Gouvernement du CanadaAgence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
   
Sauter toute navigation -touch directe z Sauter au menu vertical -touch directe x Sauter au menu principal -touch directe m  
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil - ASPC Centres Publications Lignes directrices Index A-Z
Santé - enfants Santé - adultes Santé - aînés Surveillance Santé Canada
   



Volume 18, No 1- 2000

 

 

Agence de santé publique du Canada

Le coût du tabagisme au Canada, 1991

Murray J. Kaiserman


Résumé

En 1991, les coûts des soins de santé attribuables au tabagisme au Canada s'établissaient à 2,5 milliards de dollars (CAN). À ces coûts s'ajoutaient 1,5 milliard de dollars pour les soins de longue durée, 2 milliards de dollars pour l'absentéisme, 80 millions de dollars pour les incendies et 10,5 milliards de dollars pour la perte de revenus ultérieurs causée par un décès prématuré. Les rajustements pour les coûts ultérieurs qu'il aurait fallu payer en l'absence de tabagisme et sans le décès des fumeurs ont été estimés à 1,5 milliard de dollars. Selon cette analyse, les fumeurs coûtent environ 15 milliards de dollars et paient environ 7,8 milliards de dollars en taxes. Les résultats indiquent que les coûts attribuables au tabagisme au Canada ont augmenté régulièrement depuis 1966, s'établissant à 15 milliards de dollars en 1991. Bien qu'il soit important d'établir les coûts du tabagisme, l'essentiel demeure toutefois la santé publique. C'est, en outre, la première fois que les coûts des soins de longue durée attribuables au tabagisme sont estimés.

Mots clés : Canada; cost of illness; health care costs; smoking; smoking-attributable cost; tobacc


Introduction

En cette fin du xxe siècle, tous les niveaux de gouvernement s'efforcent de réduire leurs dépenses ou, s'ils le peuvent, de recouvrer leurs coûts1. Ils ont ainsi été amenés à se pencher sur le tabagisme. Près de 20 États américains dont la Floride, la Louisiane, le Maryland, le Massachussetts, le Mississippi, la Virginie Occidentale et le Minnesota, ont entamé des poursuites, de concert avec la Croix Bleue/Blue Shield du Minnesota, contre l'industrie du tabac aux États-Unis afin de recouvrer des coûts médicaux qu'ils avaient assumés2.

L'idée de faire porter à l'industrie du tabac le coût des décès et des maladies causés par la consommation de ses produits est certes intéressante, mais les coûts sont difficiles à établir. Souvent, les données ne sont pas disponibles au moment voulu ou sous la forme désirée ou elles ne portent pas sur la période qui nous intéresse. S'il est donc relativement facile d'estimer les décès attribuables au tabagisme, il est plus ardu d'estimer le coût du tabagisme pour la société et d'établir ces coûts pour l'année en cours.

Depuis la publication de deux rapports établissant que les décès attribuables au tabagisme se situaient entre 41 000 et 45 000 en 1991, le Canada s'intéresse aussi à la détermination des coûts attribuables au tabagisme3-5. À l'heure actuelle, on ne dispose des données nationales nécessaires à l'établissement des coûts attribuables au tabagisme que pour 19916 et 19947, années où de grandes enquêtes nationales ont été menées. Entre ces deux années, aucune enquête nationale suffisamment importante pour fournir des données adéquates sur le tabagisme et la santé n'a été effectuée. Comme une bonne partie des données de 1994 dont on aurait besoin pour estimer les coûts attribuables au tabagisme ne sont toujours pas disponibles, on se penchera, dans cette étude, sur l'évaluation de ces coûts au Canada en 1991.

Méthodes et sources de données

La méthode utilisée est essentiellement celle qui a été proposée et mise au point par Rice, Hodgson et coll.8 et qui a été utilisée par la suite par le US Office on Smoking and Health9 dans son communiqué II pour calculer les coûts de la mortalité et de la morbidité et les coûts économiques attribuables au tabagisme. Comme la méthode utilisée par ce dernier organisme ne correspond pas toujours aux sources de données et au modèle canadiens des soins de santé, on s'est inspiré aussi des méthodes proposées par MacMahon et Cole10 et modifiées par Collishaw et Myers11. L'analyse n'en demeure pas moins toujours fondée sur la prévalence, et elle permet d'estimer la mortalité et la morbidité excédentaires attribuables au tabagisme en tenant compte de toutes les conséquences sur le plan de la santé.

Les méthodes fondamentales suivantes ont servi à déterminer les coûts.

Détermination des fractions attribuables au tabagisme8

On a utilisé la formule suivante pour calculer les fractions attribuables au tabagisme (FAT) : (P(RR-1))/(1+P(RR-1) où P désigne la prévalence des anciens fumeurs et des fumeurs actuels et RR désigne le risque relatif de survenue d'une conséquence particulière, p. ex., le décès, les hospitalisations, etc. On multiplie ensuite le total des conséquences par les FAT pour déterminer la valeur qui peut être attribuée au tabagisme. On trouvera au tableau 1 un exemple de l'application de cette méthode.

Détermination de l'utilisation excédentaire des soins de santé par les fumeurs

En moyenne, les anciens fumeurs et les fumeurs actuels utilisent davantage le système de soins de santé que les personnes qui n'ont jamais fumé8-12. L'écart peut être imputé aux effets du tabagisme et, si on le multiplie par le coût lié à cette activité, on obtient le coût attribuable au tabagisme.

Analyse des valeurs actualisées

On s'est fondé sur l'analyse des valeurs actualisées (AVA) pour déterminer les coûts ultérieurs et les pertes de revenus attribuables aux décès de fumeurs survenus en 1991. Aux fins de la présente analyse, on a supposé que l'âge médian des décès se situait au milieu du groupe d'âge; ainsi, les calculs relatifs aux fumeurs de 15 à 24 ans commencent à l'âge de 20 ans, et on postule que si ces fumeurs n'étaient pas décédés, ils auraient vécu jusqu'à l'âge de 85 ans13. Les coûts globaux, y compris les changements entre les groupes d'âge, ont été calculés pour les décès survenus dans chacun des groupes d'âge.

On a posé, aux fins du présent rapport, des hypothèses générales et des hypothèses particulières en ce qui concerne certains calculs. On a supposé, en général, que les taux actuels d'utilisation demeureraient stables et que le taux d'actualisation s'établissait, en permanence, à 4 %. En outre, les calculs des FAT ou les écarts ont parfois semblé indiquer que le tabagisme avait un effet protecteur. C'était particulièrement le cas en ce qui concerne le calcul de l'absentéisme dans certains groupes d'âge. Comme il serait insensé de supposer que le tabagisme a un effet de protection sur les fumeurs, on a supposé qu'il n'y avait pas de coûts attribuables au tabagisme lorsque l'absentéisme des fumeurs était inférieur à celui des non-fumeurs8. Tous les calculs découlent de la détermination des coûts pour des groupes d'âge particuliers, soit 15 à 24 ans, 25 à 34 ans, 35 à 44 ans, 45 à 54 ans, 55 à 64 ans, 65 à 74 ans et 75 ans et plus. Enfin, on a considéré les fumeurs actuels et les anciens fumeurs comme une seule catégorie.

On explique en détail ci-après les sources, les hypothèses et les calculs utilisés.

Mortalité attribuable au tabagisme

La mortalité attribuable au tabagisme (présentée au tableau 1 ) a été calculée à l'aide de la méthode des FAT. Les risques relatifs ont été tirés de la Cancer Prevention Study II parrainée par l'American Cancer Society14. La proportion des fumeurs actuels et des anciens fumeurs a été tirée de l'Enquête sociale générale de 1991 (ESG de 1991)15. Les données sur les décès selon l'âge et le sexe proviennent de rapports publiés par Statistique Canada16.

Coûts des soins hospitaliers

Les coûts des soins hospitaliers attribuables au tabagisme ont été établis à l'aide de la méthode des FAT. Les risques relatifs ont été calculés à partir des données autodéclarées sur l'utilisation des soins hospitaliers recueillies dans le cadre de l'ESG de 1991. On a également tiré de cette enquête des données sur la prévalence des fumeurs actuels et des anciens fumeurs15. Les données sur les congés de l'hôpital (y compris les décès) proviennent des données sur la morbidité à l'hôpital de 1991-199217. Les données sur les coûts et la durée moyenne des séjours à l'hôpital ont été tirées de rapports publiés18-19.

On a reconnu qu'il en coûtait très cher d'extraire des données sur les coûts des soins hospitaliers pour l'année civile 1991. On a donc supposé que, comme les données de l'année financière 1991-1992 portaient sur neuf mois de l'année 1991, elles pourraient fournir une bonne approximation de l'année entière. En fait, l'utilisation globale des soins hospitaliers au cours des années 1990-1991, 1991-1992 et 1992-1993 ne variait que d'environ 1 % par année20-21.

Dans le cadre de l'analyse, on a estimé, à l'aide de la méthode de l'AVA, les coûts d'hospitalisation ultérieurs des fumeurs actuels et des anciens fumeurs qui sont décédés en 1991. On a supposé que si ces fumeurs n'étaient pas décédés des suites du tabagisme, ils auraient utilisé les soins hospitaliers à une date ultérieure. On a estimé cette utilisation à partir d'un «taux normal d'utilisation»15 qui correspondait aux données sur l'utilisation des soins hospitaliers que les personnes qui n'ont jamais fumé ont fournies dans le cadre de l'ESG de 1991.

Coûts des soins médicaux

Les coûts attribuables au tabagisme ont été estimés à l'aide des écarts entre les données autodéclarées des personnes qui n'avaient jamais fumé, d'une part, et des anciens fumeurs et fumeurs actuels, d'autre part, tirées de l'ESG de 199115. On a posé comme hypothèse que le coût moyen par consultation était de 30 $ (Association médicale canadienne, communication personnelle).

Le coût des consultations médicales ultérieures qu'il aurait fallu payer pour les fumeurs qui sont décédés en 1991 a été calculé à l'aide de la méthode de l'AVA en considérant l'utilisation faite par les personnes qui n'ont jamais fumé comme le «taux normal d'utilisation»15.

Coûts des médicaments

Les coûts attribuables au tabagisme ont été estimés à l'aide des écarts entre les données autodéclarées des personnes qui n'avaient jamais fumé, d'une part, et des anciens fumeurs et fumeurs actuels, d'autre part, tirées de l'Enquête Promotion de la santé (EPS) de 199022. L'EPS a fourni des données sur la consommation de médicaments de prescription. Comme on ne disposait pas de données semblables pour 1991, les données de l'EPS ont permis de brosser un tableau approximatif de la consommation de médicaments sous réserve de la sous-estimation ou de la surestimation importante pouvant être attribuable aux écarts entre les deux années. On a supposé que le coût moyen par ordonnance était celui de l'Ontario soit, 23,27 $ (Association pharmaceutique canadienne, communication personnelle).

Le coût des médicaments qui auraient été consommés ultérieurement par les fumeurs qui sont décédés en 1991 a été calculé à l'aide de la méthode de l'AVA en considérant la consommation faite par les personnes qui n'ont jamais fumé comme le «taux normal d'utilisation»15.

Coûts liés aux établissements de soins de longue durée

L'Enquête nationale sur la santé de la population de 1994 a, contrairement aux autres enquêtes nationales, inclus les résidents des établissements de soins de santé de longue durée dans son étude23. Cette enquête fait état de l'âge et du sexe des répondants et indique s'ils sont fumeurs ou non24. On peut estimer le nombre d'anciens fumeurs et de fumeurs actuels qui devraient être présents dans ces établissements en prenant les données sur les personnes qui n'ont jamais fumé comme données de référence et en utilisant les données sur la prévalence des sujets en établissement et non en établissement15. En se fondant sur ces calculs, on a estimé qu'il y avait environ 38 000 anciennes fumeuses excédentaires de 65 ans et plus dans ces établissements. Ces chiffres révèlent qu'il y a moins de fumeurs (anciens et actuels) et moins de fumeuses actuelles que prévu.

Ces données portent sur 1995, mais on a supposé que les niveaux d'utilisation des anciens fumeurs et des fumeurs actuels seraient les mêmes en 1991. Les coûts attribuables au tabagisme ont été déterminés en multipliant cette valeur par le tarif quotidien moyen de 111,13 $25.

Absentéisme

On a calculé l'absentéisme à l'aide des écarts entre les données autodéclarées de l'ESG de 1991 pour les personnes qui n'ont jamais fumé, d'une part, et celles fournies par les anciens fumeurs et les fumeurs actuels, d'autre part, qui exerçaient un emploi au moment de l'enquête15. On a ensuite multiplié ces valeurs par le salaire annuel moyen divisé par 261 jours ouvrables, ce qui correspond à un horaire de travail moyen de cinq jours par semaine moins les vacances et les jours fériés.

Perte de revenus ultérieurs en raison du décès

On a calculé les revenus ultérieurs perdus en raison du décès à l'aide de la méthode de l'AVA et des données sur le revenu publiées par Statistique Canada26.

Incendies

Le coût attribuable au tabagisme des incendies résidentiels provient directement des données publiées par l'Association canadienne des directeurs provinciaux et des commissaires des incendies27. On a estimé le coût des feux de forêts attribuables au tabagisme à environ 10 % du total des coûts fourni par le Service canadien des forêts (Ressources Naturelles Canada, communication personelle).



TABLEAU 1

Décès attribuables au tabagisme, Canada, 1991

Âge

Risque
relatif

Proportion de personnes
exposées

Fraction
attribuable

Décès
de toutes les causes,
1991

Décès
attribuables
au tabac

HOMMES

         

25-34

1,000

0,544

0,0000

3 185

0

35-44

2,263

0,651

0,4513

4 097

1 849

45-54

2,390

0,697

0,4921

6 616

3 256

55-64

2,160

0,703

0,4491

14 839

6 664

65-74

1,943

0,793

0,4277

26 697

11 419

75+

1,318

0,714

0,1852

45 642

8 451

Sous total

     

101 075

31 639

FEMMES

         

25-34

1,121

0,551

0,0623

1 237

77

35-44

1,044

0,555

0,0240

2 276

55

45-54

1,630

0,547

0,2564

3 801

975

55-64

1,796

0,472

0,2732

8 307

2 269

65-74

1,699

0,436

0,2336

17 520

4 093

75+

1,108

0,310

0,0323

54 625

1 764

Sous total

     

87 766

9 232

TOTAL

     

188 841

40 872


   

Résultats et discussion

On estime que, en 1991, environ 6,5 millions de fumeurs actuels et 4,9 millions d'anciens fumeurs ont entraîné approximativement 2,5 milliards de dollars en coûts excédentaires de soins de santé attribuables au tabagisme, ce qui représente environ 3,8 % des dépenses totales du Canada en soins de santé (tableau 2 ), qui se chiffrent à 66,7 milliards de dollars28. Comme les anciens fumeurs et les fumeurs actuels comptent pour environ 54 % de la population, il faut se rappeler qu'ils entraînent aussi environ 54 % des coûts «ordinaires», soit à peu près 35 milliards de dollars15. Les anciens fumeurs vivant dans des établissements de soins de longue durée entraînent des coûts supplémentaires de 1,5 milliard de dollars.

Même si les méthodes de calcul employées sont différentes, ces coûts se comparent à ceux de l'État de la Californie, dont la population est à peu près de la même taille que celle du Canada. En se fondant sur le modèle Rice, on a estimé, en 1989, qu'environ 4,5 millions de fumeurs californiens de 12 ans et plus avaient entraîné des coûts de 2,2 milliards de dollars29. De plus, le US Department of Health and Human Services a estimé récemment, à l'aide d'une méthode semblable à celle qui est présentée ici, que les coûts des soins de santé attribuables au tabagisme aux États-Unis se chiffraient à 21,89 milliards de dollars en 1993 pour une population dix fois plus nombreuse que celle du Canada30.

Il n'est pas étonnant que les trois études en arrivent à peu de choses près aux mêmes estimations puisqu'elles utilisent la même méthode de base des FAT et qu'elles portent sur les mêmes catégories de soins de santé, soit les hôpitaux, les médecins et les médicaments. Des trois études, c'est probablement celle du US Department of Health and Human Services30 qui est la plus complète puisqu'elle porte aussi sur d'autres catégories dont le Medicare, le Medicaid et les soins en maison de repos, qui n'existent pas toujours au Canada. Mais quelle que soit la méthode utilisée, les estimations sont probablement trop basses puisqu'il est impossible d'estimer tous les coûts.

Exception faite des coûts liés aux établissements de soins de longue durée, ce sont les soins en milieu hospitalier (figure 1) qui absorbent la majeure partie des coûts des soins de santé attribuables au tabagisme au Canada. À ce chapitre, la situation n'est pas la même selon que les anciens fumeurs et les fumeurs actuels sont de sexe masculin ou féminin. En effet, les coûts des soins hospitaliers attribuables au tabagisme passé et actuel sont presque deux fois plus élevés chez les hommes que chez les femmes (tableau 2).

On présente à la figure 2 les coûts attribuables au tabagisme passé et actuel, en 1991, selon l'âge et le sexe. (Pour obtenir les coûts quotidiens, il faut diviser les valeurs financières par le tarif quotidien moyen de 516 $18.) Le graphique montre qu'il y a des écarts selon l'âge et le sexe dans les coûts attribuables au tabagisme et que les coûts plus élevés sont attribuables aux fumeurs âgés.

Selon les données autodéclarées, la majeure partie des coûts attribuables au tabagisme chez les anciennes fumeuses et les fumeuses actuelles tient aux groupes des 15 à 34 ans et des 65 à 74 ans. Le sommet observé chez les plus jeunes est probablement imputable à la hausse du nombre des fumeuses depuis les 20 dernières années, mais les complications au moment de l'accouchement pourraient également intervenir. Il est intéressant de noter que l'utilisation des soins hospitaliers chez les anciens fumeurs et les fumeurs actuels de sexe masculin et de sexe féminin de 25 à 34 ans est à peu près la même. Chez les hommes, dont le tabagisme est beaucoup plus important que chez les femmes, l'utilisation est maximale après l'âge de 45 ans. Ces coûts atteignent un sommet entre 55 et 64 ans, et ils commencent à baisser après 65 ans. Chez les femmes, les coûts sont à leur maximum à l'âge de 65 ans, ce qui correspond à la détérioration de l'état de santé en général et de celui des fumeurs en particulier21.




TABLEAU 2

Coûts attribuables au tabagisme (en milliers), Canada, 1991

   

Hommes

Femmes

COÛTS DES
SOINS DE SANTÉ

Hôpitaux

   

Vivant

1 236 $

667 $

Décédés

156 $

54 $

Sous total

1 391 $

721 $

 

Consultations chez le médecin

55 $

45 $

 

Médicaments

15 $

19 $

 

Soins de longue durée

0 $

1 552 $

 

Soins de santé
sous total

1 461 $

2 337 $

Rajustements

Hôpitaux

(446 $)

(141 $)

 

Consultations chez le médecin

(59 $)

(21 $)

 

Médicaments

(9 $)

(3 $)

 

Soins de longue durée

(527 $)

(305 $)

 

Rajustement
sous total

(1 041 $)

(470 $)

COÛTS TOTAUX DES SOINS DE SANTÉ

 

420 $

1 867 $

ABSENTÉISME

 

1 252 $

808 $

REVENUS PERDUS

 

9 166 $

1 396 $

INCENDIESa

Feux de forêt

22 $

 
 

Dommages aux biens

58 $


 

Incendies sous totala

80 $


COÛT TOTAL

 

10 919 $

4 071 $

a Les coûts attribuables aux incendies n'étaient pas disponibles selon le sexe, mais figurent ici dans la rubrique «hommes».



   

D'après les données de l'ESG de 1991, les anciens fumeurs et les fumeurs actuels avaient des niveaux d'absentéisme supérieurs à ceux des personnes qui n'avaient jamais fumé15. Cet écart, qui est attribuable au tabagisme, est présenté selon l'âge et le sexe à la figure 3. Là encore, il y a des écarts entre les hommes et les femmes, et les fumeuses jeunes (moins de 45 ans) s'absentent plus souvent du travail que leurs aînées et les fumeurs du même âge. En fait, les anciennes fumeuses et les fumeuses actuelles de 15 à 24 ans avaient en moyenne près de deux semaines d'absence de plus que les femmes qui n'avaient jamais fumé. Par contre, l'absentéisme chez les anciens fumeurs et les fumeurs actuels augmentait après l'âge de 45 ans. Les écarts entre les hommes et les femmes plus âgés tiennent probablement au moins grand nombre de femmes présentes sur le marché du travail et à leur taux de tabagisme moins élevé. On ignore les motifs exacts de l'absentéisme, par exemple la maladie, la fatigue, etc.

Sept études (y compris la présente)11,31-35 publiées et une étude non publiée (Basavaraj S. et Kaiserman M.J., observations non publiées) ont porté, depuis 1968, sur les coûts attribuables au tabagisme au Canada. Les résultats de ces études, exprimés en dollars de 1991, sont fournis à la figure 4. Les coûts attribuables au tabagisme ont atteint leur valeur actuelle au fil du perfectionnement de la méthodologie, de l'accessibilité croissante des données et de l'augmentation des coûts réels. Ces études se différenciaient essentiellement par l'inclusion ou l'exclusion des coûts indirects, notamment la valeur prévue des revenus ultérieurs perdus à cause du décès prématuré des fumeurs et les coûts des soins de santé ultérieurs qui seront dispensés aux fumeurs qui survivent.

Raynauld et Vidal ont publié, en 1992, leur estimation des coûts attribuables au tabagisme pour 198635. Comme le montre la figure 4, leur estimation était largement inférieure à toutes celles qui avaient été faites auparavant ou qui ont été faites par la suite. Certaines de leurs hypothèses soulèvent certes des doutes, surtout lorsqu'ils estiment les niveaux nationaux d'utilisation des soins hospitaliers à partir des données de la Saskatchewan et ignorent, ou à tout le moins sous-estiment, d'autres coûts comme celui de l'absentéisme. Ils n'en ont pas moins soutenu de façon convaincante que les calculs devaient tenir compte des coûts des soins de santé qui auraient été assurés ultérieurement aux fumeurs décédés au cours de l'année étudiée. Ils ont posé pour hypothèse que si ces personnes n'avaient pas fumé et n'étaient pas décédées des suites du tabagisme, elles auraient vécu et utilisé le système de soins de santé au même rythme que celles qui n'avaient jamais fumé. Il fallait donc soustraire ces coûts ultérieurs des coûts actuels. Raynauld et Vidal ont, en outre, estimé pour la première fois les coûts ultérieurs liés aux établissements de soins de longue durée au Canada. La valeur fournie à la figure 4 représente le résultat net de leurs calculs.

On a procédé à une analyse semblable dans le cadre du présent rapport. On présente au tableau 1 la mortalité attribuable au tabagisme en 1991 pour les personnes de 15 ans et plus. Il est à noter que ces données sont conformes aux estimations de la mortalité attribuable au tabagisme qui ont déjà été faites pour cette même année3,4. On s'est ensuite servi des données de ce tableau pour calculer la valeur actuelle des coûts ultérieurs et des revenus perdus indiquée au tableau 2 .

Les rajustements aux coûts des soins de santé s'élèvent à environ 1,5 milliard de dollars, les coûts liés aux établissements de soins de longue durée représentant environ 55 % de cette somme, et ceux des soins hospitaliers, 39 %. Les coûts des soins de santé attribuables au tabagisme demeurent juste au-dessus de 2,3 milliards de dollars par suite de ces rajustements et de leur ajout aux coûts estimatifs des soins de santé.

De plus, l'incapacité attribuable au tabagisme représente une autre tranche de 2 milliards de dollars, les incendies représentent environ 80 millions de dollars et les revenus perdus, 10,5 milliards de dollars. Le total des coûts attribuables au tabagisme est donc évalué à environ 15 milliards de dollars au Canada en 1991.






   

Conclusions

On estime que, en 1991, le tabagisme a coûté 2,5 milliards de dollars en soins de santé, 1,5 milliard en coûts liés aux établissements de soins de longue durée, 2 milliards en absentéisme et 10,5 milliards en perte de revenus ultérieurs, pour un total de 16,5 milliards. Cependant, si le tabagisme avait été totalement éliminé de notre société, les fumeurs qui sont décédés en 1991 auraient vécu, en moyenne, plus longtemps, et auraient entraîné des coûts pour la société sous forme de pensions, de soins médicaux et de soins de longue durée. Ces coûts «évités», à l'exception des pensions, ont été estimés à environ 1,5 milliard de dollars. On peut donc dire que, dans l'ensemble, les fumeurs ont coûté un peu moins de 15 milliards de dollars en 1991.

Il va sans dire que ces estimations ne sont ni tout à fait exactes ni tout à fait complètes. Ainsi, on n'a pas inclus le coût ultérieur des pensions à cause de la politique actuelle du gouvernement fédéral visant à assurer l'autofinancement dans ce domaine36. Il peut aussi arriver que certains calculs sous-estiment ou surestiment les coûts. Aux fins du présent rapport, on a supposé que ces différences s'annulaient les unes les autres.

Enfin, certains coûts attribuables au tabagisme ne figurent pas dans la présente étude parce qu'aucune méthode ne permet d'établir leur valeur à l'heure actuelle. Ainsi, on a très peu d'information sur les coûts des visites des amis et des membres de la famille aux fumeurs malades et mourants ou sur ceux de l'incapacité prolongée ou des soins à domicile entraînés par le tabagisme. On ne peut pas calculer non plus les coûts psychologiques et affectifs assumés par les familles des fumeurs décédés ou mourants.

Mais le véritable coût du tabagisme est-il d'ordre économique? Warner a conclu, en 1987, que le plus grand avantage d'une société sans tabac serait une amélioration importante de la qualité et de la durée de la vie37. Cette observation a été faite aux États-Unis à une époque où l'on croyait que les fumeurs coûtaient effectivement plus cher à la société qu'ils ne payaient en taxes. Bon nombre des calculs que l'on effectuait alors ne tenaient pas compte des coûts ultérieurs mais incluaient les revenus perdus, ce qui amenait les économistes à dire que les coûts attribuables au tabagisme étaient trop élevés37.

Il en va tout autrement au Canada. En 1991, les fumeurs ont dépensé en produits du tabac38 une somme de 10,45 milliards de dollars, qui a été versée, dans une proportion de 75 %, aux gouvernements sous forme de taxes. Si l'on exclut les coûts des revenus perdus (qui touchent les individus et non les gouvernements) et ceux de l'incapacité (qui touchent les employeurs), le tabagisme a coûté aux gouvernements environ 2,3 milliards de dollars en soins de santé (y compris les soins de longue durée) et 96 millions de dollars en impôts sur le revenu qui auraient été payés par les fumeurs décédés en 1991. On a établi ce dernier chiffre en postulant que, en moyenne, les fumeurs décédés en 1991 gagnaient un revenu imposé pour moitié à un taux de 19,8 %39. Même si l'on tient compte de cette dernière donnée, on constate que les fumeurs ont versé quelque 5,4 milliards de dollars de plus que ce qu'ils ont coûté. Précisons cependant que les contributions des fumeurs ont sensiblement baissé à la suite de la réduction des taxes d'accise décrétée le 8 février 1994.

Ce paiement excédentaire a-t-il été un bon placement pour les fumeurs? Selon Raynauld et Vidal, les fumeurs sont conscients que le tabac nuit à leur santé et sont prêts à prendre le risque35. Si cela est vrai et si les 5,4 milliards de dollars en trop que les fumeurs ont versés au gouvernement représentent leur investissement total dans les coûts ultérieurs qu'ils vont entraîner en soins de santé, on peut conclure qu'ils ont versé, en moyenne, 800 $ en 1991 pour couvrir ces coûts. Cette somme représente moins de deux nuits à l'hôpital ou environ 26 consultations chez le médecin ou 34 ordonnances de médicaments. On a estimé, en revanche, que le coût moyen d'évitement du cancer était d'environ 750 000 $ (US) en 199440.

Mais peu importe que les fumeurs canadiens aient versé à la société plus qu'ils n'en ont coûté en 1991, cet argument ne vient que brouiller le débat sur le tabagisme. La question fondamentale, pour reprendre les propos de Warner, c'est la santé37. Plus de 41 000 hommes, femmes et enfants sont décédés prématurément des suites du tabagisme au Canada en 1991, et leur disparition a coûté pas moins de 15 milliards de dollars à la société et à leurs familles. L'élimination du tabagisme ne permettrait peut-être pas d'épargner la moindre partie de cette somme. Elle éviterait toutefois à ces quelque 41 000 vies de toucher à leur terme prématurément. C'est ce résultat et l'amélioration importante de la qualité de vie qui font d'une société sans tabac un objectif des plus valables.


Référence de l'auteur
Murray J. Kaiserman, Bureau de contrôle du tabac, Direction générale de la protection de la santé, Santé Canada, Pré Tunney, Indice de l'adresse : 0907D1, Ottawa (Ontario)  K1A 0K9

Références

1. Gouverneur général du Canada. Discours du Trône ouvrant la deuxième session de la trente-cinquième Législature du Canada. Débats du chambre des communes 1996 févr. 27;133(001):2-6.

2. Medical cost reimbursement roundup. Tobacco on Trial 1996 nov.

3. Makomaski-Illing EM, Kaiserman MJ. Mortality attributable to tobacco use in Canada and its regions, 1991. Can J Public Health 1995;86:257-65.

4. Ellison LF, Mao Y, Gibbons L. Projections de la mortalité imputable au tabagisme au Canada, 1991-2000. Maladies chroniques au Canada 1995;16(2):93-9.

5. Ministre de la Santé. La lutte contre le tabagisme : un plan directeur pour protéger la santé des canadiens et canadiennes. Ottawa: Santé Canada, 1995; Cat H49-100.

6. Statistique Canada. L'Enquête sociale générale de 1991, cycle 6 : santé. Fichiers de microdonnées à grande diffusion et guide de l'utilisateur. Ottawa, 1992.

7. Statistique Canada (Division des statistiques sur la santé). Enquête nationale sur la santé de la population, 1994-1995. Fichiers de microdonnées à grande diffusion et guide de l'utilisateur. Ottawa, 1995.

8. Rice DP, Hodgson TA, Sinsheimer P, Browner WS, Kopstein AN. The economic costs of the health effects of smoking-1984. Milbank Q 1986;64(4):489-547.

9. Shultz JM, Novotny TE, Rice DP. Quantifying the disease impact of cigarette smoking with SAMMEC II software. Public Health Rep 1991;101:148-53.

10. MacMahon B, Cole P. Attributable risk percent in case-control studies. Br J Prev Soc Med 1971;25:242-4.

11. Collishaw NE, Myers G. Dollar estimates of the consequences of tobacco use in Canada, 1979. Can J Public Health 1984;75:192-8.

12. Bertera L. The effects of behavioural risks on absenteeism and health-care costs in the workplace. J Occup Med 1991;33(11):1119-23.

13. Dumas J, réd. Viellissement de la population et personnes agées : la conjoncture démographique. Ottawa: Statistique Canada, 1993; Cat 91-533F.

14. American Cancer Society. Cancer Prevention Study II, 1982-1988 [tableaux non publiés]. Atlanta (GA).

15. Statistique Canada. L'Enquête sociale générale de 1991, cycle 6 : santé [tableaux non publiés]. Ottawa (Ont).

16. Statistique Canada (Centre canadien d'information sur la santé). Mortalité, liste sommaire des causes, 1991. Ottawa, 1993; Cat 84-209.

17. Statistique Canada (Division des statistiques sur la santé). La morbidité hospitalière, 1991/92 [tableaux non publiés]. Ottawa, 1994.

18. Statistique Canada (Centre canadien d'information sur la santé). La statistique hospitalière, rapport annuel préliminaire, 1991/92. Rapports sur la santé 1993;5(3):250. (Cat 82-003).

19. Statistique Canada (Division des statistiques sur la santé). La morbidité hospitalière, 1991/92. Ottawa, 1994; Cat 82-216.

20. Statistique Canada (Centre canadien d'information sur la santé). La statistique hospitalière, 1991/92. Rapports sur la santé 1993;6(2):313-4. (Cat 82-003).

21. Randhawa J. La morbidité hospitalière, 1991/92. Rapports sur la santé 1993;5(4):355-61. (Statistique Canada Cat 82-003).

22. Santé et Bien-être social Canada. Enquête Promotion de la santé Canada 1990 [tableaux non publiés]. 1992 mars.

23. Tully P, Mohl C. Résidents âgés des établissements de santé. Rapports sur la santé 1995;7(3):27-30. (Statistique Canada Cat 82-003).

24. Statistique Canada. Enquête nationale sur la santé de la population, 1994-1995 [tableaux non publiés]. Ottawa, 1996 févr.

25. Statistique Canada (Centre canadien d'information sur la santé). Établissements de soins spéciaux pour bénéficiares internes, 1992/93. Rapports sur la santé 1993;6(2):315. (Statistique Canada Cat 82-003).

26. Ghalam NZ. Les femmes sur le marché du travail. 1993:35-42; Statistique Canada Cat 71-534F.

27. Association of Canadian Fire Marshals and Fire Commissioners. Fire losses in Canada: annual report, 1991. Ottawa, 1991:25.

28. Santé Canada. Dépenses nationales de santé au Canada, 1975-1994. Rapport sommaire. Ottawa, 1996; Cat H21-99/1994-2.

29. Rice DP, Max W. The cost of smoking in California, 1989. Sacramento (CA): California State Department of Health Services, 1992.

30. Centers for Disease Control. Medical-care expenditures attributable to cigarette smoking-United States, 1993. Morb Mortal Wkly Rep 1994;43(25):469-72.

31. Smith A. The estimated cost of certain identifiable consequences of cigarette smoking upon health, longevity, and property in Canada in 1966. Ottawa: Department of National Health and Welfare, 1968.

32. Shillington ER. Selected economic consequences of cigarette smoking. Ottawa: Santé et Bien-être social Canada, 1977.

33. Luce BR, Schweitzer SO. The economic costs of smoking induced illness. Dans: Research on smoking behavior. Jarvik ME, et al, réds. Rockville (MD): National Institute on Drug Abuse, US Public Health Service, 1977:221-7; Research Monograph 17.

34. Thompson ME, Forbes WF. Costs and "benefits" of cigarette smoking in Canada. Can Med Assoc J 1982;127(11):831-2.

35. Raynauld A, Vidal J-P. Smokers' burden on society: myth and reality in Canada. Can Public Policy 1992;XVII(3):300-17.

36. Ministre des Finances. Buget en bref. Ottawa: Ministère des Finances, 1996 mars 6.

37. Warner KE. Health and economic implications of a tobacco-free society. JAMA 1987;258(15):2080-6.

38. Statistique Canada. Recueil statistique des études de marché, 1995. Ottawa, 1995; Cat 63-224.

39. Statistique Canada. Revenue après impôt, répartition selon la taille du revenu au Canada, 1991. Ottawa, 1993:21; Cat 13-210.

40. Tengs TO, Adams M, Pliskin JS, Safran DG, Siegel JE, Weinstein MC, et al. Five-hundred life saving interventions and their cost-effectiveness. Risk Anal 1995;15(3):369-90.  


[Précédente] [Table des matières] [Prochaine]

Dernière mise à jour : 2002-10-29 début