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Relevé des maladies transmissibles au Canada

[Table des matières]

 

Volume: 24S3 - juillet 1998

Lignes directrices pour la lutte contre la diphtérie au Canada


GÉNÉRALITÉS

Renseignements cliniques et bactériologiques

La diphtérie est causée par des souches toxigènes du bacille Corynebacterium diphtheriae de biotypes gravis, mitis ou intermedius. La maladie se transmet par contact direct et sa période d'incubation dure en moyenne de 2 à 5 jours (intervalle de 1 à 10 jours). Elle intéresse surtout les voies respiratoires supérieures (amygdales, pharynx, larynx et nez) et parfois d'autres muqueuses et la peau; la diphtérie cutanée est plus fréquente dans les pays en développement, en particulier dans les régions tropicales. Le signe caractéristique de la diphtérie est la présence d'une fausse membrane grisâtre et adhérente s'accompagnant d'une inflammation des tissus environnants et associée, dans les cas de diphtérie respiratoire, à une adénopathie cervicale. Dans les cas sévères de diphtérie respiratoire, on observe un oedème sévère du cou, responsable du classique «cou de taureau».

Les diverses formes cliniques de la diphtérie ont été décrites de façon très détaillée(2-4). Elles sont causées par une exotoxine produite par des souches toxigènes du bacille; toutes les souches toxigènes produisent une toxine identique. Celle-ci est produite après l'infection d'une souche de C. diphtheriae par un bactériophage porteur du gène tox. Les souches non toxigènes peuvent également provoquer une affection bénigne localisée qui ressemble à celle causée par les souches toxigènes. Après 2 à 6 semaines, la toxine diphtérique peut diffuser dans les tissus et les organes, entraînant en particulier des paralysies caractérisées par une atteinte des nerfs crâniens et une atteinte sensitive et motrice des nerfs périphériques, ainsi qu'une myocardite. Les complications tardives sont souvent sévères. Un taux de létalité de 5 % à 10 % a été enregistré pour les cas de diphtérie non cutanée, les très jeunes et les personnes âgées affichant les taux les plus élevés. Bien que l'infectivité du bacille ne semble pas être liée au biotype, le biotype gravis est celui qui est le plus souvent associé à une issue fatale de la maladie(3).

Les infections silencieuses sont en général plus nombreuses que les cas cliniques, et les souches toxigènes de même que les souches non toxigènes de C. diphtheriae peuvent coloniser le rhinopharynx, la peau et d'autres sites chez les porteurs asymptomatiques. Deux modes d'infection ont été décrits : la transmission directe de souches toxigènes, ou la transmission indirecte par transfert du bactériophage d'une souche toxigène présente chez une personne infectée à une souche non toxigène chez un porteur(2,5). L'importance relative de ces mécanismes pathogènes demeure obscure(2). Toutefois, on a avancé l'hypothèse que l'infection serait vraisemblablement transmise directement aux personnes très réceptives alors que la conversion de souches non toxigènes en des souches toxigènes serait le mode de transmission le plus probable chez les personnes immunisées. Ce dernier mécanisme permettrait probablement à la maladie de se propager mais de façon limitée, à moins que le nombre de personnes réceptives soit assez important(5). Ainsi, l'introduction d'une souche toxigène de C. diphtheriae dans une communauté peut entraîner une éclosion par transfert du bactériophage aux souches non toxigènes circulant dans la communauté.

Immunité contre la diphtérie

L'immunité contre la diphtérie est médiée par des anticorps. L'immunité est surtout antitoxique plutôt qu'antibactérienne; les personnes immunes peuvent donc toujours héberger le germe. La production de l'antitoxine diphtérique (principalement de classe IgG) peut être induite par la toxine naturelle durant l'infection clinique ou le portage, ou par l'administration de l'anatoxine diphtérique. Les anticorps formés après une infection naturelle ou une immunisation active sont identiques et ne peuvent être distingués. On trouvera ci-dessous une description du dosage en laboratoire de l'antitoxine diphtérique, et plus particulièrement des différentes méthodes et de la façon d'interpréter les résultats.

La réaction de Schick, utilisée dans le passé comme méthode standard pour déterminer la réceptivité d'un sujet à la toxine diphtérique, a été en grande partie remplacée par des techniques sérologiques plus modernes. Même si elle était peu coûteuse et était bien corrélée avec les concentrations sériques d'antitoxines, la réaction de Schick comportait un certain nombre d'inconvénients comparativement aux tests plus récents : l'absence de résultats quantifiables, un inconfort plus grand pour la personne testée et la difficulté technique (à cause de la nécessité d'effectuer une injection de contrôle pour évaluer la sensibilité à des protéines étrangères dans le matériel utilisé) et la possibilité d'une réaction faussement négative pouvant être interprétée comme une preuve d'immunité, en particulier chez les personnes qui présentent une anergie cutanée(6).

Parmi les principales techniques sérologiques les plus couramment utilisées, la réaction de neutralisation in vivo est considérée comme la méthode de référence; elle est recommandée pour étalonner les tests in vitro utilisés plus systématiquement en laboratoire(6). La réaction de neutralisation in vivo consiste à injecter une série de dilutions de sérum mélangé à des quantités fixes de toxine à travers la peau épilée de lapins ou de cobayes et à estimer la concentration d'antitoxine à partir de la réaction inflammatoire. C'est une méthode laborieuse qui prend du temps et qui coûte cher.

Les tests in vitro coûtent en général moins cher et prennent moins de temps. Citons la réaction de neutralisation in vitro dans des cellules cultivées de mammifères, la réaction d'hémagglutination passive et le dosage par la méthode ELISA. La réaction de neutralisation in vitro est bien corrélée avec la réaction de neutralisation in vivo. Toutefois, la réaction d'hémagglutination et le dosage par ELISA présentent une moins bonne corrélation avec les réactions de neutralisation in vivo et in vitro lorsque les titres d'antitoxine sont faibles; la réaction d'hémagglutination tend à sous-estimer les faibles concentrations d'antitoxine alors que la méthode ELISA surestime ces concentrations (10 à 100 fois plus élevées avec le dosage direct par ELISA, bien qu'on ait obtenu une meilleure corrélation avec des versions modifiées du test)(6). Le principal avantage des tests par la méthode ELISA est la capacité de mesurer les anticorps diphtériques spécifiques de classe IgG. Un titre d'antitoxine diphtérique circulante de 0,01 UI/mL, tel que mesuré par des réactions de neutralisation in vivo ou in vitro, est généralement accepté comme preuve d'une immunité clinique contre la maladie(2,6). Aucun titre précis d'antitoxine n'a été défini comme assurant une protection complète; des titres entre 0,01 UI/mL et 0,09 UI/mL confèrent une immunité de base, alors que des titres > 0,1 UI/mL peuvent être nécessaires pour que la protection soit complète(6). D'autres facteurs peuvent influer sur la réceptivité d'un sujet à l'infection, notamment la dose et la virulence de la bactérie, et l'état immunitaire général de la personne.

On croit généralement que la vaccination d'au moins 70 % de la population conférera une forme d'immunité collective contre la diphtérie clinique(2). Dans la plupart des pays industrialisés, le vaccin primaire contre la diphtérie est administré systématiquement durant l'enfance (trois à quatre doses), la quantité d'anatoxine contenue dans la préparation «pour adultes» variant entre 7 et 25 unités de floculation (Lf). Citons une exception notable à cet égard : le Danemark qui utilise une concentration non réduite d'anatoxine de 50 Lf pour une série de trois doses ou une concentration de 30 Lf pour une série de quatre doses(7,8). Une concentration d'anatoxine diphtérique plus faible (1 Lf à 7,5 Lf par dose) est utilisée chez les adultes, pour la primovaccination comme pour les rappels.

Après l'administration de la série primaire de trois doses d'anatoxine diphtérique, 94 % à 100 % des enfants dans les diverses études présentaient des taux d'antitoxine supérieurs à 0,01 UI/mL, les taux moyens variant entre 0,1 UI/mL et 1,0 UI/mL(8). Les opinions divergent cependant quant à la persistance de l'immunité après la primovaccination et à la nécessité d'administrer des doses de rappel après l'enfance. Un examen des publications sur le sujet a fait ressortir que les concentrations moyennes d'antitoxine diminuaient de 3 à 50 fois un an après l'administration de trois doses d'anatoxine(6,8). Par exemple, dans une étude américaine, des enfants qui avaient reçu la série primaire d'anatoxine diphtérique associée au vaccin contre la coqueluche et à l'anatoxine tétanique (DCT) présentaient des taux d'antitoxine diphtérique inférieurs au niveau jugé protecteur (c.-à-d. < 0,01 UI/mL) à l'âge de 16 à 20 mois. D'autres études faisaient état d'une durée d'immunité plus longue; 96 % à 100 % des enfants étudiés en Angleterre et en Italie étaient toujours protégés 4 à 8 ans après avoir reçu trois doses du vaccin DCT ou d'anatoxines tétanique et diphtérique (DT) durant la petite enfance. Environ 80 % de la population dans une étude danoise affichait des taux d'anticorps supérieurs au niveau jugé protecteur 25 à 30 ans après la série primaire d'anatoxine (50 Lf), ce qui semble indiquer que la persistance de l'immunité après la primovaccination est liée à la concentration de l'anatoxine administrée(7).

Il appert que la quatrième dose de DT et les rappels subséquents contribuent progressivement à élever les titres d'antitoxine (niveau moyen : > 1,0 UI/mL) et à ralentir la baisse de l'immunité(8). La réponse immunitaire à la vaccination de rappel chez les adultes est fonction de l'état immunitaire antérieur (qui est à son tour lié à l'immunité naturelle ou au calendrier vaccinal et à la concentration des anatoxines administrées lors de la série primaire et au temps écoulé depuis la dernière dose) de même que de la dose d'anatoxine utilisée pour le rappel. L'état immunitaire antérieur joue un rôle plus important, car si une faible quantité d'anatoxine peut suffire à provoquer une forte réponse chez les sujets déjà sensibilisés, une forte dose «de rappel» peut ne pas produire une réponse suffisante chez une personne jamais immunisée(8). Il arrive que des personnes complètement immunisées souffrent d'une diphtérie clinique bénigne; on pense toutefois que les antitoxines produites après la vaccination conservent un pouvoir protecteur pendant 10 ans ou plus.

Dans les pays où l'on recommande d'administrer des doses de rappel aux adultes, les rappels sont administrés en général à intervalles de 10 ans, mais cet intervalle a été déterminé à partir d'études effectuées durant des périodes d'exposition répétées à des souches de C. diphtheriae en circulation (rappel naturel). Il n'existe aucune étude contemporaine définitive portant sur l'intervalle indiqué pour les rappels chez les adultes dans les pays où la diphtérie a pratiquement été éliminée ou en l'absence virtuelle de rappel naturel, comme au Canada. Des études comparatives menées au Danemark et aux États-Unis révèlent une baisse plus rapide des titres d'antitoxine diphtérique chez les enfants après la primovaccination dans les années 80 que dans les années 40 à 60 où il était plus facile de contracter une immunité naturelle en étant exposé à des bacilles diphtériques(6).

L'immunisation passive à l'aide de l'antitoxine diphtérique d'origine équine (obtenue à partir de sérum de chevaux hyperimmunisés au moyen de l'anatoxine et de la toxine diphtériques) permet de traiter les cas de diphtérie clinique.

Incidence de la diphtérie dans le monde

Comme le montre l'histoire, d'importantes épidémies de diphtérie sont survenues dans différentes régions du monde jusqu'au milieu du XXe siècle. La vaccination systématique dans les pays industrialisés de l'Europe et de l'Amérique du Nord après cette époque a entraîné une baisse de l'incidence de la maladie clinique comme des taux de portage(1). De plus, une proportion croissante de cas ont été signalés chez des enfants plus âgés et des adultes dans les pays qui ont instauré depuis longtemps des programmes de vaccination systématique.

La montée en flèche récente de l'incidence de la diphtérie dans les États nouvellement indépendants (ENI) de l'ancienne URSS a débuté après 1976 (année où l'on a enregistré la plus faible incidence de l'histoire, soit 0,08 cas pour 100 000 habitants). Un pic initial a été atteint entre 1983 et 1985 (taux moyen : 0,55 pour 100 000); il a été suivi par une légère baisse temporaire du taux d'incidence(1). Depuis 1990, des épidémies de diphtérie ont été signalées dans les 15 États nouvellement indépendants. Dans la Fédération de Russie uniquement (où la plupart des cas sont survenus), le nombre de cas déclarés, qui était d'environ 200 à 300 par année au milieu des années 70, est passé à près de 2 000 en 1990-1991 et à plus de 15 000 (10,2 pour 100 000) en 1993. De 1990 à 1995, quelque 125 000 cas et 4 000 décès ont été recensés dans les ENI; environ 90 % des cas signalés dans le monde provenaient des ENI(9). Les principales raisons invoquées pour expliquer l'épidémie de diphtérie dans les ENI sont les suivantes : faible couverture vaccinale chez les enfants (due à l'approvisionnement irrégulier en vaccins, à la réduction de l'utilisation des vaccins par les travailleurs de la santé en raison d'une liste trop longue de contre-indications et le fait que la population et le corps médical soient moins en faveur de l'immunisation à la suite de campagnes de propagande contre l'immunisation); baisse de l'immunité chez les adultes; et mouvements importants de la population après la dissolution de l'ancienne URSS(1).

L'épidémie dans les ENI a entraîné un certain nombre de cas d'importation de diphtérie dans d'autres pays d'Europe, notamment en Finlande où quatre cas ont été enregistrés en 1993 après 30 ans d'absence de la maladie. Deux cas de diphtérie contractée en Europe de l'Est ont été signalés chez des citoyens américains(10). Jusqu'à présent, on n'a recensé au Canada aucun cas ayant des liens épidémiologiques avec l'Europe de l'Est.

On peut citer un autre exemple des risques possibles associés à l'importation du bacille : en Suède, 17 cas de diphtérie clinique survenus en 1984 (sept présentant une atteinte neurologique et trois s'étant soldés par un décès) avaient été importés du Danemark(11). L'éclosion s'est produite plus d'une vingtaine d'années après le dernier cas indigène signalé en Suède (de 1960 à 1983) et alors qu'on croyait la maladie éliminée. Fait à noter, les 17 cas enregistrés en Suède appartenaient ou étaient liés à des sous-groupes de toxicomanes. Les taux d'immunisation chez les enfants atteignaient 95 % à 99 % au moment de l'éclosion, mais l'immunité était faible même dans les populations en santé; 19 % des membres d'un groupe de donneurs de sang de < 20 ans possédaient des titres moyens d'antitoxine < 0,01 UI/mL. Chez les adultes, jusqu'à 81 % des femmes et 56 % des hommes n'étaient pas protégés(12). Des caractéristiques épidémiologiques similaires ont également été notées au Danemark, où l'éclosion a débuté.

Par ailleurs, l'épidémiologie de la diphtérie a changé dans les pays non industrialisés, où la forme cutanée est devenue le mode d'expression le plus fréquent de la maladie. Depuis les années 80, des éclosions de diphtérie respiratoire associées à destaux élevés de létalité et de complications ont été signalées dans plusieurs régions d'Afrique, d'Asie, de l'est de la Méditerranée et d'Amérique latine(13).

Épidémiologie de la diphtérie au Canada

La diphtérie est une maladie à déclaration obligatoire au Canada depuis 1924; c'est également cette année-là que le bilan annuel des cas de diphtérie a été le plus élevé (9 000)(14). L'anatoxine diphtérique a commencé à être administrée au Canada en 1926 et son usage s'est répandu à partir de 1930. En moyenne, 2 000 cas ont été recensés chaque année dans la période qui a immédiatement suivi le début de la vaccination, mais dans le milieu des années 50, des baisses remarquables des taux de morbidité et de mortalité ont été observées. Cette tendance à la baisse s'est poursuivie jusqu'en 1964, année où l'on n'a enregistré que 23 cas (0,1 pour 100 000). Une surveillance active en laboratoire des cas comme des porteurs, explique pourquoi le taux annuel d'incidence a augmenté à 174 cas (0,8 pour 100 000) en 1974. Depuis la fin des années 70, l'incidence de la diphtérie est demeurée faible, variant entre 0,1 et 0,5 pour 100 000. La baisse abrupte de l'incidence qui a débuté en 1980 a été cependant attribuée en partie à un changement en 1980 de la définition de cas, qui n'inclut plus les porteurs parmi les cas signalés dans toutes les provinces et les territoires(15). Aucun décès dû à la diphtérie n'a été recensé depuis 1983.

Selon les données du Système de déclaration des maladies à déclaration obligatoire, Laboratoire de lutte contre la maladie (LLCM), deux à cinq cas ont été dénombrés chaque année entre 1986 et 1995, inclusivement. Aucun cas n'a été enregistré en 1996 et un seul a été signalé en 1997 - soit au total 33 cas en 12 ans. Les cas ont été relevés en Colombie-Britannique (11), en Alberta (10), en Ontario (7), au Manitoba (2), en Saskatchewan (1), dans les Territoires du Nord-Ouest (1) et au Yukon (1). Dans les 30 cas où l'on disposait de données sur l'âge, on remarque que 50 % d'entre eux étaient âgés de > 30 ans, 23 % de 5 à 9 ans, 13 % appartenaient au groupe des 10 à 19 ans et 13 % à celui des 20 à 29 ans.

Il convient de noter que les données épidémiologiques actuelles se fondent sur la définition de cas élaborée au Canada en 1991 pour la déclaration obligatoire de la diphtérie à l'échelle nationale :

  • symptômes cliniques compatibles avec ce diagnostic au niveau des voies respiratoires supérieures (pharyngite ou laryngite), avec ou sans fausses membranes ou symptômes de nature toxique (cardiaques ou nerveux) chez une personne à partir de qui on a isolé C. diphtheriae toxinogène(16).

Cette définition a été utilisée jusqu'au moment de la publication des présentes lignes directrices.

Des définitions de cas révisés pour la surveillance sont présentées aux pages 10 et 11. Dans le cadre des stratégies de lutte contre la diphtérie, un porteur a été défini de la façon suivante :

  • toute personne qui héberge et peut disséminer la forme toxinogène de C. diphtheriae, sans présenter de symptômes ni locaux (au niveau des voies respiratoires supérieures : pharyngite ou laryngite), ni généraux. Compte parmi les porteurs toute personne souffrant d'otite moyenne, d'infection nasale ou cutanée, ou d'infection pharyngée asymptomatique attribuable à C. diphtheriae toxinogène(16).

Les personnes asymptomatiques et celles qui présentent des symptômes d'infection des voies respiratoires supérieures et qui hébergent des souches non toxigènes de C. diphtheriae n'étaient pas considérées comme des porteurs ni des cas(16). Il n'était pas et il n'est pas obligatoire de déclarer à l'échelle nationale les cas de portage sauf dans certaines provinces ou territoires.

Si l'on en juge par l'incidence déclarée de la diphtérie clinique, les souches toxigènes de C. diphtheriae circulent très peu au Canada; on ignore cependant quel est le taux réel de circulation. On continue d'isoler chaque année des souches toxigènes du bacille diphtérique chez des porteurs, principalement dans le nord et l'ouest du Canada, parfois en association avec des symptômes cliniques bénins qui ne satisfont pas aux critères de déclaration.

Couverture vaccinale de la population canadienne

Le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) recommande la vaccination systématique de tous les Canadiens et Canadiennes contre la diphtérie(17). L'anatoxine diphtérique existe sous forme adsorbée avec du phosphate d'aluminium et peut être associée à d'autres anatoxines ou vaccins (p. ex., contre le tétanos, la poliomyélite ou la coqueluche).

Pour la primovaccination des enfants de < 7 ans, il est préférable d'utiliser des préparations qui associent l'anatoxine diphtérique avec le vaccin contre la coqueluche et l'anatoxine tétanique (DCT) ou l'anatoxine tétanique et le vaccin acellulaire contre la coqueluche (DTCa), avec ou sans le vaccin inactivé contre la poliomyélite (DCT-polio ou DTCa-polio) et le vaccin conjugué contre Haemophilus influenzae de type b. La première série d'anatoxine diphtérique administrée seule ou en association comprend quatre doses et devrait idéalement débuter à l'âge de 2 mois. L'intervalle recommandé entre les trois doses initiales est habituellement de 8 semaines (mais ne devrait pas être < 4 semaines); la quatrième dose devrait être administrée 6 à 12 mois après la troisième dose. Un rappel est recommandé 30 à 54 mois après la quatrième dose, le plus souvent à l'âge de 4 à 6 ans (entrée à l'école). Un rappel n'est pas nécessaire si la quatrième dose de la série primaire a été injectée lorsque l'enfant a atteint l'âge de 4 ans ou après. Une dose additionnelle de rappel de la préparation formulée pour les adultes (dT) devrait être administrée à l'âge de 14 à 16 ans (rappel de fin de scolarité) et au moins une fois à l'âge adulte (voir ci-dessous).

Pour la primovaccination des personnes de > 7 ans, l'agent recommandé est une préparation adsorbée associant les anatoxines tétanique et diphtérique (dT, pour adultes) qui contient moins d'anatoxine diphtérique que les préparations administrées aux jeunes enfants. Cette préparation risque moins de causer des réactions chez les personnes plus âgées. Deux injections sont données à 4 à 8 semaines d'intervalle, et une troisième dose après 6 à 12 mois pour compléter la série.

  • Le CCNI recommande également de veiller à ce que les enfants reçoivent en priorité la série vaccinale recommandée, y compris la dose de fin de scolarité
  • à l'âge de 14 à 16 ans, et que les adultes reçoivent la série primaire complète. Voici les diverses options indiquées pour les rappels chez les adultes :

continuer d'offrir des doses de rappel du vaccin dT à intervalles de 10 ans ou à tout le moins, revoir au moins une fois l'état immunitaire à l'âge adulte (p. ex., à 50 ans) et administrer une seule dose du vaccin dT à tous ceux qui ne l'ont pas reçu depuis 10 ans.

Les personnes qui ont besoin d'un rappel de l'anatoxine tétanique après une blessure devraient recevoir le vaccin dT, ce qui renforcera leur protection contre la diphtérie.

Selon les estimations nationales de la couverture vaccinale contre la diphtérie en 1997, 98 % des enfants avaient reçu au moins trois doses du vaccin contenant l'anatoxine diphtérique au moment d'atteindre l'âge de 2 ans alors que 84 % avaient reçu la série primaire recommandée comprenant quatre doses(18). Même si ces estimations nationales sont assez optimistes, des données d'enquête indiquent qu'il existe des zones où la couverture vaccinale est plus faible.

Il est plus difficile d'obtenir des estimations concernant les rappels chez les adolescents et les adultes; les données dont on dispose font ressortir des taux très faibles de vaccination. Dans une enquête nationale effectuée en 1991 et portant sur la couverture vaccinale dans la population adulte canadienne âgée de > 18 ans (le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest étant exclus), 6 % des répondants ont indiqué qu'ils étaient vaccinés contre le tétanos et la diphtérie. La proportion diminuait avec l'âge, allant de 9 % chez les 18 à 24 ans à 3 % chez les > 65 ans(19). Qui plus est, seulement 60 % des adultes interrogés ont dit avoir l'intention de respecter les recommandations du CCNI relativement au rappel tous les 10 ans du vaccin contre la diphtérie (et le tétanos). Dans une enquête réalisée en 1996 auprès d'adultes ne vivant pas en établissement et âgés de > 18 ans au Québec, seulement 2,3 % disaient être immunisés contre la diphtérie comparativement à 32,5 % dans le cas du tétanos(20).

Ces données semblent indiquer que la couverture vaccinale pour la diphtérie chez les adultes n'est probablement pas supérieure à 60 % et est vraisemblablement plus faible. Le grand écart entre le taux déclaré de vaccination contre la diphtérie et le taux de vaccination contre le tétanos dans cette dernière enquête est étonnant étant donné qu'une forte proportion (environ 98 %) des vaccins contre le tétanos administrés aux adultes canadiens sont associés au vaccin dT. Les données disponibles sur la distribution des vaccins révèlent une baisse importante de l'utilisation de l'anatoxine tétanique monovalente; si l'on prend l'ensemble des vaccins contre le tétanos offerts aux adultes, le taux d'utilisation de cette préparation est passé de 23 % à 2 % entre 1990 et 1995.

Preuves sérologiques de l'immunité contre la diphtérie au Canada

En 1996, le LLCM et la Société canadienne de la Croix-Rouge ont effectué une enquête sérologique auprès d'un échantillon de donneurs de sang adultes en santé, âgés entre 20 et 80 ans, dans cinq centres canadiens. Les titres d'antitoxine diphtérique ont été mesurés au moyen d'une réaction de neutralisation in vitro. Dans l'ensemble, 20,3 % (IC à 95 % : 18,4 % à 22,4 %) de la population étudiée présentait des titres d'antitoxine diphtérique inférieurs au niveau jugé protecteur (0,01 UI/mL), ce qui évoque la possibilité d'une réceptivité à la forme clinique. Les proportions variaient selon le groupe d'âge, allant de 9,5 % (6,8 % à 13,0 %) chez les 30 à 39 ans à 36,3 % (29,7 % à 43,3 %) chez les > 60 ans. De même, la proportion de personnes réceptives différait selon le centre d'étude, variant entre 13,4 % (10,0 % à 17,7 %) et 32,2 % (26,8 % à 38,2 %). Dans tous les groupes d'âge, sauf celui des 40 à 49 ans, une proportion plus élevée d'hommes étaient mal protégés; dans l'ensemble, 20,8 % (18,5 % à 23,2 %) des hommes et 19 % (15,4 % à 23,3 %) des femmes avaient des titres d'antitoxine < 0,01 UI/mL. Dans une autre étude des donneurs adultes à la Croix-Rouge canadienne à Toronto, les taux d'immunité contre la diphtérie étaient aussi faibles; la fréquence de la réceptivité variait de 12,5 % et 17,9 %, respectivement, chez les donneurs masculins et féminins de < 40 ans à 42,6 % et 40 % chez les donneurs masculins et féminins de > 60 ans(21).

Ces enquêtes sérologiques récentes font ressortir la pénurie de données sur l'immunité antidiphtérique des adultes canadiens et laissent craindre un retour en force possible de la diphtérie au Canada. Ces résultats sont d'autant plus importants que les études ont porté sur des populations relativement en santé; les taux réels d'immunité dans la population adulte en général risquent donc d'être encore plus faibles. En outre, même dans ces populations en santé, il semble que des sous-groupes soient plus à risque que d'autres. Il reste que les données sur l'immunité sérologique recueillies au Canada se comparent favorablement avec celles provenant d'autres pays industrialisés.

La recrudescence récente de la diphtérie dans certaines régions d'Europe évoque la possibilité d'un retour de la diphtérie au Canada. Aucun cas au Canada n'a encore été lié aux épidémies de diphtérie en Europe malgré le grand nombre de voyages effectués entre le Canada et les pays d'Europe touchés par les épidémies. La hausse signalée de l'incidence de la diphtérie respiratoire dans les pays non industrialisés accroît encore davantage le risque d'importation de souches toxigènes.

 

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Dernière mise à jour : 2002-11-08 début