et de justice qui existent actuellement dans les enclaves autonomes sont chaotiques. Il faut que la garde présidentielle, la police, la protection civile, les forces de sécurité nationales, le renseignement général et les services de la sécurité préventive aient tous des définitions légales claires de leurs fonctions et de leurs secteurs de compétence, afin que chacun d'eux connaisse ses limites et que les citoyens sachent à qui se plaindre en cas d'abus. Le président Arafat et ses partisans devront peut-être continuer de se rappeler qu'ils ont accepté la déclaration de principes et l'accord du Caire, et que, peu importe le nom qu'on lui donne ou la façon dont on l'aborde, l'autonomie n'est pas l'indépendance et ne leur permet pas d'exercer toutes les attributions de la souveraineté nationale. Ils devront cependant, dans les domaines où ils en ont le droit, agir de façon décidée et dissiper toute confusion.

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Constitution d'un État autonome : L'Autorité nationale palestinienne

La première et la plus importante tâche que Yasser Arafat et l'OLP ont dû assumer après la signature de la déclaration de principes et de l'accord du Caire a été de constituer une Autorité nationale palestinienne (ANP) et d'en faire le lieu du pouvoir administratif légitime et par la suite législatif dans les territoires cédés par Israël. L'OLP et ses dirigeants, qui avaient passé plus de trois décennies à lutter pour la libération nationale, devaient maintenant diriger une administration politique équitablement et efficacement, par le biais d'institutions et d'organismes publics. Pour créer de fond en comble une institution quasi-gouvernementale, il fallait de nouvelles attitudes, de nouveaux fonds et de nouveaux cadres qualifiés qui n'existaient pas au sein de l'OLP. La capacité de Yasser Arafat et de ses aides à se transformer de révolutionnaires endurcis en politiciens démocrates suscitaient bien des doutes, non seulement chez les Israéliens, mais aussi chez d'autres Arabes et même chez des Palestiniens. À la fin de la première année d'existence de la déclaration de principes, ces doutes existent toujours et continueront de hanter le président Arafat jusqu'à la tenue des premières élections avant la fin de l'année en cours.

Le dérapage qui a retardé la signature de l'accord du Caire a également entraîné le report de la constitution d'un conseil administratif ou ANP. La liste provisoire des 25 personnes désignées pour faire partie de ce conseil n'était pas prête le 4 mai, au moment de la signature de l'accord. Peu après, Yasser Arafat a entrepris une tâche difficile, c'est-à-dire convaincre un certain nombre de Palestiniens en vue, membres ou non de l'OLP et venant de l'intérieur et de l'extérieur des territoires, d'accepter une nomination à la nouvelle autorité autonome. Il était prévu initialement que le nouvel organisme compterait quinze personnalités de l'intérieur des territoires et dix de l'extérieur, y compris deux femmes de chaque côté.

Des personnages clés du mouvement palestinien dans les territoires, tels Fayçal Husseini, Saëb Erakat et Hanane Achraoui, ont d'abord dit avoir l'intention de refuser d'être nommés à l'ANP, soit parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec certains points de l'accord du Caire, soit parce qu'ils désapprouvaient le style autocratique de leadership de Yasser Arafat. Tous trois ont fini par se laisser convaincre d'accepter, soit par Arafat lui-même qui les a priés de ne pas l'abandonner «à ce moment critique», soit par la base du Fatah en Cisjordanie qui les y a fortement incités. Depuis, Mme Achraoui a renoncé à participer à l'ANP et se consacre maintenant à la surveillance du respect par l'ANP des droits démocratiques et des droits de la personne.

Lorsque la première rencontre officieuse de l'ANP a eu lieu à Tunis les 26 et 27 mai, sous la présidence d'Arafat, la liste provisoire des membres était toujours en cours d'établissement. Toutes les personnes désignées ont été acceptées par le comité exécutif de l'OLP et naturellement approuvées par Israël. Il a été décidé de créer 22 ministères ou «portefeuilles» pour les membres qui ont prêté un serment d'office préliminaire le 27 mai. Le premier gouvernement autonome palestinien a été décrit comme une coalition du Fatah, d'indépendants, du Parti de la fédération démocratique palestinienne de Yasser Abd-Rabbuh (FIDA) et du Front de lutte populaire palestinien de Samir Ghocheh. Trois groupes n'y sont pas représentés, soit les mouvements islamistes Hamas et Jihad islamique, et l'ancien parti communiste, le Parti populaire palestinien.

La première séance de l'ANP dans la région de Gaza-Jéricho a eu lieu le 26 juin, au complexe des ministères du gouvernement dans la ville de Gaza, avant qu'Arafat lui-même ait fait une première apparition. Il y a été question des préoccupations centrales du nouvel organisme, c'est-à-dire ses sources de fonds et la situation de l'aide venant des pays donateurs, en consultation avec une équipe de la Banque mondiale, ainsi que de la situation des détenus et prisonniers qu'Israël doit libérer. Selon le ministre du Plan de l'ANP, Nabil Chaath, l'ANP allait tenir sa prochaine réunion le 3 juillet à Jéricho, puis se réunirait toutes les semaines à Jéricho et à Gaza en alternance. Toutes les séances subséquentes de l'ANP ont été présidées par Arafat ou par un remplaçant nommé par ce dernier.

Une question liée à l'avenir de l'ANP concerne ses relations avec le Conseil national de Palestine (CNP), dont le président, cheik Abd al-Hamid al-Sa'ih, n'a pas été autorisé à rentrer par Israël, et avec le Conseil central de l'OLP, dont plusieurs membres se sont également vu refuser le droit de rentrer. Il semble fort probable qu'au début, le pouvoir et la légitimité de l'ANP découleront en grande partie de l'approbation des Israéliens par voie d'accord et des réalisations sur le terrain, jusqu'à ce que des élections soient organisées et que la volonté populaire s'exprime. Dans l'intervalle, les anciens organismes de la diaspora pourront se démanteler tranquillement. La légitimité de l'autorité gouvernementale et administrative palestinienne, qu'elle existe dans le cadre de l'autonomie ou en tant qu'État indépendant, dépendra de la libre utilisation du processus électoral et d'autres procédures démocratiques.

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Arafat à Gaza et à Jéricho : Le retour au pays

Il était implicite dans la déclaration de principes et dans l'accord du Caire qu'à un moment donné, l'OLP et son chef quitteraient Tunis, où ils s'étaient réinstallés après leur expulsion de Beyrouth par Israël en 1982, et emménageraient dans les régions autonomes palestiniennes de Gaza et de Jéricho. Lorsqu'en mai et juin, Israël a commencé à retirer ses soldats de ces régions ou à les redéployer, des membres de la nouvelle force de police palestinienne sont venus les remplacer. Le vendredi 1er juillet, Yasser Arafat est enfin venu à Rafah, à Gaza, où il a été chaleureusement accueilli par les Palestiniens rassemblés là pour célébrer son retour qui avait tant tardé. D'abord prévu pour le samedi, le retour officiel d'Arafat a été avancé d'une journée afin d'accéder à la demande du grand rabbin d'Israël, Eliahu Bakshi-Doron, à savoir tenir compte des sentiments des juifs pratiquants et s'efforcer de ne pas arriver le jour du sabbat. (Tel Aviv, IDF Radio 11:30 GMT 30 juin 1994, dans le FBIS 047 du 30 juin 1994).

Cet événement avait une grande importance, dont la plus grande partie a été perdue dans l'émotion et le symbolisme de la fanfare et de la cérémonie. Dans le discours émotionnel qu'il a prononcé à l'occasion de son retour sur le sol palestinien après presque trente ans, Arafat a rappelé les martyrs d'Hébron et abordé le sujet tabou d'une visite à Jérusalem, peu après, pour aller prier à la mosquée Al-Aksa. Il a promis de poursuivre la lutte et d'agrandir le territoire autonome de la patrie palestinienne, et manifesté son intention de constituer un État démocratique dans toute la Cisjordanie et la bande de Gaza. «Les défis sont nombreux, mais je suis sûr que, grâce à la coopération avec nos voisins les Israéliens et à la coordination de nos actions, nous pourrons protéger la paix des braves et mettre en place fidèlement et honnêtement ce qui a été approuvé.»

Diverses raisons ont été données pour expliquer le retard apparent de la décision d'Arafat à emménager à Gaza-Jéricho. Une des principales préoccupations des Israéliens devait avoir trait à la sécurité et à la préparation par les Palestiniens des tâches administratives de base, dont le paiement des salaires des policiers et des fonctionnaires. Les porte-parole palestiniens se sont constamment dits consternés par le fait que les pays donateurs ne respectaient pas leur engagement de fournir les fonds nécessaires à l'organisation et au fonctionnement de l'autorité autonome. Une somme totale de 2,4 milliards de dollars avait été promise à la nouvelle administration pendant la période transitoire de cinq ans, et 675 millions de dollars devaient être versés cette année. Se servant de la question de son retour pour exercer des pressions sur la communauté internationale afin que celle-ci satisfasse ses besoins financiers, Arafat a réussi à obtenir un supplément de 40 millions de dollars, mais non les 70 millions qu'il espérait. À la fin de la première année d'existence de la déclaration de principes, quelque 80 millions de dollars avaient été remis aux cercles financiers palestiniens.

L'importance du retour d'Arafat en Palestine a été reflétée dans les nombreuses réactions qu'il a suscitées. Pour le président égyptien Moubarak, il s'agissait d'un événement historique. Shimon Pérès y a vu un développement positif pour les Israéliens et les Palestiniens, et Ariel Sharon, un jour de honte pour Israël. Le Hamas a parlé de souffrance, car ce retour s'était fait avec la permission et sous la supervision d'Israël. Un groupe dissident du Fatah a dénoncé la visite d'Arafat, la disant «coordonnée avec l'ennemi sioniste», tandis que le communiqué du Front de lutte populaire palestinien (FLPP) en provenance de Damas intervenait en disant qu'elle avait eu lieu «sous les auspices de l'occupation sioniste». Un Commentaire du Front populaire de libération de la Palestine - Commandement général (FPLP-CG) n'a guère suscité de surprise en qualifiant le retour d'Arafat de «visite à Gaza à la Sadate», parce que ce retour avait été coordonné avec le régime égyptien. Comme il était prévisible, Téhéran a condamné cette visite dans un Commentaire officiel, parce qu'elle se faisait «avec la permission du régime usurpateur et ne (découlait) pas de la souveraineté nationale palestinienne». L'opposition locale et régionale à la déclaration de principes est considérable et constitue une menace possible pour son succès final, mais il n'est guère probable qu'elle perturbe le processus qu'elle prévoit dans l'immédiat.

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La déclaration de Washington : Israël et la Jordanie s'engagent à faire la paix

Sur le plan des relations bilatérales, le processus de paix au Proche-Orient a fait un grand pas en avant les 25 et 26 juillet, lorsque le roi Hussein de Jordanie et le premier ministre israélien Rabin se sont rencontrés à Washington, lors d'une séance mixte du Congrès à la Maison Blanche, pour annoncer la fin de l'état de guerre entre leurs deux pays et déclarer leur intention d'arriver rapidement à un accord de paix totale. Les deux hommes ont échangé de nouveau une poignée de main symbolique, comme ils l'avaient fait près de onze mois plus tôt au même endroit, Yasser Arafat et le président des États-Unis se tenant entre eux. Cette fois, le dirigeant israélien a semblé y mettre plus de coeur.

Malgré la fanfare et le brouhaha, il y avait un net sentiment de déjà-vu parmi les anciens du Proche-Orient. Venu à Washington en visite privée en juin, le roi Hussein avait fait part de son intention de tenir des négociations bilatérales directes avec Israël, sans tenir compte de ce qui se passait entre Israéliens et Syriens ou entre Israéliens et Libanais, rompant ainsi ouvertement avec le principe de la solidarité et de la coordination arabes qui avait été accepté avant les pourparlers de Madrid. Bien que le ministre israélien des Affaires étrangères ait affirmé que c'était là une «percée de premier ordre, un moment décisif au Proche-Orient», des observateurs expérimentés et bien des membres du grand public au Proche-Orient savaient que le roi rencontrait secrètement les dirigeants israéliens depuis des années et désirait ardemment pouvoir un jour s'entendre avec eux publiquement, sans se sentir restreint par la question palestinienne. «Les relations entre le royaume hachémite de Jordanie et les dirigeants d'Israël constituaient depuis longtemps une romance clandestine, qui se déroulait par épisodes». (Gideon Rafael, International Herald Tribune, 3 août 1994).

La démarche du roi Hussein pour établir la paix totale avec Israël avant que la déclaration de principes et l'accord du Caire aient donné des résultats plus concrets était un risque calculé. De nombreux Jordaniens, en particulier ceux qui sont d'origine palestinienne, ont réagi négativement lorsqu'ils ont appris que des pourparlers avaient eu lieu entre Israël et la Jordanie le 18 juillet. Un porte-parole du Front d'action islamique, deuxième groupe le plus important au parlement jordanien, aurait déclaré : «Ce qui se passe aujourd'hui et ce qui suivra est une source de grande peine et de grande tristesse, et contredit totalement ce que nous avons toujours appris». (Agence Reuter, 0284 18 juillet 1994). Le gouvernement a interdit les rassemblements publics et les manifestations d'opposition mais, dans leur sermon du vendredi à la mosquée, plusieurs prédicateurs ont condamné les pourparlers de paix.

La lecture attentive de la déclaration de Washington révèle qu'il ne s'agit pas d'une simple déclaration d'intention visant à mettre fin à l'état de guerre, mais bien d'un engagement à faire la paix. Le roi Hussein a d'ailleurs confirmé cet engagement de vive voix, dans les Commentaires qu'il a faits lors de la conférence de presse commune qui a eu lieu dans la Salle de l'Est après la cérémonie de signature. Malgré la question non réglée du territoire à récupérer et la question fort épineuse de la réinstallation des réfugiés, il semble bien que la Jordanie ait déclaré publiquement son intention de faire la paix avant que les détails de ses différends avec Israël soient négociés, ce qui n'est certainement pas une stratégie très avisée vu sa situation de faiblesse relative. Au moment de la photo à Washington, elle avait peut-être pour objectif d'obtenir un accueil sympathique à l'idée que le Congrès lui fasse grâce de sa dette et lui fournisse à l'avenir une aide économique et militaire.

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Il reste une foule de problèmes à régler

Il est évident que les mesures susmentionnées sont, en soi et dans l'ensemble, une preuve tangible d'un pas en avant dans le processus de paix au Proche-Orient, mais elles ne sont que la première étape d'un long voyage qu'il faudra plusieurs années pour terminer. Beaucoup se demandent si le processus de paix au Proche-Orient, commencé à Madrid en 1991, est maintenant autonome et irréversible, ou s'il aura besoin d'autres appuis de l'extérieur et s'il risque toujours de succomber aux attaques de ses ennemis.

Pour répondre brièvement, disons que le processus général est probablement suffisamment avancé pour continuer sur son élan, mais qu'il aura besoin du soutien de ses amis pour progresser et atteindre ses objectifs finals dans les délais. Un attentat terroriste en Israël ou dans les régions palestiniennes autonomes pourrait l'interrompre, mais non le contrecarrer complètement. Le plus grand danger qui pèse sur lui est d'être perçu par la majorité dans les territoires autonomes comme un processus qui n'apporte pas les changements et les avantages que beaucoup attendaient, mais qui glisse tranquillement vers le chaos. Un examen de quelques-uns des principaux obstacles auxquels le processus de paix fait encore face montre bien que la route vers la paix sera rocailleuse.

1. Syrie : Est-elle encore de la partie?

Au sujet du processus de paix au Proche-Orient, la croyance populaire estime que toutes les parties aux pourparlers de Madrid sont d'accord que le principe voulant qu'elles cherchent toutes un accord de paix juste et global pour l'ensemble de la région, c'est-à-dire un accord entre Israël et tous ses voisins arabes, pas seulement les Palestiniens, mais aussi les Jordaniens, les Libanais et les Syriens. Jusqu'ici, il n'y a guère eu de progrès dans les relations entre Israël et la Syrie, et c'est le marasme. Les entretiens face-à-face entre les deux camps sont suspendus depuis février. Israël chercherait un moyen de reprendre secrètement des discussions directes. À l'été, les deux camps ont dû se contenter de la diplomatie par l'intermédiaire du secrétaire d'État américain Warren Christopher. Un axiome de cette diplomatie est le fait qu'il n'y aura pas de paix viable au Proche-Orient si la Syrie n'est pas totalement engagée dans le processus.

Les positions des deux États sur leurs différends ont peu changé au cours des onze séries d'entretiens tenus à Madrid. La Syrie veut recouvrer le plein contrôle du plateau du Golan, dont Israël s'est emparé pendant la guerre des Six Jours en 1967 et qui est habité par près de dix mille Israéliens. Avant de discuter du genre de paix qu'elle est prête à accepter, elle veut qu'Israël s'engage à lui rendre ce territoire et à se retirer de la région qu'il occupe au Sud-Liban. Israël reconnaît la souveraineté de la Syrie sur le Golan, mais il envisagera de s'en retirer progressivement en quelques années uniquement lorsque les conditions de l'accord de paix avec la Syrie auront été confirmées. En tant que principale éminence grise au Liban, où elle compte 35 000 soldats répartis dans tout le pays, la Syrie coordonne avec le Liban ses démarches liées aux pourparlers de paix arabo-israéliens.

Un an après la signature de la déclaration de principes, l'avenir des pourparlers entre la Syrie et Israël est incertain. Les échanges récents n'ont donné lieu à aucun progrès tangible, mais il y a des discussions sérieuses sur tous les sujets en jeu par le biais d'intermédiaires. Le 7 août, le secrétaire d'État Christopher s'est entretenu avec le président syrien Hafez el-Assad pendant cinq heures, mais il n'a rien laisser filtrer du contenu de leurs entretiens, sinon pour dire qu'ils travaillaient à préparer un accord. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Faruq al-Shar', affirme que la question du retrait total (des Israéliens) n'est pas négociable, mais que tous les autres sujets le sont. En attendant, les Syriens estiment que les Libanais exercent un droit légitime lorsqu'ils opposent de la résistance aux forces d'occupation israéliennes dans le Sud-Liban. Au cours de la première semaine d'août, il y a eu amélioration des relations entre les Israéliens et les Syriens, lorsque les Israéliens ont détecté une coopération inhabituelle de la part de la Syrie qui a aidé à mettre fin aux attaques à la roquette des milices du Hezbollah au Sud-Liban contre le nord d'Israël.

Il est peu probable que le président syrien Hafez el-Assad prenne des mesures prématurées au sujet de la paix avec Israël à la suite d'initiatives ou de progrès dans les autres camps. La Syrie a toujours estimé que, dans les négociations avec Israël, une position arabe commune et coordonnée serait la plus avantageuse pour tous, en particulier les camps plus petits et plus vulnérables. En raison de sa superficie et de son poids économique, la Syrie pourrait toujours jouer un rôle influent dans la région. Maintenant que les Palestiniens et les Jordaniens (longtemps après les Égyptiens) ont brisé la règle de la coordination (tansiq), la Syrie peut se permettre d'attendre le bon moment pour obtenir l'accord qu'elle veut. Contrairement à la Jordanie, il semble que la Syrie préférerait négocier des éléments des détails avant d'échanger une poignée de main avec Israël.

Il s'agit maintenant de trouver comment sortir de l'impasse et reprendre le dialogue. Les dirigeants syriens essaient sans doute de préparer la population à l'idée de la paix avec Israël, sinon ils n'auraient pas autorisé la télévision nationale à diffuser en direct la cérémonie dans la roseraie de la Maison Blanche, y compris la poignée de main entre le roi Hussein et Itzhak Rabin le 25 juillet, ni le discours du premier ministre israélien au Congrès, y compris la partie en hébreu. Il faudra plus que quelques télédiffusions pour convaincre la population syrienne que son poids et son rôle dans la région sont reconnus et protégés. Ce rôle est d'ailleurs un facteur de stabilité essentiel dans la région. L'atout de la Syrie est sa capacité à exercer une influence positive au Liban et à persuader les factions libanaises, surtout le Hezbollah, à ne pas s'opposer à une solution définitive. Son influence au Sud-Liban sera encore nécessaire même après la conclusion d'un accord.

Si l'impasse israélo-syrienne dure indéfiniment, elle comporte des risques pour les deux camps. En juin, la radio israélienne a rapporté que le premier ministre Rabin avait dit au Comité des affaires étrangères et de la défense de la Knesset qu'il était préoccupé par l'accumulation d'armes en Syrie et par l'empressement du président russe Eltsine à continuer de fournir à Damas des pièces militaires de rechange et même des missiles sol-sol SA 10, à la condition que le remboursement de la dette se poursuive comme prévu. Rabin aurait ajouté : «S'il n'y a pas d'accord d'ici deux ou trois ans, je recommanderai d'accorder de fortes sommes d'argent aux forces de défense israéliennes afin qu'elles puissent se préparer à une guerre éventuelle». (Foreign Broadcast Information Service, 097 28 juin 1994). Quelques jours plus tôt, il avait prédit que, faute d'un compromis territorial avec la Syrie, «la guerre éclaterait dans trois, cinq ou huit ans». (Agence France Presse, 0174 23 juin 1994). Le ministre des Affaires étrangères Pérès croit depuis longtemps qu'Israël devra se retirer complètement du Golan dans le cadre d'un accord avec la Syrie et qu'il n'y aura une percée dans les pourparlers avec la Syrie que si le concept israélien change.

La Syrie court aussi des risques évidents. Le président Assad aimerait récupérer le Golan avant de mourir, mais sa santé est défaillante depuis quelque temps. Il peut attendre, mais pas trop longtemps, car il pourrait disparaître avant qu'un accord soit conclu. Comme la Syrie est une société relativement fermée et n'est l'affaire que d'un homme sur le plan politique, il y aura nécessairement des luttes intestines à la mort du roi, puisque son fils Basil le successeur qu'il s'était choisi, est décédé. Le roi hésite peut-être aussi parce qu'il est évident qu'un accord de paix global avec Israël, qui comportera l'ouverture des frontières au commerce, au tourisme et aux communications, mettra la population syrienne en contact avec des choix démocratiques qu'elle n'a pas actuellement. De plus, à la suite de la conclusion d'un accord de paix avec Israël prévoyant que la Syrie contiendra et désarmera le Hezbollah, celle-ci risque de voir se détériorer ses relations normalement bonnes avec son allié régional et le grand patron du Hezbollah, la République islamique d'Iran.

Pour toutes ces raisons, les deux camps subissent des pressions pour reprendre leurs contacts directs et inciter leurs diplomates à trouver de nouvelles formules linguistiques qui sauveront la face mais atteindront leurs objectifs mutuels. Ceci ne se produira pas bientôt, mais il est possible d'espérer une démarche positive sur ce front d'ici la fin de l'année, compte tenu surtout des efforts empressés du secrétaire d'État pour rapprocher les deux camps. Si cette expression fantôme, «position arabe commune», signifie encore quelque chose, comme permettent de le supposer les allusions fréquentes au principe de la «paix globale» (al-salam al-shamil), la signature de l'accord de paix entre Israël et la Jordanie coïncidera peut-être avec une percée dans les pourparlers entre Israël et la Syrie ou aura peut-être lieu à peu près à ce moment-là. La paix finira peut-être par être «globale», mais elle se fera petit à petit et séparément, comme Israël l'a toujours voulu. Comment pourrait-il en être autrement dans un monde arabe plus divisé et plus partagé que jamais?

2. Jérusalem : Le noeud gordien arabo-israélien

Au cours d'une entrevue qu'il a accordée le 22 juillet, le ministre jordanien de l'Information, Jawad al-Anani, a répondu à son interlocuteur par une litote lorsqu'il a dit : «...la question de Jérusalem, comme vous le savez, est beaucoup plus sensible et compliquée qu'elle ne le paraît». Les Israéliens et les Palestiniens ont compris depuis longtemps que c'est la question de la ville de Jérusalem qui mettra le plus à l'épreuve leur désir d'arriver à un accord pacifique les uns avec les autres. Pour cette raison, les parties à l'accord d'Oslo ont convenu de n'aborder ce sujet, ainsi que plusieurs autres, qu'au cours de la dernière phase des négociations de paix, dans deux ans. Les deux camps sont profondément attachées à cette ville et à ses lieux saints, et ont tous deux des revendications qui semblent à première vue incompatibles et irréconciliables. Malheureusement pour eux, la question continuera de se poser et de s'imposer prématurément.

Depuis qu'il s'est emparé de la partie est de la ville pendant la guerre des Six Jours en 1967, Israël estime que Jérusalem unifiée est la capitale éternelle de l'État juif, maintenant et toujours, et ne peut jamais plus être morcelée ou subdivisée. La population arabo-palestinienne est maintenant minoritaire à Jérusalem, même dans le vieux secteur est où elle vit en grande partie. Il ne peut y avoir dans la ville qu'une souveraineté et qu'une administration civile, et elles seront israéliennes et juives, bien qu'il soit entendu que les droits des minorités religieuses seront pleinement protégés. Les Palestiniens, quant à eux, pensent que Jérusalem doit logiquement devenir la capitale de l'autorité autonome qu'ils sont en train de constituer, avec l'approbation tacite d'Israël, qu'elle abrite de nombreux lieux saints chrétiens et musulmans sur lesquels eux et leurs ancêtres exercent un contrôle depuis des siècles, et qu'elle est le siège d'un grand nombre de leurs organisations nationales et de leurs institutions d'État embryonnaires.

Les dernières tensions associées à ces revendications antagoniques ont été provoquées par Arafat lui-même dans le discours qu'il a prononcé le 10 mai dans une mosquée de Johannesburg et dans lequel il demandait une jihad pour la libération de Jérusalem. Comme le mot jihad a des sens différents, dont l'un est une «campagne militaire» pour promouvoir l'islam, Arafat a dû faire face à l'intense indignation de nombreux Israéliens et expliquer qu'il avait seulement voulu parler d'une «lutte pacifique» pour regagner les droits territoriaux et religieux perdus dans la Ville sainte pour tous les Palestiniens. La tempête de protestations provoquée par la question de Jérusalem et de son avenir est restée d'actualité en raison du retour de la police palestinienne et des dirigeants de l'OLP dans les enclaves autonomes, ainsi que du discours qu'Arafat a prononcé à Gaza à l'occasion de son retour au pays et dans lequel il a juré de poursuivre ses efforts pour regagner la patrie palestinienne jusqu'à ce qu'il atteigne Jérusalem. En réaction, le maire de Jérusalem et membre du Likoud, Ehud Olmert, a déclaré qu'il rassemblerait un million de personnes pour empêcher Arafat d'entrer dans la ville, y compris de nombreux juifs de la diaspora qui viendraient du Canada et des États-Unis par gros porteurs. L'affaire n'est qu'une question de temps puisque le premier ministre israélien a reconnu plus tard qu'Arafat avait le droit de visiter la ville, au même titre que tout autre croyant.

Le 25 juillet, la question de Jérusalem a de nouveau été mise en vedette à la suite de la déclaration de Washington dans laquelle Israël et la Jordanie indiquaient vouloir régler pacifiquement leurs différends. Dans ce document, le gouvernement israélien attribuait aux autorités jordaniennes un rôle spécial dans l'administration et l'entretien des lieux sacrés musulmans à Jérusalem, une mesure jugée inopportune et provocatrice par le camp palestinien. Les explications compliquées données sur la signification de cet article dans la déclaration israélo-jordanienne n'ont pas réussi à calmer les inquiétudes des Palestiniens, et les relations entre le roi Hussein et Yasser Arafat seraient toujours tendues. L'avenir du processus de paix au Proche-Orient n'est pas menacé par cette situation, mais sa poursuite fructueuse nécessite un effort additionnel de la part des deux dirigeants pour se réconcilier devant leurs publics.

3. Les colonies : Un obstacle à la paix

Depuis la conquête de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël pendant la guerre des Six Jours en 1967, presque tous les gouvernements israéliens, sinon tous, ont eu pour politique officielle d'encourager des juifs à aller peupler ces territoires. Aujourd'hui, de 100 000 à 130 000 colons sont installés dans quelque 140 colonies, parmi plus d'un million de Palestiniens. Il y a également 10 000 colons sur le plateau du Golan, lequel sera rendu aux Syriens après la conclusion d'un accord entre Israël et la Syrie. Ces colonies qui, au début, étaient généralement considérées comme un obstacle à la paix entre Israël et ses voisins arabes, sont maintenant vues comme un obstacle à l'exécution des accords écrits qui ont été conclus entre Israël et un bon nombre de ses voisins arabes et dans lesquels figure l'idée de la paix.

Selon les estimations du groupe de pression israélien Paix Maintenant, installer ces colons dans de nouveaux logements en Israël coûterait 100 000 $ par unité résidentielle, soit en tout 2,5 milliards de dollars. Leur évacuation graduelle sur une période de cinq ans—pendant lesquels l'accord permanent est censé devenir réalité—coûterait 500 millions de dollars par année, ce qui représente moins de 1 % du PNB d'Israël. Paix Maintenant a donc recommandé en mars que le gouvernement israélien commence immédiatement à réinstaller ailleurs les colonies des régions dont le contrôle est transféré aux Palestiniens et fasse tout son possible pour négocier le dédommagement pour les unités résidentielles dans les territoires qui ont été transférés aux Palestiniens. Le groupe était d'avis que, si le gouvernement ne réglait pas rapidement la question des colonies dès le début de la période de transition, il risquait d'y avoir des obstructions et des crises qui entraveraient le processus de paix avec les Palestiniens—compte tenu des affrontements sanglants dans les territoires—et nuirait à la poursuite du mandat du parti travailliste après les prochaines élections.

Dans l'intervalle, on craint toujours dans les cercles palestiniens qu'Israël essaie de repousser la Ligne verte vers l'est en agrandissant les colonies existantes, surtout près de Jérusalem, et crée ainsi une continuité territoriale qu'il affirmera ne pas pouvoir rediviser lors des négociations finales sur les frontières. Malgré les démentis officiels de tout projet d'expansion des colonies, les membres de l'OLP qui surveillent les activités de colonisation affirment que l'administration civile de la Cisjordanie a en fait un plan, dont la mise en oeuvre a commencé dans la région de Ramallah, pour confisquer 2 100 dunams (1 dunam=1 000 m²) de terres agricoles arabes et agrandir ainsi les colonies de Nahli'el et de Dolev. Le Canal 2, réseau d'informations de la télévision de Jérusalem, a annoncé récemment qu'il avait obtenu un document de l'administration civile détaillant les activités d'expansion prévues dans les colonies. (FBIS, 082 8 septembre 1994).

En même temps, le représentant officiel de l'OLP Farouk Kaddoumi a affirmé qu'Israël reportait le retrait de ses soldats des autres parties des territoires occupés, ce qui empêchait le versement des fonds des donateurs et retardait la constitution de l'autorité palestinienne dans la région. Cette procrastination peut bien convenir au camp israélien à ce moment-ci, car les étapes suivantes l'obligeront à retirer ses forces de sécurité des villes et villages arabes de Cisjordanie, «...et personne ne sait comment cela peut se faire tout en assurant la protection des cent ou quelque colonies juives qui se répandent comme une éruption dans la région». (The Economist, 30 juillet 1994). Dans cette impasse, les représentants officiels israéliens donnent nettement l'impression à leurs homologues palestiniens qu'ils font preuve de mauvaise volonté et leur refilent le fardeau de la sécurité tout en posant comme condition de leur retrait la présentation de preuves et de garanties. Le gouvernement israélien regrette peut-être maintenant de ne pas avoir écouté plus tôt les exhortations du groupe Paix Maintenant sur la façon de traiter la question des colonies.

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Perspectives

Malgré le progrès en dents de scie des discussions sur la mise en oeuvre de la déclaration de principes, il ne peut guère y avoir de doute, après un an, que le processus avance, même si c'est lentement. À la fin d'août, un nouvel accord a été conclu au Caire pour que les pouvoirs palestiniens dans sept domaines s'appliquent dans le reste de la Cisjordanie d'ici le 12 septembre. Le transfert officiel des pouvoirs dans les domaines de l'éducation et de la culture, de la santé, de la fiscalité, du tourisme, de la jeunesse et des sports, du bien-être social et de la coopération internationale s'est vu attribuer le titre imposant de «première prise de pouvoir». Bien qu'il soit en théorie assujetti au veto israélien, ce transfert donne à l'Autorité nationale palestinienne le droit de légiférer pour la première fois dans les domaines de l'éducation et de la fiscalité. Il faudra du temps pour que tous les pouvoirs prévus dans l'accord se matérialisent, et il faut s'attendre à des dérapages, mais l'orientation prise par le mouvement est claire. Les Palestiniens de ces territoires contrôlent maintenant leur système scolaire pour la première fois depuis juin 1967.

Bien que le mouvement vers l'avant soit manifeste, rien n'indique une augmentation de la confiance entre les deux dirigeants des deux camps. Les prochaines étapes du processus de mise en oeuvre seront cruciales, en particulier le retrait en temps opportun des forces israéliennes du reste de la Cisjordanie. Selon le concept original, un processus dynamique serait celui dans le cadre duquel chaque nouvelle étape réussie contribuerait à établir la confiance et mènerait vers l'étape suivant pour aboutir à une paix générale et durable. Les discussions finales sur les difficiles questions de Jérusalem, des réfugiés, des colonies et des frontières ne doivent pas commencer avant deux ans, mais elles continueront d'être à l'ordre du jour d'une façon ou d'une autre. Le refus rituel de discuter de n'importe quel aspect de ces questions rendra plus difficile l'établissement de la confiance nécessaire à la poursuite du processus. Comme l'augmentation de cette confiance n'a pas suivi les progrès déjà réalisés, les dirigeants des deux camps sont politiquement plus faibles et plus vulnérables dans leur juridiction respective.

Afin de raviver la légitimité et la crédibilité des parties qui négocient et d'aider à établir une confiance mutuelle, il semble que la mesure la plus urgente à prendre est la tenue d'élections démocratiques pour le conseil législatif palestinien. Ce serait également une bonne chose que le mandat du gouvernement israélien soit renouvelé dans le cadre de la nouvelle loi électorale, ce qui débarrasserait le premier ministre des maux de tête causés par la coalition et lui donnerait une liberté exécutive sans précédent pour les quatre prochaines années (Éditorial paru dans The Jerusalem Post, le 27 juillet 1994), mais la décision de consulter le peuple incombe au dirigeant. Le besoin le plus manifeste est dans l'autre camp. Les élections pour constituer un conseil devaient avoir lieu en juillet, mais elles ont été reportées, tout comme d'autres éléments de la déclaration de principes. Selon des rapports actuellement en circulation, les responsables palestiniens projettent de les tenir en novembre ou décembre, mais ces dates sont peut-être aussi irréalistes, car il n'existe aucune liste d'électeurs ni aucun système électoral convenu, et les accords sur la sécurité et le redéploiement dans le reste de la Cisjordanie doivent encore être parachevés.

Le principe fondamental de «Gaza et Jéricho, d'abord» comporte un suivi, qui doit se faire bientôt pour que la crédibilité d'Arafat et de l'OLP soit maintenue et pour que le versement de l'aide financière des donateurs reprenne. Compte tenu des accusations de comportement dictatorial de la part du président et de la fermeture arbitraire de divers médias, la façon la plus rapide de clarifier la situation et de rendre plus démocratique la nouvelle Autorité palestinienne autonome est de tenir de vastes élections le plus tôt possible. La tenue d'élections pour constituer un Conseil national composé de 75 à 100 membres qui aura des pouvoirs administratifs et législatifs limités plutôt qu'un organisme de genre cabinet comptant 25 membres ou moins fera beaucoup pour rendre le président responsable, s'il gagne, et lui permettre d'adopter les mesures de sécurité vigoureuses contre les adversaires militants de la déclaration de principes qu'Israël veut absolument le voir prendre avant de redéployer ses propres forces. Les élections ne seront pas la panacée de tous les problèmes auxquels les Israéliens et les Palestiniens font face pour mettre en oeuvre les principaux éléments de la déclaration de principes, surtout si elles ne reposent pas sur une interprétation généreuse du principe du suffrage universel. En ce moment où la route vers une paix viable est encore longue et ardue, il est évident que la tenue d'élections est la mesure la plus thérapeutique pour renforcer les gains déjà obtenus et faciliter d'autres progrès.

Pendant le treizième mois suivant la signature de la déclaration de principes, le processus de paix au Proche-Orient a continué de progresser tout en devant faire face à de graves incidents. À la mi-octobre, les équipes de négociation d'Israël et de la Jordanie ont mis la touche finale à l'accord de paix définitif sur toutes les grandes questions controversés. Des plans ont été élaborées pour la tenue d'une somptueuse cérémonie de signature à la frontière entre Eilat et Aqalsa plus tard au cours du mois, en présence du président américain Bill Clinton. Par contre, il y a aussi des aspects négatifs. Les pourparlers entre Israël et les Palestiniens sur l'expansion de l'autonomie dans le reste de la Cisjordanie ont progressé très lentement, et plusieurs attentats terroristes ont été commis. Deux de ces attentats, entre autres, ont illustré de nouveau la fragilité du processus de paix : le Hamas a enlevé un soldat israélien qu'il espérait échanger contre la libération de Shoykh Yasin mais qui est mort, ainsi que plusieurs autres personnes, lors d'une opération pour le délivrer qui a échoué; et, à la suite d'un attentat suicide à la bombe dans un autobus de Tel Aviv, 20 personnes sont mortes et plus du double ont été blessées. Les chefs des deux camps se sont de nouveau dits résolus à achever le processus et à ne pas laisser les partisans de la violence les en détourner, mais de nombreux observateurs se sont demandés pendant combien de temps le public des deux camps pourrait appuyer cette politique, si de tels attentats dévastateurs se poursuivaient. À la fin du treizième mois d'existence de la déclaration de principes, il y avait manifestement des signes d'espoir pour l'avenir, mais aussi des causes évidentes d'inquiétude.

[La première partie - Commentaire N° 35]

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Date de modification : 2005-11-14

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