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Santé de l'environnement et du milieu de travail

Contamination fongique dans les immeubles publics : effets sur la santé et méthodes d'évaluation (suite)

2. Effets sur la santé associés à la présence de moisissures en milieu intérieur (suite)

2.2.2 Mycoses invasives

Certaines espèces de champignons, telles qu’Aspergillus, sont très répandues dans l’environnement et l’inhalation de leurs spores est un phénomène très courant. Cependant, les mycoses invasives (c.-à-d., les infections fongiques) touchent surtout les patients immunodéprimés. L’espèce pathogène Aspergillus fumigatus est la plus répandue (Bennett, 1994). On observe une incidence accrue de la mycose invasive chez les patients atteints du sida. À ce chapitre, une analyse des dossiers médicaux de 35 232 patients infectés par le VIH ayant eu recours à des services de consultation externe dans 10 villes américaines, entre 1990 et 1998, a révélé que l’incidence de l’aspergillose invasive était de 5,1 cas pour 1 000 (IC à 95 % : 2,8 à 7,3) chez les patients dont la numération des lymphocytes CD4 se situait entre 50 et 99 cellules/mm3 et de 10,2 cas pour 1 000 chez ceux présentant une numération inférieure à 50 cellules/mm3, comparativement à 1 cas pour 1 000 (IC à 95 % : 0,6 à 1,4) chez les patients dont la numération des lymphocytes CD4 était égale ou supérieure à 200 cellules/m3 (Holding et coll., 2000). Plusieurs éclosions d’aspergillose invasive ont été signalées dans des unités d’hématologie où logeaient des patients neutropéniques atteints de leucémie. Le risque d’aspergillose invasive chez les patients immunodéprimés a été associé à la présence de spores d’Aspergillus en suspension dans l’air, et l’on a observé une incidence accrue à la suite d’événements entraînant des dénombrements supérieurs de spores d’Aspergillus aéroportées, tels que des travaux de construction ou une défectuosité des systèmes de filtration de l’air :

  • Entre mai 1981 et octobre 1985, parmi les 111 patients ayant subi une greffe de moelle osseuse, 14 avaient contracté une aspergillose nosocomiale. Une analyse plus approfondie a révélé que tous ces cas d’infection étaient survenus parmi les 74 patients hospitalisés à l’extérieur d’un environnement contrôlé par un système de filtration de l’air doté de filtres à particules à haute efficacité (HEPA), tandis qu’aucun des 39 patients séjournant dans un environnement doté d’un tel système n’avait contracté l’aspergillose. La présence d’Aspergillus n’a été observée que dans un seul des 166 échantillons (0,6 %) d’air prélevés dans l’environnement contrôlé par un système de filtration doté de filtres HEPA, tandis que les résultats se sont avérés positifs pour 75 des 466 échantillons (16,1 %) recueillis dans d’autres aires de l’hôpital et 13 des 54 échantillons (24,1 %) prélevés à l’extérieur de l’hôpital (Sherertz et coll., 1987).

  • En 1993, six cas d’aspergillose ont été observés chez des patients ayant séjourné dans l’unité d’oncohématologie d’un hôpital psychiatrique de Glasgow (Royaume Uni), alors qu’au cours des cinq années précédentes, on n’y avait recensé qu’un seul cas. L’enquête sur l’éclosion a révélé qu’un aspirateur contaminé utilisé dans cette unité avait entraîné la dispersion d’aérosols organiques; lorsque l’aspirateur fonctionnait, la concentration de spores d’Aspergillus à proximité de cet appareil était de 62 UFC/m3, tandis qu’elle variait de 0 à 6 UFC/m3 ailleurs dans le bâtiment (Anderson et coll., 1996).

  • Dans l’unité d’oncohématologie d’un hôpital de Montréal, l’incidence de l’aspergillose invasive chez des patients neutropéniques atteints de leucémie ou ayant reçu une greffe de moelle osseuse s’est élevée à 9,88 pour 1 000 jours d’exposition au risque lors de travaux de construction (de juillet 1989 à août 1992), alors qu’elle était de 3,18 pour 1 000 jours d’exposition au risque avant le début de ces travaux (de janvier à juin 1989). Par la suite, l’installation d’appareils muraux de filtration de l’air dotés de filtres HEPA et l’application d’autres mesures de prévention des infections ont permis d’abaisser l’incidence de l’aspergillose invasive à 2,91 pour 1 000 jours d’exposition au risque, et ce, en dépit de la poursuite des travaux de construction (d’août 1992 à septembre 1993). Au cours de l’épidémie, la concentration atmosphérique moyenne de spores d’Aspergillus était de 6,77 UFC/m3; toutefois, aucun des échantillons d’air prélevés à la suite de l’installation d’appareils muraux de filtration munis de filtres HEPA et de l’application d’autres mesures de prévention des infections n’était contaminé par Aspergillus (Loo et coll., 1996).

  • À l’automne 2003, en Israël, une éclosion nosocomiale d’aspergillose pulmonaire invasive est survenue chez des patients atteints de leucémie. Ces patients séjournaient dans une unité ordinaire uniquement dotée d’un système de ventilation naturelle, alors que d’importants travaux de construction et de rénovation se déroulaient à l’intérieur de l’hôpital. Le taux d’infection chez les patients souffrant de leucémie aiguë a alors atteint 50 % et, en dépit de l’administration d’une chimioprophylaxie, 43 % des patients atteints de leucémie aiguë ont souffert d’aspergillose pulmonaire invasive au cours des 18 mois qui ont suivi. Au terme de cette période, on a procédé à l’ouverture d’une nouvelle unité d’oncohématologie dotée d’un système de filtration de l’air à filtres HEPA, et aucun des patients souffrant de leucémie aiguë ou ayant subi une greffe de moelle osseuse ayant séjourné exclusivement dans cette unité n’a contracté d’aspergillose pulmonaire invasive. En revanche, 29 % des patients souffrant de leucémie aiguë qui séjournaient dans une unité ordinaire en raison de contraintes d’espace dans la nouvelle installation ont cette fois encore contracté une aspergillose pulmonaire invasive. La concentration atmosphérique moyenne d’Aspergillus était de 0,18 spores/m3 dans la nouvelle unité d’oncohématologie dotée d’un système de filtration de l’air à filtre HEPA, alors que, dans l’unité ordinaire, elle était de 15 spores/m3 durant les travaux de construction (Oren et coll., 2001).

L’aspergillose invasive opportuniste acquise dans la collectivité (c.-à-d., à l’extérieur de l’hôpital) n’est pas aussi bien documentée, mais certains cas ont été signalés (Benoit et coll., 2000; Chen et coll., 2001). Les patients immunodéprimés demeurent vulnérables aux infections dues à Aspergillus, lorsqu’ils se présentent en clinique externe ou qu’ils retournent à la maison après avoir reçu leur congé de l’hôpital (VandenBergh et coll., 1999).

2.2.3 Mycoses bronchopulmonaires et sinusites fongiques allergiques

Les champignons peuvent coloniser les poumons ou la cavité nasale de patients souffrant de troubles respiratoires sous jacents, comme l’asthme ou la rhinosinusite chronique. Il est question de mycose bronchopulmonaire allergique lorsque les poumons sont atteints, et de sinusite fongique allergique, lorsque la cavité nasale est touchée. Étant donné que les espèces d’Aspergillus (en particulier Aspergillus fumigatus) sont les agents étiologiques les plus couramment associés à la mycose bronchopulmonaire allergique, cette affection est souvent appelée aspergillose bronchopulmonaire allergique ou ABPA. Ces deux affections se caractérisent par la présence de polynucléaires eosinophiles et d’hyphes fongiques non invasifs dans les expectorations ou le mucus nasal (Hunninghake et Richerson, 1994; Ponikau et coll., 1999). Des rapports de cas indiquent la présence d’un lien entre le nombre de cellules fongiques aéroportées et l’apparition de formes graves de mycoses bronchopulmonaires (Kramer et coll., 1989; Beaumont et coll., 1984; Ogawa et coll., 1997).

Mise à jour : 2005-08-03 Haut de la page