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Relevé des maladies transmissibles au Canada

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Volume: 23S4 - mai 1997

Rapport sur l'immunisation au Canada, 1996


5. Élimination de la rougeole au Canada

La rougeole est une infection respiratoire grave que viennent souvent compliquer la pneumonie, le croup, la sinusite, l'otite moyenne et les convulsions fébriles. C'est la plus contagieuse des infections chez l'homme. Chaque année, elle fait près d'un million de victimes dans la population infantile, à l'échelle mondiale. Les vaccins qui existent contre la rougeole sont efficaces et sans danger. Environ 90 % des enfants vaccinés après l'âge d'un an acquièrent une immunité qui les protège contre la maladie.

Le programme d'immunisation systématique comportant l'administration d'une dose de vaccin, mis en place au Canada au milieu des années 60, a eu des effets très positifs sur l'incidence de la rougeole. Il a entraîné une diminution du taux d'incidence de > 95 % par rapport au taux en vigueur avant l'introduction du vaccin. On enregistrait en effet de 300 000 à 400 000 cas de rougeole par an au Canada avant l'immunisation. Plusieurs épidémies de rougeole survenues au Canada ont mis en évidence les lacunes du programme prévoyant une seule dose du vaccin : une au Québec en 1989, au cours de laquelle 10 184 cas ont été signalés, et une en Ontario en 1991, où l'on a enregistré 5 283 cas. Le nombre réel de cas était sans doute beaucoup plus élevé, puisque le taux de déclaration n'aurait été que de 25 % à 30 %. Bien que la couverture vaccinale soit demeurée stable, à environ 97 % chez les enfants de 2 ans, ces épidémies ont persisté surtout chez les enfants d'âge scolaire, même dans des populations où le taux attesté de vaccination atteignait presque 100 %. La propagation du virus est sans doute due à la faible proportion d'enfants qui n'ont pas eu de réponse immunitaire à la première vaccination, ou, fait plus rare, à ceux qui ont perdu avec le temps la protection conférée par le vaccin. Au fil du temps, il a fallu se rendre à l'évidence qu'un programme d'immunisation systématique prévoyant l'administration d'une dose après 12 mois ne permettrait pas d'atteindre l'objectif de l'élimination de la rougeole indigène, en raison de l'extrême contagiosité de cette infection. Cette constatation a été fortement corroborée par les expériences vécues dans d'autres pays. Dans les populations où le taux de vaccination est élevé, les épidémies sont généralement espacées, frappent environ 1 % à 5 % de la population infantile d'âge scolaire et gagnent une partie des enfants d'âge préscolaire. Les mesures de lutte, comme l'éviction du milieu scolaire et les campagnes d'urgence de revaccination de masse provoquent énormément de perturbation, sont coûteuses et d'une efficacité limitée. Il a été prouvé que l'administration d'une seconde dose de vaccin antirougeoleux permettait de réduire la proportion d'enfants réceptifs et, partant, de diminuer les risques d'épidémies.

Bien que les participants à la Conférence nationale sur la lutte contre la rougeole en 1992 aient souscrit à l'objectif de l'élimination de la rougeole indigène au Canada d'ici l'an 2005(6), la situation a très peu évolué. L'accent a été mis sur d'autres aspects des programmes de vaccination infantile, ce qui s'est fait au détriment de l'instauration, au Canada, d'un programme de vaccination antirougeoleuse comportant deux doses. En 1995, alors que la population canadienne ne représentait que 3,6 % de celle de l'ensemble du continent américain, le Canada comptait 40 % de tous les cas déclarés et près de 80 % de tous les cas confirmés. D'autres pays du continent américain ont récemment mené des campagnes de vaccination de masse extrêmement efficaces contre la rougeole ou ont implanté depuis de nombreuses années des programmes prévoyant l'administration systématique de deux doses. C'est l'approche empruntée au Canada qui a été la moins concluante. En comparaison de 1993, année où l'on a signalé 204 cas, soit le taux d'activité rougeoleuse le plus faible jamais enregistré au Canada, le nombre de cas n'a cessé d'augmenter, passant à 512 en 1994 et à 2 362 en 1995.

Une analyse de la situation au Canada indique que le nombre d'enfants non protégés dans chaque province est tel qu'une épidémie pourrait se déclarer à n'importe quel moment. Il en ressort également qu'en l'absence d'une intervention, on pourrait s'attendre, dès avril 1996, à une épidémie qui donnerait lieu à plus de 20 000 cas, 2 000 complications et plusieurs décès. D'après des modèles mathématiques et une étude fondée sur la méthode Delphi, la population compte suffisamment de sujets réceptifs pour que l'on y enregistre en moyenne 12 800 cas de rougeole par an. Des modèles mathématiques prévoient aussi que l'administration d'une seconde dose uniquement aux jeunes enfants n'éliminerait pas la rougeole avant 10 à 15 ans et serait incompatible avec l'objectif de l'élimination de cette maladie. Le seul moyen d'éviter les épidémies prévues et de prévenir quelque 58 530 autres cas de rougeole et plusieurs décès par an, c'est la tenue d'une campagne nationale de rattrapage. Les analyses coûts-avantages indiquent que ces programmes permettraient de réaliser des économies de plus de 2,5 $ pour chaque dollar investi. C'est cette situation qui a incité les instances politiques à souscrire officiellement, en décembre 1995, à l'objectif de l'élimination de la rougeole à l'échelle nationale.

En août 1995, le CCNI a réaffirmé sa détermination à promouvoir l'objectif de l'élimination de la rougeole(7), objectif auquel adhèrent tous les pays du continent américain. Le comité a également confirmé sa recommandation concernant la nécessité d'offrir systématiquement une seconde dose de vaccin antirougeoleux, au moins 1 mois après la première dose, pour augmenter le plus possible la protection vaccinale. Cette dose pourrait facilement être intégrée aux autres vaccins prévus au calendrier. On pourrait, par exemple, la donner avec la série de vaccins prévus à 18 mois, ou avec les vaccins donnés avant l'entrée à l'école, à l'âge de 4 à 6 ans, ou entre ces deux âges, à tout moment jugé opportun. Le CCNI recommande en outre que, pour accélérer les choses, la seconde dose soit administrée dans le cadre de campagnes de rattrapage spéciales visant tous les enfants et les adolescents ayant déjà reçu la première dose. Toute campagne de rattrapage doit viser principalement les enfants d'âge scolaire puisque c'est dans cette population que l'on a enregistré la plus forte proportion de cas lors des épidémies survenues récemment au Canada et parce que cette clientèle est la plus facile à joindre et à desservir.

Pour donner suite à la recommandation du CCNI, Santé Canada a encouragé la tenue, sur une courte période, d'une campagne de rattrapage de masse suivie de l'administration systématique de deux doses. Les provinces (sauf le Nouveau-Brunswick) et tous les territoires (ce qui représente 97 % de l'ensemble de la population canadienne) ont depuis mis en place un programme prévoyant l'administration systématique d'une seconde dose de vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons (RRO) - la Saskatchewan remplacera le vaccin contre la rougeole et la rubéole (RR) par le RRO une fois que sa campagne de rattrapage sera terminée - soit à 18 mois, soit à l'âge de 4 à 6 ans, selon la province. Le Nouveau-Brunswick mettra en oeuvre un programme de ce genre à compter d'avril 1997. De plus, six provinces/territoires (Ontario, Québec, Colombie- Britannique, Île-du-Prince-Édouard, Yukon et Territoires du Nord-Ouest), dont la population représente 80 % de toute la population canadienne, ont déjà mené à terme leurs programmes de rattrapage dans les écoles visant tous les enfants d'âge scolaire. Au Québec et en Colombie-Britannique, la portée des campagnes de rattrapage a été élargie de manière à englober les enfants de > 18 mois. Cependant, ces programmes ne sont pas aussi prioritaires que ceux qui s'adressent aux sujets plus âgés et la mise à jour de la vaccination ne sera sans doute pas faite avant que ces enfants n'entrent à l'école. Un programme de rattrapage de moindre envergure, échelonné sur une période de 3 ans, a été entrepris dans deux provinces, soit au Manitoba, où il vise tous les élèves du niveau primaire, et en Saskatchewan, où il comprend tous les enfants, à partir de 18 mois jusqu'à la fin de l'âge scolaire.

Après avoir fait un sérieux travail de planification et de sensibilisation du public, des infirmières hygiénistes ont mené des campagnes de rattrapage dans les écoles. Les provinces qui ont organisé des campagnes de mise à jour de la vaccination ont obtenu en moyenne une couverture vaccinale d'environ 90 %, dans les groupes d'enfants d'âge scolaire visés. Environ 4 millions d'enfants ont été vaccinés. Certains programmes de vaccination de masse ont déjà été mis en place dans le cas de la méningococcie invasive, mais leur portée était plus limitée, s'agissant d'initiatives régionales ou provinciales. La campagne dont il est question ici est la première initiative nationale d'une telle ampleur qui ait jamais eu lieu au Canada. Ses effets ont été immédiats : trois épidémies en puissance qui se préparaient au début de 1996 ont été enrayées. Seuls 327 cas de rougeole ont été signalés à ce jour en 1996; ils sont survenus essentiellement avant la tenue des campagnes de rattrapage dans les provinces les plus importantes. De très rares cas ont été observés depuis mai et on semble avoir réussi à stopper la transmission de la maladie. Au total, on a déclaré 12 cas attribués à un virus importé principalement de l'Europe. Dans les provinces qui n'ont pas encore mis en oeuvre des campagnes de rattrapage, le nombre de sujets réceptifs, d'âge scolaire, demeure assez élevé pour alimenter des épidémies dues à un virus importé.

Figure 2 et 3

Si l'on regarde en arrière, la forte activité rougeoleuse enregistrée au début de 1996, où l'on a signalé 2,5 fois plus de cas qu'au cours de la période correspondante en 1995, et le nombre d'épidémies indiquent que les prédictions concernant la possible survenue d'une importante épidémie après avril 1996 étaient sans doute justes. Les campagnes provinciales sont arrivées à point nommé (figures 2 et 3).

On ne saurait trop insister sur l'importance de la surveillance et sur la nécessité de l'exercer de manière très active. Plusieurs activités d'évaluation et de surveillance ont été mises en place dans le cadre de la campagne de rattrapage : surveillance des maladies, surveillance des incidents indésirables associés à un vaccin, surveillance des résultats obtenus au chapitre de la couverture visée, évaluation du processus et des coûts (le coût global a été estimé à 8,30 $ par enfant visé) et évaluation des activités de promotion.

Une enquête sur les activités de promotion, réalisée en Ontario et en Colombie-Britannique, par la Division de l'immunisation, a montré qu'un dépliant distribué dans les écoles semble avoir été la principale source d'information et la plus utile. Les  connaissances concernant les attitudes face à la vaccination antirougeoleuse et les pratiques en la matière étaient remarquablement semblables dans les deux provinces; les différences importantes portaient sur les sources d'information et sur celles qui étaient les plus utiles. Le matériel de promotion était plus varié en Colombie- Britannique, où la campagne englobait aussi bien les enfants d'âge scolaire que les enfants en bas âge. Le dépliant n'était efficace qu'à 60 % en Colombie- Britannique, alors qu'il l'était à 80 % en Ontario. Au cours de la campagne, une forte proportion de parents a changé d'opinion sur l'immunisation et a pris conscience de l'importance de la vaccination antirougeoleuse, résultat que l'on attribue au matériel de promotion. Dans les deux provinces, la plupart des parents à qui l'on avait demandé de classer par ordre décroissant de gravité cinq maladies infectieuses (y compris la rougeole) ont répondu dans l'ordre suivant : hépatite B, rougeole, coqueluche, varicelle et grippe.

Santé Canada a facilité les opérations de diverses façons : aide technique, planification des activités provinciales et évaluation des campagnes de rattrapage de masse. Le ministère a aussi produit du matériel clés en main qui a servi aux campagnes de sensibilisation du public et a contribué à réduire les coûts des vaccins en sollicitant des offres concurrentielles et en accélérant le processus d'homologation des produits nécessaires aux campagnes de rattrapage.

 

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Dernière mise à jour : 2002-11-08 début