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Explorer les liens entre la santé mentale et l ’usage de substances

Les troubles mixtes et leur traitement

Lors de la dernière journée, la discussion se concentre sur les troubles mixtes et sur leur traitement.

Ce que nous apprennent les publications

Gillian Leigh, de l’hôpital régional du Cap-Breton, ouvre la séance par une présentation des résultats de la recherche documentaire.

Pour la présentation, on a utilisé l’expression «troubles mixtes» pour décrire la présence concomitante de problèmes liés à l’usage de substances et de troubles mentaux. Les auteurs divisent les individus souffrant de troubles mixtes en quatre sous-groupes: a) maladie mentale grave et persistante accompagnée d’une dépendance; b) dépendance à l’égard de l’alcool ou d’autres drogues et symptômes de maladie mentale; c) trouble mental organique induit par une substance et problème actuel lié à l’usage de substances; d) trouble mixte à cause des antécédents, à savoir problème actuel lié à l’usage de substances et problème mental passé, ou inversement.

Selon les auteurs, le traitement comporte plusieurs composantes principales, à savoir: désintoxication complète, évaluation globale, diagnostic provisoire avec examen périodique, approche flexible en matière de traitement, abstinence à titre de but et non pas de condition au traitement, traitement à formule variable, traitement simultané des deux problèmes et soins consécutifs au traitement, incluant la gestion du cas, l’initiative personnelle et la participation de la famille.

La recherche documentaire a également permis de cerner les questions suivantes :

  • Le diagnostic (incidence) dépend de la population étudiée.

  • La recherche sur les issues est insuffisante.

  • Le nombre d’études qui comparent les différentes méthodes de traitement est insuffisant.

  • Dans les publications, l’accent est mis sur les clients les plus gravement atteints.

  • Les questions relatives au sexe ne sont pas étudiées.

  • Les questions culturelles ne sont pas abordées.

  • Il est difficile de décider de la manière de procéder pour faire en sorte que les besoins différents de certaines catégories spéciales de la population soient pris en considération.

  • Une divergence philosophique entre les services de lutte contre la toxicomanie et les services de santé mentale nuit à la mise en oeuvre des traitements.

  • Les études sur les interactions et le maintien (les facteurs qui maintiennent la consommation de substances chez une personne souffrant d’une maladie mentale) font défaut.

Ce que nous apprend l’expérience

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Lors de la discussion faisant suite à la présentation, les participants s’entendent sur les trois points suivants :

  • Les spécialistes en santé mentale et en toxicomanie doivent collaborer davantage afin de traiter efficacement les troubles mixtes.

  • Les programmes et les services doivent être davantage axés sur le client, plus conviviaux et plus accessibles.

  • Il convient de faire une plus large place au rôle des collectivités dans l’aide apportée aux personnes souffrant de troubles mixtes.

Les programmes et les services doivent être davantage axés sur le client, plus conviviaux et plus accessibles.

Comme le souligne un participant: «en intervenant de façon judicieuse sur le plan psychosocial, en collaborant de manière adéquate avec les familles, en donnant aux individusdes informations sur la maladie et en les aidant à accroître leur capacité d’adaptation, il est possible de réduire le taux de rechute, d’atténuer les symptômes et d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes. Ça marche!»

Au chapitre des problèmes actuels et des obstacles au changement, les participants dressent la liste suivante :

  • L’existence de lois différentes régissant la prestation de services dans les domaines de la santé mentale et de la dépendance, la concurrence sur le plan financier et les pratiques professionnelles contradictoires sont autant de facteurs qui découragent la collaboration.

  • On constate un manque d’intégration entre les deux sphères d’activité ainsi qu’à l’intérieur de chacune d’elles.

  • Les services appropriés sont difficilement accessibles, en particulier lorsque l’on passe d’un système à l’autre.

  • On constate une insuffisance d’informations sur la disponibilité des services. «Comment peut-on accéder au système si on ne le connaît pas?», s’interroge un représentant.

  • Les personnes atteintes de troubles mixtes étant souvent des clients difficiles, certains services mis sur pied pour les aider s’écartent de leur mandat d’origine. Les participants soulignent que les psychiatres sont souvent réticents à prendre en charge des problèmes liés à l’usage de substances ou des troubles de la personnalité.

  • Bon nombre de personnes atteintes de troubles mixtes hésitent à se présenter pour un traitement, parce que les services de traitement peuvent être très menaçants pour elles. Les prestateurs de services ont tendance à étiqueter et à juger les personnes qui font appel à eux; ils ne respectent pas toujours la confidentialité de l’information concernant ces clients et les font aller et venir d’un secteur à l’autre. Par ailleurs, bon nombre de clients redoutent les stigmates associés au recours aux services de santé
    mentale.

  • Certains programmes et services sont insensibles aux besoins de leurs clients. Selon un des participants, en dépit de leurs bonnes intentions, les prestateurs de services ont tendance à imposer leurs idées et ne respectent pas le rôle de stratégie d’adaptation que peut jouer la consommation de substances pour les personnes atteintes de troubles mixtes. «Vous ne pouvez l’enlever sans la remplacera.

  • Le langage utilisé pour décrire les clients et les groupes de clients peut parfois être dénué de sensibilité ou inexact. Par exemple, certains participants s’opposent fortement à l’emploi d’expressions comme «trouble mixte» et «gestion des cas» qu’ils estiment déshumanisantes. Dans le cadre d’un programme de traitement à Calgary, on a changé la perspective en remplaçant le terme «dual disorder» par «Special needs» («troubles mixtes» par «besoins spéciaux»). Un autre exemple de l’utilisation inappropriée du langage est le recours au terme «immigrant» pour définir tant les réfugiés que les immigrants volontaires, deux groupes aux démarcations floues et aux besoins très différents. «Nos services seraient plus efficaces si nous pouvions clarifier la terminologie que nous employons.»
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Nos services seraient plus efficaces si nous pouvions clarifier la terminologie que nous employons.
  • Certains services de traitement sont axés sur les prestateurs plutôt que sur les clients. Certains conseillers en matière de dépendance dont pas une approche flexible. On insiste sur l’évaluation et la catégorisation du client, au lieu de lui prodiguer attention et aide immédiatement.

  • Les distances géographiques, en particulier dans les collectivités isolées, et les heures d’ouverture peu pratiques rendent les services inaccessibles à bon nombre d’individus.

  • Le manque de confiance manifesté par les clients empêche bon nombre de personnes d’accéder aux services communautaires. «Les individus souffrant d’une maladie mentale grave ont été ignorés et abandonnés par le système. Il faudra du temps avant de regagner leur confiance.»

  • Le manque de respect de la confidentialité de l’information, en particulier dans les plus petites collectivités, décourage le recours aux services communautaires.

  • On ne réalise pas suffisamment les besoins particuliers en matière de formation et d’éducation des travailleurs de la santé. Les prestateurs de services et les «gardiens» s’occupant des personnes atteintes de troubles mixtes ont des besoins particuliers en matière de formation. Dans les collectivités autochtones, les groupes ethniques ou culturels et parmi les immigrants, les travailleurs de la santé de première ligne dont souvent pas les bases nécessaires pour faire face aux problèmes particuliers qu’ils rencontrent. Toutefois, la spécialisation peut amener à concentrer l’attention sur un aspect des problèmes du client, plutôt qu’à l’ensemble de sa personne.
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En ce qui concerne le diagnostic des troubles mentaux et de problèmes liés à l’usage de substances, on s’entend sur la nécessité d’intégrer les facteurs biologiques dans le diagnostic, tout en reconnaissant l’importance primordiale du «degré de fonctionnements. «Les facteurs de risque ne sont réellement appropriés que s’ils sont définis par rapport à quelque chose sur quoi nous pouvons agir.»

Un modèle de «vulnérabilité au stress» a été proposé à titre d’outil diagnostique. Ce modèle prendrait en considération les facteurs de vulnérabilité telles que les facteurs génétiques, périnatals et expérientiels. Moins une personne présente de facteurs de vulnérabilité, plus sa capacité d’adaptation au stress devrait être élevée.

Moins une personne présente de facteurs de vulnérabilité, plus sa capacité d ’adaptation au stress devrait être élevée.

Un participant donne un exemple de programme où l’on aborde la question des facteurs de risque et de vulnérabilité avec les adolescents. Dans ce cas-là, la connaissance transforme les facteurs de risque en facteurs de protection. «La connaissance favorise le choix.»

Haut de la pageVers de nouvelles approches : les conséquences pour la recherche, les politiques, les programmes et la prestation des services

Les participants s’entendent sur le fait que la réussite du traitement repose sur des valeurs telles que la tolérance, la dignité et le respect. Les responsables des programmes et les prestateurs de services ne doivent pas porter de jugement et doivent se reconnaître comptables envers leurs clients. Les services doivent être facilement accessibles et basés sur les besoins des individus.

Il faut privilégier les services flexibles à long terme, qui favorisent une approche de réduction des dommages. L’usage de substances, en particulier du tabac, peut faire office d’outil de survie ou de méthode d’adaptation. Le traitement doit libérer les individus de ces béquilles» et leur laisser le temps de guérir.

Il faut privilégier les services flexibles à long terme, qui favorisent une approche de réduction des dommages.

Pour arriver à ces résultats, les participants proposent de modifier le système de la façon suivante. Certaines pratiques actuelles basées sur les valeurs et les principes sont décrites afin de démontrer comment elles fonctionnent dans la réalité.

Collaboration améliorée

  • Mettre sur pied et financer des projets de démonstration : les participants se déclarent en faveur des projets de démonstration dans le but de montrer comment les deux secteurs peuvent collaborer à l’élaboration et à l’exécution des programmes portant sur les problèmes liés à l’usage de substances et sur les troubles mentaux.

  • Offrir une formation adéquate : les participants appuient le détachement entre les deux secteurs et dans la collectivité, afin d’élargir l’expérience des professionnels relative au traitement dans ces deux sphères d’activité. Ils suggèrent que l’on intègre les troubles mixtes aux programmes des deux secteurs. Un participant souligne en particulier la nécessité d’une Formation holistique».

Les individus doivent élargir leurs connaissances grâce aux groupes de clients qu’ils servent. Au Yukon, par exemple, les programmes d’enseignement en travail social et en éducation sont conçus en collaboration avec les Premières Nations. Les clients doivent faire part de leur vécu aux travailleurs de la santé dans le cadre du processus de formation de ces derniers.

Un participant décrit un exemple de programme de formation de «mentors» au
Manitoba. Des spécialistes en toxicomanie ont donné au personnel des hôpitaux locaux une formation en évaluation et en aiguillage des cas d’usage de substances. Cela a alourdi la charge de travail du personnel hospitalier, mais leur a également permis de traiter plus facilement les patients.

Un autre participant décrit un programme de formation itinérant lancé à Sudbury à la suite d’une conférence sur les troubles mixtes. Ce programme a aidé les intervenants des deux secteurs à collaborer et à prendre conscience de leurs points communs.

  • Haut de la pageTravailler en partenariat : les membres du groupe soulignent l’importance de constituer des équipes où ne prédomine aucune des deux disciplines. On propose à cet effet la création de comités directeurs externes, de conseils chargés des opérations et d’équipes de gestion des cas, et l’affiliation entre organisations.

    Un participant décrit les résultats intéressants obtenus dans la mise sur pied d’équipes de gestion des cas au Nouveau-Brunswick. Ces équipes démontrent qu’il est possible pour des intervenants issus des deux secteurs de travailler ensemble sans perdre leur individualité.

  • Définir une vision commune : de l’avis d’un participant, la définition d’une vision commune pourrait aider les professionnels du traitement à s’élever au-dessus de leur perspective territoriale. Un autre participant incite ces professionnels à se tourner vers l’avenir plutôt qu’à rechercher des réponses dans les publications.

Services axés sur le client

  • Rendre les programmes attrayants et non menaçants : respecter les besoins des clients en matière de confidentialité; inviter les personnes à se renseigner sans crainte; s’intéresser à l’aspect positif du traitement plutôt qu’aux problèmes; tirer parti des possibilités d’enseignement. Les programmes de traitement doivent non pas informer les individus de leurs problèmes, mais les aider à en prendre conscience eux-mêmes.

  • Mettre l’accent sur les besoins des clients : adapter les heures d’ouverture aux besoins des clients; prodiguer à ceux-ci l’aide immédiate dont ils ont besoin au lieu de les évaluer; modeler son approche selon le client. «Demandons à nos clients comment nous pouvons mieux les servir», affirme l’un des participants.

Demandons à nos clients comment nous pouvons mieux les servir...

Haut de la pageServices communautaires

  • S’efforcer d’améliorer les attitudes : la disparition de la confidentialité doit être compensée par une meilleure acceptation des personnes atteintes de troubles mentaux ou de toxicomanie.

  • Renforcer les services communautaires et le suivi lors de la réinsertion des personnes souffrant de troubles mixtes dans leur collectivité. Certains services communautaires peuvent jouer un rôle de premier plan en rendant les informations et les ressources accessibles aux personnes atteintes d’un trouble mixte. Les participants insistent sur l’importance des prestateurs de services de première ligne, qui jouent le rôle de «généralistes». «Les travailleurs sociaux sont capables de prendre en charge les personnes souffrant de troubles mentaux ou de problèmes liés à l’usage de substances. Nous devons faire disparaître le préjugé selon lequel il faut être spécialiste pour offrir des services.» Les participants soulignent le rôle crucial de l’éducation, du soutien et de la formation, en particulier pour les familles.

Les participants insistent sur l’Importance des prestateurs de services de première ligne.
  • Il faut créer des liens entre les services communautaires et les systèmes plus formels, afin de s’attaquer aux problèmes liés au logement, à la pauvreté, à la santé mentale et à la toxicomanie.

Des exemples à suivre

Les participants présentent ensuite certains projets mis en oeuvre dans le pays, où l’on a adopté les approches décrites précédemment.

À Calgary, le Achievement Centre aide les jeunes de la rue. Le centre offre un large éventail de services et est guidé par un conseil qui privilégie les valeurs plutôt que les étiquettes. Quatre cents jeunes participent avec enthousiasme au programme.

Un participant de la Saskatchewan parle d’un programme pour les personnes souffrant de troubles mixtes. Ce programme est géré par une organisation non gouvernementale (ONG) et il offre des services axés sur le client, à l’écoute des besoins de chacun. Le besoin le plus fréquent est le logement. En conséquence, on a fait l’acquisition d’une grande maison subdivisée en appartements privés pour les clients; ceux-ci peuvent y demeurer aussi longtemps qu’ils le désirent. Les clients ont accès aux ressources communautaires telles que le YMCA/YWCA. Le but poursuivi par les clients est l’abstinence, mais celle-ci n’est pas obligatoire.

Au Yukon, un programme de logement similaire a permis de réduire les séjours répétés à l’hôpital. Des travailleurs auxiliaires four-nissent leur aide au besoin. Bon nombre d’entre eux n’ont pas suivi de formation officielle mais ont travaillé avec des personnes handicapées et sont capables d’enseigner l’autonomie fonctionnelle.

Au Nouveau-Brunswick, la compression des effectifs d’un hôpital psychiatrique a conduit à l’élaboration d’un programme communautaire efficace qui s’appuie sur une approche pluridisciplinaire et met à contribution des gestionnaires de cas et des travailleurs de soutien. Les principales valeurs et les principaux objectifs sont le respect et la dignité de toutes les personnes en cause, incluant les consommateurs, leur famille et le personnel. Le programme da pas pour objectif l’abstinence; la réussite est définie par l’individu lui-même. On s’attend à ce qu’il y ait des rechutes, et des moniteurs aident les clients à franchir cet obstacle. Le programme est rentable, les taux de réhospitalisation ont diminué, les clients sont
plus satisfaits et font moins de rechutes.

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Le programme da pas pour objectif l’abstinence; la réussite est définie par l ’individu lui-même.

Un participant de Calgary décrit un projet pour les jeunes ayant été rejetés par de nombreux organismes d’hébergement. On a acheté des maisons modestes et on a demandé aux jeunes de graver leurs initiales sur les bâtiments. On leur a également dit qu’en cas de problèmes, ils n’auraient pas à partir — ce sont les intervenants qui s’en iraient. Le lancement du projet a nécessité un certain financement, mais le coût pour le système est à présent de 92 $ par jour au lieu de 600 $.

Un autre participant de Calgary évoque la réussite d’un programme de diagnostic mixte où le personnel a des compétences générales et spécialisées. Le personnel développe les secteurs d’intérêt qui facilitent l’établissement de liens avec d’autres organisations. Des liens ont été créés à un niveau administratif aussi bien qu’entre les travailleurs de première ligne.

À Ottawa, un centre de santé communautaire offre un large éventail de services. Les programmes comprennent notamment la gestion des crises, l’information, l’initiative personnelle et le bénévolat. Les «gardiens» sont des infirmières itinérantes aidées par 31 interprètes culturels faisant le lien entre la collectivité principale et la collectivité multiculturelle. Les généralistes sont appuyés par des conseillers, des représentants de la Société d’aide à l’enfance et des hôpitaux psychiatriques, des conseillers en santé mentale et en emploi, des acupuncteurs et des experts en matière de lutte contre la violence conjugale. L’organisation collabore avec de nombreuses autres organisations, incluant Centraide et plusieurs églises.

À Edmonton, «on forme des spécialistes qui agissent à titre de généralistes face à des problèmes spécifiques». On privilégie une approche interdisciplinaire, basée sur les connaissances particulières requises pour aider chaque client.

Mise à jour : 2004-10-01 Haut de la page