Loi canadienne sur la santé
Interprétation
Il existe deux énoncés de politiques qui précisent la position du gouvernement fédéral concernant la Loi canadienne sur la santé (LCS). Ces énoncés ont été présentes sous forme de lettres ministérielles par d'anciens ministres fédéraux de la Santé à leurs homologues provinciaux et territoriaux.
Lettre Epp
En juin 1985, environ un an après l'adoption de la Loi canadienne sur la santé au Parlement, le ministre fédéral de la Santé d'alors, Jake Epp, écrivait à ses homologues provinciaux et territoriaux afin de leur exposer et de confirmer la position fédérale sur l'interprétation et la mise en oeuvre de la Loi canadienne sur la santé.
La lettre du ministre Epp faisait suite à plusieurs mois de consultations avec les provinces et les territoires. La lettre présente les énoncés de politique générale fédérale qui clarifient les critères, les conditions et les dispositions réglementaires de la LCS. Ces éclaircissements ont été utilisés par le gouvernement fédéral dans l'évaluation et l'interprétation de la conformité à la Loi. La lettre Epp demeure une référence importante pour l'interprétation de la Loi.
Politique fédérale sur les cliniques privées
Entre février et décembre 1994 a eu lieu une série
de sept réunions fédérales-provinciales-territoriales
portant uniquement ou en partie sur les établissements privés.
Il était question de la multiplication des cliniques privées
offrant des services médicalement nécessaires financés
en partie par le système public et en partie par les patients,
et de leurs conséquences sur le système canadien de
soins de santé universel et financé par l'état.
Lors de la réunion fédérale-provinciale-territoriale
des ministres de la Santé, tenue à Halifax en septembre
1994, tous les ministres présents, à l'exception de
celui de l'Alberta, ont convenu de « prendre les mesures qui
s'imposaient pour réglementer le développement des
cliniques privées au Canada ».
Le 6 janvier 1995, la ministre de la Santé, Diane Marleau,
a écrit aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santé
pour annoncer la nouvelle politique fédérale
sur les cliniques privées. La lettre de la ministre présentait
l'interprétation fédérale de la Loi canadienne
sur la santé en ce qui concerne l'imposition directe de frais
d'établissement aux patients qui reçoivent des services
médicaux nécessaires dans une clinique privée.
La lettre stipulait aussi que la définition d' « hôpital
» de la Loi canadienne sur la santé comprend tout établissement
public qui offre des soins actifs, de longue durée et de
réadaptation. Ainsi, lorsqu'un régime provincial ou
territorial d'assurance-santé paye les honoraires d'un médecin
pour un service médicalement nécessaire offert dans
une clinique privée, il doit également payer les frais
d'établissement ou s'attendre à ce qu'une retenue
soit faite sur les paiements de transfert du gouvernement fédéral.
Le texte de la Lettre Epp
Minister of Health and Welfare - Ministre de la Santé et du Bien-être social
Ottawa, Canada
K1A 0K9
Le 15 juillet 1985
Monsieur le Ministre, [Voici le texte de la lettre envoyée le
15 juillet 1985 au ministre des Affaires sociales du Québec par
l'honorable Jake Epp, ministre de la Santé et du Bien-être social.
Le ministre Epp a envoyé une lettre identique en anglais aux autres
ministres provinciaux et territoriaux de la Santé le 18 juin 1985.]
Maintenant que j'ai terminé ma ronde de consultations bilatérales
au cours des derniers mois avec les ministres provinciaux et
territoriaux de la Santé, de même que lors de la rencontre de
Winnipeg les 16 et 17 mai, j'aimerais confirmer mes intentions
relativement à l'interprétation et à la mise en oeuvre de la Loi
canadienne sur la santé. J'apprécierais plus particulièrement
que vous me fassiez connaître par écrit vos vues au sujet des projets de règlements ci-joints afin que je puisse prendre les
mesures nécessaires pour assurer leur promulgation dès que possible.
Aussi, je vous écrirai plus longuement concernant les informations
dont j'aurai besoin pour préparer le rapport annuel que je dois
soumettre au Parlement.
Tel que souligné lors de notre réunion à Winnipeg, j'entends
respecter la compétence des provinces pour tout ce qui touche à la
santé et à la prestation des services de santé. Je sais, par
conviction et par expérience, qu'on peut accomplir davantage dans
l'harmonie et la collaboration que dans la discorde et
l'affrontement.
En ce qui a trait à la Loi canadienne sur la santé, la
conclusion qui s'impose à moi, à la suite de nos entretiens, c'est
que nous sommes tous au même titre les dépositaires de la confiance
du public et que nous nous sommes tous promis de conserver un
système d'assurance-santé universel, complet, accessible et
transférable, géré par un organisme public à l'avantage de tous les
habitants du Canada, et que nous allons l'améliorer si c'est
possible.
Nos échanges ont renforcé la conviction que j'avais déjà, à
savoir que vous avez besoin de suffisamment de latitude et de
souplesse administrative pour faire fonctionner vos régimes
d'assurance-santé. Vous connaissez bien mieux que moi les besoins et
les priorités des habitants de vos provinces par rapport aux
facteurs géographiques et économiques. Il est essentiel, par
ailleurs, que les provinces assument la responsabilité qui leur
incombe en premier d'assurer les services de santé.
J'ai eu en même temps le sentiment que les provinces désirent que
le gouvernement fédéral continue de jouer un rôle concret, tant sur
le plan monétaire qu'autrement, afin de les aider dans leurs efforts
pour tenter de réaliser les objectifs fondamentaux du système de
soins: protéger, favoriser et restaurer le bien-être physique et
mental des Canadiens. En tant que groupe, les ministres provinciaux
et territoriaux de la Santé acceptent l'existence d'une association
coopérative avec le gouvernement fédéral basée d'abord sur les
contributions que ce dernier verse au titre des soins et des
services complémentaires de santé assurés.
Je dirais peut-être aussi que la Loi canadienne sur la
santé ne constitue pas la réponse aux défis devant lesquels
nous nous trouvons pour ce qui est de l'appareil de santé. Il me
tarde de travailler avec vous dans un esprit de collaboration afin
que nous puissions relever des défis comme l'évolution rapide de la
technologie médicale et le vieillissement de la population, et que
nous arrivions à définir des stratégies de promotion de la santé
ainsi que d'autres formules pour assurer les soins.
Pour revenir à la tâche immédiate que représente l'application de
la Loi canadienne sur la santé, je veux établir quelques
énoncés raisonnablement complets de politique générale fédérale, à
commencer par chacun des critères contenus dans la mesure
législative.
Gestion publique
Le critère de la gestion publique est généralement accepté. Le
but est de laisser la gestion des régimes provinciaux
d'assurance-santé à une autorité publique, responsable devant le
gouvernement provincial des décisions prises au sujet des seuils de
prestations et des services, et assujettie à la vérification de ses
dossiers et de ses comptes par une autorité publique.
Intégralité
La Loi canadienne sur la santé n'a pas pour but
d'étendre ou de réduire la gamme de services assurés prévue dans
l'ancienne législation fédérale. Sont compris dans les services
assurés les soins hospitaliers nécessaires de l'avis d'un médecin,
les services médicaux et les services de chirurgie dentaire qui
doivent obligatoirement être dispensés à l'hôpital. Les régimes
provinciaux doivent couvrir le coût des services aux malades
hospitalisés et des services aux malades externes associés à la
prestation des soins actifs, des soins de réadaptation et des soins
aux malades chroniques. Pour ce qui est des services médicaux, les
services assurés englobent généralement les services exigés pour des
raisons médicales dispensés par des médecins autorisés de même que
les interventions de chirurgie dentaire qui exigent l'hôpital pour
être pratiquées comme il se doit. Les services dispensés par les
autres professionnels des soins, sauf ceux qui doivent fournir les
services hospitaliers nécessaires, ne sont pas assujettis aux
critères de la Loi.
À l'intérieur de ces paramètres généraux, les provinces, de même
que les médecins, ont le privilège et aussi la responsabilité de
dire en quoi consistent les services médicaux nécessaires pour des
raisons médicales. Ce sont aussi les provinces qui déterminent quels
hôpitaux et quels services hospitaliers sont exigés pour fournir les
soins actifs, les soins de réadaptation ou les soins aux malades
chroniques.
Universalité
Le but de la Loi canadienne sur la santé est de garantir
que tous les habitants reconnus d'une province on droit à la
protection et aux prestations en vertu d'un des douze régimes
provinciaux ou territoriaux d'assurance-santé. Cependant les
résidents éligibles ont la latitude et peuvent élire de ne pas
adhérer au régime provincial.
L'accord sur l'admissibilité et la transférabilité fournit des
directives utiles pour établir le domicile et déterminer les
modalités qui permettent d'obtenir et de conserver la protection.
Les dispositions en sont compatibles avec celles de la Loi.
Je veux dire quelques mots au sujet des primes. Les provinces ont
incontestablement le droit de prélever des impôts et la Loi
canadienne sur la santé n'entrave pas ce droit. La Loi
n'interdit pas le système de primes en soi, pourvu que le régime
provincial d'assurance-santé soit appliqué et géré de manière à ne
pas refuser la protection ou empêcher l'accès aux services
hospitaliers et aux services médicaux nécessaires pour les habitants
reconnus d'une province. Les modalités administratives devraient
être telles que les habitants ne soient pas privés de la protection
parce qu'ils sont incapables de payer les primes.
Je suis conscient des problèmes auxquels font face certaines
provinces dans le cas des touristes et des visiteurs qui peuvent
avoir besoin de services de santé pendant leur séjour au Canada.
Avec mes collègues du Cabinet, le ministre des Affaires extérieures
et la ministre de l'Emploi et de l'Immigration, je veux effectuer un
examen de ce qui se fait actuellement pour que tous les moyens
soient pris afin d'informer les visiteurs éventuels de la nécessité
de se protéger en se procurant une assurance-santé suffisante avant
d'entrer au Canada.
En somme, je crois qu'en notre qualité de ministres de la Santé,
nous avons tous l'obligation de poursuivre l'objectif, autrement
dit, faire en sorte que toutes les personnes dûment domiciliées dans
une province obtiennent et conservent le droit aux services assurés,
et cela selon des modalités uniformes.
Transférabilité
Les dispositions de la Loi canadienne sur la santé
relatives à la transférabilité visent à fournir aux assurés une
protection ininterrompue en vertu de leur régime d'assurance-santé
quand ils s'absentent temporairement de la province où ils sont
domiciliés ou quand ils se déplacent d'une province à une autre.
Pendant un séjour temporaire dans une autre province, les habitants
reconnus d'une province ne devraient pas être obligés de payer de
leur poche pour obtenir les services hospitaliers ou médicaux
nécessaires. Les fournisseurs de soins devraient avoir l'assurance
de toucher des montants raisonnables à l'égard du coût de ces
services.
Quant aux services assurés reçus pendant un séjour à l'étranger,
le but est de garantir une indemnisation raisonnable au titre des
services hospitaliers ou médicaux d'urgence qui sont nécessaires ou
des services prescrits qui n'existent pas dans une province ou dans
les provinces voisines. En général, les formules de paiement
rattachées aux indemnités qui auraient été versées au titre des
mêmes services dispensés dans une province pourraient être acceptées
pour les besoins de la Loi canadienne sur la santé.
Dans mes entretiens avec les ministres provinciaux et
territoriaux, j'ai senti un désir d'arriver aux objectifs souhaités
en matière de transférabilité et de réduire au minimum les
difficultés que les Canadiens peuvent rencontrer quand ils se
déplacent au Canada. Je crois que les ministres de la Santé des
provinces et des territoires sont tous désireux de voir à ce que ces
services soient fournis de façon plus efficace et d'une manière plus
économique pour que les Canadiens puissent conserver leur protection
d'assurance-santé ou obtenir les prestations ou les services sans
empêchement indu.
Des progrès appréciables ont été réalisés ces dernières années
grâce aux accords de réciprocité qui permettent d'atteindre les
objectifs de transférabilité visés par la Loi canadienne sur la
santé en ce qui a trait à la protection à l'intérieur du
Canada. Ces accords ne font pas obstacle aux droits et privilèges
des provinces quand il s'agit de déterminer quels sont les services
rendus dans une autre province et d'en prévoir l'indemnisation. Ils
n'empêchent pas non plus les provinces d'exercer un contrôle
raisonnable par le moyen de l'approbation préalable des
interventions facultatives. Mais je reconnais qu'il y a encore du
travail à faire relativement aux modalités de paiement entre les
provinces pour atteindre cet objectif, surtout par rapport aux
services des médecins.
Je suis bien conscient que toutes les difficultés ne peuvent être
résolues du jour au lendemain et qu'il faudra allouer assez de temps
pour que les régimes provinciaux arrivent à ne pas exiger de frais
directs des malades pour les services hospitaliers et les services
médicaux nécessaires fournis dans les autres provinces.
Quant aux services nécessaires fournis à l'étranger, j'ai
confiance que nous pouvons établir des normes acceptables
d'indemnisation au titre des services médicaux et des services
hospitaliers essentiels. La Loi ne définit pas de formule
particulière et je serais heureux de connaître vos vues à ce sujet.
Pour que nos efforts s'harmonisent, je proposerais de demander au
Comité consultatif fédéral-provincial des services médicaux et des
services en établissement d'examiner différentes possibilités et de
présenter d'ici un an des solutions pour atteindre ces objectifs.
Accessibilité raisonnable
La Loi est assez claire à l'égard de certains aspects de
l'accessibilité. Ce qu'elle cherche à faire, c'est de décourager la
pratique voulant que des frais soient exigés sur-le-champ pour les
services assurés fournis aux assurés et d'empêcher que s'exercent de
fâcheuses distinctions à l'égard d'un groupe de population en ce qui
a trait à la facturation des services ou de l'usage nécessaire des
services assurés. La loi met en même temps l'accent sur
l'association qui doit exister entre les fournisseurs des services
assurés et les gestionnaires des régimes provinciaux, exigeant que
les régimes provinciaux comportent des mécanismes raisonnables de
paiement ou d'indemnisation pour que les usagers aient un accès
raisonnable aux services. Je veux souligner de nouveau mon intention
de respecter les privilèges des provinces relativement à
l'organisation, à l'émission d'un permis d'exercice, à l'offre, à la
répartition de la main-d'oeuvre, ainsi qu'à l'affectation des
ressources et aux priorités dans le cas des services assurés. Je
tiens à vous assurer que le gouvernement fédéral ne recourra pas à
la disposition relative à l'accès raisonnable pour intervenir
directement dans des questions comme l'existence matérielle ou
géographique des services ou la régie par les provinces des
établissements et des professions qui fournissent les services
assurés. Les grandes questions ayant trait à l'accès aux services de
santé me seront inévitablement signalées. Je veux vous donner
l'assurance que mon Ministère travaillera par l'intermédiaire des
bureaux des ministres provinciaux et territoriaux, et de concert
avec eux, afin de régler ces questions.
Mon but en vous faisant part de mes intentions au sujet des
critères contenus dans la Loi canadienne sur la santé,
c'est de nous permettre de travailler ensemble à définir notre
système national d'assurance-santé. Je crois que si nous poursuivons
le dialogue, si nous sommes favorables à l'idée d'échanger des
renseignements et que nous voulons le faire, et si nous comprenons
bien de part et d'autre les règles du jeu, nous pouvons mettre en
oeuvre la Loi sans animosité et sans conflit.
Je préférerais que les ministres provinciaux et territoriaux
aient eux-mêmes une possibilité d'interpréter les critères de la
Loi canadienne sur la santé et de les appliquer à leurs
régimes d'assurance-santé respectifs. Je crois également que les
ministres de la Santé des provinces et des territoires comprennent
et acceptent tous que j'ai des comptes à rendre au Parlement du
Canada, et que je dois notamment présenter tous les ans un rapport
sur le fonctionnement des régimes provinciaux d'assurance-santé en
ce qui a trait au respect de ces critères fondamentaux.
Conditions
Cela m'amène aux conditions relatives à l'obligation de
reconnaître les contributions fédérales et à celles de fournir des
renseignements, l'une et l'autre pouvant être précisées dans le
règlement. À ce propos, je veux me guider sur les principes
suivants:
- faire le moins de règlements possibles et seulement si c'est
absolument nécessaire;
- compter sur la bonne volonté des ministres pour reconnaître
comme il se doit le rôle et la contribution du gouvernement
fédéral et pour fournir de plein gré les renseignements
nécessaires afin d'exécuter la Loi et de faire rapport au
Parlement;
- recourir à la concertation et à l'échange de renseignements
qui nous profitent mutuellement comme moyens privilégiés pour
mettre en oeuvre et faire appliquer la Loi canadienne sur la
santé;
- utiliser les mécanismes qui existent déjà pour échanger des
renseignements à l'avantage mutuel de nos administrations.
En ce qui a trait à la reconnaissance des contributions fédérales
à la santé par les gouvernements provinciaux et territoriaux, je
suis convaincu que nous pouvons normalement arriver sans peine à
nous entendre sur la solution appropriée. À mon avis, la meilleure
formule, c'est de montrer qu'en tant que ministres de la Santé, nous
travaillons ensemble dans l'intérêt du contribuable et du malade.
À l'égard de l'information, je m'en tiens à l'engagement que j'ai
pris d'améliorer si possible les systèmes nationaux de données déjà
en place, et cela dans un esprit de collaboration et de coopération.
Ces systèmes servent à plus d'une fin et fournissent au gouvernement
fédéral aussi bien qu'aux autres organismes et au grand public des
données essentielles sur notre appareil de soins et l'état de santé
de notre population. J'entrevois la poursuite d'un travail en
association qui permettra d'améliorer les systèmes d'information
sanitaire dans des domaines comme les taux de morbidité et de
mortalité, l'état de santé, le fonctionnement des services de santé
et leur utilisation, le coût et le financement des soins.
Je crois fermement que le gouvernement fédéral n'a pas besoin de
réglementer ces questions. Je n'ai donc pas l'intention de recourir
au pouvoir de réglementation pour ce qui est des renseignements
exigés en vertu de la Loi canadienne sur la santé quand il
s'agit d'étendre ou de modifier les systèmes généraux de données et
les échanges de renseignements. Afin que l'information relative à la
Loi canadienne sur la santé circule le plus économiquement
possible, je vois seulement deux mécanismes particuliers, et
essentiels, de transfert des données:
- des estimations et des bilans sur la surfacturation et les
frais modérateurs;
- un bilan provincial annuel (peut-être sous la forme d'une
lettre qui me sera envoyée) à présenter à peu près six mois après
la fin de l'exercice financier, décrivant le fonctionnement des
régimes provinciaux respectifs d'assurance-santé par rapport aux
critères et aux conditions de la Loi canadienne sur la
santé.
Au sujet du premier point, je propose d'établir des règlements
dont le contenu sera identique à celui des règlements qui ont été
acceptés pour 1985-86. Vous trouverez un projet de règlements joint
à titre d'annexe I. Pour aider à préparer le bilan provincial annuel
auquel je fais allusion au deuxième point, j'ai élaboré des
directives générales qui constituent l'annexe II. Au-delà de ces
documents bien précis, j'ai confiance que l'échange spontané et
mutuellement bénéfique d'éléments tels que les lois, les règlements
et les descriptions de programmes se poursuivra.
Une question a été soulevée au cours de nos entretiens antérieurs
que nous avons eus au début, à savoir si les estimations ou les
retenues en ce qui a trait aux frais modérateurs et à la
surfacturation devraient être fondées sur les "montants facturés" ou
sur les "montants perçus". La Loi établit clairement que les
retenues doivent être basées sur les montants facturés. Or, en ce
qui a trait aux frais modérateurs, des régimes provinciaux
acquittent les frais indirectement pour certaines personnes.
Lorsqu'il est nettement démontré qu'un régime provincial rembourse
aux fournisseurs de soins le montant facturé mais ne le perçoit pas,
disons à l'égard des bénéficiaires de l'aide sociale ou dans le cas
des comptes impayés, il faudra rajuster en conséquence les
estimations et les retenues.
Je veux insister sur le fait que lorsqu'un régime provincial
n'autorise pas les frais modérateurs, tout le système doit être
conforme au but du critère de l'accessibilité raisonnable énoncé à
la page 6.
Règlements
En plus de ceux qui visent la reconnaissance du rôle fédéral et
les renseignements à fournir, dont il est question précédemment, la
Loi prévoit l'établissement de règlements ayant rapport aux services
hospitaliers exclus et de règlements relatifs à la définition des
services complémentaires de santé.
Vous êtes au courant que la Loi spécifie que chacune des
provinces doit être consultée et qu'il doit y avoir entente au sujet
des règlements. Les discussions que j'ai eues avec vous n'ont fait
ressortir que certaines inquiétudes au sujet de l'ensemble
provisoire de services exclus des règlements sur les services
hospitaliers, ci-joint.
De même, je n'ai pas perçu d'inquiétude au sujet du projet de
règlements qui définit les services complémentaires de santé. Ces
règlements aident à fournir des précisions pour que les provinces
puissent interpréter la Loi et gérer les régimes et programmes en
cours. Ils ne modifient pas sensiblement ou en substance ceux qui
ont été en vigueur pendant huit ans en vertu de la partie IV de la
Loi de 1977 sur les contributions à l'enseignement
postsecondaire et à la santé. Il se pourrait bien, cependant,
quand nous commencerons à examiner les défis à relever dans le
domaine des soins, que nous devions songer à revoir ces
définitions.
J'ai voulu par cette lettre essayer d'établir des règles de base
souples, raisonnables et claires pour faciliter à l'échelon
provincial, aussi bien qu'à l'échelon fédéral, l'administration de
la Loi canadienne sur la santé. J'ai voulu englober
beaucoup de questions, dont l'interprétation des critères, la
position fédérale au sujet des conditions et les projets de
règlements. Je suis évidemment conscient qu'une lettre de cette
sorte ne peut pas traiter de chacun des points qui préoccupent
chaque ministre de la Santé. Il est donc essentiel qu'un dialogue et
que la communication se poursuivent.
En terminant, laissez-moi vous remercier de l'aide que vous avez
apportée pour en arriver à ce que je crois être un point de vue
généralement accepté en ce qui a trait à l'interprétation et à
l'application de la Loi. Tel que mentionné au début de cette lettre,
je vous saurais gré de me signaler par écrit, sous peu vos vues sur
les projets de règlements ci-joints. J'ai l'intention de vous écrire
bientôt au sujet de l'échange volontaire de renseignements dont nous
avons discuté, relativement à l'administration de la Loi et du
rapport à présenter au Parlement.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma
considération distinguée.
Jake Epp
Le texte de la lettre sur la Politique fédérale
sur les cliniques privées
Minister of Health and Welfare - Ministre de la Santé et du Bien-être social
Ottawa, Canada
K1A 0K9
Le 6 janvier 1995
Cher collègue, [Voici le texte de la lettre envoyée le 6 janvier
1995 à tous les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé
par l'honorable Diane Marleau, ministre de la Santé.]
Objet : la Loi canadienne sur la santé
La Loi canadienne sur la santé est en vigueur depuis un
peu plus d'une décennie. Les principes énoncés dans la loi (gestion
publique, intégralité, universalité, transférabilité et accessibilité)
continuent d'être appuyés par tous les gouvernements provinciaux
et territoriaux et par la grande majorité des Canadiens et des Canadiennes.
Mais l'érosion possible du système de santé canadien administré
et financé par le secteur public suscite des craintes, et il est
essentiel de prendre les moyens nécessaires pour préserver ces principes.
Il est clair à la suite de la réunion de Halifax tenue récemment,
que plusieurs ministres de la Santé sont préoccupés par une tendance
à interpréter la loi de façons divergentes. J'aborderai d'autres
questions à la fin de la présente lettre à cet égard. Toutefois,
ma préoccupation principale concerne les cliniques privées et les
frais d'établissement qu'elles perçoivent auprès de leurs patients.
C'est un problème qui n'est pas nouveau pour les ministres de la
Santé. Il a fait l'objet d'importantes discussions lors de note
réunion à Halifax l'an dernier. Pour les raisons que j'expose dans
cette lettre, je suis convaincue que la prolifération d'un «second
palier» d'établissements, exploités entièrement ou dans une large
mesure en dehors du système de santé administré et financé par des
fonds publics, et dispensant des services médicalement nécessaires,
constitue une menace sérieuse pour le système de soins de santé
du Canada.
Plus précisément, et plus directement, je considère que les frais
d'établissement exigés par les cliniques privées pour des services
médicalement nécessaires représentent un problème sérieux qui doit
être réglé. Selon moi, de tels frais constituent des frais modérateurs
et à ce titre, ils contreviennent au principe de l'accessibilité
de la Loi canadienne sur la santé.
Bien que ces frais d'établissement ne soient pas définis dans la
loi fédérale, ni dans les dispositions législatives de la plupart
des provinces, ce terme renvoie aux montants d'argent qui peuvent
être exigés pour des services de type hospitalier dispensés en clinique
et qui ne sont pas remboursés par la province, par opposition aux
services fournis par un médecin. Lorsque ces frais d'établissement
sont imposés pour des services médicalement nécessaires dispensés
dans une clinique qui reçoit, par ailleurs, en vertu du régime d'assurance-santé
de la province, des fonds publics pour la prestation de ces services,
ces frais constituent un obstacle financier à l'accessibilité des
services. Ils enfreignent par conséquent la disposition de la loi
relative aux frais modérateurs (article 19).
Les frais d'établissement sont, à mon avis, inacceptables parce
qu'ils limitent l'accès aux services médicalement nécessaires.
De plus, lorsque des cliniques qui reçoivent des fonds publics
pour dispenser des services médicalement nécessaires exigent en
supplément des frais d'établissement, les personnes qui ont les
moyens de payer de tels frais sont directement subventionnées par
tous les autres Canadiens et Canadiennes. Il m'apparaît tout à fait
inacceptable de subventionner de la sorte un système de santé à
deux paliers.
Ma position sur les frais d'établissement repose sur deux arguments.
Le premier touche la politique en matière de santé. Dans le contexte
actuel de la prestation des services de santé, une interprétation
qui permet l'imposition de frais d'établissement pour des services
médicalement nécessaires alors que le régime d'assurance-santé de
la province couvre les honoraires du médecin va à l'encontre de
l'esprit et de l'objet de la loi. Autrefois, de nombreux services
médicaux exigeaient an séjour à l'hôpital; maintenant, grâce aux
progrès de la technologie médicale et à la tendance à dispenser
des services dans des endroits plus accessibles, il est possible
d'offrir une vaste gamme de soins ou de services ambulatoires à
l'extérieur du cadre hospitalier traditionnel. Le critère de la
loi relatif à l'accessibilité, critère dont la disposition sur les
frais modérateurs ne constitue qu'un exemple, avait, de toute évidence,
pour objet de veiller à ce que les résidents du Canada reçoivent
tous les services de santé médicalement nécessaires, sans obstacle
financier ou autre, et quel que soit l'endroit où ces services sont
dispensés. Ce critère doit conserver son sens initial quelle que
soit la façon dont l'exercice de la médecine évolue.
Le deuxième argument relève de l'interprétation juridique. La définition
du terme «hôpital» prévue dans la loi comprend tout établissement
qui offre des soins hospitaliers aux personnes souffrant de maladie
aiguë ou chronique ou exigeant des services de réadaptation. Cette
définition couvre aussi les établissements de soins de santé connus
sous le nom de «clinique». Pour des raisons touchant à la fois la
politique et l'interprétation juridique, je considère donc que lorsqu'un
régime d'assurance-santé provincial prévoit le paiement d'honoraires
de médecin pour des services médicalement nécessaires dispensés
dans une clinique, il doit également prévoir le paiement des services
(hospitaliers) connexes associés à la prestation de ces services,
sans quoi la province en question devra s'attendre à l'application
de déductions correspondant au total des frais modérateurs.
Je me rends bien compte que cette interprétation nécessitera certaines
modifications, particulièrement dans les provinces où des cliniques
exigent actuellement des frais d'établissement applicables à des
services de santé médicalement nécessaires. Afin d'éviter des difficultés
qui pourraient être jugées déraisonnables, je fixe au 15 octobre
1995 la date de mise en application de cette interprétation. Les
provinces disposeront ainsi du temps requis pour mettre en place
les dispositions législatives ou réglementaires qui s'imposent.
À compter du 15 octobre 1995, toutefois, je commencerai à déduire
des paiements de transfert toute somme exigée pour des frais d'établissement
lorsque des services de santé médicalement nécessaires sont en cause,
comme le prévoit l'article 20 de la Loi canadienne sur la santé.
À mon avis, les provinces bénéficieront ainsi d'une période de transition
raisonnable étant donné qu'elles sont maintenant saisies de mes
préoccupations concernant les cliniques privées, et compte tenu
des progrès déjà réalisés par le Comité consultatif fédéral-provincial-territorial
sur les services de santé qui se penche sur la question des cliniques
privées depuis déjà un bon moment.
Je tiens à préciser que je ne cherche pas à empêcher l'utilisation
de cliniques pour dispenser des services de santé médicalement nécessaires.
Je sais que dans bien des cas, elles représentent un moyen efficace
d'offrir des services de santé à moindre coût, et souvent en ayant
recours à des techniques avancées. J'entends, par contre, veiller
à ce que les services de santé médicalement nécessaires soient dispensés
suivant des modalités uniformes et cela, quel que soit l'endroit
ou ils sont offerts. Les principes de la Loi canadiennes sur la
santé sont suffisamment souples pour permettre l'évolution de la
médecine et de la prestation des soins de santé. Cependant, cette
évolution ne saurait mener à la création d'un système de santé à
deux paliers.
Comme je l'ai déjà mentionné dans cette lettre, même si la question
des frais modérateurs constitue ma préoccupation immédiate, je m'inquiète
également des questions plus générales soulevées par la prolifération
des cliniques privées. Je crains que cette prolifération ne se traduise,
à plus ou moins long terme, par une érosion de notre système de
santé public, ce qui aurait pour résultat de limiter l'accès dont
jouit la population canadienne aux services de santé médicalement
nécessaires. L'énoncé de politique auquel la réunion d'Halifax a
donné lieu, témoigne bien de ces préoccupations. Les ministres de
la Santé présents, à l'exception de la Ministre de l'Alberta, ont
convenu :
d'entreprendre toute démarche qui pourrait
être nécessaire pour réglementer l'établissement des cliniques privées
au Canada et maintenir un régime d'assurance-santé de grande qualité
par les gouvernements.
La question des cliniques privées soulève de nombreuses préoccupations
au sein du gouvernement fédéral, préoccupations que les provinces
partagent. On s'inquiète entre autres :
- de l'affaiblissement de l'appui du public au système de santé
administré et financé par l'État;
- de la diminution de la capacité des gouvernements de contrôler
les coûts de la santé une fois que ceux-ci sont passés du secteur
public au secteur privé;
- de la possibilité, comme en fait foi l'expérience vécue ailleurs,
que les établissements privés concentrent leurs efforts sur les
actes médicaux les plus faciles, laissant aux établissements publics
le soin de s'occuper des cas plus complexes et plus coûteux;
- de la capacité qu'ont les établissements privés d'offrir aux
professionnels de la santé des encouragements financiers susceptibles
de les inciter à se désengager du système de santé public (incitant
ces établissements à mobiliser leurs ressources financières afin
d'attirer les consommateurs, plutôt que d'améliorer la qualité
des soins offerts).
Le seul moyen de composer efficacement avec ces préoccupations
consiste à réglementer l'exploitation des cliniques privées.
Je demande donc aux ministres de la Santé des provinces qui ne
l'ont pas encore fait d'établir des cadres réglementaires régissant
l'exploitation des cliniques privées. J'aimerais souligner que même
si je me préoccupe surtout de l'élimination des frais modérateurs,
il est tout aussi important que ces cadres réglementaires soient
mis en place pour assurer un accès raisonnable aux services de santé
médicalement nécessaires et pour favoriser la viabilité du système
de santé financé et administré par l'État. À mon avis, il faut procéder
sans tarder à leur mise en oeuvre.
N'hésitez pas à prendre contact avec moi pour des éclaircissements
au sujet de ma position sur les cliniques privées et les frais d'établissement.
Mes fonctionnaires, quant à eux, sont prêts à rencontrer les vôtres
quand ils le souhaiteront pour en discuter. Il faudrait d'ailleurs
selon moi, que nos fonctionnaires se concentrent, au cours des prochaines
semaines, sur les préoccupations plus générales concernant les cliniques
privées.
Comme je l'ai mentionné au début de la présente lettre, la Loi
canadienne sur la santé fait l'objet d'interprétations divergentes
touchant un bon nombre d'autres pratiques. Je préfère généralement
que les problèmes touchant l'interprétation de la loi soient résolus
par consensus fédéral-provincial-territorial en tenant compte des
principes fondamentaux de la loi. J'ai, par conséquent, encouragé
les deux paliers de gouvernement à tenir des consultations dans
tous les cas où il y avait de tels désaccords. En ce qui a trait
à des situations telles que la couverture des frais médicaux engagés
hors de la province de résidence ou à l'étranger, j'ai l'intention
de poursuivre les consultations dans la mesure où elles sont susceptibles
de mener à des conclusions satisfaisantes, dans des délais raisonnables.
En terminant, j'aimerais citer monsieur le juge Emmett M. Hall
qui nous rappelait en 1980 que :
«...dans notre société, le traumatisme causé
par les maladies, la douleur engendrée par les opérations chirurgicales
et le lent acheminement vers la mort constituent suffisamment de
fardeaux sans avoir à y ajouter celui qui provient des frais médicaux
et hospitaliers frappant le malade au moment où il est vulnérable.»
Je suis convaincue, qu'en gardant cet avis à l'esprit, nous continuerons
de conjuguer nos efforts en vue de sauvegarder et de renouveler
ce qui pourrait bien être notre plus remarquable projet social.
Enfin, comme les questions traitées dans la présente lettre revêtent
une importance certaine pour les Canadiens et Canadiennes, je compte
la rendre publique une fois que tous les ministres provinciaux et
territoriaux de la Santé l'auront reçue.
Veuillez agréer, cher collègue, l'expression de mes sentiments
les meilleurs.
Diane Marleau
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