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Santé Canada

Renouveau de la Législation - Document de Référence

Exigence générale en matière de sécurité

10 mars 2003

Note : Ce document a été préparé par le personnel du renouveau législatif et constitue un document de travail à des fins internes. Il convient de remarquer que l'accent a été mis sur le contenu plutôt que sur la présentation. Cependant, ce document est également mis à la disposition du public à titre d'information.

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Table des Matières

1. Exigence Générale de Sécurité

1.1 Qu'est-ce qu'une exigence générale de sécurité?
1.2 En quoi une exigence générale de sécurité devrait-elle plaire au public?
1.3 En quoi une exigence générale de sécurité affecterait-elle l'industrie?
1.4 En vertu d'une exigence générale de sécurité, à quel moment Santé Canada pourrait-il intervenir contre un produit dangereux?
1.5 Quel est le lien entre une exigence générale de sécurité et les normes reconnues?
1.6 Qui a le fardeau de la preuve?
1.7 Quel est le lien entre une exigence générale de sécurité et le reste de la Loi?

2. Mise en contexte et analyse de la question

2.1 Les principes d'une exigence générale de sécurité existants déjà
2.2 Les déficiences du régime actuel

2.2.1 Des pouvoirs limités
2.2.2 Le droit civil et le droit criminel
2.2.3 Les lacunes de la législation sur la santé

2.3 Les témoignages entendus
2.4 Comparaison avec d'autres pays

2.4.1 L'Union européenne
2.4.2 Les États-Unis

3. Proposition

4. Conclusion


1. Exigence générale de sécurité

Une nouvelle Loi sur la protection de la santé du Canada devrait-elle comprendre une exigence générale de sécurité?

*

1.1 Qu'est-ce qu'une exigence générale de sécurité?

Une exigence générale de sécurité est un ensemble d'obligations imposées par la loi au fabricant1 d'un produit et aux autres intervenants dans la chaîne d'approvisionnement. En tout premier lieu, une telle exigence interdit la fabrication, la promotion et la commercialisation de tout produit pouvant présenter un risque inacceptable d'effets nocifs sur la santé d'une personne au moment de sa fabrication, de son usage prévisible et de son élimination.

  1. Ce terme comprend les importateurs.

Deuxièmement, une exigence générale de sécurité exige du fabricant d'un produit qu'il détermine les risques que pose ce produit et qu'il prenne les mesures raisonnablement nécessaires pour éliminer ces risques avant que le produit ne soit mis en marché.

Troisièmement, elle oblige le fabricant à faire un suivi du produit pour détecter les risques qu'il pourrait poser tout au long de sa durée de vie et, si un risque important est détecté, prendre des mesures correctives adéquates.

Enfin, une exigence générale de sécurité exige des autres intervenants de la chaîne d'approvisionnement de collaborer avec le fabricant en transmettant des renseignements sur la sécurité du produit à l'utilisateur final et en agissant de concert avec les mesures correctives prises par le fabricant.

*

1.2 En quoi une exigence générale de sécurité devrait-elle plaire au public?

La santé et la sécurité du public seraient mieux protégées, notamment pour les raisons suivantes :

En règle générale, tous les produits seraient soumis à la norme de sécurité établie par l'exigence générale de sécurité, ce qui éliminerait les lacunes et les inconsistances.

# Une exigence générale de sécurité impose clairement au fabricant d'un produit l'obligation de s'assurer de la sécurité de ses produits.

# Une exigence générale de sécurité autorise Santé Canada à recourir à des mesures préventives lorsqu'un produit présente un risque inacceptable de produire des effets nocifs sur la santé.

# Contrevenir à l'exigence générale de sécurité pourrait mener à des poursuites criminelles.

# L'exigence générale de sécurité proposée intègre le concept de précaution voulant que, dans l'incertitude, on opte pour la prudence.

# Il faut tenir compte du risque qu'un produit peut présenter, non seulement au moment de la vente mais tout au long de son cycle de vie, de sa fabrication jusqu'à son élimination.

# Avec l'exigence de sécurité proposée, il faut prendre en considération l'usage raisonnablement prévisible du produit et les attentes raisonnables du consommateur.

# Le fabricant d'un produit devrait prendre des mesures d'une ampleur proportionnelle au risque que le produit présente pour repérer les incidents nuisibles à la santé qui peuvent se produire et, si nécessaire, pour corriger la situation.

# Une exigence générale de sécurité n'empêche en aucune façon le gouvernement d'adopter, dans le cadre d'un règlement, une norme précise pour un produit particulier ou une classe particulière de produits.

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1.3 En quoi une exigence générale de sécurité affecterait-elle l'industrie?

# S'ils ont une attitude responsable, les fabricants de produits exercent déjà une diligence raisonnable pour traiter les risques en matière de santé et de sécurité associés à leurs produits, se conformant ainsi à l'exigence générale de sécurité.

# Une exigence générale de sécurité est axée sur les résultats. En autant qu'un produit soit sécuritaire et efficace (d'un point de vue de la santé), il rencontre l'exigence.

# Une exigence générale de sécurité offre plus de flexibilité parce qu'elle élargit la gamme des moyens disponibles pour établir des normes et en assurer la mise en application. Ceci peut aider à éliminer des barrières à l'innovation et faciliter l'harmonisation avec d'autres pays développés mais l'objectif de protéger la santé et la sécurité ne doit jamais être compromis : voir à ce sujet la section 1.5.

# L'exigence générale de sécurité proposée contribuerait à l'établissement d'un marché plus équitable. Une personne apportant un produit au Canada à des fins commerciales serait soumise aux mêmes exigences que le fabricant canadien d'un produit équivalent en ce qui concerne la santé et la sécurité et personne ne pourrait invoquer l'absence de normes de sécurité obligatoires pour vendre à meilleur marché un produit de qualité inférieure et dangereux.

# D'importants segments de l'industrie canadienne ont été soumis depuis des décennies à une exigence générale de sécurité sous une forme ou sous une autre, tout en maintenant leur rentabilité et un succès continu. À titre d'exemple, il existe des exigences générales de sécurité d'application limitée dans la Loi sur les aliments et drogues : voir à ce sujet la section 2.1.2.

# La plupart des pays développés vers lesquels des produits canadiens sont exportés et desquels beaucoup de produits sont importés au Canada ont déjà adopté une exigence générale de sécurité sous une forme ou sous une autre : voir à ce sujet la section 2.4.

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1.4 En vertu d'une exigence générale de sécurité, à quel moment Santé Canada pourrait-il intervenir contre un produit dangereux?

En vertu d'une exigence générale de sécurité, Santé Canada pourrait intervenir contre un produit dangereux dès qu'il a un motif raisonnable de croire que le produit risque de causer un préjudice raisonnablement prévisible. Il n'est pas nécessaire que cette preuve concerne un préjudice réellement subi. Il peut s'agir d'une preuve de quasi-accidents ou de préjudice évité de peu, ou il peut s'agir d'un avis théorique d'un spécialiste fondé sur une analyse scientifique. Une exigence générale de sécurité permet donc à Santé Canada de prendre des mesures préventives avant qu'un préjudice ne soit subi ou qu'un décès ne survienne. Une fois que le mécanisme de l'exigence générale de sécurité est déclenché par la découverte d'un risque, Santé Canada pourrait recourir à tous les pouvoirs de contrainte que lui confère la Loi. Ces pouvoirs incluent les poursuites judiciaires, la saisie du produit, l'émission d'un ordre de cesser la fabrication ou la vente du produit ou d'un ordre de prendre des mesures correctives adéquates telles que le rappel du produit, l'envoi d'un avertissement ou la fourniture d'une pièce de protection. En vertu de la Loi, constituerait une infraction, le fait de ne pas s'acquitter d'une quelconque obligation légale établie par l'exigence générale de sécurité, à savoir:

# fabriquer ou vendre un produit qui cause des effets nocifs inadmissibles sur la santé,

# omettre, après la vente d'un produit, de faire un suivi correspondant à l'ampleur des risques que ce produit pose, ou

# lorsqu'il y a constatation de risques graves, de ne pas signaler ce fait à Santé Canada ou ne pas prendre les mesures correctives adéquates.

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1.5 Quel est le lien entre une exigence générale de sécurité et les normes reconnues?

Avec une exigence générale de sécurité, une norme peut être appliquée même si elle n'est pas incorporée dans les règlements. L'adoption de normes spécifiques par voix de réglementation ne serait plus la seule façon par laquelle Santé Canada pourrait acquérir l'autorité nécessaire pour prendre des mesures d'exécution. Lorsque les membres d'une industrie acceptent de manière générale une norme adéquate2, Santé Canada peut recourir à l'exigence générale de sécurité pour faire appliquer la norme déjà reconnue. Si un fabricant sans scrupule fournit un produit qui ne répond pas à la norme acceptée et qui risque d'avoir des effets nocifs inadmissibles sur la santé, Santé Canada peut alors prendre des mesures préventives et correctives. Par opposition, en vertu de la Loi sur les produits dangereux actuellement en vigueur, à moins que des règlements spécifiques applicables au produit en cause n'aient été établis, Santé Canada n'a pas la compétence requise pour prendre des mesures correctives contre un produit non conforme et il ne peut que tenter, en se fondant sur la bonne foi du fabriquant, de persuader ce dernier de retirer le produit du marché.

  1. Comme une norme américaine ou européenne ou une norme établie par un organisme de normalisation accrédité.

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1.6 Qui a le fardeau de la preuve?

Dans une poursuite intentée en vertu des lois existantes, il incombe au gouvernement de prouver hors de tout doute raisonnable que le produit est dangereux en se fondant sur les essais menés par Santé Canada et sur tout élément de preuve qu'il peut recueillir auprès du fabricant du produit. Jusqu'à présent, la personne la mieux placée pour savoir si le produit est sûr ou non est le fabricant. C'est le fabricant qui établit les caractéristiques du produit, qui contrôle sa production, qui reçoit les plaintes au sujet du produit et qui tire profit de la vente du produit.

À l'opposé, dans une poursuite intentée en vertu de la Loi proposée sur la protection de la santé du Canada, une fois que le gouvernement aurait prouvé que le produit peut avoir des effets nocifs sur la santé raisonnablement prévisibles, il incomberait au fabricant du produit d'apporter les éléments de preuve à l'appui de sa défense. Plusieurs défenses sont possibles :

  • le produit n'est pas la source du préjudice,
  • le produit ne crée pas le risque allégué,
  • le fabricant a pris toutes les mesures raisonnables pour éliminer le risque,
  • le produit respecte une norme adéquate, ou
  • le risque est minimal ou son niveau ne dépasse pas ce à quoi l'utilisateur et les autres personnes touchées peuvent raisonnablement s'attendre.

La façon la plus facile pour un fabriquant de prouver qu'il a pris toutes les mesures raisonnables pour éliminer le risque consiste à démontrer que le produit satisfait à une norme établie par règlement.

En l'absence d'une norme établie par règlement, le fabricant pourrait s'en remettre à d'autres sources techniques. Il pourrait démontrer que le produit est conforme à une norme nationale, à une norme internationale ou à une norme officielle d'un autre pays qui contrôle correctement les risques pouvant découler du produit. Le fabricant pourrait également appliquer une norme établie pour un autre produit qui crée des risques analogues à ceux du produit en cause. Bref, le fabricant doit démontrer qu'il a pris les mesures requises pour contrôler les risques que pose un produit en s'appuyant sur des éléments comme ceux-ci :

  • le niveau de sécurité auquel la personne à risque peut raisonnablement s'attendre,
  • l'état actuel des connaissances scientifiques et des réalisations ainsi que la technologie disponible en ce qui regarde le produit,
  • les normes sur la santé et la sécurité généralement admises pour le produit ou des produits similaires.

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1.7 Quel est le lien entre une exigence générale de sécurité et le reste de la Loi?

Les effets d'une exigence générale de sécurité seraient étroitement liés à plusieurs autres dispositions de la Loi proposée sur la protection de la santé du Canada. Elle interagirait avec les règlements, les normes établies par règlement et approuvées, les exigences en matière de surveillance, les processus de collecte de données, les exigences de signalement d'effets indésirables d'un produit, les pouvoirs d'inspection, les mesures correctives et les pouvoirs de contrainte. Ensemble, ces dispositions autoriseraient Santé Canada, ainsi que les industries réglementées, à détecter et à répondre aux risques que pose un produit.

À titre d'exemple, Santé Canada, tout comme les fabricants d'un produit, peuvent recourir à des normes établies ou non dans des règlements pour déterminer si les risques que pose un produit ont été correctement traités. Tant Santé Canada que les fabricants peuvent se servir des données tirées de la surveillance et des signalements d'effets indésirables du produit pour cerner les risques qui peuvent nécessiter une correction. En outre, les pouvoirs de contrainte dont dispose Santé Canada l'autorisent à mener des inspections, à faire des essais sur des échantillons et à surveiller le travail effectué par d'autres organismes nationaux, provinciaux et internationaux de protection de la santé. La Loi proposée sur la protection de la santé du Canada accorderait également à la ministre de la Santé le pouvoir d'imposer des mesures correctives, comme par exemple, l'arrêt de la vente d'un produit ayant des effets nocifs inadmissibles sur la santé. De leur côté, les fabricants seraient appuyés dans l'application de leurs mesures correctives puisque la Loi contraindrait les autres intervenants dans la chaîne d'approvisionnement à collaborer avec eux à cet égard.

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2. Mise en contexte et analyse de la question

2.1 Les principes d'une exigence générale de sécurité existants déjà

Tant la Loi sur les aliments et drogues que la Loi sur les dispositifs émettant des radiations contiennent des exigences générales de sécurité mais d'application limitée. Par exemple, l'article 4 de la Loi sur les aliments et drogues interdit la vente d'un aliment qui, selon le cas :

  • contient une substance toxique ou délétère,
  • est impropre à la consommation humaine,
  • est composé, en tout ou en partie, d'une substance malpropre, putride, dégoûtante, pourrie, décomposée ou provenant d'animaux malades ou de végétaux malsains,
  • est falsifié, ou
  • a été fabriqué, préparé, conservé, emballé ou emmagasiné dans des conditions non hygiéniques3.
  1. Voir les articles 4, 7, 8 11 et le paragraphe 16d).

La Loi sur les aliments et drogues interdit également la vente d'un cosmétique ou d'un instrument médical ayant des caractéristiques susceptibles de « porter atteinte à la santé de son acheteur ou de son usager »4. De façon similaire, le paragraphe 4(b) de la Loi sur les dispositifs émettant des radiations interdit la vente, la location ou l'importation d'un appareil émetteur de radiations qui « présente un risque de trouble génétique, de blessure corporelle, de détérioration de la santé ou de mort lié à l'émission de radiations ».

  1. Voir les articles 16 et 19.

Ces exemples montrent que le fait d'obliger le fabricant d'un produit de tenir compte de la sûreté de celui-ci n'est pas un nouveau principe dans la législation en matière de protection de la santé. La Loi proposée sur la protection de la santé du Canada élargirait l'application des principes établis dans la Loi sur les aliments et drogues et dans la Loi sur les dispositifs émettant des radiations à tous les produits susceptibles de causer des effets nocifs inadmissibles sur la santé.

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2.2 Les déficiences du système actuel

2.2.1 Des pouvoirs limités

Le fondement juridique principal de la législation fédérale visant à protéger la santé repose principalement sur la compétence en matière de droit criminel que la constitution accorde au gouvernement fédéral5. Essentiellement, ceci signifie que la législation sur la protection de la santé doit décrire le « mal public » qu'elle interdit, comme de vendre un produit qui peut « porter atteinte à la santé de son acheteur ou de son usager »6. Santé Canada peut alors fixer par réglementation des normes qui définissent les paramètres de cette interdiction et prendre des mesures à l'encontre des personnes qui ne se soumettent pas à l'interdiction.

  1. Établi au paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle, 1867.
  2. Voir l'article 19 de la Loi sur les aliments et drogues.

Puisque Santé Canada exerce un pouvoir en vertu du droit criminel, ses pouvoirs de contrainte sont interprétés de manière restrictive. À titre d'exemple, les pouvoirs que lui donne la Loi sur les dispositifs émettant des radiations ne peuvent être utilisés que dans les cas de risque de blessures dues à des radiations. La Loi n'autorise pas Santé Canada à agir lorsque la blessure est causée par une autre source de danger. Lorsque l'ancienne législation ne porte que sur les effets préjudiciables pour la santé de « son acheteur ou de son usager »7, Santé Canada peut être dans l'incapacité d'agir quand il s'agit d'atteintes indirectes qui ne touchent que des personnes autres que l'acheteur ou l'usager. De façon similaire, la législation qui évoque un « usage coutumier ou habituel» peut limiter la prise de mesures visant à contrer les effets nocifs pour la santé résultant d'un usage prévisible qui n'est pas « coutumier ou habituel ».

  1. Voir les articles 16 et 19 de la Loi sur les aliments et drogues.

À l'opposé, la législation plus récente traite des risques pour le grand public et se fonde sur un critère de prévisibilité. Par exemple, les jeunes enfants peuvent boire à peu près n'importe quoi, y compris des produits chimiques dangereux. Le fait de boire de tels produits chimiques ne relève pas d'un usage coutumier, mais d'un cas raisonnablement prévisible chez des enfants. En conséquence, le Règlement sur les produits chimiques et contenants destinés de consommation 20018 exige que tous les produits chimiques toxiques et corrosifs soient vendus dans des contenants que les enfants ne peuvent ouvrir.

  1. Pris en vertu de l'article 5 de la Loi sur les produits dangereux.

Bien qu'elles puissent comporter des exigences générales de sécurité d'application limitée, plusieurs lois canadiennes visant à protéger la santé ont une portée trop étroite et ne protègent pas toutes les personnes contre les atteintes à leur santé pouvant provenir d'un produit donné et n'englobent pas toutes les façons dont ces atteintes peuvent éventuellement survenir ni toutes leurs sources.

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2.2.2 Le droit civil et le droit criminel

En droit civil, la responsabilité du fabricant d'un produit quant aux effets nocifs de ce produit sur la santé est un principe juridique bien établi. Dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada - par le biais de la responsabilité légale du fait du produit dans les provinces appliquant le common law et des articles 1468, 1469 et 1726 du Code civil du Québec - toute victime ayant subi une atteinte à sa santé du fait d'un produit peut intenter une action au civil contre le fabricant du produit après avoir subi le préjudice. Les actions au civil en vue d'obtenir une indemnisation pour un préjudice, également appelées actions en responsabilité délictuelle, coûtent cher et il faut beaucoup de temps avant d'en arriver à un verdict. Si, à la fin du processus, il est jugé que le fabricant a été négligent en ce qui regarde la sûreté de son produit, le tribunal lui ordonnera de verser une indemnité monétaire à la personne ayant subi le préjudice. Cependant, dans le cas d'une action en responsabilité délictuelle le juge n'a pas le pouvoir d'ordonner au fabricant de retirer le produit dangereux du marché ni celui d'émettre un avertissement à l'intention d'autres victimes possibles. De telles actions n'empêchent donc pas directement la vente de produits dangereux et ne protègent pas les gens contre des atteintes à leur santé.

Certains font valoir que les actions en responsabilité délictuelle peuvent, sans contraintes juridiques supplémentaires, empêcher la vente de produits dangereux en dissuadant les fabricants de les commercialiser. Le postulat sous-jacent à cet argument est que les fabricants de produits veulent éviter les coûts occasionnés par une telle action et la mauvaise publicité qu'elle leur vaut. À cette fin, ils portent une grande attention à la sûreté de leurs produits de façon à ce que leurs clients ne subissent pas de préjudice. Malheureusement, il existe des preuves9 démontrant qu'une telle dissuasion n'agit que dans les cas de préjudices graves. Les actions en responsabilité délictuelle ne constituent pas un moyen de dissuasion lorsqu'il est difficile d'établir un lien entre les préjudices et ce qui les a causés ou lorsqu'il s'agit de préjudices mineurs subis par plusieurs personnes. Même si les préjudices mineurs entraînent des pertes de productivité considérables et des coûts importants en soins de santé10, il arrive fréquemment que les victimes n'aient pas les moyens voulus pour chercher individuellement à obtenir une indemnisation de la part du fabricant des produits qui leur ont porté préjudice.

  1. Donald N Dewees et Michael J. Trebilcock, Study of Effectiveness of Tort as a Deterrent to the Production and Supply of Hazardous Consumer Products, 25 janvier 1994.
  2. Abt Associates of Canada, An Economic Assessment of Proposed Changes to the Hazardous Products Act, 31 mars 1994.

Dans un contexte de droit civil, les personnes ayant subi des préjudices doivent souvent se battre contre de gros fabricants. Dans de telles causes, l'inégalité des ressources est souvent en soi une source d'iniquité. En outre, les décisions en matière de sécurité peuvent se réduire à une simple question économique. S'il en coûte moins cher de verser des indemnités que de modifier la conception d'un produit de manière à le rendre plus sûr, le fabricant n'est pas incité d'un point de vue strictement financier à le rendre plus sûr.

Par contre, outre le fait qu'il constitue un moyen plus puissant de dissuasion, le droit criminel supprime les iniquités inhérentes aux actions civiles intentées par des particuliers contre des sociétés commerciales. Une exigence générale de sécurité permettrait à Santé Canada d'agir préventivement contre des produits ayant des effets nocifs inadmissibles sur la santé. Une telle exigence fournirait les moyens et les outils requis pour agir rapidement et, lorsque les circonstances le justifieraient, permettrait à Santé Canada de contraindre le fabricant à prendre des mesures correctives comme retirer le produit du marché et avertir les victimes éventuelles. Les fabricants pourraient également être poursuivis.

Bien que la menace d'une poursuite soit souvent en elle-même un moyen de dissuasion efficace, la Loi proposée comporte des dispositions supplémentaires sur les peines encourues qui pourraient éliminer les facteurs économiques qui dissuadent le fabricant de mettre sur le marché un produit plus sûr. En vertu de la Loi sur la protection de la santé du Canada qui est proposée, si un fabricant était reconnu coupable le tribunal pourrait, en sus d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement, annuler les profits réalisés avec le produit non conforme, interdire au fabricant de vendre des produits similaires pendant une certaine période ou exiger de lui qu'il mène des recherches visant à rendre le produit plus sûr.

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2.2.3 Les lacunes de la législation sur la santé

Il y a des centaines de milliers de produits de consommation à vendre sur le marché canadien. La législation sur la protection de la santé administrée par Santé Canada ne porte que sur environ 1,500 de ces produits. Santé Canada ne peut, en vertu de la Loi sur les produits dangereux actuellement en vigueur, agir contre un produit tant et aussi longtemps qu'un règlement portant sur ce produit n'a pas été élaboré, et ce n'est qu'ensuite que le ministère pourra l'interdire ou exiger qu'il réponde à une norme établie dans les règlements.

Il n'est pas réaliste d'espérer que Santé Canada fasse l'essai de tous les produits avant qu'ils soient mis sur le marché ou qu'il élabore et adopte par règlement des normes pour tous ces produits. Il y en a trop et ils changent trop rapidement. Il faudrait disposer d'énormes ressources pour accomplir une telle tâche. Il n'y a pas au monde un seul pays qui pourrait se payer un tel régime de protection de la santé.

Il est beaucoup plus réaliste d'exiger que la personne qui se propose de commercialiser un produit en évalue sa sûreté avant de le mettre sur le marché. La personne qui commercialise le produit est la mieux placée : elle connaît son mode de fabrication, elle sait s'il contient ou non des substances dangereuses, de quelle façon il peut être utilisé, qui s'en servira, quelle sera sa durée et de quelle façon il sera vraisemblablement éliminé. Le droit civil impose déjà cette obligation aux fabricants de produits.

Une exigence générale de sécurité comblerait les lacunes de la législation actuelle sur la protection de la santé en établissant que la fabrication, la promotion ou la commercialisation d'un produit posant un risque indu pour la santé ou la sécurité du public serait une infraction. En faisant de une infraction, une exigence générale de sécurité viendrait combler les lacunes de la législation actuelle sur la protection de la santé. Elle établirait une norme de santé et de sécurité pour tous les produits. Elle autoriserait Santé Canada à agir contre un produit dangereux dès que le ministère a un motif raisonnable de croire que le produit est susceptible d'avoir des effets nocifs, raisonnablement prévisibles, sur la santé.

Il est important de comprendre que l'inclusion d'une exigence générale de sécurité dans la loi proposée n'empêcherait en aucune façon l'établissement de normes au moyen de règlements. Santé Canada continuerait d'établir des normes par règlements. L'exigence de sécurité agit comme un filet de sécurité dans les cas ou aucune norme établie par règlement ne s'applique.

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2.3 Les témoignages entendus

Au cours des consultations nationales qui ont été menées à l'automne 1998, on nous a dit que toute nouvelle loi sur la protection de la santé devrait prévoir ce qui suit :

  • poser une interdiction générale de fabriquer, d'importer, de distribuer ou de vendre tout produit ou d'exercer toute activité qui, dans des conditions normales, a un caractère dangereux pouvant être démontré ou qui menace la santé des gens ou d'autres êtres vivants,
  • obliger les fabricants à reconnaître qu'il leur incombe de s'assurer que les nouveaux produits et les nouvelles technologies répondent à des normes de sécurité d'un niveau correspondant aux risques associés à leurs produits,
  • rappeler le fait que peu de produits sont sans risque et qu'il incombe aux consommateurs d'utiliser et d'éliminer les produits en se conformant aux directives du fabricant, et
  • énoncer que les fabricants doivent :
  • divulguer tous les risques connus que peut poser l'utilisation de leurs produits,
  • fournir aux consommateurs des directives claires et complètes afin qu'ils puissent utiliser et éliminer leurs produits sans risque,
  • signaler à Santé Canada toute défectuosité d'un produit non détectée antérieurement et tout risque pour la santé que fait encourir l'utilisation de leurs produits et qui n'a pas été prévu antérieurement.

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2.4 Comparaison avec d'autres pays

2.4.1 L'Union européenne

L'Union européenne réglemente les produits de consommation vendus dans le commerce à l'aide d'une exigence générale de sécurité. Chacun des États membres a adopté une loi qui oblige légalement tous les fabricants de produits de consommation à ne commercialiser que des produits sûrs. Un « produit sûr », selon la définition qu'en donne la directive de l'Union européenne11, est un produit qui, dans des conditions d'utilisation raisonnablement prévisibles, ne présente qu'un risque minimal conformément à son utilisation et allant de pair avec un niveau élevé de protection de la santé et des personnes. La directive établit que les personnes intervenant dans la chaîne d'approvisionnement doivent aider à détecter et à corriger les problèmes relatifs à la sécurité. Elle a été récemment modifiée de manière à ce qu'elle s'applique à tout risque découlant de l'utilisation d'un produit professionnel qui n'est pas réglementé adéquatement dans la législation portant expressément sur ce produit et de façon à rendre le signalement des produits dangereux obligatoire et à exiger des mesures correctives plus rigoureuses. Les états membres doivent modifier leur législation nationale conformément à la nouvelle directive au plus tard le 15 janvier 2004.

  1. Voir l'article 2b) de 2001/95/CEE, le 3 décembre 2001.

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2.4.2 États Unis

Aux États-Unis, le droit commercial12 interagit avec le droit de la responsabilité civile délictuelle pour donner aux organismes de réglementation plusieurs outils semblables à ceux dont est dotée l'Europe. Premièrement, le système américain repose en partie sur le repérage des dangers par les tribunaux civils du pays. Le droit de la responsabilité délictuelle s'y applique d'une façon très différente du droit canadien équivalent. Ceci est dû au caractère plus litigieux de la culture américaine - partiellement en raison des énormes dommages-intérêts punitifs souvent accordés aux personnes ayant subi des préjudices à cause de produits dangereux - mais aussi au fait qu'il y a une plus grande chance que les préjudices subis surviennent plus tôt et plus fréquemment aux États-Unis qu'au Canada en raison de l'importance de leur population. En conséquence, l'effet dissuasif du droit de la responsabilité délictuelle aux États-Unis y est plus grand et les fabricants de produits en ressentent l'effet plus rapidement qu'au Canada. Les fabricants américains prennent donc « volontairement » des mesures équivalentes à celles imposées à leurs vis-à-vis européens par l'exigence générale de sécurité.

  1. Aux États-Unis, c'est en vertu du pouvoir fédéral de régir le commerce que sont votées les lois fédérales sur la protection de la santé. Contrairement à ce qui se passe au Canada, le gouvernement fédéral américain ne peut faire de lois criminelles. Seuls les États ont le pouvoir de faire de telles lois.

Deuxièmement, les lois fédérales américaines comportent une série d'exigences générales de sécurité mais de portée limitée. La Federal Food, Drug, and Cosmetic Act des États-Unis interdit la fabrication et le commerce entre les États d'aliments, de drogues, d'appareils ou de cosmétiques « falsifiés », c'est-à-dire d'aliments, de drogues, d'appareils ou de cosmétiques qui « contiennent une substance toxique ou délétère quelconque qui fasse en sorte que ces produits puissent porter atteinte à la santé »13. De façon similaire, en vertu de la Consumer Product Safety Act (CPSA), un fabricant qui omet de signaler l'existence d'un produit créant un « risque excessif de blessure »14 commet une infraction. Les organismes américains de réglementation ont donc automatiquement compétence pour agir lorsqu'ils constatent que des produits ont des effets nocifs inadmissibles sur la santé. Lorsqu'elles découvrent de tels produits, les autorités américaines peuvent ordonner que des mesures correctives soient prises.

  1. Voir les alinéas 402.(1)(1) et 501.(a)(2).
  2. Article 8, 15 U.S.C. 2057. Lorsqu'il ne se conforme pas à une règle de sécurité obligatoire ou à une norme d'application volontaire de son industrie, un fabricant doit le signaler à la Consumer Product Safety Commission. Un fabricant doit également le signaler lorsqu'il perd ou règle hors cour trois procès intentés contre luio pour responsabilité du fait d'un même produit à l'intérieur d'une période de deux ans: article 15, 15 U.S.C. 2064; article 37, 15 U.S.C. 2084.

La méthode appliquée par les Américains pour assurer la sécurité des produits est donc beaucoup plus forte et laisse plus de marge de manoeuvre que le régime canadien. Tout comme le Canada, les États-Unis disposent de lois portant sur des produits précis qui exigent des fabricants qu'ils veillent à la sécurité de certains produits, les exigences établies en la matière étant plus ou moins élaborées. Cependant, contrairement à celui du Canada, le gouvernement américain a automatiquement compétence sur presque tous les produits de consommation. À l'opposé de ce qu'exige le lourd processus de réglementation qui entrave l'application de la Loi sur les produits dangereux, la Consumer Product Safety Commission des États-Unis peut à toutes fins utiles prendre des mesures immédiates pour protéger le public. Le régime américain inclut également des pouvoirs de contrainte impressionnants, y compris des exigences de signalement et la capacité d'ordonner que des mesures correctives soient prises.

Bien que le droit américain ne comporte pas expressément d'exigence générale de sécurité, l'approche américaine en matière de sécurité des produits, fondée sur le droit commercial, comprend tous les éléments de base d'une telle exigence:

  • des interdictions sur les produits dangereux ou l'obligation de signaler de tels produits,
  • la contrainte juridique imposée aux fabricants d'examiner la sécurité de leurs produits, bien que la crainte de poursuites civiles les incite aussi à le faire,
  • l'autorisation légale conférée au gouvernement américain de prendre des mesures immédiates d'application des lois et règlements destinés à protéger le public,
  • les pouvoirs d'établir des normes pour les produits dangereux,
  • les exigences de signalement; et
  • des mesures correctives efficaces.

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3. Proposition

Une exigence générale de sécurité pourrait être énoncée comme suit dans la loi canadienne:

B2.1- Comme c'est le cas à l'heure actuelle, des normes et exigences pourraient être établies dans la loi proposée ou les règlements et tout manquement à ces normes et exigences constituerait une infraction.

Afin de maintenir au moins le niveau de sécurité actuel, il y aurait encore des normes réglementaires détaillées applicables à une variété de produits. Par exemple, les nouveaux médicaments et les aliments nouveaux continueraient à être assujettis à l'examen préalable à la commercialisation.

B2.2- De plus, une exigence générale en matière de sécurité s'appliquerait à tous les produits, même en l'absence de normes ou d'exigences précises dans la loi proposée ou les règlements. Celle-ci prévoirait notamment ce qui suit :

B2.2.1- Il est interdit à tout fournisseur de fabriquer, de promouvoir et de commercialiser un produit qui, lorsqu'il est fabriqué, commercialisé, annoncé, utilisé ou éliminé dans des conditions d'emploi raisonnablement prévisibles, pourrait nuire à la santé d'une personne parce que :

B2.2.1.1- le produit pourrait être défectueux ou pourrait le devenir prématurément en comparaison avec d'autres produits similaires;

La notion de tenir le fournisseur responsable d'un produit qui se détériore prématurément comparativement à des produits du même genre existe dans d'autres législations, notamment l'article 1729 du Code civil du Québec.

B2.2.1.2- le produit pourrait ne pas produire le résultat auquel on peut raisonnablement s'attendre;

B2.2.1.3- le produit pourrait être plus dangereux que ce à quoi le consommateur s'attendrait normalement;

Ce critère est utilisé par les cours américaines dans les cas de responsabilités liées aux produits et se retrouve aussi dans la Directive du conseil européen relative à la sécurité générale des produits 2001/95/CE à l'article 3(f).

B2.2.1.4- des renseignements adéquats ne sont pas donnés à l'usager quant à la manière d'utiliser et d'éliminer le produit sans danger;

B2.2.1.5- le produit pourrait être altéré;

En d'autres mots, le produit est falsifié, ou rendu inférieur, impur ou non-authentique par l'addition d'une substance nocive, moins valable ou prohibée, et ne rencontre pas les normes auxquelles on s'attend.

B2.2.1.6- le produit est fabriqué, emballé, conservé, transporté ou entreposé dans des conditions qui pourraient le rendre non sécuritaire;

B2.2.1.7- le produit pourrait contenir ou libérer des substances potentiellement dangereuses ou des radiations et il n'y a aucune mesure de sécurité adéquate pour enrayer ce risque;

B2.2.1.8- le produit pourrait émettre des substances potentiellement dangereuses ou des radiations plus que cela n'est nécessaire pour la fin à laquelle il doit servir;

B2.2.1.9- le produit pourrait être toxique, corrosif, inflammable, explosif, infectieux ou dangereusement réactif et il n'y a aucune mesure de sécurité adéquate pour enrayer ce risque;

B2.2.1.10- le produit pourrait entrer en contact avec d'autres produits, créant ainsi un danger, et il n'y a aucune mesure de sécurité adéquate pour enrayer ce risque;

B2.2.1.11- la conception, la structure ou les caractéristiques du produit pourrait créer un danger et il n'y a aucune mesure de sécurité adéquate pour enrayer ce risque;

B2.2.1.12- avant d'être annoncé ou commercialisé, le produit n'a pas été évalué objectivement afin de déterminer et de traiter des répercutions négatives possibles sur la santé;

B2.2.1.13- aux cellules, tissus et organes d'origine humaine ou animale qui sont recueillis, et lorsqu'il n'y a pas de garanties pour adresser le risque; ou

Par exemple, mettre la sécurité des donneurs, des receveurs ou des autres parties en danger par le biais de l'évaluation adéquate du donneur, de l'extraction, du processus, de la tenue d'inventaires, etc.

B2.2.1.14- toute autre cause précisée dans les règlements.

B2.3- Des facteurs comme ceux qui suivent seraient considérés au moment de déterminer si le fournisseur a exercé une diligence raisonnable dans les circonstances:

B2.3.1- les principes régissant les Décisions quant aux risques;

Voir la section sur les Décisions quant aux risques ci-dessus. En résumé, l'évaluation du risque ne devrait être fondée que sur l'observation objective et la science; les effets nuisibles possibles et les avantages potentiels doivent être soupesés; le concept de précaution doit être appliqué; les Canadiens doivent pouvoir faire des choix éclairés concernant leur santé; le fait que la même mesure peut toucher différemment diverses personnes sera pris en considération; et la relation entre l'environnement et la santé sera reconnue.

B2.3.2- la nature et la fonction du produit;

B2.3.3- le cycle de vie du produit;

Par exemple: un produit qui contient une substance dangereuse pourrait être conçu de façon à pouvoir être désassemblé et mis au rebut de manière sécuritaire, et devrait porter une étiquette indiquant comment se défaire du produit. Lorsqu'un produit qui pourrait devenir dangereux s'il n'est pas entretenu adéquatement est vendu, le fournisseur pourrait avoir à s'assurer qu'un système est en vigueur à cet effet (par exemple, contrat d'entretien).

Ceci signifie également que les facteurs d'intervention avant ou pendant la fabrication seront aussi considérés s'ils peuvent avoir un impact négatif sur la santé et la sécurité (par exemple le choix des matières premières). Comment ceci affecterait-il par exemple la chaîne alimentaire?

B2.3.4- la probabilité et la gravité des effets nuisibles potentiels sur la santé;

B2.3.5- le niveau de sécurité auxquels la personne en danger peut raisonnablement s'attendre;

Par exemple, la personne a-t'elle accepté le risque?

B2.3.6- le degré de vulnérabilité de la personne en danger;

B2.3.7- les connaissances scientifiques et l'état actuel de la technologie applicables au produit;

B2.3.8- les lois fédérales, provinciales ou territoriales applicables au produit ou à des produits semblables;

Une façon pour le fournisseur d'établir une défense de diligence raisonnable serait de démontrer que le produit est conforme aux normes réglementaires. Cependant, le gouvernement pourrait réfuter cette défense en démontrant que le fournisseur savait ou aurait dû savoir que la norme n'adressait pas un danger particulier ou ne protégeait pas suffisamment la santé et la sécurité dans les circonstances. Ceci est similaire à l'article 39 du British Consumer Protection Act de 1987, l'Article 3 de la Directive du conseil européen 2001/95/CE relative à la sécurité générale des produits et à la jurisprudence pertinente. Dans les cas de responsabilité civile, les cours américaines ont souvent considéré que de simplement se conformer avec les exigences réglementaires ne signifie pas que le produit est suffisamment sécuritaire.

B2.3.9- les normes de santé et de sécurité généralement acceptées et applicables au produit ou à des produits similaires;

À condition bien sûr que la norme adresse le danger qui pourrait causer les blessures dans les circonstances.

La ministre pourrait émettre un avis informant l'industrie et le public qu'une norme donnée n'est pas considérée suffisante pour faire face à un danger. De la même manière, la ministre pourrait maintenir une liste administrative des normes considérées comme étant adéquates pour protéger le public. De telles normes pourraient aussi être incorporées par référence dans les règlements.

B2.3.10- le niveau d'expertise auquel une personne peut raisonnablement s'attendre des divers participants dans la chaîne d'approvisionnement et leurs responsabilités respectives (voir ci-dessous); et

Par exemple, on s'attendra à ce que le fabricant en connaisse davantage sur ses produits que le détaillant qui vend une variété de produits et qui pourrait ne pas avoir les mêmes connaissances spécialisées.

B2.3.11- d'autres facteurs, tels qu'ils sont déterminés dans la jurisprudence ou dans les règlements.

B2.4- Contexte:

Bien que n'empêchant pas l'adoption de normes réglementaires pour faire face à des situations spécifiques, une exigence générale en matière de sécurité agirait comme un filet de sécurité en l'absence de tels règlements et assureraient que Santé Canada puisse prendre des mesures pour n'importe quel produit, peu importe sa nature. Ceci confirmerait aussi que les fournisseurs sont responsables d'assurer que les produits qu'ils mettent sur le marché ne présentent pas un risque indu.

Dans la législation canadienne existante, il y a des exigences générales en matière de sécurité dans la Loi sur les aliments et drogues pour les instruments médicaux et pour les cosmétiques, et dans la Loi sur les dispositifs émettant des radiations.

C'est aussi un principe bien établi dans le droit commun canadien et dans les articles 1468, 1469 et 1726 du Code civil du Québec que le fabricant sera tenu responsable des dommages causés par un produit défectueux. Ceci est effectivement une exigence générale en matière de sécurité « après le fait », qui permet aux victimes de prendre des actions civiles après qu'ils aient été blessés. L'exigence générale en matière de sécurité qui est envisagée pour la Loi sur la protection de la santé du Canada proposée permettrait au gouvernement de prendre des mesures préventives avant qu'une blessure ou une mort ne se produisent et aussi d'entreprendre une poursuite au criminel lorsqu'approprié.

Nous rejoindrions aussi, en fait, d'autres pays développés. La Directive de l'Union européenne sur les produits de consommation (1992) impose une exigence générale en matière de sécurité sur toute la chaîne d'approvisionnement. Le Royaume-Uni a une exigence générale en matière de sécurité dans sa Consumer Protection Act depuis 1987. Les États-Unis ont depuis longtemps imposé une exigence générale efficace en matière de sécurité « après le fait » par le biais de sa « Tort law » concernant la responsabilité liée au produit, qui est probablement la plus rigoureuse au monde, avec son utilisation de procès par jurés et ses dommages punitifs.

Il n'apparaît pas que le cadre proposé imposerait un fardeau indu sur l'industrie. Il est juste d'assumer que les fabricants responsables prennent déjà toutes les précautions nécessaires, donc un fardeau additionnel ne serait pas imposé sur eux. De plus, la proposition de renverser le fardeau de la preuve reflète essentiellement la jurisprudence dans les cas de poursuites réglementaires, particulièrement en ce qui a trait à la responsabilité stricte et la diligence raisonnable. Le fournisseur a déjà l'obligation de démontrer à la cour que des mesures raisonnables ont été prises pour ne pas contrevenir aux exigences législatives.

Les Exigences générales en matière de sécurité atteindraient donc deux objectifs importants: elles clarifieraient les responsabilité des fournisseurs de produits en matière de santé et sécurité et elles assureraient que le système de protection de la santé a l'autorité juridique adéquate pour faire face aux risques à la santé de façon uniforme et efficace.

Les responsabilités respectives des divers participants dans la chaîne d'approvisionnement seraient décrites de la façon suivante.

B3.1- Les responsabilités du fabricant (personne autre que le transporteur ou celle qui entrepose un produit) :

N.B. : le mot « fabricant », selon la définition ci-dessus, comprend la personne qui importe le produit au Canada.

B3.1.1- s'appliqueraient à toutes les questions qui peuvent toucher la sécurité du produit et qui relèvent directement ou indirectement du contrôle du fabricant;

B3.1.2- comprendraient notamment la prise de mesures proportionnées au risque présenté par le produit afin de surveiller les incidents néfastes pour la santé une fois que le produit a été mis sur le marché et la prise des mesures correctives appropriées (notamment un rapport d'incidents à Santé Canada).

Dans certains cas (ex. produits innovateurs tels que certaines nouvelles drogues), est-ce que le fabricant pourrait être tenu de poursuivre des recherches à long terme afin de confirmer l'innocuité et l'efficacité du produit?

B3.2- Toute personne participant à la chaîne d'approvisionnement devrait :

B3.2.1- faire preuve d'une diligence raisonnable dans ses activités dans les limites de sa capacité à influencer la sécurité du produit;

B3.2.2- s'abstenir de promouvoir ou de commercialiser un produit lorsqu'elle sait, ou devrait savoir, qu'il ne répond pas aux normes de sécurité;

B3.2.3- dans le cas d'une personne qui distribue des produits pour leur vente en gros ou au détail, faire circuler les renseignements liés à la sécurité du produit entre le fabricant et l'utilisateur et collaborer avec le fabricant pour l'aider à mettre en Éuvre des mesures correctives.

B3.3- Les règlements pourraient préciser davantage les responsabilités incombant à chacun des participants dans la chaîne d'approvisionnement.

*

4. Conclusion

En résumé, une exigence générale de sécurité:

  • offrirait une meilleure protection aux Canadiens en rendant tous les produits auxquels la loi s'appliquerait sujet à une norme complète de sécurité;
  • établirait un régime juridique orienté vers le résultat et offrant plus de flexibilité et de prévisibilité;
  • fournirait à Santé Canada les instruments légaux nécessaires pour faire face aux risques à la santé; et
  • permettrait au Canada de rattraper ce qui se fait déjà dans les autres pays industrialisés.
Mise à jour : 2004-10-01 Haut de la page