Agence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
Sauter toute navigation -touch directe z Sauter au menu vertical -touch directe x Sauter au menu principal -touch directe m Sauter toute navigation -touch directe z
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil - ASPC Centres Publications Lignes directrices Index A-Z
Santé - enfants Santé - adultes Santé - aînés Surveillance Santé Canada
Rapport sur les maladies mentales au Canada

Avant-propos
Remerciements
Sommaire
Chapitre 1 Les maladies mentales au Canada - Aperçu
Chapitre 2 Troubles de l'humeur
Chapitre 3 Schizophrénie
Chapitre 4 Troubles anxieux
Chapitre 5 Troubles de la personnalité
Chapitre 6 Troubles de l'alimentation
Chapitre 7 Comportement suicidaire
Annexe A
Annexe B

Agence de santé publique du Canada

[Précédente] [Table des matières] [Prochaine]

CHAPITRE 2 TROUBLES DE L'HUMEUR

Points saillants

  • Les troubles de l'humeur comprennent la dépression majeure, le trouble bipolaire (maniaque et déprimé) et la dysthymie.
  • Environ 8 % des adultes souffriront d'une dépression majeure dans leur vie. Environ 1 % des adultes souffriront d'un trouble bipolaire.
  • Les troubles de l'humeur apparaissent généralement au cours de l'adolescence.
  • À l'échelle mondiale, la dépression majeure est la principale cause des années vécues avec invalidité et la quatrième cause des années de vie sans invalidité.
  • Les troubles de l'humeur ont un important impact économique associé aux coûts des soins de santé et à la perte de productivité.
  • La plupart des personnes atteintes d'un trouble de l'humeur peuvent être traitées efficacement dans la collectivité. Malheureusement, de nombreuses personnes tardent à demander un traitement.
  • Les hospitalisations pour les troubles de l'humeur dans les hôpitaux généraux sont d'environ une fois et demie plus élevées chez les femmes que chez les hommes.
  • La grande disparité parmi les groupes d'âge dans les taux d'hospitalisation pour dépression dans les hôpitaux généraux a diminué ces dernières années, grâce à une plus grande diminution des taux d'hospitalisation chez les groupes plus âgés.
  • Les taux d'hospitalisation pour trouble bipolaire dans les hôpitaux généraux augmentent chez les hommes et les femmes de 15 à 24 ans.
  • Les personnes souffrant de troubles de l'humeur sont à risque élevé de suicide.

Que sont les troubles de l'humeur? Les troubles de l'humeur comprennent la dépression seulement (qu'on appelle aussi «dépression unipolaire») ou des épisodes maniaques (comme le trouble bipolaire dont l'appellation classique est «psychose maniacodépressive»). Les personnes atteintes de troubles de l'humeur souffrent d'une profonde détresse ou de handicaps dans leurs activités sociales, professionnelles, éducatives ou d'autres aspects importants du fonctionnement.

Les personnes dépressives se sentent sans valeur, tristes et vides au point où ces sentiments entravent leur fonctionnement efficace. Elles peuvent également perdre tout intérêt pour leurs activités habituelles, éprouver un changement de l'appétit, souffrir d'un sommeil perturbé ou avoir moins d'énergie.

Les personnes maniacodépressives sont exagérément énergiques et peuvent faire des choses excessives comme dépenser inconsidérément et s'endetter, entrer en conflit avec la loi ou manquer de jugement dans leur comportement sexuel. Ces symptômes sont graves et durent plusieurs semaines, intervenant dans leurs relations, leur vie sociale, leurs études et leur travail. Certaines personnes peuvent sembler fonctionner normalement, mais à mésure que la maladie progresse cela leur nécessite un effort de plus en plus accru.

Les épisodes dépressifs et maniaques peuvent modifier le raisonnement et le comportement de la personne ainsi que le fonctionnement de son corps.

Le trouble dépressif majeur est caractérisé par un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs (au moins 2 semaines d'humeur déprimée ou de perte d'intérêt pour les activités habituelles, accompagnées d'au moins quatre autres symptômes de dépression)1.

Le trouble bipolaire rouble est caractérisé par au moins un épisode maniaque ou mixte (manie et dépression) avec ou sans antécédents de dépression majeure2.

Le trouble dysthymique est essentiellement une humeur déprimée chroniquement qui se manifeste pour la plupart sur une période d'au moins 2 ans1 sans périodes prolongées sans symptômes. Les périodes sans symptômes ne durent pas plus que 2 mois. Les adultes souffrant de ce trouble se plaignent de se sentir tristes ou déprimés, alors que les enfants peuvent se sentir irritables. La durée minimale requise des symptômes pour le diagnostic des enfants est de 1 an.

Symptômes
DépressionManie
  • Sentiment d'être sans valeur, d'impuissance ou de désespoir
  • Perte d'intérêt ou de plaisir (y compris les passe-temps ou le désir sexuel)
  • Changement de l'appétit
  • Troubles du sommeil
  • Moins d'énergie ou fatigue (sans effort physique important)
  • Sentiment d'inutilité ou de culpabilité
  • Pensées associées à la mort
  • Faible concentration ou difficulté de prendre des décisions
  • Exaltation excessive
  • Optimisme déraisonnable ou mauvais jugement
  • Hyperactivité ou pensées qui défilent
  • Moins de sommeil
  • Durée d'attention très brève
  • Passages rapides à la rage ou à la tristesse
  • Irritabilité

Jusqu'à quel point les troubles de l'humeur sont-ils répandus?

Collectivement, les troubles de l'humeur sont l'une des maladies mentales les plus répandues dans la population générale. Les études canadiennes sur l'incidence de la dépression majeure au cours de la vie ont constaté que 7,9 % à 8,6 % des adultes de plus de 18 ans et vivant dans la collectivité répondaient aux critères de diagnostic d'une dépression majeure à un moment donné de leur vie1. D'autres études ont indiqué qu'entre 3 % et 6 % des adultes seront atteints de dysthymie au cours de leur vie3, et qu'entre 0,6 % et 1 % des adultes vivront un épisode maniaque au cours de leur vie4.

Sur une période de 12 mois, entre 4 % et 5 % de la population fera une dépression majeure1. Selon l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP) de 1994-1995, 6 % de la population canadienne âgée de 12 ans et plus avait éprouvé des symptômes correspondant à la dépression au moment de l'enquête5.

Répercussions des troubles de l'humeur

Qui est affecté par les troubles de l'humeur?

Les troubles de l'humeur affectent des gens de tout âge, mais apparaissent habituellement à l'adolescence ou dans la jeune vie adulte. Le diagnostic étant souvent retardé, l'âge moyen des personnes atteintes s'étend du début de la vingtaine au début de la trentaine1.

Des études ont documenté régulièrement des taux de dépression plus élevés chez les femmes que chez les hommes; les moyennes du ratio femmes:hommes sont de 2 pour 1 2:13. Les femmes sont de 2 à 3 fois plus susceptibles que les hommes de manifester une dysthymie.

Les différences entre les sexes quant aux symptômes associés à la dépression peuvent contribuer aux différences d'apparition de la dépression chez les hommes et les femmes. Par exemple, les hommes sont plus susceptibles d'être irritables, coléreux et découragés que déprimés, alors que les femmes manifestent les symptômes plus «classiques» de sentiments d'inutilité et d'impuissance ainsi que des humeurs tristes persistantes. En conséquence, la dépression peut ne pas être reconnue aussi facilement chez un homme. De plus, les femmes sont plus susceptibles que les hommes de demander l'aide des professionnels de la santé. Les facteurs de risque ou de protection biologiques ou sociaux peuvent également différer entre les hommes et les femmes. Pour le trouble bipolaire, il est généralement reconnu que le ratio entre les hommes et les femmes est à peu près le même6.

Idéalement, les données d'une étude démographique devraient fournir de l'information sur la répartition selon l'âge et le sexe des personnes souffrant de troubles de l'humeur. L'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) fournira ces données pour 2002.

Bien que la plupart des personnes souffrant de troubles de l'humeur soient traitées dans la collectivité, l'hospitalisation est parfois nécessaire. Actuellement, les données sur les hospitalisations offrent la meilleure description disponible, quoique limitée, des personnes souffrant de troubles de l'humeur. Les résultats doivent toutefois être examinés avec prudence, puisqu'il s'agit seulement d'un sous-ensemble des personnes souffrant de troubles de l'humeur. La plupart de ces personnes sont traitées dans la collectivité plutôt qu'à l'hôpital, et plusieurs ne reçoivent aucun traitement.

En 1999, plus de femmes que d'hommes ont été hospitalisées pour trouble dépressif majeur dans chaque groupe d'âge sauf les 90 ans et plus (figure 2-1). Les jeunes femmes de 15 à 19 ans présentaient des taux d'hospitalisation beaucoup plus élevés que les groupes d'âge immédiatement adjacents. Les femmes de 40 à 44 ans et les hommes de 85 à 89 ans présentaient les taux d'hospitalisation les plus élevés pour leur sexe, respectivement.

Figure 2-1 Hospitalisations pour trouble dépressif majeur* dans les hôpitaux généraux pour 100 000, par groupe d'âge, Canada, 1999-2000

Hospitalisations pour 100 000 En 1999, pour tous les groupes sauf celui de 5 à 9 ans, les femmes étaient hospitalisées pour trouble bipolaire à des taux considérablement plus élevés que les hommes (figure 2-2). Cela fait contraste avec le taux de prévalence généralement accepté pour les hommes et les femmes. Une recherche plus poussée est nécessaire pour expliquer cette répartition. Les femmes ont été hospitalisées le plus souvent pour trouble bipolaire entre les âges de 40 et 44 ans.

Figure 2-2 Hospitalisations pour trouble bipolaire* dans les hôpitaux généraux pour 100 000, par groupe d'âge, Canada, 1999-2000

Comment les troubles de l'humeur affectent-ils les gens?

À cause de leur distribution élevée, du coût, du risque de suicide et de la perte de la qualité de vie, les troubles de l'humeur s'avèrent une sérieuse préoccupation pour la santé publique au Canada. La dépression et la manie causent une détresse importante et entravent le fonctionnement social, professionnel, scolaire et se font sentir dans d'autres domaines7. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la dépression majeure est la quatrième cause d'invalidité principale de l'espérance de vie sans invalidité dans le monde. La dépression majeure est la principale cause des années vécues avec une invalidité et le trouble bipolaire est la sixième cause8.

Le trouble dépressif majeur est une maladie récurrente présentant de fréquentes rechutes et récurrences. Plus les symptômes sont graves et de longue durée lors de l'épisode initial, comme ce qui dans certains cas est dû au retard d'un traitement efficace, moins le recouvrement est susceptible d'être complet.

Le trouble dépressif majeur unipolaire est la quatrième cause d'invalidité et de décès prématuré dans le monde8. La dépression a également une incidence majeure sur la santé mentale des membres de la famille et des soignants, souvent avec une présence accrue de symptômes de dépression et d'anxiété.

La dysthymie dysthymie, à cause de sa longue durée, peut être très débilitante9. Malgré un taux de recouvrement élevé suite aux épisodes, le risque de rechute est élevé. Les personnes atteintes de ce trouble sont également à risque élevé de vivre un épisode de dépression majeure10.

Les personnes ayant vécues un épisode de trouble bipolaire tendent à en vivre d'autres plus tard. Les taux de recouvrement varient selon les personnes. Celles qui présentent des épisodes purement maniaques recouvrent mieux que celles qui présentent des épisodes de manie et de dépression de plus longue durée lesquels rendent la maladie plus chronique6.

Le taux de mortalité chez les personnes atteintes d'un trouble bipolaire est de deux à trois fois plus élevé que dans la population générale, et conduisent à des taux de suicide plus élevés6.

Le mauvais traitement des enfants et du conjoint ou d'autres comportements violents peuvent survenir au cours des épisodes maniaques graves. De plus, les personnes souffrant d'un trouble bipolaire manifestent souvent une perte d'intuition, entraînant une résistance au traitement. D'autres problèmes associés comprennent les échecs professionnels et scolaires, les difficultés financières, la toxicomanie, les activités illégales et le divorce2. Les personnes souffrant d'un trouble bipolaire peuvent souvent avoir de la difficulté à conserver un emploi régulier et peuvent en conséquence souffrir d'un désavantage social et économique.

Les troubles de l'humeur accompagnent souvent d'autres maladies mentales comme les troubles d'anxiété, les troubles de la personnalité ainsi que la toxicomanie et les dépendances. La présence d'une autre maladie mentale augmente la gravité de la maladie initiale et entraîne un moins bon pronostic. Les personnes souffrant de troubles de l'humeur sont à risque élevé de suicide.

Impact économique

À cause de leur étendue, les troubles de l'humeur ont un impact majeur sur l'économie canadienne. Leur portée se fait sentir de deux façons : d'abord, à cause de la perte de productivité associée à l'absentéisme et au manque d'efficacité au travail et ensuite, du fait des coûts élevés attribuables aux soins primaires, aux hospitalisations et aux médicaments.

Au niveau de l'individu et de la famille, la perte de revenus et le coût des médicaments peuvent gêner les ressources financières de la famille.

Stigmatisation associée aux troubles de l'humeur

La stigmatisation des personnes souffrant de troubles de l'humeur influe non seulement sur leur décision de chercher à obtenir un traitement, mais sur leur assiduité à prendre les médicaments qui leur sont prescrits et sur leur participation au counselling. Ce comportement est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. La stigmatisation influe également sur le succès de la réintégration de la personne dans la famille et la collectivité.

Les employeurs peuvent douter si une personne souffrant d'un trouble de l'humeur soit capable de fonctionner au niveau des autres employés. Lorsque la maladie n'est pas traitée ce souci peut bien être réel. Toutefois, en suivant un traitement visant à réduire ou à prendre en charge les symptômes, le rendement au travail s'améliore habituellement. Des connaissances accrues ainsi qu'une bonne volonté de la part des employeurs à répondre aux besoins de leurs employés ne pourront que baisser le niveau de stigmatisation lié aux maladies mentales en milieu de travail11. L'application de la législation sur les droits de la personne ne peut que renforcer les efforts volontaires.

Causes des troubles de l'humeur

Les troubles de l'humeur n'ont pas une seule cause car plusieurs facteurs, dont un déséquilibre biochimique au cerveau, des facteurs psychologiques et des facteurs socio-économiques, tendent à rendre certaines personnes plus vulnérables à ces troubles9,12.

Influence génétique

Des études ont permis d'établir que les personnes souffrant de dépression et d'un trouble bipolaire trouvent souvent des antécédents de ces troubles parmi les membres de leur famille immédiate13,6. Selon les preuves, plusieurs gènes différents peuvent agir ensemble et en combinaison avec d'autres facteurs pour déclencher un trouble de l'humeur. Bien que certaines études aient ciblé quelques gènes ou régions génomiques intéressants, les facteurs génétiques exacts des troubles de l'humeur demeurent inconnus.

Épisode dépressif antérieur

Un épisode de dépression majeure est un fort prédicteur de futurs épisodes. Plus de 50 % des personnes qui ont un épisode de dépression majeure rechutent13.

Stress

Le stress a traditionnellement été considéré comme un important facteur de risque de dépression. Toutefois, les recherches récentes indiquent que le stress peut seulement prédisposer une personne à un épisode initial et non à des épisodes récurrents14. Les réactions au stress diffèrent grandement entre les personnes : certaines sont plus susceptibles que d'autres de faire une dépression suite à certains événements de la vie, lorsqu'elles vivent des relations difficiles ou à cause de facteurs socio-économiques comme un revenu inadéquat, un logement inapproprié, le préjudice et le stress en milieu de travail.

Maladie physique

L'association entre diverses affections médicales chroniques et une incidence élevée de dépression majeure est forte15,16. Plusieurs affections, telles l'infarctus et la maladie cardiaque, la maladie de Parkinson, l'épilepsie, l'arthrite, le cancer, le sida et la maladie respiratoire obstructive, peuvent contribuer à la dépression. Plusieurs facteurs associés aux maladies mentales peuvent déclencher ou aggraver une dépression. Il s'agit notamment des répercussions psychologiques de l'invalidité, de diminutions de qualité de vie, de la perte de rapports ou d'attributions sociales évalués. Les effets secondaires des médicaments peuvent également y contribuer. Enfin, il est possible que la présence même d'une maladie physique puisse contribuer directement à l'apparition de la dépression par son action sur des mécanismes physiologiques tels les neurotransmetteurs, les hormones et le système immunitaire. Pour des raisons semblables, des épisodes de manie peuvent se déclarer suite à une maladie physique ou la prise de médicaments.

Des facteurs indirects influent également sur la relation entre les affections physiques et la dépression. Parmi ces facteurs, mentionnons l'invalidité et la qualité de vie des personnes souffrant d'une maladie chronique et la tendance de certains médicaments utilisés pour traiter les maladies physiques à causer la dépression.

Traiter efficacement une maladie physique chronique nécessite une vigilance pour la détection précoce et le traitement de la dépression.

Traitement des troubles de l'humeur

Les troubles de l'humeur sont traitables. Toutefois, de nombreuses personnes souffrant d'un trouble de l'humeur ne se soumettent pas au traitement et souffrent inutilement. Parmi celles qui cherchent un traitement, de nombreuses demeurent sans diagnostic ou prennent un médicament non approprié ou des doses inadéquates17. Le retard à chercher et à obtenir un diagnostic et un traitement peut être attribuable à plusieurs facteurs, dont la stigmatisation, le manque de connaissances, le manque de ressources humaines et de disponibilité ou accessibilité des services.

Les initiatives en cours pour soulager le fardeau des troubles de l'humeur comprennent non seulement une meilleure reconnaissance et un recours accrue aux traitements efficaces, mais également l'éducation des personnes et des familles ainsi que de la collectivité. Les établissements de soins primaires jouent un rôle essentiel pour reconnaître et traiter ces maladies.

Les modèles de pratique novateurs ont démontré que des interventions efficaces peuvent diminuer les symptômes et augmenter les jours de travail.18 Le traitement précoce efficace des troubles de l'humeur peut améliorer les résultats et diminuer le risque de suicide.

Les antidépresseurs et l'éducation en combinaison avec diverses formes de psychothérapie comme la thérapie cognitivocomportemantale ont fait preuve de leur efficacité pour traiter la dépression. Une publication récente de l'Association des psychiatres du Canada souligne les lignes directrices cliniques pour le traitement des troubles dépressifs.1

L'éducation de la famille et des dispensateurs de soins primaires est essentielle non seulement pour assurer la reconnaissance des premiers signes avertisseurs de la dépression, de la manie et du suicide et leur traitement approprié, mais également pour assurer le respect du traitement afin de minimiser les rechutes. De bons réseaux de soutien sont nécessaires pendant la phase aiguë de la maladie et l'adaptation à la vie quotidienne après la maladie.

Une dépression majeure entraîne une faible productivité et des congés de maladie. Ainsi, le lieu de travail est un élément important pour régler les problèmes de santé mentale. La mise en valeur de milieux de travail sains, l'éducation des employeurs et des employés au sujet des problèmes de santé mentale et le soutien de la réintégration des personnes ayant souffert d'une maladie mentale dans le milieu de travail feront beaucoup pour minimiser l'effet de la dépression majeure sur le lieu de travail.

Les personnes souffrant de troubles de l'humeur peuvent nécessiter une hospitalisation pour régler la médication, stabiliser le trouble et assurer une protection contre un comportement autodestructeur.

Trouble dépressif majeur

En 1999, chez les personnes de moins de 50 ans souffrant d'un trouble dépressif majeur qui étaient hospitalisées, le trouble était le principal élément déterminant la durée de leur séjour (figure 2-3). Chez les personnes de plus de 50 ans, la dépression était plus susceptible d'être une affection associée contribuant à la durée du séjour, ce qui est compatible avec l'association entre la maladie physique et la dépression.

Figure 2-3 Hospitalisations pour trouble dépressif majeur dans les hôpitaux généraux pour 100 000, selon sa contribution à la durée du séjour et par groupe d'âge, Canada, 1999-2000

Dans l'ensemble, entre 1987 et 1999, les taux d'hospitalisation pour trouble dépressif majeur ont augmenté de 33 % chez les hommes et chez les femmes (figure 2-4).

Figure 2-4 Taux d'hospitalisation pour trouble dépressif majeur* dans les hôpitaux généraux selon le sexe, Canada, 1987- 1988 - 1999-2000 (âge standardisé selon la population canadienne de 1991)

Chez les femmes de 25 ans et plus, les taux d'hospitalisation pour trouble dépressif majeur ont diminué entre 1987 et 1997 et sont demeurés assez stables pour les femmes de moins de 25 ans (figure 2-5). Les femmes de plus de 65 ans ont fait preuve du taux de réduction le plus élevé.

Figure 2-5 Taux d'hospitalisation pour trouble dépressif majeur* dans les hôpitaux généraux chez les femmes, Canada, 1987-1988 - 1999-2000 (âge standardisé selon la population canadienne de 1991)

Chez les hommes, les taux d'hospitalisation pour trouble dépressif majeur entre 1987 et 1999 ont diminué davantage dans le groupe d'âge des 65 ans et plus (figure 2-6). Pendant la même période, les taux chez les jeunes hommes de 15 à 24 ans ont augmenté pour atteindre un niveau semblable à tous les groupes plus âgés. Pour les hommes et les femmes de 15 ans et plus, les grandes variations de taux d'hospitalisation qui étaient évidentes en 1987 ont disparu en 1999, principalement à cause de diminutions modérées dans les groupes d'âge de 25 à 64 ans et d'une l'importante diminution chez les 65 ans et plus.

Figure 2-6 Taux d'hospitalisation pour trouble dépressif majeur* dans les hôpitaux canadiens chez les hommes, Canada, 1987-1988 - 1999-2000 (âge standardisé selon la population canadienne de 1991)

Entre 1987 et 1999, la durée moyenne d'un séjour à l'hôpital pour trouble dépressif majeur a diminué de 20 % (figure 2-7).

Figure 2-7 Durée moyenne du séjour dans les hôpitaux généraux pour trouble dépressif majeur*, Canada, 1987-1988 - 1999-2000

Trouble bipolaire

En 1999, le trouble bipolaire était le principal élément contributif de la durée du séjour chez les personnes souffrant de ce trouble âgées de moins de 50 ans qui étaient hospitalisées (figure 2-8). Chez les personnes plus âgées, un trouble bipolaire était le plus souvent une condition associée laquelle contribuait à la durée du séjour.

Figure 2-8 Hospitalisations pour trouble bipolaire dans les hôpitaux généraux pour 100 000, selon sa contribution à la durée du séjour et par groupe d'âge, Canada, 1999-2000

Dans l'ensemble, les taux d'hospitalisation pour trouble bipolaire sont demeurés assez stables tant pour les hommes que pour les femmes entre 1987 et 1999 (figure 2-9).

Figure 2-9 Taux d'hospitalisation pour trouble bipolaire* dans les hôpitaux généraux selon le sexe, Canada, 1987-1988 - 1999-2000 (âge standardisé selon la population canadienne de 1991)

Entre 1987 et 1999, les taux d'hospitalisation pour trouble bipolaire chez les femmes de moins de 25 ans ont plus que doublé (figure 2-10). Pendant la même période, les taux chez les groupes plus âgés ont diminué.

Figure 2-10 Taux d'hospitalisation pour trouble bipolaire* dans les hôpitaux généraux chez les femmes, Canada, 1987-1988 - 1999-2000 (âge standardisé selon la population canadienne de 1991)

Entre 1987 et 1999, les taux d'hospitalisation pour trouble bipolaire chez les hommes de 15 à 24 ans ont augmenté de 61 %. Les taux chez les hommes de 25 à 44 ans sont demeurés stables (figure 2-11). Les taux ont diminué de 14 % chez les hommes de 45 à 64 ans et de 23 % chez les hommes de 65 ans et plus.

Figure 2-11 Taux d'hospitalisation pour trouble bipolaire* dans les hôpitaux généraux chez les hommes, Canada, 1987-1988 - 1999-2000 (âge standardisé selon la population canadienne de 1991)

Entre 1987 et 1999, la durée moyenne d'un séjour à l'hôpital général pour trouble bipolaire a diminué de 27 % (figure 2-12).

Figure 2-12 Durée moyenne du séjour dans les hôpitaux généraux pour trouble bipolaire*, Canada, 1987-1988 - 1999-2000

Données sur les hospitalisations

Les taux plus élevés d'hospitalisation pour dépression chez les femmes par rapport aux hommes ne font que confirmer l'expérience clinique à cet égard. D'après la recherche clinique, les femmes présentent des taux de dépression majeure deux fois plus élevés que les hommes. Par contre, les taux d'hospitalisation chez les femmes ne sont que 1,5 fois plus élevés que chez les hommes, ce qui donne à penser que les hommes sont hospitalisés pour dépression majeure beaucoup plus souvent que les femmes. Une recherche plus poussée pourrait peut être confirmer et expliquer ces données.

L'on pourrait présumer que les taux d'hospitalisation pour trouble bipolaire soient les mêmes chez les hommes que chez les femmes. Toutefois, les taux d'hospitalisation des femmes présentant ce trouble sont beaucoup plus élevés que ceux des hommes. Il faudra entreprendre plus de recherches pour déterminer si, en effet, les taux de la maladie sont plus élevés chez les femmes ou si plus de femmes que d'hommes atteintes de ce trouble sont hospitalisées, et pourquoi.

Les taux d'hospitalisation pour dépression et trouble bipolaire sont les plus élevés chez les femmes de 35 à 49 ans. Plus de recherches sont nécessaires pour déterminer les facteurs dans la vie des femmes qui contribuent à ce phénomène. Depuis 1987, les taux d'hospitalisation pour dépression chez les personnes plus âgées au Canada ont diminué de beaucoup comparativement aux groupes d'âge plus jeunes. Encore une fois, des recherches plus poussées pourraient peut-être déterminer les raisons de cette tendance. S'agit-il du résultat d'un meilleur traitement clinique ou est-ce que les taux des groupes plus jeunes se sont également améliorés au cours de cette période?

Les taux d'hospitalisation pour trouble bipolaire chez les jeunes femmes et les jeunes hommes ont augmenté depuis le début des années 1990. S'agit-il d'une augmentation du nombre de cas dans ces groupes d'âge, d'une détermination plus précoce de la présence de la maladie, ou d'une modification du traitement?

Futurs besoins de surveillance

Les troubles de l'humeur, y compris la dépression majeure, le trouble bipolaire et la dysthymie sont répandus et contribuent à une grande détresse personnelle et familiale. Ils ont également un impact important sur le lieu de travail et les coûts des soins de santé.

Les données existantes offrent un profil très limité des troubles de l'humeur au Canada. Les données sur les hospitalisations doivent être complétées par des données supplémentaires pour mieux surveiller ces troubles au Canada. Voici les données d'intérêt prioritaire :

  • Incidence et prévalence de la dépression majeure, du trouble bipolaire et de la dysthymie selon l'âge et le sexe et d'autres variables importantes (p. ex., le statut socio-économique, l'éducation et l'origine ethnique).
  • Prévalence de la dépression chez les personnes souffrant d'une maladie chronique.
  • Impact des troubles de l'humeur sur la qualité de vie de la personne et de la famille.
  • Accès et recours aux services de santé primaires et spécialisés.
  • Résultats des traitements.
  • Taux de suicide chez les personnes souffrant de troubles de l'humeur.
  • Accès et recours aux services de santé mentale publics et privés.
  • Accès et recours aux services de santé mentale offerts par d'autres systèmes, tels les écoles, les programmes et les établissements de justice pénale et les programmes d'aide aux employés.
  • Impact des troubles de l'humeur sur le lieu de travail et l'économie.
  • Stigmatisation associée aux troubles de l'humeur.
  • Exposition à des facteurs de risque et de protection connus ou soupçonnés.

Références

  1. Canadian Psychiatric Association. Canadian Clinical Practice Guidelines for the Treatment of Depressive Disorders. Can J Psychiatry 2001;46:Supp1.
  2. American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. 4th edition. Washington, DC: American Psychiatric Association, 1994.
  3. Bland RC. Epidemiology of affective disorders: a review. Can J Psychiatry 1997;42:367-377.
  4. Kessler RC, McGonagle KA, Zhao S, Nelson CB, Hughes M, Eshleman S, Wittchen HU, Kendler KS. Lifetime and 12-month prevalence of DSM-III-R psychiatric disorders in the United States. Arch Gen Psychiatry 1994; 51:8-19.
  5. Document de Stephens T, Joubert N et ???.
  6. Fogarty F, Russell JM, Newman SC, Bland RC. Mania. Acta Psychiatr Scand 1994;Suppl376:16-23.
  7. Judd LL, Paulus MP, Wells KB, Rapaport MH. Socioeconomic burden of subsyndromal depressive symptoms and major depression in a sample of the general population. Am J Psychiatry 1996;153:1411-7.
  8. Murray CJL, Lopez AD, Eds. Summary: The global burden of disease: a comprehensive assessment of mortality and disability from diseases, injuries, and risk factors in 1990 and projected to 2020. Cambridge, MA: Published by the Harvard School of Public Health on behalf of the World Health Organization and the World Bank, Harvard University Press, 1996. http://www.who.int/msa/mnh/ems/dalys/into.htm
  9. Horwath E, Weissman MM. Epidemiology of depression and anxiety disorders. In: Tsuang MT, Tohen M, Zahner GEP, Eds. Textbook in psychiatric epidemiology. New York: Wiley-Liss. 1995. p317-44.
  10. Klein DN, Schwartz JE, Rose S, Leader JB. Five-year course and outcome of dysthymic disorder: a prospective, naturalistic follow-up study. Am J Psychiatry 2000; 157:931-9.
  11. Mintz J, Mintz LI, Arruda MJ, Hwang, SS. Treatments of depression and the functional capacity to work. Arch Gen Psychiatry 1992;49:761-8.
  12. Griffiths J, Ravindran AV, Merali, Anisman H. Dysthymia: a review of pharmacological and behavioral factors. Mol Psychiatry 2000; 5:242-61.
  13. Spaner D, Bland RC, Newman SC. Major depressive disorder. Acta Psychiatr Scand 1994;Suppl 376:7-15.
  14. De Marco RR. The epidemiology of major depression: implications of occurrence, recurrence, and stress in a Canadian community sample. Can J Psychiatry 2000;45:67-74.
  15. Patten SB. Long-term medical conditions and major depression in the Canadian population. Canadian Journal of Psychiatry 1999;44:151-7.
  16. Beaudet MP. Depression. Health Reports 1996;7(4):11-24.
  17. Bland RC. Psychiatry and the burden of mental illness. Can J Psychiatry 1998; 43:801-10.
  18. Schoenbaum M, Un!tzer J, Sherbourne C, Duan N, Rubenstein LV, Mirand J et al. Cost-effectiveness of practice-initiated quality improvement for depression: Results of a randomized controlled trial. JAMA 2001;286:11:1325-30.

[Précédente] [Table des matières] [Prochaine]

Dernière mise à jour : 2002-10-03 début