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Supplément
Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement
du paludisme (malaria) chez les voyageurs internationaux
5. Prévention du paludisme chez les personnes qui voyagent ou
séjournent longtemps à l'étranger
Les stratégies modernes de prévention du paludisme ont
eu un effet positif marqué sur le risque de mortalité chez
les personnes qui résident longtemps à l'étranger,
risque qui pouvait atteindre 60 % chez les missionnaires en Afrique
occidentale pendant le 19e siècle. Cependant, l'établissement
de recommandations fondées sur des preuves, qui s'adresseraient
expressément aux personnes qui voyagent ou résident long-temps
(plus de 6 mois) à l'étranger, est entravé par le
manque de littérature médicale à ce sujet.
La prévention du paludisme chez les personnes qui voyagent ou
séjournent longtemps à l'étranger soulève
plusieurs problèmes, dont les conseils contradictoires concernant
la chimioprophylaxie et l'auto-traitement, l'innocuité des médicaments
utilisés à des fins prophylactiques, la peur des effets
toxiques associés à l'utilisation prolongée des
médicaments et le non-respect des consignes quant aux mesures
de protection personnelle. La confiance dans l'auto-diagnostic mais le
manque de rigueur dans son application, alliés à un diagnostic
biologique peu fiable dans bien des pays en développement, font
en sorte que nombre de personnes qui séjournent longtemps à l'étranger
méconnaissent l'efficacité des médicaments. Les
seules données dont on dispose sur l'incidence du paludisme ainsi
que sur l'efficacité et la tolérabilité des traitements
actuellement recommandés, pour les voyageurs qui séjournent
longtemps dans des régions impaludées, proviennent d'études
effectuées auprès des membres du Corps des volontaires
de la paix, selon lesquelles la méfloquine est bien tolérée
et plus efficace que la chloroquine et le proguanil dans les régions
où l'on observe une chloroquino-résistance. Jusqu'à présent,
aucune étude n'a démontré que l'utilisation prolongée
des médicaments recommandés pour les personnes qui partent
pour un court voyage ait des effets indésirables importants. La
doxycycline pourrait faire exception à la règle, car les études
n'ont porté que sur les voyageurs qui partent
pour un court séjour et les personnes qui prennent des tétracyclines
(à faibles doses) pour des problèmes cutanés. De
façon générale, les recommandations relatives à la
prévention du paludisme chez les personnes qui voyagent ou qui
séjournent longtemps à l'étranger ne devraient pas
différer sensiblement de celles qui s'appliquent aux voyageurs
partant pour un court séjour.
Un sommaire récent des moyens de prévention autodéclarés
du paludisme pris par 1 192 personnes ayant séjourné à l'étranger
pendant une longue période pourrait aider ceux qui sont appelés à conseiller
les personnes qui voyagent ou séjournent longtemps à l'étranger.
Ces 1 192 personnes représentaient un vaste spectre d'organisations
gouvernementales et non gouvernementales en Afrique subsaharienne. Dans
l'ensemble, le taux de respect des mesures de prévention du paludisme était
d'environ 60 %. Parmi les personnes ayant suivi une chimioprophylaxie,
54 % ont déclaré avoir modifié leur traitement,
dans 22 % des cas en raison d'effets indésirables. La gravité des
effets indésirables n'a pas été associée à un
médicament en particulier. On a observé un taux d'effets
neuropsychiatriques de 10 % chez les personnes qui prenaient de la chloroquine
et du proguanil, contre 17 % chez celles qui prenaient de la méfloquine.
Les participants qui avaient pris de la méfloquine étaient
les seuls à avoir modifié leurs habitudes à cause
de l'influence des médias. Un petit nombre seulement de participants
ont indiqué que la disponibilité et le coût des médicaments
avaient influencé leur choix d'un traitement prophylactique. Les
participants qui n'ont pas suivi de prophylaxie ont justifié leur
décision avant tout par la crainte de réactions indésirables
et d'effets à long terme. Les précautions individuelles
prises par les participants laissaient à désirer : seulement
38 % d'entre eux avaient des portes et des fenêtres munis de
moustiquaires et seulement 53 % utilisaient des moustiquaires de lit (dont
20 % étaient
imprégnées d'insecticide).
On ne dispose pas de données sur l'auto-diagnostic et l'auto-traitement
chez les personnes qui voyagent ou qui séjournent longtemps à l'étranger.
Sans formation, rien ne permet de croire que ces interventions seraient
plus efficaces chez ce groupe que chez l'ensemble des voyageurs. Toutefois,
comme les personnes qui voyagent ou séjournent longtemps à l'étranger
constituent un groupe raisonnablement homogène, une formation
sur le diagnostic et l'auto-traitement du paludisme (voir les
sections 6 et 7), y compris sur l'utilisation de tests de diagnostic rapide, pourrait
s'avérer utile chez cette clientèle, lorsqu'il est impossible
d'avoir accès à des soins médicaux fiables. Les
trousses d'auto-diagnostic qui doivent être conservées au
froid pourraient limiter l'utilisation de ce moyen dans certaines régions.
La section 3e porte sur l'utilisation de la primaquine dans
le cadre d'une prophylaxie finale visant à réduire le risque
de rechute. Ce médicament, qui agit aux stades hépatiques
de P. vivax et P. ovale, est administré à titre de prophylaxie
finale aux voyageurs qui reviennent d'une région impaludée,
habituellement pendant ou après les 2 dernières semaines
de la chimioprophylaxie normale. Une chimioprophylaxie finale à la
primaquine n'est généralement indiquée que pour
les personnes qui ont séjourné pendant une période
prolongée à l'étranger dans des régions impaludées.
La primaquine est contre-indiquée chez les femmes enceintes et
les personnes qui présentent un déficit en G-6-PD (voir
les contre-indications et les précautions à prendre
dans la section 9).
En conclusion, les recommandations relatives à la prévention
du paludisme chez les personnes qui voyagent ou qui séjournent
longtemps à l'étranger ne devraient pas différer
sensiblement de celles qui s'adressent aux voyageurs en partance pour
un court séjour (B III - recommandation fondée sur des
preuves médicales, voir l'annexe II). D'après l'information
dont on dispose, les personnes qui séjournent dans des zones à risque élevé ne
prennent pas les mesures de protection individuelle voulues (B II - recommandation
fondée sur des preuves médicales). La plupart d'entre elles
ont recours à un traitement prophylactique, mais leurs choix ne
sont pas toujours guidés par des conseils judicieux : dans une
grande proportion, elles sont influencées par leur perception
des risques plutôt que par des problèmes documentés.
Par conséquent, l'efficacité des recommandations actuelles
sera conditionnée par les attitudes ayant cours dans la sous-culture
dans laquelle baignent les personnes qui voyagent ou séjournent
pendant longtemps à l'étranger (preuves de catégorie
C). À l'heure actuelle, il n'y a pas assez de données sur
l'efficacité de l'auto-diagnostic établi à l'aide
des trousses de diagnostic rapide du paludisme pour que l'on recommande
leur usage systématique. Après avoir pris en considération
les précautions et les contre-indications pertinentes, il faut
prescrire la primaquine comme prophylaxie finale aux voyageurs qui rentrent
au pays après un long séjour dans des régions où P.
vivax circule (A I - recommandation fondée sur des preuves médicales).
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