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Santé de l'environnement et du milieu de travail

Contamination fongique dans les immeubles publics : effets sur la santé et méthodes d'évaluation (suite)

2. Effets sur la santé associés à la présence de moisissures en milieu intérieur (suite)

2.3 Études chez les animaux

Plusieurs études expérimentales sur des modèles animaux exposés à des cellules, à des antigènes ou à des constituants fongiques ont mis en évidence des effets similaires à ceux observés chez les humains dans les études épidémiologiques, tels que l’éosinophilie et une élévation des IgE sériques.

  • Une dose quotidienne de 8 mg d’un extrait de Penicillium chrysogenum nébulisé dans un soluté tampon de phosphate a été administrée par inhalation à 24 cobayes albinos adultes. Deux de ces cobayes ont été sacrifiés chaque semaine (jusqu’à 12 semaines). Douze autres cobayes ont été traités dans les mêmes conditions, mais n’ont reçu qu’un soluté tampon de phosphate. Chaque semaine, un de ces cobayes était sacrifié. Tout au long de l’expérience, aucune lésion histopathologique n’a été observée dans le groupe témoin, mais on a observé la présence d’infiltrats interstitiels après quatre semaines et, après 10 semaines, l’apparition de granulomes dans les alvéoles des animaux exposés à Penicillium. Chez ces derniers, des anticorps IgM et IgG spécifiques de P. Notatum ont pu être décelés après sept semaines (Alonso et coll., 1998).

  • Une expérience analogue réalisée à partir d’un extrait de Rhizopus nigrans a mené à des résultats similaires : détection d’anticorps IgG spécifiques de R. nigrans après le délai de 7 semaines, présence d’infiltrats interstitiels après 4 semaines et apparition de granulomes après 10 semaines dans les alvéoles des animaux exposés à Rhizopus (Alonso et coll., 1997).

  • Des cobayes mâles et femelles ont été exposés à des aérosols contenant soit 30 µg/m3 de ß-1,3-D glucane (un constituant de la cellule fongique), soit 75 µg/m3 d’un lipopolysaccharide d’Escherichia coli (une endotoxine bactérienne), soit les deux, ou à des aérosols ne contenant que l’excipient (témoins). Les cobayes ont été exposés 4 heures/jour, 5 jours/semaine, puis sacrifiés. On a procédé à une numération globulaire dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire (LBA) et dans l’interstice pulmonaire. On a observé une augmentation du nombre de macrophages chez les animaux exposés à l’endotoxine (liquide de LBA, ρ < 0,001; interstice, ρ< 0,05) et ceux exposés à la fois au ß-1,3-D glucane et à l’endotoxine (liquide de LBA, ρ < 0,001; interstice, ρ < 0,01), mais non après exposition au ß-1,3-D glucane seulement. Une élévation du nombre de lymphocytes a été observée dans le liquide de LBA après exposition à l’endotoxine ( ρ < 0,05) et à l’association ß-1,3-D glucane et endotoxine ( ρ < 0,01), mais la réaction la plus marquée a été observée après exposition au ß-1,3-D glucane exclusivement (liquide de LBA et interstice pulmonaire, < 0,001). Une augmentation du nombre de neutrophiles dans le liquide de LBA a été observée après exposition à l’endotoxine ( ρ < 0,001) et à l’association ß-1,3-D glucane et endotoxine ( ρ < 0,001), mais non après exposition au ß-1,3-D glucane seulement. Une forte augmentation des polynucléaires eosinophiles a également été constatée dans les liquides de LBA et l’interstice pulmonaire ( ρ < 0,001) après exposition au ß-1,3-D-glucane, ainsi qu’une légère augmentation dans le liquide de LBA seulement, après exposition à l’association ß-1,3-D-glucane et endotoxine ( ρ < 0,05), tandis que l’endotoxine seule n’a entraîné aucun changement (Fogelmark et coll., 2001).

  • Des souris C57BL/6 âgées de 6 à 8 semaines ont été sensibilisées aux antigènes d’Aspergillus (100 µg dans 50 µl de solution saline), trois jours consécutifs par semaine, pendant trois semaines, puis sacrifiées après 1, 2 ou 3 semaines. Les souris témoins ont été soumises au même protocole expérimental, mais on leur a administré 50 µl de solution saline au lieu de la solution d’antigènes. On a constaté une forte augmentation de toutes les valeurs de la numération globulaire chez les souris sensibilisées, comparativement aux témoins, à 1, 2 et 3 semaines ( ρ < 0,02 à chaque semaine). Chez les souris témoins, la proportion de macrophages dans les cellules du liquide de LBA s’est maintenue à 97 % pendant des semaines, alors que chez les souris sensibilisées aux antigènes d’Aspergillus, on a observé une diminution de la proportion de macrophages (34 % à 1 semaine) et une augmentation de la proportion des lymphocytes, des neutrophiles et des polynucléaires eosinophiles. Chez les souris sensibilisées aux antigènes d’Aspergillus, le nombre de neutrophiles dans le liquide de LBA a atteint (62,2 ± 14,4) × 104 cellules à 2 semaines et (78,2 ± 29,1) × 104 cellules à 3 semaines, alors que chez les souris témoins, il s’est maintenu à (0,1 ± 0,1) × 104 cellules pendant toute la durée de l’étude ( ρ < 0,05) (Wang et coll., 1994).

  • Des groupes de 6 à 9 souris femelles de lignée C57B1/6 ont été inoculés par voie intranasale, à raison d’une dose par semaine, pendant six semaines, au moyen de 50 µl d’une solution saline de Penicillium chrysogenum exempte de conidies (témoins) ou renfermant 104 conidies non viables (traitées au méthanol), ou 104 conidies non traitées (dont 25 ± 5 % étaient viables), puis sacrifiées 24 heures après la dernière inoculation. Les isolats de conidies de P. chrysogenum provenaient d’un bâtiment affecté par les maladies liées aux immeubles. Les concentrations totales moyennes d’IgE sériques étaient de 804 ng/ml (écart type de 30 ng/ml) chez les témoins, de 833 ng/ml (écart type de 339 ng/ml) chez les souris exposées aux conidies non viables, et de 2 627 ng/ml (écart type de 1 778 ng/ml) chez les souris inoculées au moyen de conidies viables. Les polynucléaires eosinophiles représentaient en moyenne 5,3 % des leucocytes périphériques (écart type de 0,8 %) chez les témoins, 7,3 % (écart type de 1,7 %) chez les souris exposées aux conidies non viables, et 10,9 % (écart type de 0,9 %) chez celles ayant reçu des conidies viables. Pour terminer, le nombre moyen de polynucléaires eosinophiles dans le liquide de LBA était de 0,22 pour 1 000 (écart type de 0,44) cellules du liquide de LBA chez les témoins, de 0,5 (écart type de 0,55) chez les souris exposées aux conidies non viables, et de 14,17 (écart type de 5,91) chez celles ayant reçu des conidies non traitées. Les IgE sériques totales, le nombre de polynucléaires éosinophiles périphériques et de polynucléaires éosinophiles dans le liquide de LBA étaient significativement plus élevés chez les animaux exposés aux conidies viables que chez les témoins ( ρ < 0,05) (Cooley et coll., 2000).

Certaines études ont également mis en évidence une réaction hémorragique grave induite par des spores de Stachybotrys chartarum.

  • Des ratons Sprague Dawley âgés de quatre jours ont reçu par instillation intratrachéale 1,0 à 8,0×105 spores intactes (en suspension dans une solution saline) par gramme de poids corporel ou une suspension similaire de spores traitées à l’alcool éthylique pour en éliminer les toxines de type trichothécènes, ou une simple solution saline. Les animaux ont été sacrifiés à leur 7e ou 12e jour de vie. Les numérations des macrophages, des lymphocytes et des neutrophiles étaient respectivement 2 fois, 5 fois et 7 fois plus élevées dans le liquide de LBA des ratons ayant reçu 1,1×105 spores intactes/g que chez les ratons n’ayant reçu qu’une simple solution saline ou une suspension de spores traitées à l’alcool éthylique ( ρ < 0,001 pour chaque type de cellule). Ces deux derniers groupes ne présentaient aucune différence. La concentration d’hémoglobine dans le liquide de LBA des animaux exposés aux spores intactes, aux spores traitées à l’alcool éthylique et à la simple solution saline était de 2,46 ± 0,33 mg/ml, de 1,26 ± 0,16 mg/ml et de 1,22 mg/ml, respectivement; l’écart entre les groupes était significatif ( = 0,004). La souche de S. chartarum utilisée dans cette étude avait été isolée dans la résidence endommagée par l’eau d’un des nourrissons infectés lors de l’éclosion de Cleveland (Yike et coll., 2002). Ces conclusions font ressortir la possibilité que des mycotoxines (ou un autre constituant éliminé par traitement à l’alcool éthylique) soient responsables d’une réaction inflammatoire et hémorragique pulmonaire à S. chartarum chez le nourrisson.

Il ressort d’autres études portant sur des rongeurs exposés à Stachybotrys chartarum que différents mécanismes peuvent entraîner des modifications physiopathologiques au niveau des poumons.

  • Des souris blanches Carworth Farms ont reçu par instillation intranasale une dose de 50 ml d’une solution saline renfermant 107 conidies de Cladosporium cladosporioides par ml ou 107 conidies de Stachybotrys chartarum par ml, ou 107 M d’isosatratoxine F; un autre groupe n’a pas été traité (groupe témoin). Pour chaque traitement, des groupes de 2 à 4 souris ont été sacrifiés dans un délai de 0, 12, 24, 48, ou 72 heures après l’exposition. Aucune des souris, peu importe le traitement administré, n’a montré de signes cliniques apparents de détresse ou de maladie respiratoire. La composition phospholipidique du surfactant pulmonaire présentait des modifications significatives 12 heures après l’exposition aux conidies de S. chartarum et à l’isosatratoxine et jusqu’au terme de l’expérience, tandis que de légers changements ont été observés après seulement 48 heures chez les souris exposées à C. cladosorioides (Mason et coll., 1998).

  • Des groupes de cinq souris blanches Carworth Farms ont reçu par instillation intranasale 50 ml d’une simple solution saline ou d’une solution saline renfermant 1,4×106 conidies de Cladosporium cladosporioides par ml ou 1,4×106 conidies de Stachybotrys chartarum par ml, ou 10 µg/ml d’isosatratoxine F. Les animaux ont été sacrifiés après 24 heures. En comparaison de tous les autres groupes, y compris le groupe témoin, la transformation in vitro d’une forme bioactive de surfactant alvéolaire en une forme biologiquement inerte était significativement plus élevée dans le surfactant des souris exposées à la solution saline contenant S. chartarum; à l’égard de ce paramètre, aucune différence n’a été observée entre les groupes ayant reçu les autres traitements et le groupe témoin (Mason et coll. 2001).

  • Des spores de Stachybotrys chartarumen suspension dans une solution saline ont été instillées par voie intratrachéale à des souris, lesquelles ont été sacrifiées après 24 heures. L’exposition à S. chartarum a induit une réduction globale de la teneur en phospholipides du surfactant alvéolaire. La distribution relative des phospholipides dans la fraction de surfactant ainsi que leur nature ont également été altérées (McCrae et coll., 2001).

  • Des groupes de 5 à 6 souris ont été inoculés par voie intratrachéale à l’aide de 50 ml d’une solution saline contenant, soit 1,4×106 spores Cladosporium cladosporioides par ml, soit 1,4×106 spores de Stachybotrys chartarum par ml, ou 0,02 µg/ml d’isosatratoxine F, ou n’ont reçu qu’une simple solution saline. Aucune différence n’a été observée dans les cellules alvéolaires de type II des animaux témoins ni dans celles des souris ayant reçu une simple solution saline ou une solution contenant des spores de C. cladosporioides, alors que des changements ultrastructuraux remarquables ont été observés dans les cellules alvéolaires de type II des souris exposées aux spores de S. chartarum ou à l’isosatratoxine F (Rand et coll., 2002).
Mise à jour : 2005-08-03 Haut de la page