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Agence de santé publique du Canada

La prise en charge de l'hépatite virale

Association Canadienne pour l'étude du foie

CASL - ACEF

Compte rendu d'une conférence de concertation tenue à
Montréal (Québec) en mars 1999


VIRUS DE L'HÉPATITE B

1. ÉPIDÉMIOLOGIE DE L'HÉPATITE B AU CANADA

La prévalence de l'infection par le virus de l'hépatite B (VHB) varie considérablement d'une région à l'autre du Canada en raison de l'hétérogénéité de la population canadienne. Le tableau 1(1-6) fournit la prévalence estimative et le nombre de cas répertoriés au Canada en fonction des trois grands groupes qui peuvent représenter la population canadienne : les Autochtones/Inuits, les immigrants et les non-immigrants. Le nombre de porteurs du VHB est le plus élevé chez les immigrants, en particulier ceux qui viennent de régions à forte endémicité pour le VHB, comme l'Asie. La proportion de patients infectés par le VHB qui sont positifs pour l'AgHBe varie également d'un groupe à l'autre(1) : le taux de séropositivité pour l'AgHBe est de <9 % dans la population inuite, de <15 % chez les non-immigrants et de 46 % chez les immigrants asiatiques et 55 % chez les immigrants indochinois. La majorité des cas de séropositivité pour l'AgHBe est concentrée chez les jeunes immigrants.

Le pourcentage de patients qui deviennent porteurs chroniques après une infection aiguë par le VHB varie selon l'âge; le risque est plus grand chez les très jeunes et chez les gens âgés (voir plus loin). Même si l'hépatite B aiguë continue d'être un important problème clinique au Canada, dans la majorité de ces cas, l'infection se résorbera et l'AgHBs disparaîtra spontanément. L'infection chronique par le VHB, définie par la présence de l'AgHBs pendant plus de six mois, avec ou sans anomalie persistante des enzymes hépatiques, représente l'aspect le plus important du fardeau de la maladie.

Tableau 1 L'hépatite B au Canada

  Prévalence de l'AgHBs+ Nombre estimatif de cas au Canada
Autochtones/Inuits 4 % 1 640
Immigrants 4,3 % 154 160
Non-immigrants 0,2 % - 0,5 % 49 862 - 124 655
Total   206 000 à 280 000

2. HISTOIRE NATURELLE DE L'HÉPATITE B CHRONIQUE

L'évolution de l'hépatite B chronique varie énormément : chez certains patients, elle se caractérise par une exacerbation suivie d'une atténuation de l'activité inflammatoire hépatique; chez d'autres, par une hépatite active de gravité variable; chez d'autres encore, par une inflammation bénigne. La maladie se divise en trois phases(7). La première, qu'on appelle phase immunotolérante, se caractérise par une charge virale élevée dans le sérum, et une inflammation hépatique légère, voire inexistante(8). Ces patients sont positifs pour l'AgHBe. Suit la phase « active », où l'on observe un ictère intermittent ou continu, de gravité variable(8-11). Des anticorps anti-HBe peuvent apparaître pendant cette phase(12), mais ils n'entraînent pas nécessairement un arrêt de l'activité inflammatoire. La troisième phase est la phase inactive, qui se caractérise par une faible charge virale et une activité inflammatoire minime(3). En général, le pronostic est plus encourageant pour les patients chez qui l'AgHBe disparaît que pour ceux qui demeurent positifs pour l'AgHBe pendant de longues périodes(14). Environ 1 %/année des patients qui ont des anticorps anti-HBe éliminent l'AgHBs(15). Cependant, ces patients demeurent exposés à un risque de carcinome hépatocellulaire.

L'un des principaux mécanismes qui préside à la séroconversion (et possiblement le seul) repose sur le développement de ce que l'on appelle le « mutant pré-capside »(16). Il s'agit d'une mutation qui survient pendant l'infection et qui empêche le virus de produire l'AgHBe. La virulence de ce mutant n'est pas bien connue. Les patients qui ont des anticorps anti-HBe ainsi que des taux élevés d'ALAT et chez qui l'ADN du VHB (ADN-VHB) a été mis en évidence présentent presque toujours ce mutant pré-capside. Toutefois, il arrive souvent que des patients positifs pour les anti-HBe qui ont un taux normal d'ALAT et chez qui l'ADN du VHB n'a pu être décelé, présentent cette mutation. Il se pourrait que la virulence soit déterminée par une autre mutation connexe dans les mutants pré-capside.

Les patients qui souffrent d'une cirrhose due à l'hépatite B et qui ont des anticorps anti-HBe ont un taux de survie de 97 % à 5 ans, comparativement à un taux de survie de 72 % chez ceux qui sont positifs pour l'AgHBe(17). Une fois la décompensation hépatique installée chez les patients présentant des anticorps anti-HBe, le taux de survie à 5 ans diminue pour n'être plus que de 28 %, tandis qu'il devient nul à 4 ans chez les patients positifs pour l'AgHBe(18). Les facteurs prédictifs d'une issue néfaste sont notamment une hépatite active, une nécrose en pont constatée à la biopsie, le fait d'être âgé et la présence persistante d'ADN-VHB dans le sérum(19).

Les patients souffrant d'une hépatite B chronique sont à risque pour le carcinome hépatocellulaire (CHC)(20). Le risque relatif est établi pour l'instant à 100, mais ce chiffre dépend dans une grande mesure de la population étudiée. Selon les études auprès des populations asiatiques, celles-ci sont exposées à un risque beaucoup plus élevé que les populations blanches. Toutefois, même parmi les populations blanches, l'incidence sur 10 ans du CHC atteint les 15 %(17).

3. ÉVALUATION DU PATIENT POSITIF POUR L'AgHBs

Qui doit subir le test?

Chez tout patient présentant des signes cliniques ou ayant obtenu des résultats de laboratoire indiquant soit une hépatite aiguë ou une hépatite chronique, il faut soupçonner une infection par le VHB. Les personnes qui s'adonnent à des activités à risque élevé, comme l'utilisation de drogues intraveineuses ou des activités sexuelles à haut risque, sont exposées, de même que les personnes qui ont été en contact avec du sang par suite de leurs activités professionnelles. En outre, le fait de venir d'un pays à forte endémicité pour le VHB constitue un facteur de risque pour l'infection.

Le diagnostic de l'infection par le VHB est posé après la mise en évidence de l'AgHBs dans le sérum. Tous les sujets positifs pour l'AgHBs doivent subir un examen plus approfondi. Il faut chercher à caractériser la nature de l'infection, ainsi que l'importance et la gravité de toute hépatopathie sous-jacente. Un autre objectif consiste à repérer les patients qui pourraient tirer profit d'un traitement antiviral, d'un diagnostic précoce et d'une prise en charge de la cirrhose et de ses complications; on doit également chercher à détecter rapidement la présence éventuelle d'un carcinome hépatocellulaire associé au VHB et à immuniser les contacts à risque.

Hépatite B chronique - Examens initiaux

Les tests de laboratoire à effectuer initialement pour tous les cas d'infection à VHB chroniques sont énumérés au tableau 2. Le dosage des aminotransférases permet de mesurer l'inflammation actuelle, tandis que la fonction hépatite est évaluée par les concentrations de bilirubine et d'albumine et le test INR. L'anémie, la leucopénie ou la thrombocytopénie peuvent indiquer une cirrhose avec hypertension portale. Un résultat positif pour l'AgHBe est associé à la réplication continue du VHB dans le foie et à une concentration détectable d'ADN-VHB dans le sang. Ces patients sont exposés à des lésions hépatiques permanentes. Leur sang et liquides organiques sont très infectieux. Les patients qui ont des anticorps anti-HBe peuvent présenter une charge virale beaucoup moins élevée, qui peut même ne pas être décelable par les tests sanguins courants. De façon générale, ces patients présentent peu de lésions hépatiques permanentes. Il se peut que les sujets ayant des anticorps anti-HB soient infectés par ce qu'on appelle le mutant « pré-capside », lequel ne produit pas d'AgHBe. Toutefois, ces patients peuvent avoir un taux d'ADN-VHB détectable, et une hépatopathie pourrait se développer et entraîner une cirrhose; il faut donc suivre ces patients toute leur vie.

Dans certains cas, il faut administrer d'autres tests. Il faut demander un test de détection des anticorps anti-VHC pour les patients à risque élevé (utilisateurs de drogues injectables, personnes exposées par des activités sexuelles à risque élevé ou personnes venant de pays où le VHC est fortement prévalent). Pour les personnes à risque de carcinome hépatocellulaire (infections prolongées et contractées durant l'enfance, antécédents familiaux) et celles chez qui l'on soupçonne une cirrhose, une échographie est fortement recommandée.

Tableau 2. Tests initiaux administrés aux porteurs du VHB

Tests d'inflammation hépatique AST, ALAT
Tests de la fonction hépatique

Bilirubine, albumine

  Temps de prothrombine/INR
Sérologie virale AgHBe/anti-HBe
  Anti-VHC
Autres tests importants Nu sanguin ou créatinine
  Formule sanguine et formule leucocytaire

Tableau 3. Plages dynamiques indiquées par le fabricant pour les dosages de l'ADN-VHB

Méthode Plages
Abbott Solution Hybridization Assay 1,6 à~800 pg/mL
Digene 1st Generation Hybrid Capture Assay 5-2000 pg/mL (1,4x106 -5,6x108 copies/mL)
Digene 2nd Generation Hybrid Capture Assay

Test standard

Méthode ultra-sensible

1,4x105 - 1,7x109 copies/mL

4,7x103 - 5,6x107 copies/mL

Chiron QuantiplexTM bDNA Assay 0,7 - 5000 mEq/mL (7x105 - 5x109 copies/mL)
Roche AMPLICORTM HBV MonitorTM PCR Assay 1000 - 1x107 copies/mL

Hépatite B chronique - Examens spéciaux

Méthodes de dosage de l'ADN-VHB

L'ADN du VHB présent dans le sérum peut être détecté par différentes trousses commerciales (voir plus loin). Le tableau 3 indique les tests actuellement offerts, leurs limites et les plages de détection. La normalisation entre les tests laisse à désirer, de sorte que le taux d'ADN-VHB d'un même échantillon peut varier d'un facteur de 10 ou plus selon la trousse utilisée. En outre, pour la même trousse, on constate des écarts considérables; un deuxième test effectué sur un même échantillon peut donner un résultat considérablement différent (le coefficient de variation pour le dosage de l'ADN-b est de 10 à 20 %; pour le dosage par PCR, il va de 20 à 40 %). Il est donc important que le clinicien comprenne bien le type de méthode utilisée, et ses limites, et que la même méthode soit utilisée pour tous les tests.

On ne doit procéder au dosage de l'ADN du VHB que pour les patients chez qui on envisage un traitement et pour évaluer la réponse au traitement. Il n'est pas indiqué comme examen de routine pour tous les patients positifs pour l'AgHBs. Les médecins qualifiés qui traitent régulièrement des patients infectés par le VHB doivent pouvoir procéder facilement au dosage de l'ADN-VHB.

Biopsie du foie

Les tests biochimiques ou sérologiques, y compris le dosage de l'ADN-VHB, ne peuvent prédire l'histopathologie avec précision. Par conséquent, il peut être nécessaire d'effectuer une biopsie du foie pour déterminer la gravité des lésions hépatiques permanentes (fibrose ou cirrhose). Le résultat de la biopsie peut aider à choisir un traitement approprié.

Tests auxiliaires

La recherche des IgM anti-HBc dans le sérum n'est pas un test de substitution fiable pour l'ADN du VHB; son utilisation n'est pas recommandée à cette fin. Par contre, la mise en évidence de l'AgHBc par un immunomarquage du noyau et du cytoplasme des hépatocytes est un signe fiable de la présence d'ADN du VHB dans le sérum.

4. TRAITEMENT DES PORTEURS DU VIRUS DE L'HÉPATITE B

L'homologation de l'analogue nucléosidique, la lamivudine, a considérablement élargi les options thérapeutiques pour les patients infectés par le VHB. Selon les essais cliniques, les taux de réponse, mesurée par l'apparition d'anticorps anti-HBe, suivant un traitement à la lamivudine chez les patients positifs pour l'AgHBe ayant des taux élevés d'enzymes hépatiques vont de 17 à 33 %, ce qui est comparable aux taux de séroconversion observés dans le traitement à l'interféron(21-23). La disparition de l'AgHBs par suite d'un traitement par la lamivudine se produit chez moins de 5 % des patients, comparativement à 8 à 33 % des patients traités à l'interféron(23). La réponse au traitement par la lamivudine est associée à une amélioration de l'histologie hépatique. À la lumière des résultats préliminaires, le traitement par l'interféron associé à la lamivudine ne présente pas d'avantages par rapport à une monothérapie à l'interféron ou à la lamivudine. La lamivudine est bien tolérée et a peu d'effets secondaires. Son utilisation est associée à l'apparition de mutants viraux, qu'on appelle mutants YMDD(24), que l'on peut observer chez 16 à 32 % des patients après un an de traitement(21,22). Bien que ce virus mutant semble dans bien des cas moins virulent que le VHB de type sauvage, il a été associé à une évolution rapide de l'hépatopathie chez certains patients. Nous ne disposons pas de données sur les bienfaits à long terme de la lamivudine.

L'indication initiale du traitement est un taux anormal d'ALAT, défini comme un taux élevé d'ALAT lors de trois tests consécutifs sur une période de trois mois. Pour le traitement à l'interféron, le seuil est de deux fois la limite supérieure de la normale et pour la lamivudine, le seuil est de 1,3 fois la limite supérieure de la normale.

La définition de la réponse au traitement est la suivante : disparition de l'AgHBe, apparition d'anticorps anti-HBe, clairance de l'ADN du VHB du sérum (selon les méthodes de dosage de l'ADN-b, d'hybridation en solution ou de capture de l'hybride) et la normalisation des aminotransférases. Pour l'interféron, on observe la réponse à la fin du traitement ou dans les trois à six mois avant la fin du traitement, tandis que pour la lamivudine, cette réponse se produit habituellement en cours de traitement.

Les recommandations ci-dessous ne s'appliquent qu'aux patients de plus de 18 ans (voir plus loin pour les recommandations concernant les enfants).

Pour les patients positifs pour l'AgHBe présentant des taux anormaux d'ALAT, la biopsie hépatique est fortement recommandée, mais non obligatoire. Le traitement est recommandé peu importe le stade de fibrose. Toutefois, le degré de fibrose peut influencer le choix du traitement. On peut utiliser soit l'interféron ou la lamivudine. L'interféron est administré à une dose de 27 à 35 MU par semaine (5-6 MU 1 fois par jour ou 9-10 MU 3 fois/semaine) pendant 16 semaines(25-32). La lamivudine est administrée à une dose de 100 mg par jour pendant 52 semaines(21). Les facteurs à considérer dans le choix d'un traitement sont notamment l'âge, l'histologie hépatique préalable au traitement (importance de la fibrose), la charge du VHB et les effets secondaires possibles des médicaments(33). Il est également important de prendre en considération le risque d'apparition de virus mutants et les implications de ce phénomène sur tout traitement antiviral à venir, de même que la possibilité d'une grossesse. Dans le traitement à l'interféron, la clairance de l'AgHBs est retardée mais elle est meilleure que chez les patients non traités. Chez les patients traités, le taux de clairance de l'AgHBs à 5 ans est de 16 %, alors qu'il est de 4 % pour le groupe non traité(15). Nous ne disposons pas encore de données sur l'efficacité de la lamivudine pour la clairance de l'AgHBs.

Chez les patients traités à l'interféron, l'apparition d'anticorps anti-HBe avec normalisation de l'ALAT est un bon marqueur de substitution pour la clairance de l'ADN-VHB. Dans ce cas, la surveillance du taux d'ADN- VHB n'est pas essentielle. Pour les patients traités à la lamivudine, la clairance de l'ADN-VHB indique que le traitement est efficace. La normalisation de l'ALAT peut être retardée ou incomplète. Par conséquent, il est nécessaire de mesurer le taux d'ADN du VHB pour évaluer la réponse au traitement. En outre, une augmentation du taux d'ALAT pendant le traitement peut indiquer l'apparition d'une résistance virale à la lamivudine, et elle doit être suivie d'un dosage de l'ADN du VHB.

Chez les patients présentant des anticorps anti-HBe dont le taux d'ALAT est supérieur à la normale et chez qui on a décelé la présence d'ADN-VHB (mutant pré-capside), le traitement est plus difficile. Ces patients ne répondent pas bien à l'interféron(33,34). On a signalé des cas de traitement prolongé (6 à 12 mois) à l'interféron avec une clairance virale maintenue. Toutefois, ces données demeurent controversées. Le traitement par la lamivudine freine la réplication virale chez les patients dont le taux d'ALAT diminue(35), mais le taux de rechute est élevé une fois le traitement terminé. De l'avis général, ces patients doivent être traités dans des centres spécialisés. Le traitement par la lamivudine des patients qui présentent des anticorps anti-HBe et qui sont positifs pour l'ADN-VHB est encore considéré comme expérimental.

L'utilisation de prednisone avant l'administration d'interféron est contre-indiquée dans le traitement de l'infection à VHB.

L'administration d'interféron à un patient immunosupprimé n'est pas efficace. Dans le cas d'une transplantation d'organe, l'augmentation des antigènes HLA peut également favoriser un rejet. On n'a pas encore déterminé quel est le meilleur traitement pour les patients infectés par le VHB qui sont immunosupprimés. Parmi ces patients, on trouve tous ceux qui ont reçu un organe autre que le foie ou ceux qui sont traités pour une maladie auto-immune ou une affection maligne. Le dépistage systématique chez les patients qui subissent une transplantation d'organe est une pratique courante. À l'heure actuelle, nous n'avons pas suffisamment d'information pour justifier le dépistage systématique du VHB chez les autres patients immunosupprimés. Toutefois, les patients qui présentent des facteurs de risque doivent être testés. Nous n'avons pas, non plus, suffisamment d'information pour recommander une prophylaxie antivirale à la lamivudine pour les patients immunosupprimés que l'on sait être porteurs du virus de l'hépatite B.

On a déjà recensé des cas d'utilisation de lamivudine par des patients qui avaient subi une transplantation rénale ou une greffe de moelle osseuse et chez qui le virus est disparu, avec résolution de l'hépatite(36,37). Toutefois, l'issue à long terme n'a pas été documentée et, par conséquent, on ne peut formuler aucune recommandation pour ou contre l'utilisation de la lamivudine chez les patients immunosupprimés.

CAS SPÉCIAUX

Virus de l'hépatite D

Le virus de l'hépatite D (VHD) est un petit virus à ARN défectueux qui nécessite, pour entrer et sortir de l'hépatocyte, la présence de l'antigène de surface de l'hépatite B (AgHBs). Par conséquent, pour être infecté par le VHD, un sujet doit simultanément être infecté par le virus de l'hépatite B (co-infection) ou être déjà porteur du VHB (surinfection). Le virus de l'hépatite D cause habituellement une hépatite agressive(38).

L'administration d'interféron à une dose de 9 MU 3 fois/semaine pendant un an peut induire une réponse virologique mais ce résultat n'a été observé que chez 21 % des cas évalués six mois après avoir terminé le traitement(39). On ne sait pas encore si le traitement à l'interféron modifie l'issue de la maladie sur le plan de la morbidité ou de la mortalité.

Les patients qui souffrent d'une hépatite D active devraient être traités dans des centres spécialisés.

Cirrhose décompensée due au VHB :

Pour les patients atteints d'une hépatopathie décompensée associée au VHB, le pronostic est mauvais, en particulier lorsqu'il y a réplication virale active. Un traitement à l'interféron à faible dose chez ces patients (positifs pour l'AgHBe) peut entraîner une séroconversion et une amélioration de la fonction hépatique, ce qui a été confirmé chez le tiers des sujets; mais chez 20 à 70 % des patients, le traitement entraîne de graves complications(40). La lamiduvine semble produire un meilleur taux de réponse, se rapprochant de 80 %, sans effets secondaires importants (communication personnelle de JP Villeneuve). On n'a pas encore pu établir si ce traitement influe sur l'issue générale de la maladie.

Les patients qui souffrent d'hépatite B chronique décompensée sont candidats à une transplantation du foie. Avant l'avènement du traitement antiviral, la réinfection du greffon était fréquente. L'hépatite B chronique consécutive à une transplantation du foie entraîne une maladie agressive et une rapide évolution vers la cirrhose et l'insuffisance hépatique. Un grand nombre de centres de transplantation du foie administrent actuellement à ces patients un traitement à la lamivudine avant la transplantation. Chez certains patients, ce traitement entraîne une amélioration suffisante pour éviter ou reporter le besoin d'une transplantation. Le choix du moment pour débuter le traitement à la lamivudine est important. Le temps d'attente pour une transplantation du foie est long. L'utilisation prolongée de la lamivudine avant la transplantation peut entraîner l'apparition du variant YMDD. Chez ces patients, l'ADN du VHB est de nouveau mis en évidence dans le sérum, et ils peuvent perdre leur chance d'être transplantés. Par conséquent, il faut mettre en balance la possibilité d'une amélioration de la fonction hépatique avec le risque d'apparition d'une résistance virale. En outre, dans des études sur les transplantations, il a été établi que certains patients développent de nouveau une hépatite active après l'apparition du variant YMDD, qui peut mener à une insuffisance hépatique et au décès. La perte partielle ou totale d'efficacité virologique de la lamivudine chez des patients souffrant d'une hépatopathie avancée et/ou d'une immunosuppression peut également être associée à une évolution plus fréquente ou plus grave de la maladie que lorsqu'il n'y a pas d'hépatopathie décompensée.

L'administration d'interféron à faible dose n'est pas recommandée dans les cas de cirrhose décompensée associée au VHB. Les patients souffrant d'hépatite B chronique décompensée devraient être adressés à un centre de transplantation du foie, et un traitement à la lamivudine devrait être entrepris en coordination avec le centre de transplantation.

Manifestations extra-hépatiques de l'hépatite B :

Glomérulonéphrite

L'infection à VHB, aiguë ou chronique, a été associée à la glomérulonéphrite membranoproliférative, dans laquelle des complexes immuns sont déposés dans les membranes basales glomérulaires. Le traitement à l'interféron est très efficace dans les cas de glomérulonéphrite membraneuse induite par l'hépatite B, mais il l'est moins lorsqu'il y a glomérulonéphrite membranoproliférative(41,42). Dans ce dernier cas, la clairance de l'AgHBe survient chez le même pourcentage de patients que dans les indications normales d'hépatite B chronique. Le traitement aux corticostéroïdes est contre-indiqué. Aucun cas d'utilisation de lamivudine chez ces patients n'a été recensé.

Les indications pour le traitement à l'interféron chez les patients atteints de glomérulonéphrite membranoproliférative induite par l'hépatite B sont les mêmes que dans les cas d'hépatite B sans glomérulonéphrite, c.-à-d. qu'il faut suivre les indications de traitement qui s'appliquent à l'hépatopathie. Dans le cas de la glomérulonéphrite membraneuse, la maladie rénale en soi est une indication pour le traitement à l'interféron (car le taux de réponse est très bon). Aucune recommandation pour ou contre l'administration de lamivudine n'a pu être formulée.

Hépatite B chronique chez les enfants

Le risque d'évolution vers la chronicité dans les cas d'infection à VHB chez les nouveau-nés et les jeunes enfants est élevé (voir tableau 4). En outre, la plupart des nourrissons et des jeunes enfants infectés par le virus de l'hépatite B ont des taux normaux d'aminotransférase et ne sont pas candidats au traitement(8,43).

Les enfants qui contractent l'infection après l'âge de 7 ans sont moins exposés au risque de développer la maladie chronique. Le pronostic chez les enfants atteints d'hépatite B est généralement bon : les cas de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire chez les enfants sont rares. Une séroconversion spontanée (AgHBe pour anticorps anti-HBe) se produit chez 6 à 12 % des enfants infectés, par année. Dans des essais comparatifs randomisés, le traitement à l'interféron-alpha chez des enfants a donné lieu dans 35 % des cas à une clairance de l'ADN-VHB et de l'AgHBe (11 % chez les témoins) et dans 7 % des cas à une clairance de l'AgHBs (1 % chez les témoins)(44). Le traitement optimal est de 3 à 6 MU/m2 d'interféron 2 fois/semaine pendant six mois. Les indications du traitement sont les mêmes que dans le cas des adultes. On ne dispose d'aucune information sur l'utilisation de la lamivudine chez les enfants. Normalement, le traitement ne devrait pas être entrepris chez des enfants de moins de 2 ans à cause des effets secondaires de l'interféron-alpha. Chez les enfants plus âgés, les effets secondaires de l'interféron semblent bien tolérés. La perte de poids peut être compensée par un régime alimentaire spécial.

Tableau 4

INFECTION PAR LE VHB CHEZ LES JEUNES ENFANTS
RISQUE DE CHRONICITÉ
Âge au moment de l'infection (en années) Cas qui deviennent porteurs (%)
<1 70-90
2-3 40-70
4-6 10-40
>7 6-10

5. COMMENTAIRE

Le traitement de l'hépatite B chronique est complexe et il évolue rapidement. Seuls les médecins qui connaissent bien la maladie et son traitement devraient entreprendre un traitement auprès de patients atteints d'hépatite B chronique. Il est parfois nécessaire de consulter des spécialistes car un traitement inapproprié pourrait limiter le recours à d'autres options thérapeutiques par la suite.

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Last Updated: 2000-06-26 haut de la page